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La commanderie de Montarouch

Département: Gironde, Arrondissement: Langon, Canton: Targon - 33

Domaine du Temple de Montarouch
Domaine du Temple de Montarouch

Le développement des XIIe et XIIIe siècles et l'apparition de Montarouch

Dès les débuts les Ordres religieux connurent un développement rapide, à cause de la vogue pour les pèlerinages, du désir de connaître l'Orient, de la générosité envers ces chevaliers apôtres de la chrétienté. Si les terres étaient données, il fallait les mettre en culture, y construire des bâtiments, s'arranger pour qu'elles rapportent, qu'elles soient à l'origine de villages et de paroisses.

La deuxième moitié du XIIe siècle fut une période heureuse pour les constructions d'églises en Aquitaine. Les techniques du bâtiment s'étaient développées : extraction et taille de belles pierres régulières, joints finement liés, bandeaux et corniches pour souligner les niveaux; même les plus petites églises de campagne devinrent belles : Courpiac, Jugazan, Lugaignac, Naujan, Haux, Langoiran, et tant d'autres en sont les témoignages ruraux.

Une découverte architecturale de premier plan s'était propagée en 1144 lors de l'inauguration du chœur de l'abbaye de Saint-Denis : la croisée d'ogives, qui prenait appui sur les angles porteurs devenus « tas de charge », et non plus sur les murs qu'on pouvait ajourer par de grandes fenêtres : la lumière rentrait à flots dans les églises, et des vitraux permettaient de colorer les intérieurs par les reflets. Aliénor d'Aquitaine et son époux Henri II Plantagenêt, roi d'Angleterre depuis 1154, maintenaient la paix en Aquitaine, qui permit de développer un commerce intense avec les îles britanniques, ce qui profita surtout aux ports atlantiques et à leur arrière-pays : les farines, le vin, le sel côtier furent à l'origine d'une grande prospérité.

C'est dans ce climat que les Ordres militaires et hospitaliers connurent dans la France de l'Ouest un essor considérable. Pourtant la Deuxième Croisade avait été un échec sanglant : partie en 1147 elle s'acheva en Asie mineure, et ne put même pas atteindre Jérusalem.

Le développement de l'Ordre du Temple dans les diocèses de Bordeaux et Bazas fut particulièrement profond à cette époque. Un Grand Maître de l'Ordre, Bertrand de Blanquefort, qui exerça ses fonctions avec beaucoup de valeur guerrière de 1156 à 1169, était le fils de Godefroy seigneur du château de Blanquefort, près de Bordeaux, et l'Archevêque de la province d'Aquitaine de 1173 à 1187, s'appelait Guillaume le Templier, d'une famille anglaise, mais qui fut d'abord Chevalier du Temple.

Le temple de Montarouch fut construit dans ces années 1160-1180, selon les analyses archéologiques faites par Léo Drouyn ou le Professeur Gardelles, en même temps que les Commanderies templières-sœurs comme Blésignac, Cadarsac près d'Arveyres, Magrigne près de Bourg, ou que la chapelle du Temple de Bordeaux, située en bordure de l'actuelle rue du Temple.

De leur côté les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem construisaient en Guyenne Roquebrune, Villemartin près du gué du « Pas de Rauzan », Benon en Médoc, Arcins. Il semble qu'en 1200 toute l'implantation des Commanderies du Temple et de Saint Jean de Jérusalem ait été complète.

1 - Les particularités de Montarouch


Il est certain que la Commanderie de Montarouch était primitivement templière. Lors d'une instance intentée par la maison de Montarouch en 1690 pour revendiquer des droits, le Chevalier Charles d'Aiguières précise bien que Montarouch était d'abord aux Templiers, puis fut dévolu à l'Ordre de Saint Jean en 1312 lors de la suppression.

Ceci est confirmé par un détail d'architecture. La règle du Temple précisait : là où vous construirez des bâtiments faites les signes de reconnaissance.

Or ces signes on les voit toujours à Montarouch : sur le mur Est, au-dessus du triplé de fenêtres, la grande Croix du Temple domine : c'est une grande croix à branches égales, avec les extrémités légèrement pattées, c'est-à-dire élargies. La signature de l'Ordre est là.

Dans les documents sur Saint Genis-du-Bois aux Archives départementales on trouve une mention en 1299 Monte ruber et Samcto Genesio. Or Monte ruber est le nom latin de « Mont rouge », Montarouch pourrait être le « Mont roux » (à cause des argiles rouges ?) ou le mont d'un personnage appelé « le rouge », ou « Roux. » Or précisément nous trouvons à peu de distance, dans la commune de Targon les lieux-dits « Petit Roux », et « Grand Roux », là où eut lieu la bataille de 1561 où les catholiques de Montluc défirent complètement les troupes protestantes du Baron de Langoiran.

Ne pourrait-on pas déduire qu'il y aurait eu par là un riche propriétaire terrien du nom de Roux, qui aurait donné des terres à l'Ordre du Temple en ce XIIe siècle, et la Commanderie aurait gardé le nom du donateur, Montarouch serait le « Mont à Roux ? » Mais la science étymologique est difficile, et donne rarement de certitudes. La situation géographique de Montarouch était bonne : non seulement elle se trouve à une ligne de crête entre la vallée de la Dordogne et « les Benauges », mais aussi à un carrefour de routes : vers le Nord on allait par le Biac (la « via » romaine) sur Guillac, Lugaignac, et le gué de Branne, par le Sud on allait sur Targon et le passage de Langoiran, et l'on était tout près de la grande dorsale de l'Entre-deux- Mers de la Sauve à Sauveterre.

Montarouch était une maison importante qui rayonnait aux alentours. Dès le XIIe siècle le Temple de Blésignac était une dépendance où l'on trouvait plusieurs moulins à eau, comme Saint Genis du Bois qui comportait les trois moulins de Robin Trahan, Maupas, et Coycaut. Montarouch, sur la hauteur, ne disposait que d'un moulin à vent, celui de la Careire. Qui tenait les moulins tenait le pouvoir alimentaire !

Le professeur Gardelles, de regrettée mémoire, nous disait avoir eu en mains la preuve que des Commanderies de Guyenne, dont celle de Sallebruneau, faisaient l'élevage de chevaux suffisamment robustes pour servir en Palestine. Cela n'aurait rien d'étonnant car les terres à bonnes prairies ne manquent pas.

2 - La fin du Royaume latin de Jérusalem


Pour organiser le territoire de Palestine conquis à la Première croisade en 1099 une hiérarchie féodale avait été mise en place en Orient. Le Royaume de Jérusalem avait été créé, dont le Premier Roi fut Godefroy de Bouillon lui-même, puis son frère Baudoin I de Boulogne.
Le bras armé du royaume était fourni par les Chevaliers du Temple et de Saint Jean de Jérusalem.
Ce royaume eut une vie brillante, mais il dura moins d'un siècle. Il fut la clé de la présence de l'Occident en Orient, autour des lieux saints de Bethléem, Nazareth, Jérusalem qui, protégés, rendirent fréquents les pèlerinages.

D'autres principautés franques se formèrent le long de la Méditerranée, faisant une bordure continue : le Comté de Tripoli sur une moitié du Liban actuel, la Principauté d'Antioche qui couvrait une partie de l'Asie mineure, le Comté d'Edesse vers l'intérieur des terres, en Syrie.

Ce fut au XIIe que furent construites les forteresses redoutables que l'on peut encore admirer debout : le Krak des chevaliers, en frontière, Tyr, Sidon, Acre, Château- Pèlerin, selon des techniques de construction magnifiques. L'art roman de l'Occident se perfectionnait avec les techniques de l'Orient.

Mais un chef militaire de premier ordre s'éleva contre la domination franque : Saladin, qui en 1187 lança le jihad, la guerre sainte, et regroupa une armée redoutable.
Quittant Damas, l'armée triompha de quelques escarmouches, le grand choc militaire se produisit dans le désert, à Hattin le 4juillet 1187 : Saladin y tenait un point d'eau abondant alors que les Chrétiens complètement assoiffés, en plein été, attaquèrent dans des conditions désastreuses.

Hattin fut une défaite totale, le Grand Maître des Templiers Géraud de Ridefort se montra stratège détestable, presque tous les Templiers furent exterminés et les principaux chefs militaires prisonniers. La suite ne se fit pas attendre : prise de Tibériade, d'Acre, d'Ascalon et de tous les châteaux, reddition de Jérusalem le 2 octobre de cette année 1187.

Un sursaut d'énergie en 1191 permit au Roi Philippe-Auguste et à Richard Cœur de Lion de reprendre Acre, où les chevaliers survivants purent s'installer.

3 - La disparition de l'Ordre du Temple

Les causes et les différentes péripéties de l'abolition de l'Ordre du Temple sont suffisamment connues pour ne pas trop s'étendre sur elles. Voici un résumé chronologique des faits qui ont marqué ce drame :
1 — Dès 1291 avec la perte de Saint Jean d'Acre l'Ordre est affaibli, le Grand Maître Thibaud Gaudin ne sauve que les trésors de l'Ordre et dix chevaliers rescapés du siège et des combats. Ils se réfugièrent à Limassol, en Chypre, et ramenèrent leurs fonds en Europe, notamment à la Maison du Temple à Paris, véritable coffre-fort.

2 — Chassé par une émeute populaire, le Roi Philippe IV le Bel se réfugie à la maison du Temple, à Paris où il est reçu charitablement.

3 — Le 13 Octobre 1307 le Grand Maître Jacques de Molay, soixante chevaliers à Paris, et dans toutes les Commanderies dépendantes du royaume de France les templiers sont arrêtés et emprisonnés, accusés d'idolâtrie, hérésie, blasphème, sacrilège.

4 — Soumis à l'inquisition, les chevaliers sous des tortures épouvantables s'accusent de diverses fautes. Plusieurs meurent sous la torture, d'autres deviennent infirmes en perdant l'usage de leurs jambes. Que valent des aveux sous la torture ?

5 — En 1310 ce sont cinquante-quatre chevaliers du Temple qui comparaissent et se rétractent solennellement de leurs aveux... que n'avaient-ils pas faits ? Ils sont aussitôt accusés de reniement, c'est-à-dire de « relaps », ce qui aggravait leur cas. Ils sont brûlés comme relaps.

6 — Mais il fallait l'autorité pontificale pour aboutir à une solution définitive car c'était un ordre religieux. Le roi fit appel au Pape Bertrand de Goth, devenu Clément V, qui donna sa caution à la suite de tractations secrètes, et le 6 mai 1312 au Concile de Vienne fut décrétée l'abolition de l'Ordre du Temple. Les biens furent répartis : le trésor monétaire et bancaire revint au roi, les propriétés terriennes aux Hospitaliers de Saint Jean et à d'autres ordres hospitaliers.

Les chevaliers survivants, soit s'enfuirent au Portugal, soit finirent leurs jours en prison, soit entrèrent chez les hospitaliers, soit revinrent à l'état laïc, et pour beaucoup, furent versés dans des ordres religieux.

7 — Le 19 mars 1314, sur un bûcher au bord de la Seine, disparurent le Grand Maître Jacques de Molay et le dauphin Guy d'Aquitaine.

Il est difficile de porter un jugement sur ces buts et sur les méthodes employées car nous n'avons pas les mentalités du XIVe siècle et nous n'avons pas tous les éléments documentaires sur ce sujet. Ces mœurs paraissent étranges à l'homme actuel, comment expliquer cette forte collusion entre le pouvoir royal et le pouvoir ecclésiastique ? Pourquoi les Templiers se défendirent-ils si mal et si peu ?

Une réponse peut être donnée en comparant avec ce qui se passa à Malte en 1798 lorsque les armées de Bonaparte prirent l'île sans que les Chevaliers de Malte ne se défendent en aucune sorte : d'après les règles de l'Ordre ils ne pouvaient pas lutter contre les chrétiens, mais seulement contre les infidèles. Le Grand Maître Ferdinand de Hompesch se rendit aux français sans condition, qui occupèrent l'île aussitôt, avant de s'en faire déloger par les Anglais.

Les graffitis templiers que l'on peut lire encore sur les murs intérieurs de la Porte des Tours, à Domme, ne nous montrent rien qui sente l'hérésie ou l'idolâtrie, on voit la Vierge, Saint Jean, le Crucifix, la Messe figurée et tous les symboles chrétiens habituels.

Montarouch passa aux mains des Hospitaliers à partir de 1312, comme les autres maisons.

I - L'administration de la commanderie


A - Montarouch, commanderie templière
Nous pouvons le déduire d'abord de la toponymie ; les terriers ou les reconnaissances de Montarouch ont conservé un nom sans équivoque : Le Temple. Nous le trouvons à Blésignac (1) : « la chapelle du Temple » ; à Bellefond : « au Temple » ; à Daignac : « au Temple », le « moulin du Temple » ; à Romagne : « au pré du Temple » ; enfin à Targon où le lieu-dit Saric s'appelait auparavant « au pré du Temple »

Nous pouvons aussi remarquer que dans les procès-verbaux des visites de l'Ordre de Malte l'église de la commanderie est dite dédiée à Notre Dame, comme cela est fréquent pour les églises templières.

Dans le Grand Cartulaire de l'Abbaye de La Sauve Majeure (document 1), le Temple de Montarouch est mentionné dans un acte daté de 1196 (2) dans lequel les templiers de « Monteroig » ont un différend avec le prieuré de Bellefont à propos d'un droit de sépulture. Ils ont aussi des problèmes de dîme et de moulin à Saint- Léon et Blésignac. Les démêlés avec l'abbaye jalonnent toute l'histoire de Montarouch car l'abbaye et la commanderie attirent les donations et cela entraine des contestations (3) (voir infra l'article de J.L. Piat)

1196 est donc la date la plus ancienne à laquelle nous pouvons remonter. Il faut prendre avec beaucoup de circonspection l'affirmation de Cirot de la Ville sur la fondation de Montarouch vers 1153, après le passage de Saint Bernard dans la contrée. Nous n'en avons aucune preuve.

Enfin, une copie, (document 2), effectuée le 20 juillet 1736, d'un acte de transaction du XIIIe siècle atteste l'appartenance de Montarouch à l'ordre du Temple (4). Jean de Grailly, seigneur de Benauges, avait usurpé le droit de justice du commandeur de Montarouch. Le visiteur général de l'Ordre vient à Montarouch pour trouver un accommodement. Cela nous apprend aussi qu'à cette époque Montarouch et Saint-Genis sont réunis sous le même commandeur. Ce texte est un bon exemple de la difficulté qu'offrent les archives de la commanderie : la copie, en latin dit anno millesimo ducentissimo nonagesimo nono die martis. Cela a été compris comme : 9 mars 1290. En fait il ne peut s'agir de 1290 car à cette époque Jean de Grailly est en Terre Sainte où il se distingue lors du siège de Saint-Jean d'Acre (5). Il revient semble-t-il en 1298. Ainsi cet acte date de 1299 et non de 1290. Le copiste fait du visiteur un commandeur alors qu'il est écrit dans le texte latin fratrem Hugonem de Pando, generalem visitatorem domorum militiae Templi.

Quant au visiteur, son nom est déformé par le secrétaire : ce n'est pas Paudo mais Parendo ou Payrando, version latine du nom de Hugues de Payraud, visiteur de France, arrêté et emprisonné avec Jacques de Molay (6). Ainsi n'y a-t-il jamais eu comme on peut parfois le lire un commandeur Templier, appelé Hugues du Puch, à Montarouch.

Il faut enfin aborder un autre texte que Du Bourg a trouvé dans les archives d'Arcins à Toulouse. Voici ce qu'il en dit : Au commencement du XIVe siècle, cet établissement (Montarouch) fut en butte à une violente agression. Noble Pierre de Greylin, vicomte de Bénauges, descendant, peut-être, d'anciens bienfaiteurs de l'Ordre, voulut se rendre maître de cette place, sur la seigneurie de laquelle il élevait les prétentions les plus ardentes et les moins justifiées. A la tête de la troupe nombreuse de ses hommes d'armes, il surprit la faible garnison de Montarouch, envahit la ville, le donjon, qu'il livra au pillage ainsi que l'église. A la nouvelle de cet attentat, Pierre D'Arbussac, commandeur de Saint-Jean de Bordeaux, s'empressa de déposer une plainte contre son puissant adversaire. Mais, retenu, par des relations amicales avec l'accusé, ou par la crainte de représailles de ce fougueux baron, l'official de Bordeaux refusa de recevoir la plainte du commandeur et de poursuivre le coupable. Voyant qu'il ne pouvait obtenir justice, Pierre d'Arbussac s'adressa au pape Clément V. Ce dernier, par une bulle, datée d'Avignon, le 3e jour des Nones de juin de la 2e année du pontificat (2 juin 1306), chargea les abbés de Sainte-Croix, de Bordeaux, et de Saint-Sauveur, de Blaye, d'aller excommunier, en son nom, le terrible vicomte de Benauges (7).

Ce texte est intéressant à plusieurs titres. Il nous apprend pourquoi il n'y a pas d'archives sur la commanderie templière : elles ont probablement brûlé ou été détruites pendant l'attaque. Mais il pose aussi des problèmes. L'attaque a eu lieu, si l'on se réfère à la bulle, avant juin 1306. Que vient faire alors dans l'histoire un Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, puisqu'en 1306 Montarouch appartient à l'Ordre du Temple, et que les 2 ordres n'ont pas des relations de grande amitié ? Mais la date de la bulle est-elle la bonne ? Car n'oublions pas que l'affaire des Templiers commence en 1307, les premières arrestations datent d'octobre et à cette époque le pape est à Poitiers. Il ne peut dater une bulle d'Avignon de 1306 car il ne s'y installe qu'en 1309. Ce texte est certainement postérieur à la suppression de l'Ordre et à la donation de ses biens fonciers par Clément V en 1312 aux Hospitaliers. A partir de cette même date, et à l'imitation des administrateurs royaux qui vident les commanderies, les seigneurs locaux essaient de récupérer les biens qu'eux-mêmes ou leurs ancêtres avaient donnés au Temple. On comprend mieux alors l'attaque du vicomte de Benauges qui tente de reprendre une seigneurie qui empiète sur la sienne et la réplique du commandeur des Hospitaliers qui se retourne vers le pape (8). Ainsi, après 1312, Montarouch passe dans le domaine des Hospitaliers de l'Ordre de Saint-Jean.
Sources: Association pour la sauvegarde du patrimoine et de l'environnement du canton de Targon.
Cet ouvrage de 221 pages et disponible à l'office de tourisme de Targon : 10 Grande rue 33760 Targon, téléphone 0556236369


Notes, Montarouch

1 — Pour Blésignac : Marion, Benzacar, tome 1, page 287.
Pour les autres villages : AD 33, H 2200. (Copies d'actes de reconnaissances de 1357, 1358, 1359 pour Daignac, Bellefond, Romagne ; de 1708, 1709 pour Targon.)
2 — Grand Cartulaire de La Sauve, pages 236, 275, 276.
3 — Marquessac, page 96 ; Cirot de La Ville, page 130 et suivantes. 4-AD 33, H 2199.
5 — Abbé Boulangé, page 41. II a correctement interprété la date.
6 — On trouve des renseignements sur Hugues de Payraud dans Bordonove, page 212 ; De Vertot, tome 2, page 133 à 138 ; Lavocat, pages 386 à 390.
7 — Du Bourg, pages 466-467 ; résumé dans AD 33, 1 Mi 2145.
8 — Pour la fin de l'Ordre du Temple, voir Bordonove, ou les articles de Jean Favier dans L'Histoire n°47, n°198 ; les articles de Jean Flori et Alain Demurger dans ce dernier numéro. Clément V, dans l'article Avignon, volume 2, page 955, de l'Encyclopedia Universalis.

Sources: Association pour la sauvegarde du patrimoine et de l'environnement du canton de Targon.
Cet ouvrage de 221 pages et disponible à l'office de tourisme de Targon : 10 Grande rue 33760 Targon, téléphone 0556236369


Architecture de l'église de la commanderie des Templiers de Montarouch


La puissante commanderie de Montarouch ne se signale plus aujourd'hui à l'attention du passant que par les ruines de son église : de cette dernière ne demeurent plus que deux pans de murs, à l'est et au nord, ainsi que l'amorce de leur homologue à l'ouest.

La construction a perdu sa couverture, qui n'est en place que sur une tour carrée flanquant au nord le mur du chevet. L'ensemble est d'un pittoresque très romantique, accentué par la présence d'une végétation grimpante ou retombant depuis le sommet des murs éventrés.

Ces quelques témoignages sont cependant très précieux, nous allons le voir, pour permettre de reconstituer comment se présentait l'église templière telle qu'elle était à l'apogée de sa puissance, du XIIe au XIVe siècle.

Une construction romane d'une simplicité raffinée


Le plan de l'église est parfaitement identifiable : à une courte nef rectangulaire succède un chevet de même largeur, terminé à l'orient par un mur plat. Un pilastre engagé dans le mur marque discrètement le passage de la nef au sanctuaire. Nous avons affaire là au plan très simple fréquemment adopté par les églises des commanderies templières et hospitalières et dont le Temple de Cressac, en Charente, offre, par exemple, un tracé identique.

L'élévation de l'église peut être déduite grâce aux restes du mur Nord. Ce dernier est construit, comme le reste de l'édifice, dans un appareil régulier de calcaire soigneusement layé.

Montarouch, mur nord

Montarouch, mur nord
Montarouch, mur nord

A l'extérieur, le mur est renforcé par des contreforts, particulièrement nombreux dans la partie orientale de la nef. Nous ne pouvons plus savoir aujourd'hui si de semblables dispositions existaient au Sud ou si la présence de ces contreforts au Nord était liée à la proximité d'une rupture de pente assez accentuée située à une dizaine de mètres de l'église.

Le mur roman se termine par une corniche creusée en doucine, supportée par des modillons rapprochés, tous identiques, d'un dessin élégant et simple : ils sont chanfreinés, et soulignés par une moulure dans le plan vertical. Entre ces corbeaux, une unique pierre rectangulaire se trouve dans la position des métopes antiques.

Le soin apporté à la construction est manifeste : si on retrouve comme dans la plupart des murs romans, des hauteurs variables d'assises, la régularité parfaite de la corniche montre particulièrement la très grande qualité de la stéréotomie.

A l'intérieur, le mur se termine par une moulure en fort relief, au profil en doucine. L'ensemble de l'édifice était autrefois couvert par une voûte, dont on voit encore le départ au-dessus du mur nord et qu'on peut reconstituer grâce à l'arc formeret conservé à l'est : c'était une voûte en berceau brisé longitudinal dont le seul renfort était un arc doubleau qui retombait sur le pilastre marquant les limites de la nef et du chevet plat. Seuls les reins de cette voûte subsistent au Nord.

Modillons du portail nord

Modillons du portail nord
Modillons du portail nord

La mise en valeur des couvertures dans les murs par des restaurations récentes

L'édifice, inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, souffrait de la présence de la végétation sur les murs, et l'angle nord-ouest de l'église présentait des fissures qui mettaient en péril la solidité des murs tout entiers.

L'Atelier Départemental du Patrimoine intervient tout d'abord de 1991 à 1993, pour nettoyer le bâtiment et remettre en état la toiture de la tour nord, puis une première campagne de restauration fut entreprise pendant l'été 1994, sous la direction du Service Départemental de l'Architecture ; les fissures de l'angle nord-ouest furent consolidées, et le portail nord fut débarrassé des pierres qui le fermaient, révélant un portail roman de grande qualité que nous étudierons plus loin.

La seconde campagne, prévue au cours de l'été 1996, permettra la consolidation du chevet et la réouverture des deux baies obstruées du mur oriental.

Dents de loup peintes sur le mur nord du chevet

Dents de loup peintes sur le mur nord du chevet
Dents de loup peintes sur le mur nord du chevet

Sarcophage

sarcophage, côté nord
sarcophage, côté nord

Inscription sur le linteau

Inscription sur le linteau
Inscription sur le linteau

Sur le linteau d'une petite porte, l'inscription suivante : Qui fut meurtri, tué et mis à mort / Cruellement et sans en avoir remort / Par la fureur de la Communauté / de Saint Léon en grand déloiauté

Intérêt du portail nord nouvellement découvert

Ce portail se situe dans la partie occidentale du mur nord ; il avait été prévu dès le début de la construction comme le montre l'espacement de contreforts à cet endroit. La situation de cette porte au Nord est peu fréquente, on la retrouve cependant dans une autre église templière de Gironde, celle de Blésignac.

Montarouch, portail nord

Montarouch, portail nord
Montarouch, portail nord

Cette porte, de bonnes dimensions, avait été obstruée, d'une façon très soigneuse, par un moyen appareil assez régulier, de même épaisseur que le mur, à une époque que nous préciserons plus loin.

Le dégagement de 1994 a permis de retrouver la forme générale du portail, dont l'arc intérieur est polylobé. Montarouch peut ainsi se placer parmi les églises à portails polylobés, particulièrement nombreuses dans le Libournais et le nord de l'Entre-deux-Mers oriental : citons principalement Petit Palais, Guîtres, Puisseguin, Lalande de Pomerol, Queynac, et surtout l'église templière de Villemartin.

A Montarouch, les lobes sont au nombre de quatre, ils sont réunis par un rouleau et moulurés. Le portail est ébrasé vers l'extérieur. L'archivolte présente quatre voussures, très sobrement décorées, avec des dents de loup et des fleurs à quatre pétales. Les quatre chapiteaux qui, de part et d'autre, reçoivent cette archivolte, sont mutilés. Les piédroits ont une disposition particulière : leurs angles sont abattus en quart de rond pour simuler des colonnettes, comme à Saint-Genis-du-Bois, par exemple.

Aussi, ce portail est d'une ampleur et d'une sobriété bien en accord avec le style général de l'architecture.

Montarouch, portail nord

Montarouch, portail nord
Montarouch, portail nord

Plus que l'ornement sculpté, c'est l'équilibre des formes, et la perfection de la taille de la pierre — dans les polylobes notamment — qui ont été recherchés.

Présence d'un décor peint sur le portail et les murs de l'église


Des traces de couleurs en particulier du jaune, du rouge et du noir, sont encore visibles à l'intérieur de l'église et sur le portail. Le décor peint, aujourd'hui très dégradé comportait tout d'abord un faux appareil de couleur rouge qui couvrait le haut des murs et probablement la voûte.

Les percements dans le mur étaient mis en valeur par un décor coloré dont on peut apercevoir quelques éléments sur les claveaux de la porte.

Au-dessous de la corniche, dans le chevet, une frise de dents de loup a été modelée en relief dans l'enduit frais, et soulignée d'un trait rouge. Ce procédé décoratif rappelle, sans doute à moindre frais, les dents de loup sculptées dans la pierre par exemple, dans les fenêtres de Notre-Dame de Langon, ou le portail occidental de l'église de Cardan, ou bien encore les corniches de la collégiale de Saint-Emilion.

Montarouch, frise de dents de loup

Montarouch, frise de dents de loup
Montarouch, frise de dents de loup

Les éléments que nous venons de décrire pourraient appartenir à une campagne de décor suivant immédiatement la construction. Ainsi pourrait-on expliquer la présence de deux voussures parfaitement lisses dans le portail par le fait qu'elles devaient avoir été prévues pour porter un décor coloré. En revanche d'autres éléments peints ne semblent pas appartenir à l'époque romane, mais plutôt à la période gothique, en particulier les souples rinceaux rouges qui couvrent la corniche ou le décor de triangles imbriqués qui forment une frise sous le bandeau qui reçoit la voûte, ou bien encore la bande, limitée par deux lignes jaunes, qui suit tous les murs conservés à environ deux mètres du sol, et qui semble contenir des personnages.

Rappelons que les églises templières portaient souvent un décor peint : c'était le cas à Magrigne en Gironde ; l'exemple le plus connu est fourni par les peintures murales romanes de Cressac en Charente.

Des baies pour éclairer le sanctuaire


Comme dans de nombreuses églises templières et hospitalières c'est la formule du triplet absidial qui a été retenu dans le mur plat du chevet. Les trois baies en plein cintre, fortement ébrasées et talutées, devaient verser une lumière abondante dans le chœur ; elles étaient complétées par un oculus dont la facture est encore très romane à l'intérieur, mais qui est en forme de quadrilobe à l'extérieur.

Montarouch, baies triplet


Montarouch, baies triplet

Montarouch, baies triplet

Montarouch, baies triplet
Montarouch, baies triplet

Une fenêtre romane a été percée dans le mur nord de l'abside. Elle présente la particularité, en raison de ses grandes dimensions, de pénétrer la partie inférieure de la voûte.

Montarouch, fenêtre romane

Montarouch, fenêtre romane
Montarouch, fenêtre romane

Il est probable que si le chevet était aussi largement éclairé, la nef devait, par contre, être sans doute dépourvue de baies (comme c'est le cas à Villemartin, Magrigne ou Blésignac).

Montarouch, baies, vue intérieure

Montarouch, baies, vue intérieure
Montarouch, baies, vue intérieure

Les modifications postérieures


L'église a été flanquée à l'angle nord-est, par une tourelle d'escalier sur laquelle s'élève en encorbellement une tour, percée de deux portes d'accès. On ne peut comprendre cette construction que si l'on imagine que l'église a été, à ce moment-là, dotée d'un système de fortification dont on voit seulement les restes au-dessus du mur nord mais qui devait couvrir toute l'église et pour l'accès duquel la présence du voûtement demandait un escalier extérieur. Le mur nord conserve une surélévation réalisée, comme la tourelle d'escalier, en bel appareil régulier. Des consoles à trois redents à l'origine — il n'en subsiste que deux — devaient porter des mâchicoulis, et des créneaux et merlons, tous aujourd'hui disparus.

tourelle d'escalier

Montarouch, tourelle d'escalier
Montarouch, tourelle d'escalier

On peut rapporter cette fortification à la période de la guerre de Cent Ans, sans doute dès avant le milieu du XIVe siècle.

Le système défensif étant prévu pour protéger le pied des murs de l'église, aucune construction adjacente ne devait exister contre l'église. C'est sans doute postérieurement à la Guerre de Cent Ans, à la fin du XVe siècle, ou au XVIe siècle, que l'on établit, le long du mur nord, une série de consoles destinées à porter la charpente d'un bâtiment accolé à ce mur. Les consoles se poursuivant sur toute la longueur du mur, c'est sans doute à cette date que l'on réalise le comblement du portail nord, afin d'étendre la nouvelle installation, qui a aujourd'hui disparu.

Intérêt de la construction romane


L'église de Montarouch que l'on peut situer, par son style dépouillé et par la qualité de sa stéréotomie, dans le dernier quart du XIIe siècle, est donc un très bon exemple d'architecture caractéristique des ordres militaires. Si d'autres constructions templières dans cette région, comme par exemple Saint-Genis-du-Bois, ne se distinguent pas des églises paroissiales, ce n'est pas le cas à Montarouch, où s'affirme une volonté de suivre les canons pratiqués par l'ordre.

Cette architecture va par la suite servir de modèle et rayonner sur les constructions plus modestes de la région où l'on retrouve, en particulier dans le canton de Targon, des chevets plats comme à Lugasson, ou une simplicité du part architectural comme à Bellefond ; ce retour à la pureté de l'art roman est bien la marque caractéristique de la fin du XIIe siècle.
Sources : Article de Michelle GABORIT, Université Bordeaux III, Centre de recherche Léo Drouyn (Bouliac) dans l'ouvrage collectif de l'ASPECT « La commanderie de Montarouch », septembre 1996.
Et le site Internet de Sud Ouest

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