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Chronologie de l'Islam d'Orient
La naissance de lempire islamique: 622-661 après Jésus-Christ— 622: Fondation, par Mohammad, du premier Etat islamique à Médine ; début de lère musulmane.
— 632: Mort de Mohammad ; Aboû-Bakr est élu calife (khalîfa, « successeur »); soumission de lensemble de lArabie à lIslam.
— 634: Omar est élu calife ; la capitale de lEtat islamique demeure Médine.
— 635: Conquête arabe de Damas, en Syrie byzantine ; victoire des Arabes contre les Perses sassanides à la bataille de Qâdesiyeh, en Mésopotamie.
— 637: Conquête arabe de Jérusalem, en Palestine byzantine.
— 639: Conquête arabe de lEgypte byzantine.
— 641: Othmân (Osman) est élu calife à Médine; il commandera une récension définitive du Coran.
— 651: Effondrement de la Perse sassanide ; les Arabes atteignent Hérât, alors capitale du royaume indépendant, mais culturellement très iranisé, des Huns Blancs ou « Hephtalites », grands protecteurs du bouddhisme dans la région afghane.
— 656: Alî, gendre du Prophète, proclamé calife par les troupes arabes en Mésopotamie.
— 661: Guerre civile entre les conquérants ; Alî meurt assassiné ; Moâwiya, chef du clan des Omeyyades, proclamé calife par les troupes arabes en Syrie ; Damas devient la capitale de lEmpire ; les membres du « parti » (en arabe, shîa doù « chiites ») de Alî, alors surtout nombreux en Irak, entrent en dissidence ; début de la scission entre « sunnites » (Sunna = « tradition »), qui reconnaissent la légitimité des califes Aboû-Bakr, Omar, Othmân (et aussi celle de Alî), puis celle de Moâwiya, et les « chiites » qui récusent tous ces califes autres que Alî, pour affirmer la seule légalité de la succession califale dans la lignée familiale du Prophète à travers son gendre Alî. Le chiisme, dont les rameaux se partageront plus tard entre « chiites des douze » (qui reconnaissent douze imâms légitimes à se succéder à partir de Alî) et « chiites des sept » ou « ismaéliens » (dont la lignée dimâms se détache à partir de limâm Ismâîl ou Esmâîl, septième successeur de Alî), se dotera, par la suite, dune riche théologie.
II Le califat omeyyade de Damas: 661-750
— 661: Avènement à Damas, promue capitale, de Moâwiya, premier calife omeyyade.— 670: Les Arabes atteignent la Tunisie, alors territoire byzantin ; fondation de Kairouan.
— 680: Califat de Yazîd Ier ; écrasement des insurgés chiites, par les troupes omeyyades, à Karbalâ, en Irak ; mort sur le champ de bataille du fils de Alî, al-Hosayn ; Karbalâ devient ville sainte pour les chiites.
— 684-685: Califat de Marwân Ier.
— 685-705: Califat de Abd al-Malik ; larabe remplace le grec et le moyen-perse dans la haute administration ; Abd al-Malik abolit la représentation figurative du calife régnant sur les monnaies, et toute image dans les nouveaux sanctuaires de la Foi: Coupole du Rocher à Jérusalem, Grande Mosquée des Omeyyades à Damas ; naissance de la décoration abstraite musulmane, à partir de modèles végétaux et géométriques byzantins.
— 705-715: Califat de Walîd Ier ; fresques et mosaïques figuratives dans ses palais et pavillons de chasse, à partir de modèles byzantins ; naissance de lart figuratif musulman, pleinement admis à la cour, mais banni des sanctuaires.
— 711: En Occident, les musulmans passent du Maroc en Espagne ; en Orient, ils atteignent lIndus.
— 715-717: Califat de Solaymân.
— 717: Léon III devient empereur à Byzance ; les images, admises à la cour de Constantinople pour célébrer lempereur, sont cependant désormais bannies des sanctuaires: début de la crise « iconoclaste » ; le prélat orthodoxe Jean Damascène, dit « Mansoûr » en arabe, en sécurité à Damas sous la protection des califes, défend le culte des icônes contre les empereurs dits « iconoclastes » de Byzance.
— 732: Les Francs arrêtent la progression des musulmans dEspagne à Poitiers.
— 749-750: Révolte des provinces orientales nouvellement converties Transoxiane, Iran, Irak — contre le monopole du pouvoir détenu par les Arabes de Syrie ; les révoltés suivent la bannière noire du clan des Abbâssides, de la famille dal-Abbâs, oncle du Prophète.
— 750: Mort du dernier calife omeyyade, Marwân II, contre les Abbâssides. Transfert du pouvoir de Syrie en Irak. A la nouvelle cour abbâsside en Mésopotamie, les influences perses sassanides prédominent, de plus en plus, sur celles héritées de Byzance (mais sans les abolir): naissance de la civilisation classique de lIslam, synthèse des cultures et des héritages des mondes arabe, hébraïque, byzantin, perse et indien.
III Le califat abbâsside de Baghdâd: première période: 750-1055
— 750-754: Le calife as-Saffâh pourchasse et extermine les Omeyyades.— 751: Heurts en Asie Centrale entre musulmans et chinois à la bataille de Talas près de Samarcande ; des artisans chinois captifs auraient enseigné, aux musulmans, le secret de la fabrication du papier à base de chiffons ; le papier remplacera progressivement partout, en Islam, à partir du tournant des VIIIe et IXe siècles, le papyrus, le parchemin et le vélin ; les chrétiens occidentaux emprunteront son usage aux musulmans dEspagne à partir du XIIe siècle.
— 754: Avènement du calife al-Mansoûr ; le scribe iranien converti, Rôzbeh ibn al-Moqaffa, traduit en arabe pour le nouveau calife les fabliaux animaliers, dorigine indienne, de Kalîla et Dimna, texte favori des enlumineurs musulmans ; essor de la prose artistique arabe.
— 756: Indépendance de lémirat de Cordoue, sous un prince qui se proclame un authentique Omeyyade rescapé du massacre ; début de léclatement de lEmpire islamique.
— 757: Le traducteur des fabliaux indiens, Rôzbeh ibn al-Moqaffa, mis à mort en Irak sur soupçon dhérésie manichéenne.
— 762: Al-Mansôur transporte la capitale abbâsside à Baghdâd (en perse, « la Dieu-donnée »), sur le site dun ancien village sassanide. Les répresentations figuratives des califes dépeignent désormais ceux-ci dans lattitude et revêtus des attributs des anciens souverains sassanides.
— 775-785: Califat dal-Mahdî. Persécutions contre les manichéens en Mésopotamie et en Syrie, dont linfluence intellectuelle demeure cependant très vive auprès des élites.
— 785-786: Califat dal-Hâdî.
— 786: Limpératrice Irène, à Constantinople, rétablit le culte orthodoxe des icônes ; fin de la « crise iconoclaste » à Byzance.
— 786-809: Califat de Hâroûn ar-Rashîd ; zénith du pouvoir politique de Baghdâd ; échanges dambassades avec Byzance et Charlemagne.
— 809-813: Califat dal-Amîn.
— 810-870: Vie dal-Bokhârî, théologien né à Bokhârâ (actuel Ouzbékistan), mort à Baghdâd ; dans un canon « authentique » (Sahîh), il réunit les « Dits » ou hadîth attribués au Prophète, dont ceux qui condamnent lart figuratif.
— 813-833: Califat dal-Mamoûn ; fondation de la « Maison de la Sagesse » à Baghdâd, nombreuses traductions en arabe de textes grecs philosophiques, cosmologiques et médicaux ; adaptation et élaboration des mathématiques indiennes (invention de lalgèbre) ; nombreux échanges dambassades avec Byzance ; zénith de la civilisation abbâsside ; essor de la mystique musulmane ou « soûfisme. »
— 831: Conquête musulmane de Palerme, menée par les Aghlabides, gouverneurs abbâssides de Tunisie.
— 838-923: Vie de Tabarî, théologien et historien né dans le Tabarestân (nord iranien), mort à Baghdâd ; rédige, en arabe, un vaste commentaire du Coran, et une chronique universelle qui veut illustrer la convergence des histoires des rois-prophètes dIsraël et des grands rois sassanides pour aboutir à la révélation mohammadienne et à linstauration du califat.
— 875: Résurgence dun émirat autonome iranien à Bokhârâ, celui des Sâmanides (sunnites) qui se reconnaissent, cependant, vassaux des califes de Baghdâd ; début de la résurrection littéraire de la langue persane, désormais transcrite en caractères arabes, à parité avec larabe dans les cours de lIslam dOrient.
— 909: Proclamation, en Tunisie révoltée, dun contre-califat chiite (tendance ismaélite), celui des Fâtimides.
— 929: Lémirat de Cordoue se proclame un califat (sunnite). Lart figuratif de Cordoue (notamment ses ivoires sculptés) reflète les modèles baghdâdiens eux-mêmes issus de modèles sassanides.
— 932: Les califes de Baghdâd réduits au statut de « protégés » dune famille princière chiite iranienne, les Boûyides.
— 963: Balamî, vizir sâmânide à Bokhârâ, traduit Tabarî en persan ; début de leffloraison de la littérature persane, à parité avec larabe, en Islam dOrient.
— 969: Les Fâtimides conquièrent lEgypte ; fondation du Caire ; le monde islamique désormais partagé entre trois califats: Cordoue (sunnite), Le Caire (chiite ismaélite), Baghdâd (sunnite, mais sous protectorat chiite, et désormais le plus faible des trois).
— 998-1030: Règne à Ghaznî, dans le Sud-est afghan actuel, du sultan Mahmoûd, premier grand souverain turc (sunnite), vassal formel du calife de Baghdâd ; conquêtes en Inde jusquau Pandjâb; rédaction à Ghaznî, en persan, du « Livre des rois » (Shâh-Nâmeh) du poète Ferdawsî, qui sera lun des textes préférés des enlumineurs musulmans dOrient ; travaux philosophiques et scientifiques dal-Bêroûnî à Ghaznî, et dIbn Sînâ (« Avicenne ») à Bokhârâ et à Ispahan ; dans lart figuratif de Ghaznî (métaux ciselés et fresques) prédomine toujours la manière héritée des Sassanides.
— 1030: En Occident, éclatement du califat de Cordoue entre roitelets hispano-musulmans.
— 1055: Les Turcs seldjoukides, issus des territoires de lactuel Turkménistan, imposent leur protectorat sur Baghdâd et deviennent maîtres du Proche-Orient. De nombreux clans turcs essaiment vers le Proche-Orient.
IV Le califat abbâsside de Baghdâd: deuxième période, le protectorat turc: 1055-1220
— 1055: Maîtres de Baghdâd, les Turcs seldjoukides cherchent à rétablir, à travers leur empire, le « sunnisme » ou orthodoxie islamique ; parité littéraire de larabe et du persan.— 1066: Conquête de lAngleterre par le duc Guillaume de Normandie ; montée de la puissance des Normands, véritable contre-partie occidentale de celle des Seldjoukides ; de manière très similaire à lusage du persan, promu langue des princes par rapport à larabe, resté idiome de la liturgie, parmi les Seldjoukides, essor littéraire du français, devenue langue des chevaliers, par rapport au latin, demeuré idiome liturgique, dans le royaume anglo-normand (un trouvère aurait chanté une version de la « Chanson de Roland » devant les armées du duc Guillaume, tout comme les poètes de cour chantent, en persan, le « Livre des rois » de Ferdawsî devant les sultans turcs de Ghaznî à Konya).
— 1071: Les Turcs seldjoukides écrasent larmée byzantine à Manzikert et sengouffrent en Anatolie. De nombreux clans turcs sinstallent en Anatolie qui devient, linguistiquement, une « Turquie » ; la langue de cour du sultanat seldjoukide demeure toutefois le persan, comme le français celle du royaume anglo-normand.
— 1072-1092: Règne du sultan seldjoukide Malek-Shâh ; apogée de la puissance turque seldjoukide, étendue de lAnatolie et de la Syrie jusquà Hérât et lactuel Turkménistan ; écrits théologiques et mystiques en arabe et en persan dal-Ghazâlî (« Algazel »), poésie persane de Omar Khayyâm.
— 1085: Contre-offensive de la chrétienté latine en Occident: prise de Tolède par les Castillans, et de Syracuse par les Normands.
— 1095-1099: Contre-offensive de la chrétienté latine en Orient: Première Croisade des chevaliers francs, prise de Jérusalem ; apogée de la puissance normande, de Londres à Palerme et à Antioche ; duel méditerranéen entre Normands et Seldjoukides.
— 1126-1152: Raymond de Sauvetât, archévêque français de Tolède, préside à la traduction massive, de larabe en latin, douvrages philosophiques, médicaux, algébriques, astronomiques et alchimiques ; introduction du papier en chrétienté occidentale ; influences hispano-arabes sur larchitecture romane au Puy, à la Charité et à Vézelay ; à Paris, reconstruction de la basilique de Saint-Denis dans le nouveau style gothique.
— 1150: Montée, en Asie centrale, du sultanat sunnite des Ghôrides, montagnards tâdjîks du Ghôr, arrière-pays de Hérât.
— 1157: Mort du dernier des grands sultans seldjoukides, Sandjar, à Merv (actuel Turkménistan) ; désintégration de lempire seldjoukide en Asie Centrale et en Iran, mais la dynastie règne toujours, prospère, en Anatolie, sous les sultans de Konya ; à Ghaznî, poésie persane mystique de Sanâî.
— 1171: Lofficier kurde Salâh-ad-Dîn (« Saladin ») renverse le califat chiite ismaélite des Fâtimides au Caire, et y rétablit lorthodoxie sunnite.
— 1174: Saladin devient maître de la Syrie, et prend en tenailles le royaume croisé de Jérusalem.
— 1175: Herât devient la capitale des sultans ghôrides.
— 1187: Saladin chasse les Croisés de Jérusalem.
— 1192: Les Ghôrides conquièrent Delhi et règnent sur un empire étendu de Hérât au Gange.
— 1198: En Occident musulman, mort du philosophe andalou Ibn Roshd (« Averroès ») à Marrakech ; départ du mystique andalou Ibn Arabî pour lOrient (il enseignera à Konya en 1205, et mourra à Damas en 1240).
— 1200: Les Ghôrides construisent la Grande Mosquée de Hérât.
— 1206: Déclin ghôride. Delhi devient un sultanat indépendant.
— 1207: Chute des Ghôrides ; Hérât conquise par Mohammad Khwârazm-Shâh (le Khwârazm correspond à lactuel Turkménistan) qui étend sa puissance, aux dépens de celle des Ghôrides de Hérât, à travers lAsie Centrale.
— 1212: En Occident musulman, victoire de la chevalerie castillane à la bataille de Las Navas de Tolosa ; effondrement politique et militaire de lIslam andalou.
— 1180-1220: En Orient musulman, le calife abbâsside an-Nâsir li-Dîn Allâh, qui ne règne de manière effective que sur Baghdâd et ses environs mais dont la suzeraineté symbolique est encore reconnue par tous les sultanats sunnites dAsie, promeut une brillante renaissance culturelle dans lancienne capitale califale ; le calife, dans un esprit profondément soûfî, réorganise les chartes des guildes, confréries et ordres de « chevalerie » (fotowwa) en Islam ; les années de son règne coïncident avec le zénith littéraire et mystique absolu de lIslam classique, tant en Occident dexpression arabe (Ibn Tofayl, Averroès, Ibn Arabî) quen Orient dexpression arabe et persane (Sohrawardî en prose, et, en vers, les poètes Attâr et Nezâmî, quillustrera notamment Behzâd) ; en Irak, production de somptueux manuscrits ; âge dor de la peinture de la Première Ecole de Baghdâd.
— 1206: Temoudjin réunit, dans le Gobi, les tribus mongoles, qui le proclament Tchenkkîz Khân, « universel seigneur. »
— 1211-1277: Les Mongols, sous Tchenkkîz Khân, conquièrent la Chine du Nord.
V Lère mongole et tîmoûride 1220-1507
— 1220-1221: Invasion mongole du royaume des Khwârazm-Shâh, qui comprend alors lensemble du Tadjikistan, de lOuzbékistan, du Turkménistan et de lAfghanistan actuels. Les Mongols conquièrent Bokhârâ et Samarcande, atteignent et détruisent Herât. Le second et dernier prince de la dynastie, Djalâloddîn Khwârazm-Shâh, résiste longuement dans les montagnes dAfghanistan oriental, vainc les Mongols à Parwân au nord de Kaboul, puis doit senfuir en Inde.— 1227: Mort de Tchenkkîz Khân ; avènement du Grand Khân Ögödeï.
— 1240-1241: Les Mongols, sous le Grand Khânat de Möngké, conquièrent Kiev et les principautés russes, écrasent la chevalerie polonaise à la bataille de Liegnitz puis celle de Hongrie à Mohi, et atteignent la côte adriatique devant lîle de Tran, en Croatie.
— 1243: Les Mongols, sous le Grand Khânat de Möngké, écrasent les Turcs seldjoukides dAnatolie à la bataille du Kösé-Dâgh (« le mont-chauve ») et imposent leur protectorat sur le sultanat de Konya ; poésie mystique en langue persane de Roûmî, à Konya.
— 1246: Le nouveau Grand Khân, Güyük, reconnaît la principauté vassale de Hérât, sous un souverain tâdjîk, Shamsoddîn, du clan local des Kart.
— 1258: Hülegü Khân, petit-fils de Tchenkkîz Khân, met Baghdâd à sac ; mort dans les flammes de son palais du dernier calife abbâsside, al-Mostasem Bi-llâh ; élégie sur la chute de Baghdâd par le plus grand conteur persan du XIIIe siècle, Sadî de Shîrâz, dont Behzâd illustrera Le Verger. »
— 1259-1260: Avènement du Grand Khân Qoubilây, petit-fils de Tchenkkîz Khân ; Qoubilây Khân installe le siège de son pouvoir à Pékin (où la dynastie mongole est appelée, en chinois, les Yüan); son cousin Hülegü Khân reconnaît la suzeraineté de Pékin et installe son propre pouvoir à Tabrîz: naissance du royaume des Mongols dOccident en terre dIslam, dit royaume des Îl-Khân ou « khâns vassaux. »
— 1260: Défaite des Mongols dOccident devant les troupes syriennes et égyptiennes à Ayn-Djâloût en Palestine ; arrêt de lexpansion mongole vers louest musulman; émergence du nouveau sultanat, dit des Mamloûk, en Egypte et en Syrie ; les peintures figuratives des manuscrits mamloûks prolongent, dans un style fossilisé, lancienne manière abbâsside.
— 1271-1287: Voyage jusquà la cour de Qoubilây Khân, à Pékin, du marchand vénitien Marco Polo ; départ par voie de terre depuis Saint-Jean-dAcre à travers la Syrie, lAnatolie, lIran, le nord afghan et lAsie Centrale chinoise, et retour maritime par lOcéan Indien et le Golfe, puis lIran et lAnatolie par voie de terre jusquà Trébizonde et par navire jusquà Constantinople et, de là, Venise.
— 1291: Conquête par les Mamloûks de Saint-Jean-dAcre, dernier bastion des Croisés en Palestine ; consolidation, face aux Îl-Khân maîtres de lIran, de lIrak et de lAnatolie, du sultanat mamloûk en Egypte et en Syrie.
— 1295: Conversion à lIslam de lÎl-Khân de Tabrîz, Ghâzân Khân, qui maintient toutefois des relations diplomatiques et culturelles étroites avec ses cousins de Pékin. A Hérât, lémir vassal Ekhtiyâroddîn Kart est autorisé à relever la citadelle.
— 1299: Le sultan afghan de Delhi, Alâ-od-Dîn Khildjî (Ghilzaï), repousse du Pandjâb une incursion des Mongols du clan des Tchaghatâï, suzerains en Transoxiane et en Afghanistan oriental ; zénith militaire, politique et culturel du sultanat afghan de Delhi, dont la langue de cour est le persan ; le poète Amîr Khosrô de Delhi, quillustrera Behzâd, adapte les narrations de Nezâmî pour la cour indo-musulmane.
— 1300: En Anatolie sous protectorat mongol, désintégration du sultanat seldjoukide ; naissance, aux frontières des dernières possessions byzantines en Anatolie, de lémirat ottoman. En Italie, année du jubilé papal ; date symbolique retenue par Dante pour sa vision de lautre monde.
— 1316-1335: Règne à Tabrîz du dernier des grands Îl-Khân, Aboû-Saîd ; renaissance culturelle dun empire mongol islamisé et iranisé ; poésie persane de Khwâdjoû Kermânî et chroniques en persan et en arabe de Rashîdoddîn Fazlollâh, dédiées au souverain ; production, pour lÎl-Khân Aboû-Saîd, de deux somptueux manuscrits en langue persane, les fabliaux de Kalîla et Dimna et « Le livre des rois« , illustrés selon la nouvelle manière influencée par la peinture chinoise.
— 1318: A Hérât, investiture du prince vassal Ghiyâsoddîn Kart par le pouvoir de Tabrîz.
— 1335: Eclatement de lempire des Îl-Khân ; le clan mongol occidental des Djalâyer fonde le sultanat d'« Irak » entre Tabrîz et Baghdâd ; à Kêsh près de Samarcande, naissance, dans le clan mongol turcisé des Barlâs, du prince Temür ou Tîmoûr, surnommé plus tard en persan Tîmoûr-é Lang ou « Tîmoûr le Boiteux », doù la forme française « Tamerlan. »
— 1346-1350: « La Peste noire » ravage lAsie, lAfrique du Nord et lEurope et tue peut-être un tiers des habitants de lancien monde.
— 1355: Les Ottomans semparent de Gallipoli, aux portes de Byzance, et passent en Europe.
— 1368: A Pékin, renversement des Mongols par la nouvelle dynastie chinoise des Ming.
— 1370: Tamerlan, à la tête du clan mongol turcisé des Barlâs, sempare du pouvoir à Samarcande (actuel Ouzbékistan) et à Balkh (nord afghan actuel), épouse une descendante de Tchenkkîz Khân pour revendiquer la légitimité impériale, et entreprend de réunir par la force les débris de lempire mongol (doù le nom « moghol », forme persane de « mongol », donné plus tard à ses descendants princiers à Kaboul et en Inde).
— 1374-1410: Règne à Tabrîz et à Baghdâd du plus raffiné des mécènes mongols islamisés, le sultan Ahmad Djalâyer ; épanouissement, en peinture, de la Seconde Ecole de Baghdâd.
— 1381-1383: Tamerlan conquiert, puis massacre Hérât.
— 1387: Tamerlan conquiert et massacre Ispahan ; à Shîrâz, la légende veut quil ait rencontré Hâfez, le plus grand poète lyrique persan du XIVe siècle. Tamerlan embellit Samarcande ; épanouissement de lart de la faïence darchitecture.
— 1389: Les Turcs ottomans écrasent les Serbes à la bataille de Kossovo Polyé.
— 1391: Tamerlan écrase ses cousins mongols islamisés dits de la Horde dOr, dans le sud des steppes russes.
— 1393: Première prise de Baghdâd par Tamerlan ; le sultan Ahmad Djalâyer senfuit chez les sultans mamloûks de Syrie et dEgypte, puis revient dans son royaume en 1394.
— 1396: Les Ottomans écrasent la coalition des chevaliers hongrois et français à Nicopolis, en Bulgarie, et consolident leur suprématie dans les Balkans.
— 1398: Tamerlan conquiert et massacre Delhi.
— 1401: Tamerlan soumet Damas et rencontre le grand historien maghrébin Ibn Khaldoûn, qui y séjournait ; Tamerlan reconquiert et massacre Baghdâd ; le maître-peintre de Baghdâd, Abd-ol-Hayy, déporté à Samarcande ; le sultan Ahmad Djalâyer se réfugie chez les Ottomans, mais reviendra dans Baghdâd dès le retour de Tamerlan à Samarcande, après la bataille dAnkara.
— 1402: Tamerlan écrase les Ottomans à la bataille dAnkara: leur puissance en Asie Mineure est ébranlée, mais pas dans les Balkans ; les royaumes chrétiens de lépoque voient cependant un répit miraculeux, dans le coup darrêt ainsi infligé par Tamerlan à ses coreligionnaires, dans lavancée irrésistible des Ottomans.
— 1405: Mort de Tamerlan à Otrar, au moment où il entreprend la conquête de la Chine.
— 1405-1447: Après les guerres de succession, règne de Shâh Rokh, fils de Tamerlan, à Hérât: premier âge dor de la Hérât tîmoûride ; Oulough-Beg, fils de Shâh-Rokh, exerce la régence à Samarcande et sintéresse à lastronomie (il périra en 1449, assassiné par son propre fils durant le renouvellement des guerres civiles après la mort de Shâh Rokh).
— 1410: Le clan turkmène dit du Mouton Noir, en Anatolie orientale, conquiert le royaume d'« Irak » de Tabrîz et Baghdâd ; mise à mort du sultan Ahmad Djalâyer ; les Turkmènes du Mouton Noir reconnaissent cependant la suzeraineté de Shâh Rokh à Hérât ; de nombreux peintres du sultan Ahmad gagnent la cour du prince tîmoûride Eskandar-Soltân, neveu de Shâh Rokh, à Shîrâz ; brève effloraison dune école de peinture à Shîrâz.
— 1411: Conversion pacifique à lIslam du râdjâ hindouiste de Malacca, pour mieux participer au commerce des épices et du bois précieux de lOcéan Indien avec lEgypte, trafic mondial alors dominé par les navigateurs musulmans du Goudjerate et dOman dans les eaux dOrient, et par les navigateurs vénitiens en Méditerranée; début de lislamisation du monde malais et des Îles de la Sonde. Relais de caravanes entre les ports du Golfe et Hérât ; la cité exporte, vers ce réseau mondial, ses soieries et ses tapis précieux.
— 1412-1422: Echanges dambassades entre Hérât et Pékin ; renouvellement des influences esthétiques chinoises sur les arts de lIslam dOrient.
— 1414: Rébellion écrasée du prince tîmoûride Eskandar-Soltân, qui revendique son indépendance à Shîrâz ; Shâh-Rokh lui fait crever les yeux ; certains de ses peintres demeurent à Shîrâz, sous le nouveau gouverneur Ebrâhîm-Soltân, fils de Shâh Rokh ; dautres sont attirés à Hérât par le prince Bâysonghor, fils préféré de Shâh Rokh.
— 1414-1447: Essor de la première école de peinture à Hérât, sous le mécénat du prince Bâysonghor et, après la mort de celui-ci en 1433, du prince Alâ-od-Dawleh fils de Bâysonghor ; de nombreux artistes gagnent Herât depuis Tabrîz, Baghdâd, Shîrâz et Samarcande.
— 1447: Mort de Shâh-Rokh ; limpératrice Gawhar-Shâd, à Hérât, exerce la régence de fait ; début des guerres civiles qui lézardent lempire tîmoûride ; les Turkmènes du clan du Mouton Noir, à Tabrîz, ne se reconnaissent plus les vassaux de Hérât ; partage, de fait, du monde persan entre deux pôles de pouvoir, l'« occidental » à Tabrîz, l'« oriental » à Hérât.
— 1447-1457: Guerres civiles entre princes tîmoûrides.
— 1453: Le sultan ottoman Mehmed II, pourvu dune puissante artillerie, conquiert Constantinople ; fin de lEtat byzantin et pleine résurgence de la puissance ottomane ; nombreuses ambassades vénitiennes auprès des Turkmènes de Tabrîz pour tenter de sceller une alliance militaire et prendre les Ottomans à revers ; premiers contacts artistiques entre Venise et le monde turco-persan. En Europe, Gutenberg développe limprimerie.
— 1457: Le tîmoûride Aboû-Saîd prend le pouvoir à Hérât, et fait exécuter limpératrice douairière Gawhar-Shâh pour mettre un terme à ses intrigues. Le sultan de Hérât doit cependant se résoudre à la perte de lIran occidental, détenu par les sultans turkmènes de Tabrîz.
— 1464: Défilé des guildes de lempire tîmoûride devant le sultan Aboû-Saîd de Hérât.
— 1465: Naissance à Hérât de Kamâloddîn Behzâd
— 1467: Les Turkmènes du clan rival du Mouton Blanc supplantent le clan du Mouton Noir à Tabrîz et à Baghdâd, et semparent du royaume d « Irak. »
— 1469: Le sultan tîmoûride Aboû-Saîd, depuis Hérât, se porte à la tête dune expédition pour reconquérir Tabrîz ; tombé en embuscade et fait prisonnier, il est exécuté par ses adversaires turkmènes; les Turkmènes du Mouton Blanc refoulent les troupes tîmoûrides et occupent, à leur tour, Hérât, tandis que le prince tîmoûrîde Hosayn Mîrzâ Bayqarâ, retranché dans les montagnes, sefforce de reconquérir la capitale de ses ancêtres.
— 1470: Le sultan Hosayn Mîrzâ Bayqarâ (r. 1470-1506) reconquiert Hérât, en expulse les Turkmènes du Mouton Blanc, et inaugure le second âge dor de la ville ; partage définitif du monde persan entre le sultanat turkmène de Tabrîz et le sultanat tîmoûride de Hérât; le ministre tout-puissant de Hérât est Mîr Alî Shêr Nawâî, mécène des peintres et des poètes, et poète lui-même en langue turque orientale ; ère du théologien et poète Djâmî de Hérât (1414-1492), sommité intellectuelle du monde sunnite de son temps, et du peintre Behzâd.
— 1478-1490: Règne à Tabrîz du sultan turkmène Yaqoûb, du clan du Mouton Blanc ; apogée de lécole turkmène de peinture, « romantique » (avec le maître Mohammad Siyâh-Qalam), par rapport à lécole de Hérât, « classique » (avec le maître Behzâd).
— 1480: Séjour à Constantinople, à la cour du sultan Mehmed II, des peintres Gentile Bellini et Costanzo da Ferrara ; influences vénitiennes sur la peinture islamique.
— 1481: Le nouveau sultan ottoman, Bâyezîd II, écrit la première de quatre lettres respectueuses à Djâmî, et cherche même à lattirer à sa court: témoignage de linfluence spirituelle et littéraire du poète de Hérât à travers tout lIslam dOrient de son temps ; loeuvre mystique et théologique de Djâmî, en arabe et en persan, reflète la pensée de landalou Ibn Arabî (1165-1240), et son uvre littéraire, en persan, celle du poète Nezâmî de Gandjeh (1141-1209): arrière-plan intellectuel de la peinture de Behzâd.
— 1486: Le peintre Qâsem fils de Alî, membre de latelier de Behzâd, peint les portraits du ministre Nawâî et du poète-théologien Djâmî de leur vivant, agenouillés devant lombre du poète Nezâmî.
— 1488-1489: Behzâd, avec son maître Mîrak, illustre et signe le manuscrit du Boûstân (« Le Verger »), poème narratif de Sadî (XIIIe siècle), dédié au sultan Hosayn Mîrzâ, et y incorpore des vers de Djâmî: ceux-ci témoignent de lappui, apportée par le poète-théologien de Hérât, à luvre figurative du peintre.
— 1492: Mort de Djâmî, que la convention littéraire considère comme le dernier grand poète classique persan ; en Occident, chute de Grenade, dernier bastion musulman en Espagne ; les Rois Catholiques expulsent les juifs dEspagne ; Colomb atteint les Antilles.
— 1493-1494: Behzâd illustre pour la cour de Hérât deux manuscrits successifs des « Cinq Trésors » du poète Nezâmî.
— 1494: A Istanbul, le sultan Bâyezîd II accueille les réfugiés juifs dEspagne, mais refuse lusage de limprimerie que ces juifs espagnols maîtrisent — pour les livres en caractères arabes. (LIslam en restera, délibérément, à lère du manuscrit, jusquà linstallation définitive dune imprimerie arabe, au Caire, en 1798, par Bonaparte.)
— 1498: Vasco de Gama atteint la côte indienne, et réussit le contournement portugais de lespace terrestre islamique par voie de mer.
— 1500: Les Ouzbeks, descendants de la Horde dOr affaiblie par les attaques de Tamerlan, fuient la résurgence russe et descendent vers lAsie Centrale, où règnent leurs ennemis héréditaires, les Tîmoûrides ; en 1500, les Ouzbeks conquièrent Samarcande.
— 1501: Mort à Hérât du ministre Nawâî. En Iran occidental, un nouveau chef turkmène, Esmâîl, du clan des Séfévides, supplante les Turkmènes du Clan du Mouton Blanc à Tabrîz.
— 1504: Laventurier italien Ludovico di Varthema, agent portugais à Ormuz dans le Golfe, rédige la première description européenne du royaume de Hérât, dont il découvre les soieries sur les marchés de lîle.
— 1506: Mort du sultan Hosayn Mîrzâ à Hérât ; son fils, Badî-oz-Zamân, esthète raffiné, lui succède ; visite à Hérât du prince tîmoûride de Kaboul, Bâber, qui laissera de nombreux témoignages écrits décrivant la ville et ses peintres, dont Behzâd.
— 1507: Conquête de Hérât par les Ouzbeks de lémir Shaybânî Khân, effondrement du royaume tîmoûride ; Badî -oz-Zamân fuit auprès des Séfévides dIran ; Bâber, à Kaboul, reste le seul prince régnant de la dynastie tîmoûride (dite désormais « moghole »); à Hérât, un portrait du conquérant ouzbek de la ville, Shaybânî Khân, est traditionnellement attribué à Behzâd.
VI Lère des quatre empires néo-classiques, Séfévides (chiites), Ottomans (sunnites), Ouzbeks (sunnites), Moghols (sunnites): 1501-1722
— 1501: Shâh Esmâîl (r. 1501-1524), du clan turkmène des Séfévides, prend le pouvoir à Tabrîz ; il y impose la foi chiite (tendance des « douze »).— 1507: Les Portugais, débarqués à Ormuz, veulent appuyer la nouvelle dynastie chiite séfévide dIran contre les puissances sunnites, avec des fournitures dartillerie; en Orient, les Ouzbeks sunnites prennent Hérât. Début des « guerres de religion », en Islam, entre Ottomans et Ouzbeks sunnites, dun côté, et Séfévides chiites, de lautre.
— 1509: A Diu sur la côte nord-ouest de lInde, les canonnières portugaises écrasent les puissances navales coalisées des sultanats sunnites du Goudjerate et dEgypte et du royaume hindou de Calicut ; la suprématie maritime en Océan Indien et dans le Golfe, et le contrôle du commerce des épices, passent désormais entre les mains des Européens.
— 1510: Le Shâh Esmâîl chasse les Ouzbeks sunnites de Hérât et annexe lancienne capitale tîmoûride ; mort sur le champ de bataille de lémir ouzbek Shaybânî Khân ; le Shâh Esmâ îl impose le chiisme à Hérât (où il demeure encore majoritaire dans le centre-ville); les Ouzbeks se replient sur Bokhârâ, sans pour autant cesser, un siècle durant, de harceler les Séfévides pour tenter de leur reprendre Hérât. En Inde, les Portugais occupent Goa.
— 1510-1511: Séjour du Shâh Esmâîl à Hérât, rencontre avec Behzâd qui rallie la nouvelle dynastie séfévide et aussi le chiisme ; Behzâd accompagne le shâh dans sa visite après du neveu (lui aussi rallié) du grand Djâmî, le poète Hâtefî, et peint le portrait de ce dernier désormais coiffé du turban « à bâtonnet » des chiites.
— 1514: Le sultan ottoman sunnite Sélim Ier, grâce à sa supériorité en artillerie, écrase les armées chiites du Shâh Esmâîl à la bataille de Tchâldérân, près de Tabrîz ; selon une légende ottomane, Esmâîl aurait caché Behzâd dans une grotte près du champ de bataille pour empêcher son maître-peintre de tomber entre les mains de lennemi (en réalité, le peintre se trouvait alors toujours à Hérât); les Ottomans pillent la Bibliothèque de Tabrîz et emportent de nombreux manuscrits enluminés à Istanbul, où les suivent aussi beaucoup de peintres iraniens qui préfèrent le sunnisme.
— 1516: Le Shâh Esmâîl nomme son fils aîné, le prince Tahmâsp, comme gouverneur titulaire de Hérât ; Behzâd sera le tuteur artistique du prince-héritier.
— 1516-1517: Le sultan ottoman Sélîm Ier annexe lempire mamloûk dEgypte et de Syrie (qui comprend aussi les villes saintes du Hedjaz) ; les Ottomans sunnites deviennent ainsi la première puissance musulmane.
— 1522: Shâh Esmâîl rappelle son fils Tahmâsp de Hérât à Tabrîz ; le prince-héritier est peut-être accompagné par Behzâd ; le maître-peintre rejoint, en tout cas, Tabrîz à une date non déterminée ; un édit royal, rédigé pour le Shâh Esmâîl par le scribe Khwândamîr de Hérât en utilisant des termes sanctifiants inspirés de Djâmî, nomme Behzâd à la tête de la guilde de tous les artistes du livre dans lempire séfévide ; début de lillustration collective du « Livre des rois », volume-emblème de la dynastie séfévide.
— 1524: Mort de Shâh Esmâîl ; avènement de Shâh Tahmâsp (r. 1524-1574). Lillustration collective du « Livre des rois », conseillée par Behzâd mais désormais surtout dominée par le peintre Soltân-Mohammad de Tabrîz, continue, sous Shâh Tahmâsp, pendant une décennie.
— 1526, année-clef : Conquête de la Hongrie par le sultan ottoman Süleymân le Magnifique ; premier échec des Ottomans devant Vienne ; les archives royale de la Naqqâsh-Khâneh ou « maison des peintres », à Istanbul, enregistrent la présence de dix maîtres-peintres persans venus de Tabrîz. Linfluence de la manière classique « behzâdienne » sétend désormais jusquau Bosphore.
— 1526: Bâber, prince tîmoûride de Kaboul, conquiert le sultanat de Delhi et y fonde la dynastie dite des « Grands Moghols. » Le monde islamique dOrient se voit désormais partagé entre trois grandes puissances: les Ottomans sunnites dIstanbul ; les Séfévides chiites à Tabrîz et à Hérât ; et les Moghols sunnites à Kaboul, Delhi et Agra. Les « guerres de religion » sunnites-chiites impliquent toutefois surtout les Séfévides dIran contre les Ottomans de Turquie et leurs alliés sunnites, les Ouzbeks de Bokhârâ. A Kaboul et en Inde, les Moghols, officiellement sunnites, tolèrent tant le chiisme que lhindouisme.
— 1526: A Hérât, doù une nouvelle attaque ouzbèke vient dêtre repoussée, visite de Shâh Tahmâsp, à qui les notables remettent un exemplaire des poèmes de Nawâî, illustré par lélève resté le plus fidèle à la manière de Behzâd, Shaykh-Zâdeh.
— 1527: Shaykh-Zâdeh renoue avec le sunnisme et rallie la cour des Ouzbeks sunnites à Bokhârâ ; lacadémie de Bokhârâ perpétuera, jusquà la fin du XVIe siècle, le style de la peinture behzâdienne de Hérât.
— 1530: Début du règne tourmenté, en Inde et en Afghanistan oriental, de Homâyoûn, fils de Bâber, second des « Grands Moghols. »
— 1533: Premier « repentir » de Shâh Tahmâsp, concernant son usage du vin (« le rubis ») et du hachich (« lémeraude »), mais son mécénat des arts nen est pas affecté.
— 1535: Le scribe Khwândamîr de Hérât, rédacteur de lédit royal séfévide de 1522 nommant Behzâd à la tête de la guilde des artistes du livre, rejoint en Inde la cour (sunnite) du Grand Moghol Homâyoûn ; au cours dune campagne dans le Goudjerate, le souverain moghol perd son exemplaire précieux des chroniques de Tamerlan, la Zafar-Nâmeh ou « Geste des victoires », illustré (au moins en partie) par Behzâd lui-même et désormais considéré comme emblème de la dynastie ; le fabuleux manuscrit behzâdien, symbole de la légitimité impériale, sera récupéré par les Moghols après leur conquête du Goudjerate en 1578.
— 1535: Mort à Tabrîz de Kamâloddîn Behzâd
— 1535: Le peintre Mozaffar Alî, petit-neveu de Behzâd, succède à celui-ci à la tête de la guilde séfévide des artistes du livre ; Mozaffar Alî fut lui-même lun des grands illustrateurs du « Livre des rois » de Shâh Tahmâsp.
— 1539-1543: Shâh Tahmâsp fait illustrer les « Cinq Trésors » de Nezâmî par les meilleurs peintres de son empire, dernier grand projet de latelier de ce souverain.
— 1544: La chronique des arts, contenue dans la préface dun album royal séfévide rédigée par le scribe Dôst-Mohammad de Hérât, affirme la prééminence de Behzâd.
— 1548: Shâh Tahmâsp déplace la capitale séfévide de Tabriz à Qazwîn, pour éviter les menaces ottomanes.
— 1549: Les peintres séfévides Abd-os-Samad, Mîr Mosawwer et Mîr Sayyed Alî rejoignent la cour du Grand Moghol Homâyoûn à Kaboul, où le peintre Dôst-Mohammad de Hérât les a déjà précédés ; création, à Kaboul, de latelier « moghol. »
— 1552: Conquête du khânat musulman tatar de Kazan, par le tsar Ivan le Terrible. Début de lexpansion impériale russe vers le Sud, aux dépens de lIslam dOrient.
— 1555-1556: Le second « repentir » de Shâh Tahmâsp nentraîne pas plus le déclin des arts figuratifs, dans lEmpire séfévide, que le premier « repentir »; le neveu du souverain, le prince Ebrâhîm-Mîrzâ, gouverneur de Mashhad, fait illustrer, de 1556 à 1565, les sept poèmes narratifs de Djâmî, par les meilleurs peintres de lEmpire.
— 1555: Le Grand Moghol Homâyoûn rentre de Kaboul à Delhi, accompagné par ses artistes séfévides ; installation de latelier « moghol » sur sol indien.
— 1556: Avènement, en Inde, du troisième des « Grands Moghols », Akbar (r. 1556-1605) ; abolition des discriminations légales et fiscales contre la majorité hindoue de son Empire; princes et scribes hindouistes, versés dans la langue persane, sont désormais associés, à parité avec lélite musulmane, dans ladministration de lEmpire ; essor de lart classique moghol, avec formation de peintres hindous dans latelier dirigé au départ par les artistes séfévides venus avec Homâyoûn de Kaboul — et pour qui « Behzâd » demeurait la référence idéale; accueil de nombreuses influences artistiques européennes, à travers les peintures et livres illustrés de gravures apportés en cadeaux par les Jésuites portugais de Goa.
— 1557: En Turquie, larchitecte Sinân, à Istanbul, achève la mosquée Sülemâniyeh: zénith du classicisme architectural ottoman ; les enluminures des chroniques royales ottomanes sinspirent de celles des chroniques royales persanes.
— 1564-1565: En Iran, le scribe séfévide Mîr Sayyed Ahmad compare Behzâd au Christ coranique qui insuffle la vie à loiseau: image reprise de Djâmî et de Khwândamîr, et encore répétée, en 1596, par le scribe Qâzî Ahmad de Qom.
— 1571: La flotte ottomane défaite par les flottes de lEspagne et de Venise à Lépante: coup darrêt à lexpansion ottomane vers louest.
— 1574: En Iran, mort de Shâh Tahmâsp, avènement du Shâh Esmâîl
— 1578: En Iran, avènement du Shâh Mohammad Khodâ-Bandeh.
— 1587: En Iran, avènement du Shâh Abbâs le Grand (r. 1587-1628). Celui-ci confie la garde militaire de loasis de Hérât, contre les Ouzbeks, aux Afghans du clan des Abdâlî, futurs fondateurs (en 1747) du royaume dAfghanistan. Sâdeqî Beg nommé à la tête de la guilde séfévide des artistes du livre, mû par « un zèle behzâdien (hemmat-é behzâdî). Essor dune nouvelle manière de peindre, en Iran séfévide, qui se nourrit de lexemple behzâdien mais met désormais laccent sur la ligne calligraphique: style associé aux noms des maîtres Sâdeqî Beg et Rezâ-yé Abbâsî.
— 1587: En Turquie, la chronique des arts par le scribe Âlî Efendî confirme la prééminence du statut de Behzâd aux yeux des peintres ottomans.
— 1596: En Iran, la chronique des arts du scribe Qâzî Ahmad de Qom confirme la prééminence du statut de Behzâd dans les traditions de lEmpire séfévide. La réputation sanctifiée de Behzâd se voit ainsi désormais consacrée dun horizon à lautre de lIslam dOrient, des rives du Bosphore à celles du Gange.
— 1598: En Iran, Shâh Abbâs déplace la capitale séfévide à Ispahan ; début des constructions de la Place Royale: zénith du classicisme architectural séfévide ; lécole figurative dIspahan, de 1598 jusquau dernier tiers du XVIIe siècle, restera dominée par la manière calligraphique » inaugurée, à la fin du XVIe, par les maîtres Sâdeqî Beg et Rezâ-yé Abbâsî.
— 1605-1627: En Inde, règne du quatrième des « Grands Moghols », Djahân-Gîr ; zénith du classicisme pictural moghol.
— 1622: En Iran, Shâh Abbâs sallie aux Anglais pour chasser les Portugais dOrmuz, mais doit laisser les Anglais sy installer à leur place ; début de la suprématie navale anglaise dans les eaux du Golfe et de lOcéan Indien.
— 1628-1658: En Inde, règne du cinquième des « Grands Moghols », Shâh-Djahân ; le Tâdj-Mahall dAgra, zénith du classicisme architectural moghol.
— 1638: Conquête définitive de Baghdâd par les Ottomans, aux dépens des Séfévides ; lIrak conserve cependant une population à majorité chiite, surtout dans le Sud.
— 1658: En Inde, avènement du sixième des « Grands Moghols », Aurang-Zêb, à lissue dune guerre de succession ; celui-ci affirme le retour à la plus stricte orthodoxie islamique, rétablit les mesures discriminatoires contre ses sujets hindous, provoque leurs révoltes et affaiblit lempire.
— 1669: En Inde, Aurang-Zêb ordonne la destruction de temples hindous et de leurs « idoles » à travers lEmpire moghol: date probable de la mutilation des deux statues du Bouddha à Bâmiyân, en Afghanistan oriental alors sous domination moghole. Lempereur Aurang-Zêb ne consacrant plus lessentiel de ses ressources quà la guerre contre ses rivaux musulmans ou les insurgés hindous, les peintres moghols cherchent de nouveaux mécènes dans les cours provinciales de lInde, tant musulmanes quhindouistes ; déclin à Delhi de la peinture figurative moghole, quAurang-Zêb, pourtant dune si rigoureuse orthodoxie, ninterdit cependant pas en tant que telle (il fait peindre les portraits de sa propre personne et des officiers de sa cour).
— 1669: Les Turcs arrachent la Crète à Venise, dernière percée ottomane vers louest.
— 1683: Second échec des Turcs ottomans devant Vienne.
— 1699: En Turquie, le traité de Carlowitz consacre le recul définitif des Ottomans en Europe et leur évacuation de la Hongrie, face aux Autrichiens. Au XVIIIe siècle, les influences artistiques du baroque et du rococo autrichien et italien remplacent rapidement, à Istanbul, le classicisme architectural hérité de Sinân, puis le classicisme pictural inspiré de la tradition behzâdienne.
— 1707: En Inde, mort du dernier des « Grands Moghols », Aurangzêb ; lempire se désintègre en principautés rivales, hindouistes et musulmanes, en attendant la suprématie anglaise en Inde, affirmée, contre les tentatives rivales françaises, dès 1757.
— 1722: En Iran, sac dIspahan par les Afghans sunnites révoltés. Effondrement de lEmpire séfévide. Lexpansion russe atteint le Caucase. Désintégration de la tradition esthétique séfévide, déjà lourdement affectée, depuis la fin du XVIIe siècle, par lintroduction à Ispahan de la technique européenne de la peinture à lhuile.
Texte de Michael Barry
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