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Saladin, le plus Pur Héros de l'Islam

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    La possession de la vallée du Nil

    Vallee-Nil Les Chrétiens et les Musulmans se disputent la possession de la vallée du Nil
    Saladin, de son vrai nom était Yousouf. Saladin est l'adjonction de Salah ed-Dîn, « Le bon ordre de la religion. » Dans les chroniques des croisades occidentales, on le trouve sous le nom de Saif ed-Dîn, « le glaive de la religion », devenu Saphadin.

    Shirkuh emmenait avec lui son neveu, Saladin, adolescent effacé et timide qu'il désirait instruire dans le décevant métier du commandement des hommes et soustraire peut-être à l'influence pernicieuse de la cour de Damas. Jusqu'alors, Saladin n'avait guère été remarqué. Il était né en 1138 à Takrit, humble hameau situé sur la rive droite du Tigre, en plein pays kurde, ancien siège d'un évêché jacobite, dont la population, jusqu'aux premiers siècles de l'Islam, était en grande partie chrétienne. Son père avait émigré à Bagdad. Là, un de ses amis, influent à la cour des Turcs Seldjoukides, lui avait fait obtenir le poste de gouverneur de la forteresse de sa ville natale. Il fut ensuite nommé gouverneur de Baalbek où il fonda un couvent de sûfis, pieux musulmans se réclamant des premiers débuts ascétiques de l'Islam contre le sensualisme spirituel de certains théologiens. C'est dans l'antique cité où fut bâti le temple monumental de Jupiter Héliopolitain que Saladin fut élevé, recevant l'enseignement des sûfis qui recommandaient de mépriser tout ce qui est terrestre, de diriger son âme vers ce qui seul demeure, l'Être divin, de se dépouiller, de se dégager de l'apparence de l'existence personnelle pour parvenir à s'associer à l'existence divine, la seule réelle, « de s'enivrer de la boisson stupéfiante de la beauté de la lumière divine. » Saladin s'imprégna de cette philosophie et, pendant tout le reste de sa vie, il devait se souvenir des enseignements qu'il avait reçus au couvent de Baalbek. Malgré les soucis et les tentations du pouvoir, il cherchera toujours à atteindre cet état de grâce dans l'amour de Dieu, il poursuivra cet idéal de perfection de l'âme humaine qu'est le sufisme, il imposera autour de lui les pratiques d'une ascèse qui lui permettra « de ressembler à Dieu, de s'absorber en Dieu. » Il étudia les plus célèbres poètes arabes sûfis qui avaient écrit: « Purifie-toi de tout attribut du moi, afin de percevoir ton essence brillante. » « Laissez-moi devenir inexistant, car la non-existence me crie avec les accents d'un orgue: c'est à Lui que nous retournons. » « Aperçois dans ton cœur la connaissance du Prophète sans livre, sans maître, sans instructeur. » Son esprit, enrichi par de telles méditations, n'oubliera jamais ce qu'il devait au sufisme qui l'inspira et l'éclaira au cours de sa vie politique.

    A l'âge de dix-sept ans, Saladin accompagna son père, nommé gouverneur de Damas, à la cour de Nûr ed-Dîn. Il ne joua aucun rôle dans l'entourage du sultan. L'émir Usâma, qui vivait à cette époque, ne le connaissait même pas. Le jeune Saladin compléta à Damas son éducation et ses maîtres, après ceux de Baalbek, s'employèrent à lui inspirer un attachement superstitieux aux pratiques de sa religion et la haine des chrétiens. D'humeur pacifique, rien ne faisait alors prévoir ce qu'allait être son étonnante fortune. Il n'apparaît en lumière pour la première fois que lorsque, « malgré sa répugnance », comme l'affirme l'un de ses historiens, Abu Shâma, son oncle Shirkûh décida de le prendre avec lui lors de son expédition en Egypte.

    Ce qui motivait, dans la pensée de Nûr ed-Dîn, l'envoi d'un corps expéditionnaire syrien dans la vallée du Nil, ce n'était pas tant l'attrait des richesses fabuleuses qui affluaient au Caire, ni les appels d'un ministre destitué qui, pour reconquérir le pouvoir, offrait au sultan de Damas en échange de son appui un tiers des revenus de l'Egypte, mais le souci de préserver l'Islam des menées chrétiennes dans ce pays. Car il avait appris, non sans stupeur, que le roi de Jérusalem venait de signer un traité d'alliance avec le califat fatimide du Caire et qu'une troupe assez nombreuse d'Hospitaliers, payée mille dinars par étape, marchait vers l'antique empire des Pharaons. Le roi de Jérusalem poursuivait une politique singulièrement maladroite en s'engageant ainsi dans une affaire qui demandait, pour la mener à bien, du temps et des hommes. Il ne pouvait pas espérer se maintenir en Egypte alors que les États chrétiens de Syrie tremblaient chaque jour sous les coups répétés de Nûr ed-Dîn. Par quelle aberration Amaury le 3e, dont le royaume avait besoin de paix pour se fortifier, envoya-t-il des chrétiens défendre le trône d'un Infidèle ? Cette politique d'influence à longue échéance n'eût point été blâmable, bien au contraire, si les Croisés, solidement installés en Terre Sainte, avaient pu s'offrir impunément le luxe d'une expédition en Egypte. Tel n'était point le cas. Et que devenait, au surplus, le prestige des Croisades lorsque le roi très chrétien de Jérusalem envoyait des Francs combattre et mourir sous les ordres d'un grand vizir musulman ?

    Nûr ed-Dîn avait pris soin de faire légitimer son action contre les Fatimides par le calife de Bagdad. Le messager qu'il lui expédia avait été chargé de démontrer au commandeur des croyants que, sous le gouvernement des Fatimides, le peuple persistait à souhaiter secrètement de revenir à la confession orthodoxe, et qu'en chassant cette dynastie d'imposteurs qui n'hésitaient pas à s'associer aux pires ennemis de l'Islam, il aurait la gloire d'être le représentant indiscutable de l'islamisme, que son nom retentirait dans toutes les mosquées, et que la véritable doctrine musulmane serait à nouveau enseignée dans les écoles de l'Egypte. Le calife de Bagdad avait approuvé des raisons aussi bien fondées. Depuis longtemps, il désirait détruire jusqu'en ses racines cette dynastie concurrente qui compromettait l'unité morale de l'Islam et lui disputait la qualité de premier imam, seul représentant du Prophète. Il avait donc encouragé Nûr ed-Dîn et promis les délices du paradis de Mahomet aux deux mille cavaliers syriens et aux six mille Turcs heureux de se battre et rassemblés sous les étendards du sultan de Damas.

    Le roi de Jérusalem traversa le désert du Sin et arriva avec ses chevaliers Hospitaliers le Ier novembre 1168 devant Bilbis. Après avoir demandé à l'émir commandant la place où il pourrait faire camper son armée, celui-ci lui aurait vertement répondu: « Campe sur la pointe de nos lances. » Amaury donna l'ordre de l'attaque et, trois jours après, Bilbis était prise. Les habitants furent passés au fil de l'épée. Les vainqueurs ne respectèrent même pas les chrétiens qui y étaient établis. « Nos gens, raconte Guillaume de Tyr, entrèrent dans la ville et ils n'épargnèrent ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards. » De tels actes de cruauté inutile suscitèrent la réprobation des Égyptiens. « Si les Francs, écrit Abu Shâma, s'étaient conduits avec humanité à l'égard des habitants de Bilbis, ils se seraient emparés sans difficulté du Caire. » Le résultat politique de ce massacre fut déplorable: les hommes prirent les armes pour défendre leur patrie et ils chassèrent la garnison franque du Caire que le ministre félon du calife fatimide y avait introduite. Le gouverneur du Caire fit incendier le faubourg de Fûstat pour protéger la capitale que les chrétiens s'apprêtaient à investir. Le 22 novembre 1168, la vieille cité militaire flamba. L'incendie dura cinquante-quatre jours. Amaury put contempler ce spectacle: « Vois-tu la fumée qui monte vers le ciel ? lui demanda Shams al Khilâfa. C'est Fustât qui brûle. Avant de venir ici j'ai fait allumer vingt mille pots de naphte et jeter dix mille torches dans la ville. » Et pendant qu'Amaury attendait que les cendres de la ville fussent refroidies pour pouvoir passer, Le Caire organisait sa défense. En outre, le calife fatimide El Adid, qui avait pourtant signé un traité d'alliance avec le roi de Jérusalem, s'inquiétait subitement des projets de son ami qui, pour le protéger, se conduisait en vandale, et, sortant de sa torpeur, il écrivit à Nûr ed-Dîn en lui envoyant des cheveux des femmes de son harem. « Voilà, lui mandait-il, les vœux des esclaves de mon sérail qui implore votre miséricorde. » Le langage du calife versatile n'était guère énergique, mais le sultan de Damas comprit que le danger était pressant. Tandis que son maître faisait ainsi secrètement appel à l'intervention syrienne, son premier ministre, plus retors que jamais, cherchait à gagner du temps et affirmait au roi de Jérusalem, la main sur le cœur, qu'il préférait voir l'Egypte au pouvoir des chrétiens plutôt qu'en celui de Nûr ed-Dîn. Il ajoutait à demi-mot que le peuple avait douloureusement ressenti les malheurs de Bilbis, qu'il pouvait avec peine contenir sa fureur et empêcher qu'il n'appelât à sa délivrance les Syriens et que, somme toute, il serait plus avantageux pour les chrétiens de signer une nouvelle convention avec lui. Sachant à qui il s'adressait, il promit à Amaury tout l'or se trouvant en Egypte. Et comme il avait pris soin d'acheter le consentement de quelques hauts barons, le marché fut conclu avec le roi de Jérusalem plus avide d'argent que de gloire. Amaury abandonna donc son projet d'installer un protectorat franc au Caire et il alla camper dans les environs de Bilbis avec ses chevaliers dans l'attente des mirifiques caravanes chargées d'or. Pendant ce temps, Saladin et son oncle arrivaient en Egypte.

    Le ministre du calife du Caire s'était joué d'Amaury. Comme ce dernier s'impatientait de ne pas voir arriver la caravane promise, il prétextait qu'il lui fallait du temps pour lever des impôts dans les régions les plus inaccessibles. Il lui adressait de belles protestations d'amitié, ainsi que des rafraîchissements et de menus cadeaux: « Prenez patience, lui mandait-il, ô noble et grand roi. Laissez à mes esclaves le temps d'exploiter les mines d'or de Basse-Nubie, ainsi que les mines d'émeraudes situées dans le désert, entre Keft et Assuan. » Et, tandis que le roi de Jérusalem, confiant et nigaud, attendait ses innombrables sacs de pièces d'or et de pierres précieuses en se réjouissant avec ses barons, il apprend que la flotte que lui avait promise l'empereur de Byzance a été fortement éprouvée par la flotte égyptienne, que Le Caire est remplie de troupes, que les fortifications de la ville ont été consolidées, qu'une armée syrienne vient de franchir les frontières de l'Egypte. Il comprend qu'il a été berné par les Infidèles prometteurs de caravanes, que son prestige et celui des chrétiens est sérieusement compromis par cette aventure et qu'il ne lui reste qu'une issue: quitter l'Egypte car il ne peut raisonnablement pas espérer battre à la fois les Turcs de Nûr ed-Dîn, les Syriens de Saladin et les Égyptiens de son ami le calife du Caire. Il évacua donc cette riche vallée du Nil qu'il avait convoitée, et reprit le chemin de Jérusalem, évitant Saladin. Il eut la malhonnêteté de reprocher l'échec de cette campagne à ceux qui ne lui avaient pas déconseillé de l'entreprendre. En tout cas, l'espérance d'un protectorat franc en Egypte était définitivement écartée.

    Au Caire, le 8 janvier 1169, Shirkûh fut reçu comme un libérateur. Des réjouissances publiques furent ordonnées. Le calife fatimide fit bonne figure aux envoyés du sultan de Damas que, s'ils avaient été les moins forts, il eût volontiers combattus en compagnie du roi de Jérusalem. Shirkûh fut comblé d'honneurs. Cette gloire bruyante rejaillit naturellement sur son neveu regrettant déjà beaucoup moins, en ces jours de triomphe, les fastes de la cour de Damas et ses chères études théologiques. Cependant, après les embrassades d'usage et les protestations d'amitié dont le lyrisme ne le cédait à nul autre, Shawar, premier ministre du calife, s'alarmait des succès du Kurde tant auprès de son maître que de la population. Il comprenait que son étoile allait pâlir auprès de celle, jeune et nouvelle, qui se levait sur l'Egypte. D'autant plus que Shirkûh, fidèle à la mission qu'il avait secrètement reçue de Nûr ed-Dîn, s'employait au profit des Syriens. Il achetait le concours des officiers du calife et des principaux notables du Caire. Il faisait soigneusement entretenir sa popularité et celle de son inséparable neveu par les poètes à gages qui pullulaient, comme sauterelles dans le désert, à la porte des grands. Ces honneurs, ces fêtes, ces allées et venues chez le calife assombrirent à ce point le caractère de l'infortuné Shawar qui voyait décliner son pouvoir qu'il résolut de se débarrasser de son rival. Il choisit la manière élégante et traditionnelle: le banquet. Il mit dans le secret de ses coupables intentions son fils aîné, que les chrétiens avaient épargné lors du massacre de Bilbis. Celui-ci refusa de s'associer au complot et, outré par tant de bassesse, il courut confier le projet de son père à Saladin. Saladin décida de supprimer définitivement l'encombrant personnage. Il comprit que Shawar ne serait jamais loyal avec personne. Il arrêta lui-même le vizir. Ce fut là son premier acte d'autorité. A peine cette bonne action était-elle connue au Caire qu'elle produisit un véritable soulagement. Les eunuques du palais se disputèrent pour couper la tête de Shawar et ils la promenèrent comme un trophée dans les souks du Caire. Telle fut la fin de ce coquin qui, pour conserver son vizirat, livra trois fois son pays aux ennemis de son maître et à ceux de sa religion.

    Shirkûh fut nommé grand vizir par le calife fatimide. Il ne profita pas longtemps des honneurs que lui valurent la fidélité et les services qu'il rendit à Nûr ed-Dîn. Il mourut deux mois plus tard. El Adid, sur le conseil d'un eunuque affranchi qui avait été nommé émir par Shirkûh, éleva Saladin à la dignité de premier ministre. Il est vrai qu'il lui confia ce poste non pas parce que Saladin pouvait justifier de mérites exceptionnels, mais parce qu'il espérait que cette nomination serait mal accueillie par les émirs syriens jaloux de la fortune de ce jeune inconnu de trente-deux ans. En faisant de Saladin son ministre, il entendait susciter des cabales, dresser les Syriens les uns contre les autres, et les chasser. En effet, il y eut des protestations, mais elles n'eurent aucune suite, car Nûr ed-Din reconnut immédiatement Saladin comme étant le seul commandant en chef des troupes syriennes en Egypte, outre sa qualité de grand vizir, en lui adressant ses félicitations.

    Une ère glorieuse allait commencer pour l'Islam. A partir de ce jour, Al Mâlik al Nasîr Salah ed-Dîn Yusûf allait être le grand Saladin. La puissance que lui avaient apportée des circonstances favorables trouva en lui un homme d'État particulièrement doué pour mener à bonne fin une tâche difficile. Bien que, jusque-là, il n'eût guère montré de penchant pour le métier des armes, à tel point que son oncle dut intervenir énergiquement pour qu'il consentît à l'accompagner en Egypte, et qu'il eût préféré au spectacle des champs de bataille et des chevauchées guerrières les calmes discussions théologiques, il se révéla un homme d'action, un chef prestigieux, un excellent administrateur. Il se consacra au travail avec assiduité. La voie qu'il devait suivre lui apparut clairement: rétablir la foi sunnite en Egypte, amener chacun à la stricte obéissance de la loi, combattre les chrétiens sans répit, assurer son pouvoir et celui de sa tribu, pratiquer une grandiose politique de reconstruction. Grâce à lui l'Islam va connaître un nouvel éclat qui rappellera les plus beaux jours des Abbassides ou des Ommeyades qui, de Bagdad ou de Damas, avaient apporté à l'Orient une civilisation éblouissante. Si Saladin put accomplir son œuvre, il ne faut pas oublier que Nûr ed-Dîn lui avait facilité la tâche. Il bénéficia en outre de la décadence du califat fatimide et des dissensions des Croisés. Il sut porter ses coups au moment opportun, profité des fautes de ses adversaires. Toute sa politique s'inspirera de cette conduite: agir. Il agira sans répit, sans cruauté.

    On n'a pas oublié que le calife El Adid, en faisant de Saladin son vizir, espérait que le jeune Syrien ne resterait pas longtemps au Caire. Les Égyptiens, une fois calmées les ardeurs de leurs premiers enthousiasmes, appréhendèrent la domination de cet étranger austère qui prétendait gouverner avec autorité, écraser les cabales, révolutionner l'appareil administratif, mettre de l'ordre dans un pays qui, depuis si longtemps, était devenu le paradis des aventuriers de toutes couleurs. Ils avaient appris, non sans stupeur, que le jour même de son accession au vizirat, sans prendre le temps de se réjouir avec ses intimes, Saladin avait fait publier un édit aux termes duquel toutes les administrations devaient être épurées. C'était porter le coup de grâce aux intrigues bureaucratiques si puissantes. Les mécontents chassés de leurs postes lucratifs reprochèrent à Saladin de vouloir amoindrir le prestige du califat fatimide et d'aspirer à la dictature. Il est à peu près certain que le nouveau ministre, se défiant d'El Adid et prévoyant toutes sortes de difficultés, entendait prendre la barre fermement et sans équivoque et travailler pour son propre compte. L'Egypte était tentante pour ce vizir de trente-deux ans.

    Sa poigne énergique n'ayant pas eu l'heur de plaire au personnel du palais qu'il venait de soumettre à un contrôle rigoureux, après quelques arrestations retentissantes, l'émeute gronda. Les gardes noirs, les Nubiens, les Abyssins se révoltèrent, sous la conduite d'un eunuque, Al Mutanem al Khilafâ, qui faisait la loi dans le sérail et dans les souks du vieux Caire. Al Mutanem, sans doute secrètement encouragé par son maître versatile, proposa aux chrétiens de se tenir prêts à envahir l'Egypte lorsqu'ils apprendraient que la garde noire, appuyée par les hauts fonctionnaires de l'administration centrale, se serait soulevée. Les Nubiens devaient exterminer la garnison syrienne du Caire et assassiner le nouveau vizir. Mais le courrier qu'il expédia à Jérusalem fut arrêté, soumis à la torture, et la trahison découverte. Al Mutanem fut décapité. En apprenant cette nouvelle, cinquante mille Égyptiens coururent assiéger le palais du vizirat, au nord du Caire, hurlant des imprécations contre Saladin. Mais celui-ci se souciait fort peu de leurs menaces et il fit charger ses troupes syriennes. La lutte fut dure. On se battit de rue en rue et on fut impitoyable de part et d'autre. Le massacre dura quarante-huit heures. L'historien arabe Ibn al Athir nous a laissé le récit de ces journées tragiques: « Chaque quartier où les rebelles se réfugiaient fut incendié. Les femmes et les enfants grillaient comme des volailles parmi les cadavres qui s'amoncelaient. » Les casernes des contingents arméniens furent également brûlées, ensevelissant sous leurs décombres les malheureux qui pourtant n'avaient point participé à cette émeute. Enfin, l'ordre fut rétabli. Mais l'alerte avait été inquiétante. Et lorsque Saladin fit son rapport au calife fatimide, celui-ci, après avoir feint la surprise, comprit que son ministre n'avait pas l'intention de se laisser intimider par les parvenus du harem et autres mécontents, mais qu'il prétendait s'installer solidement au Caire et ne confier à personne d'autre que lui le soin de gouverner. Sans doute trop heureux de n'avoir point été soupçonné dans cette affaire — il avait pourtant, dit-on, fourni le poignard à celui qui devait assassiner Saladin si le complot avait réussi, il accorda les pleins pouvoirs à son ministre et n'osa plus broncher.
    Sources: Saladin le plus pur Héros de l'Islam — d'Albert Champdor — Editions Albin Michel; 1956

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