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Études réalisées sur les Templiers

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Maisons du Temple en Lorraine

J'ai parlé très-succinctement des chapitres, des abbayes et des prieurés parce que le Pouillé du diocèse de Toul l'Histoire de Lorraine et la Notice de Dom Calmet contiennent beaucoup de renseignements sur ces établissements religieux : il n'en est pas de même en ce qui concerne les préceptories du Temple les commanderies de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem et de Saint-Antoine, les maladreries, etc., aussi ai-je cru pouvoir entrer dans plus de détails leur sujet.

Le Pouillé de 1402 mentionne onze maisons du Temple qui, après la suppression de l'ordre, furent données aux Hospitaliers : ce sont celles de Brouvelieures, Cercueil, Couvertpuits, Dagonville, Libdeau Lunéville, Norroy-sur-Vair, Virecourt, Xugney et deux autres, dont la première est appelée Barri (1) et la seconde Bousainvilla.
1. Barrois, dans la copie de 1677.

La même liste est donnée par le P. Jeune, prieur d'Etival, dans son Histoire critique et apologique de l'ordre des Chevaliers du Temple ; seulement, il appelle les deux dernières maisons Baru ou Bru et Reusanville (peut-être Ressaincourt 57420 Saint-Jure), et il y ajoute celle de Jezainville (54700).
M. Digot a reproduit cette nomenclature dans son intéressant Mémoire sur les établissements du Temple en Lorraines (2) ; mais pas plus que le P. Jeune, il n'a pu déterminer la situation des préceptories de Baru et de Reusanville ; tout ce qu'on sait, c'est qu'elles étaient comprises dans le diocèse de Toul (3).
2. Congrès archéologique de France, 1846.
3. Les temples situés dans le Barrois relevaient de la baillie de Champagne ; mais ceux de la Lorraine constituaient une baillie particulière qui était sans doute sous l'inspection du grand précepteur d'Allemagne.


Les recherches auxquelles je me suis livré pour tâcher de résoudre ces difficultés, n'ont pas produit un résultat qui me satisfasse, et j'en suis réduit il à émettre des suppositions ainsi, les dénominations de Bousainvilla et Reusanvllle me semblent devoir s'appliquer à une seule et même localité, que je crois être le village de Bouzanville.

Rien ne prouve, il est vrai, que les Templiers n'aient jamais eu une maison dans ce lieu mais les pouillés du diocèse de Toul disent que le patronage de la cure appartenait au commandeur de Xugney, et cette circonstance paraît confirmer mon hypothèse.
Quant au Barri, Baru, Bru ou Barrois, je ne vois pas d'autre nom correspondant que celui de Braux, où il est certain que l'ordre du Temple posséda un établissement (4), et où il y avait encore, au siècle dernier, une commanderie de Malte. Il faut ajouter, toutefois, que cet endroit était du diocèse de Châlons-sur-Marne, mais à la limite du diocèse de Toul dans lequel il est possible qu'on l'ait placé par erreur.
4. Il avait été fondé, en 1250, par Renauld, troisième fils d'Henri Il, comte de Bar.

En ce qui concerne la maison de Jezainville, je n'ai trouvé aucun document ancien, et je dois m'en tenir, à l'assertion du P. Jeune corroborée par ce passage de l'Histoire de Metz, des Bénédictins « Outre leur maison de Metz, les Templiers en avaient, dit-on, plusieurs dans le Scarponais, comme à Jezainville, à Mousson, à Champé, à Landremont, à Saint-Blaise, aujourd'hui ermitage sur le bord de la Moselle, près de Charpagne. Mais ces villages sont trop près les uns des autres pour imaginer qu'il y eût autant de maisons de ces religieux hospitaliers dans une si petite étendue de pays. Peut-être n'étaient-ce que des dépendances de celle de Millery. »

D'un autre côté, l'Etat du temporel des paroisses dit, à la date de 1702 : « il y a, au lieu de Jezainville une commanderie qui contient une église sous l'invocation de sainte Elisabeth, et se dit l'église de la commanderie. Il y a un enclos qui enferme l'église et une maison qui appartient à ladite commanderie qui est à présent possédée par les Antonistes de Pont-à-Mousson. L'église est en ruine et le corps-de-logis en désordre (5).... »
5. Voyer: Mes Communes de la Meurthe, tome 1, page 521.

J'arrive maintenant aux préceptories du Temple comprises dans la liste du Regestrum. La première en suivant l'ordre alphabétique est celle de Brouvelieures, appelée, dans les anciens pouillés, Bellieure ou Bellieuvre, et dont on a longtemps ignoré la situation. Les restes de cette maison, ainsi qu'un curieux morceau de sculpture, trouvé dans ses ruines sont encore là pour rappeler son existence, qui est de plus attestée par des documents authentiques.

En 1284, un Templier célèbre, Guillaume de Mallain, qui était alors probablement précepteur de Brouvelieures, fit une transaction avec le chapitre cathédral de Toul touchant les droits seigneuriaux à Grimonviller.
En 1271, il y eut aussi un traité de réconciliation entre le chapitre de Saint-Dié et frère Martin, de l'ordre du Temple, tant pour eux personnellement que pour leurs sujets respectifs (6).
6. M. Auguste Digot, et publiée dans les Mémoires de la Société des sciences lettres et arts de Nancy 1849.

Le temple de Brouvelieures fut, dit-on, le théâtre d'une scène analogue à celles qui eurent lieu sur plusieurs points de la France : au moment de la proscription de l'ordre, quelques fugitifs y avaient cherché un asile ; le peuple attaqua de nuit la maison (1313), s'en empara, la livra au pillage et massacra tous les chevaliers qui s'y étaient enfermés (7).
7. Voyer: Histoire de la ville et de l'arrondissaient de Saint-Dié, par M. Gravier, pages 156-159, et ma Statistique des Vosges, tome 1, Page 79.

Le temple de Cercueil dont les biens furent donnés dans la suite, la commanderie de Saint-Jean, est mentionné dans une déclaration faite aux assises tenues dans ce lieu par le bailli de Nancy, en 1296 et portant que la maison du Temple de Cercueil a droit de lever chacun an dix réseaux de mouture sur le moulin du village (8).
8. Voyer: Communes de la Meurthe, tome 1, pages 214-215.

La maison de Couvertpuits, dont il est parlé dès les premières années du XIIIe siècle (1219), semble n'avoir été qu'une dépendance du temple de Ruet, Ruetz ou Ruel, situé dans la Champagne, entre Joinville et Saint-Dizier.
Ce domaine passa aux Hospitaliers (9).
9. Auguste Digot, Histoire de Lorraine, publiée dans les Mémoires de la Société des sciences lettres et arts de Nancy 1849.

Les Templiers eurent une maison peu importante au près du village de Dagonville ; elle portait le nom de Saint-Epvre. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle ses possesseurs eurent de longues discussions avec l'abbaye de Saint-Mihiel relativement à leurs sujets respectifs, et ces difficultés se terminèrent par une transaction conclue en 1284.
La maison de Dagonville fut cédée aux Hospitaliers et réunie à la commanderie de Ruel (10).
10. Auguste Digot, Histoire de Lorraine, publiée dans les Mémoires de la Société des sciences lettres et arts de Nancy 1849.

Le temple de Libdeau, près de Toul, devenu plus tard une commanderie de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, est nommé dans des titres qui remontent jusqu'à l'année 1214, et rappellent des donations faites à cette maison (11).
11. Voyer: Ma Notice sur quelques établissements de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem en Lorraine, page 53.

De même que la précédente, celle de Saint-Georges, près de Lunéville passa aux Hospitaliers. Cette dernière fut, dans l'origine, un hôpital, fondé à la fin du XIe ou au commencement du XIIe siècle, et dans les dépendances duquel se trouvait une chapelle. On ne sait pas au juste à quelle époque cette maison-Dieu, comme on l'appelait, fut donnée aux Templiers : ce qui est certain, c'est qu'ils la possédaient en 1234, puisqu'une charte du duc Mathieu II, datée de la Saint-Clément de cette année, porte que Simon, seigneur de Parroy, a fait don aux frères de la milice du Temple (fratribus milicie Templi) du tiers de la neuve ville située dans la forêt près d'Hénaménil.

Une autre charte du même prince, de l'an 1249, mentionne un échange passé entre lui et « frère Demoinges, frère dou Temple, comandour de la mason dou Temple de sent George de Lunervillet » (12).
12. Voyer: Communes de la Meurthe, tome 1, pages 673, 674.

La maison de Norroy-sur-Vair, dont quelques vestiges subsistent encore (13), avait été donnée aux Templiers en 1219, par Henri 1er, comte de Vaudémont.
13. Voyer: Statistique des Vosges, tome 1, page 365, et Notice sur quelques établissements de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, page 50.

A la suppression de l'ordre, elle devint la propriété des Hospitaliers qui l'unirent à leur commanderie de Robécourt (14).
14. Voyer: M Auguste Digot, Histoire de Lorraine.

Un seul titre, daté de l'an 1203, fait mention de la préceptorie de Virecourt : c'est une charte par laquelle le duc Simon confirme la donation faite à Dieu et au Temple (Deo et Templo), par un clerc nommé Arnulphe, et Gesla, sa sœur, de ce qu'ils possédaient en l'alleu de Virecourt (15).
15. Voyer: Communes de la Meurthe, tome 2, page 696.

Le plus intéressant, au point de vue archéologique, de tous les établissements que les Templiers aient possédés dans le diocèse de Toul, est celui de Xugney.
Sa chapelle, qui date du XIIe siècle, subsiste encore presque tout entière ; à l'intérieur, les voûtes seules ont disparu, mais les colonnes et les chapiteaux ont été conservés et présentent dans quelques-unes de leurs parties, des dispositions architectoniques fort intéressantes à étudier (16).
16. Des dessins très-remarquables de la chapelle de Xugney, faits par M. Chatelain, se trouvent dans un précieux album donné au Musée lorrain par cet habile architecte.

Le temple de Xugney, dont il est parlé dans des titres de 1473 et 1255, fut donné aux Hospitaliers et réuni à leur commanderie de Libdeau.

Tels sont les établissements dont on peut constater l'existence d'une manière certaine (17). Si l'on voulait ajouter foi aux croyances populaires, il y en aurait eu beaucoup d'autres : c'est ainsi par exemple, que la tradition en place deux, l'un à Domjevin, l'autre entre Emberménil et Xousse.
17. Un titre de 1292, concernant la commanderie d'Hardancourt, semble indiquer qu'il y aurait eu primitivement, dans ce lieu, une maison de Templiers : ce titre porte que Renaut, sire de Romont, donne au commandeur du Temple « la foueresse en ses bois et tout lou marnage gros et menu qu'il convient à la maison de Hardancourt. »
Un pied terrier de la commanderie de Saint-Jean-du-Vieil-Aitre, dressé en 1713, contient le passage suivant, il l'article Harmonville : « Audit lieu il y avait autrefois un château des Templiers, lequel se trouve à présent ruiné de fond en comble depuis longues années, dans lequel il n'y a actuellement que des espines, broussailles et des grosses pièces de chesne. » Harmonville était, dit-on, un village, qui fut détruit et remplacé par une métairie à l'ordre de Malte ; c'est probablement la ferme de Remonville, dépendant de la commune d'Einville.


Dans plusieurs endroits où se sont trouvées des ruines dont on ne pouvait expliquer l'origine, on les a attribuées à des maisons de Templiers, donnant souvent cette qualification à de simples métairies que l'ordre aurait possédées, et au souvenir duquel on se plaisait à rattacher quelque chose de merveilleux.
Les dénominations de Champ-des-Templiers, les Templiers, bois dit Temple, bois des Templiers (18), Fontaine-des-Templiers (19), etc., se sont conservées jusqu'à nous pour rappeler les lieux près desquels s'élevèrent les demeures des chevaliers (20).
18. Voyer: Ces mots dans le Dictionnaire topographique de la Meurthe.
19. Voyer dans ma Statistique des Vosges, aux mots Beaufremont, Chamagne, Charmois-l'Orgueilleux, Dombasle-en-Xaintois, Esley, Forges (Les), Malaincourt, Ovilet, Renauvoie, Saint-Baslemont, Soncourt, Ville-sur-Illon et Xertigny ; et dans M. Dumont, Histoire des fiefs de la seigneurie de Commercy, tome 1, page 290.
20. Une contrée, dans les bois voisins de la route de Charmes à Epinal, près de l'ancien prieuré d'Aubiey, porte le nom de la Templeries.


Leurs propriétés devinrent assez importantes dans nos contrées, grâce aux donations qui leur furent faites et à la protection dont les ducs de Lorraine et les comtes de Bar les entouraient.
En 1217, le duc Thiébaut 1er accorda aux Templiers de ses Etats l'usage dans ses bois, tant pour brûler que pour bâtir ; la glandée pour leurs porcs et la pâture pour leurs bestiaux, et il déclara que, quand le grand-maitre de l'ordre viendrait à sa cour, il y serait défrayé avec quatre hommes et quatre chevaux (21).
21. Voyer: Histoire de Lorraine, tome 2, colonne 219.

Par son testament, daté du mois de juin 1226, la duchesse Agnès, mère de Mathieu II, donna aux frères de la milice du Temple son moulin de Longwy (molendinum meum de Lonwy pro voto crucis meæ in subsidium sanctæ Terræ, dedi fratribus militie Templi (22).
Une clause du testament de Ferry III (1297) porte également qu'il donne aux Templiers et aux Hospitaliers ses chevaux, palefrois et sommiers (23).
22. Voyer: ibidem, colonne CCCCIX.
23. Voyer: ibidem, colonne DXLVI-DL.


Dès l'année 1191, Henri 1, comte de Bar, avait, pour le salut de son âme et de celles de ses parents, fait don aux chevaliers du Temple de Salomon (Fratribus milicie Templi Salomonis) de quinze livrées de terre à prendre annuellement sur le passage ou sur le tonlieu de Bar.
Cette donation est faite en présence de frère Simon d'Aix, sénéchal de la milice du Temple ; de frère Gilbert, grand précepteur de France, et de plusieurs autres frères de l'ordre (24).
24. Vidimus de fan 1381, au Trésor des Chartes, layette Commanderies, n° 37. Dans la même layette se trouve, sous le n° 25, un titre de l'an 1269, portant le sceau de frère Amaury, précepteur des maisons de la milice du Temple en France. Ce sceau, à une queue, faisant partie du parchemin sur lequel la charte est transcrite, est en cire verte, large de 25 millimètres et convexe à sa partie postérieure.
Légende : MI(litia) TEMPLI SAL(omonis).
Dans le champ, un édifice (la mosquée d'Omar), orné de deux arcatures en plein-cintre et couvert d'une coupole que surmonte une petite croix, laquelle peut servir de croisette au commencement de la légende. M. de Wailly, dans ses Eléments de paléographie (tome Il, page 239), décrit plusieurs sceaux des Templiers, dont l'un, de l'an 1171, porte la même légende que le nôtre MIL. TEMPL. SAL. qu'il traduit par milites Templi salutis. Ce dernier mot doit, bien évidemment, être remplacé par Salomonis : le texte de notre charte de 1191 ne laisse aucun doute à cet égard.


L'expulsion des Templiers de la Lorraine et du Barrois, lors de la suppression de l'ordre, ne semble pas avoir été accompagnée des rigueurs que l'on déploya contre eux en France. Les auteurs les plus dignes de foi disent qu'on se borna à les chasser, et si le drame dont fut témoin le temple de Brouvelieures peut être regardé comme un fait authentique (25), il ne faut y voir qu'un acte isolé de barbarie.
25. M, Gravier est le seul auteur qui rapporte cette triste particularité, et sans dire où il a puisé ses renseignements. Voyer M. Digot, Histoire de Lorraine, tome 2, pages 197-199.
Sources : M. HENRI LEPAGE. Mémoires de la Société d'archéologie lorraine, Seconde série, 5e volume, pages 363 à 370. Nancy 1863.
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