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Études réalisées sur les Templiers

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Philippe-Le-Bel, Année 1307, Supplice des Templiers

L'Europe fut frappée d'un étonnement profond et, pour ainsi dire, d'une sorte de terreur quand elle apprit que, le même jour, le 13 octobre 1307, et presque à la même heure, les chevaliers du Temple venaient d'être arrêtés dans toute l'étendue du royaume de France, d'après un ordre envoyé à l'avance aux commandants des provinces par Philippe-le-Bel.

Fondé en 1119, par neuf gentilshommes français, pour la défense de la Terre-Sainte, l'ordre du Temple avait acquis en moins de deux siècles des richesses et une autorité redoutables. Son orgueil, qui depuis longtemps démentait ces humbles paroles inscrites sur ses étendards : Non nobis, Domine, non nobis, sed nomini tuo da gloriam, était soutenu par une influence que de nombreuses affiliations étendaient sur toute l'Europe ; et les princes chrétiens, plus inquiets que reconnaissants, oubliaient aisément les services qu'avait rendus à la cause de la chrétienté cette association puissante, pour ne songer qu'aux périls dont elle menaçait leur repos.

Dans une émeute récente du peuple de Paris contre Philippe-le-Bel, celui-ci avait pu juger du pouvoir des Templiers. C'est au Temple qu'il était allé chercher un refuge, c'était presque à la seule intervention des chevaliers qu'il avait dû son salut ; on ajoute que les trésors immenses réunis à la Maison du Temple de Paris, qui était le siège de l'Ordre, avaient tous ensemble augmenté ses méfiances et excité son avidité. Du jour de cette dangereuse visite, son projet fut arrêté ; et s'il en ajourna l'exécution, ce fut pour mieux en assurer le succès.

Philippe-le-Bel ne témoigna rien de ses soupçons ; peu de temps même avant la proscription qui menaçait l'Ordre, Jacques Molay, attiré à Paris, fut choisi pour parrain de l'un des enfants du roi de France. Le 12 octobre encore, à l'enterrement de la comtesse de Valois, belle-sœur de Philippe, le grand-maître tenait un des coins du poêle ; et le lendemain 13 il était prisonnier au Temple.
Dès lors, Philippe-le-Bel poursuivit ce grand procès avec une infatigable persévérance; tous les moyens lui semblèrent légitimes pour atteindre son but, l'anéantissement de l'Ordre. De toutes parts on accusa les Templiers ; on leur reprocha d'effrayantes impiétés, une corruption inouïe, et pas une voix n'osa s'élever pour les défendre. Le pape seul voyait avec regret une mesure qui privait l'église d'un de ses plus fermes appuis ; mais il n'avait ni l'autorité ni l'indépendance nécessaires pour résister à Philippe, qui exigeait impérieusement l'assentiment de Clément V.

Les chevaliers eux-mêmes, abattus par un retour de fortune si soudain, plus habitués d'ailleurs aux luttes des champs de bataille qu'aux débats judiciaires, se troublèrent d'abord, et, dans les premiers instants de la poursuite, surent à peine, devant leurs juges, affirmer leur innocence. Mais enfin, revenus de l'émotion et de la surprise de leur arrestation, ils se ranimèrent, pour ainsi dire, par l'excès même de leur accablement ; alors, de ces prisons oú ils étaient si durement traités, oú tout leur manquait, la nourriture et les vêtements, s'éleva une plainte immense, un long cri de douleur qui ramena à eux toutes les sympathies. Effrayé de l'intérêt qu'excitait la protestation des Templiers, Philippe résolut d'en finir de ce procès qui chaque jour lui apportait des dangers nouveaux. Surmontant les hésitations du pape, il le décida à convoquer des conciles provinciaux autorisés à poursuivre ce grand débat conjointement avec la commission établie à Paris par Clément V. Alors les jugements se succédèrent avec une effrayante rapidité, les bourreaux au besoin arrachèrent des aveux et les bûchers s'allumèrent dans les diverses provinces ; mais la violence des accusateurs ne fut poussée nulle part aussi loin qu'à Paris, oú siégeait le concile de Sens, présidé par Philippe de Marigny, frère du ministre de Philippe-le-Bel.

C'était un pitoyable spectacle de voir ces vétérans de la Terre-Sainte, ces chevaliers naguère si glorieux, maintenant si profondément déchus, couverts de leur vaste manteau blanc sur lequel éclatait la croix rouge, insigne de l'Ordre, traverser chaque jour la Seine pour se rendre dans la Cité, en présence de leurs juges. Leurs visages pâles, amaigris par la détention, leurs membres brisés par la torture, attestaient leurs souffrances ; et le peuple, oubliant les crimes monstrueux dont on les accusait, se prenait de pitié pour leurs misères.

Rien cependant n'arrêtait les conciles provinciaux, ni les cris de vengeance, ni les supplications, ils envoyaient au bûcher tous ceux qui persistaient à défendre l'honneur de l'Ordre. En un seul jour, le mardi 13 mai 1310, cinquante-quatre chevaliers, à peine entendus, furent condamnés au feu, et, malgré leur appel à la commission papale, le soir même les lueurs de leur bûcher éclairaient les hautes tours de la porte Saint-Antoine. Dans l'horreur du supplice, ils restèrent inébranlables : les flammes les dérobaient déjà à tous les yeux, qu'on les entendait encore chanter les Saints Cantiques et protester de leur innocence.

Ce noble courage aurait peut-être sauvé les Templiers, si Philippe-le-Bel avait pu s'arrêter dans sa persécution ; mais ni son orgueil ni sa politique ne le lui permettaient. Bien qu'à Ravenne, à Mayence, à Bologne, à Salamanque on eût reconnu l'innocence des Templiers, Clément V, cédant aux instances du roi, prononça en 1313, dans un consistoire secret, l'abolition de l'Ordre, qui fut proclamée la même année devant le concile de Vienne. Les biens immenses des Templiers furent attribués aux Hospitaliers.

En sacrifiant l'existence de cette institution, Clément V avait espéré, après tant de rigueurs, pouvoir sauver les chefs, qui depuis sept années languissaient dans les prisons : Philippe en avait encore autrement décidé.
Le 13 mars 1314, Guy, commandeur de Normandie, et le grand-maître Jacques Molay furent amenés sur la place du Parvis, en face de la vieille cathédrale de Notre-Dame de Paris, pour y confesser publiquement leurs erreurs devant le peuple et une assemblée de prélats réunie par une spéciale décision du pape pour les entendre.

Jacques Molay, né en Bourgogne, admis dans l'Ordre du Temple en 1266, avait été élu grand-maître à l'unanimité, en 1298. Lorsqu'il fut mis pour la première fois en présence de la commission pontificale, le vieux chevalier montra d'abord beaucoup de fermeté et déclara qu'il était prêt à défendre ses frères. Plus tard cependant, espérant peut-être sauver l'existence de l'Ordre par quelque condescendance, il avait fléchi et dès lors on l'avait tenu à l'écart. C'était après un intervalle de sept années qu'on appelait le grand-maître à justifier par une déclaration publique la conduite du roi de France.

Pour ajouter encore au funèbre et solennel aspect de cette scène, un bûcher se dressait, comme une menace, en face de l'échafaud du haut duquel les accusés devaient parler. Ils paraissent enfin, escortés de soldats et chargés de chaînes. Un légat monte en chaire et somme le grand-maître et le commandeur de Normandie de renouveler devant le peuple la confession qu'ils avaient faite. Jacques Molay s'avance alors en relevant fièrement le front, proteste au nom de Dieu contre les accusations infâmes dont on a souillé l'honneur des Templiers, et déclare que : « dans un si terrible jour, aux derniers moments de la vie, le seul crime qu'il ait commis c'est d'être convenu de ceux qu'on imputait avec tant d'injustice à un Ordre que la vérité l'oblige de reconnaître pour innocent. »

Cet incident imprévu excita parmi les spectateurs une émotion profonde et diverse. Tandis que le peuple, pressé aux abords du Parvis, applaudissait à cette déclaration solennelle, les prélats remettaient les accusés aux mains du prévôt de Paris pour les garder jusqu'à ce qu'ils eussent délibéré. Mais dès que Philippe-le-Bel apprit cette protestation, qui pour lui était une insulte et une condamnation, il réunit en toute hâte son conseil dans son palais, et, au mépris de toute justice, ordonna pour le jour même le supplice des Templiers.

Le soir, le grand-maître et le commandeur de Normandie montaient ensemble sur le bûcher dressé pour eux, dans une petite île située à l'extrémité de la Cité, non loin du jardin royal. Jusqu'au dernier moment les illustres martyrs persistèrent dans leur rétractation ; on ajoute que leur voix, déjà étouffée par la fumée, « ajourna Clément, juge inique et cruel bourreau, à comparaître dans quarante jours au tribunal de Dieu, et le roi de France dans une année (1). » Leurs dénégations, la constance avec laquelle ils soutinrent les flammes frappèrent la multitude de stupeur.
1. Rien ne peut prouver la réalité des propos du grands-maître.

Nous ne saurions prononcer ici entre les opinions si diverses exprimées au sujet de ce grave événement : mais ce que nous avons voulu rappeler, ce qui appartient aux pages glorieuses de notre histoire, c'est l'inébranlable fermeté de ces martyrs, le courage de leur rétractation ; c'est enfin cette fière résolution avec laquelle, jusque sur le bûcher, ils relevèrent l'honneur de leur Ordre, compromis par leurs premiers aveux.
Sources : Illustrations de l'Histoire de France - Faits Mémorables de l'Histoire de France - Par L. Michelant - Paris - 1844.

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