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Études réalisées sur les Templiers

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1° Les Templiers à la Cavalerie

Département: Vaucluse, Arrondissement: Apt, Canton: La Bastide-des-Jourdans - 84

Domaine du Temple de La Cavalerie
Domaine du Temple de La Cavalerie

A une heure de marche, à l'est de la Bastide-des-Jourdans, à quelques pas en deçà d'un ravin qui fait la limite des départements de Vaucluse et des Basses-Alpes, au débouché des vallées bien exposées au midi, qui, au-dessous du village de Montfuron (1), descendent de la montagne du Luboron ; on voyait, il y a une cinquantaine d'années, autour d'une église romane dont les murs étaient bien conservés, les ruines d'un ancien couvent, connu dans la contrée sous le nom de La Cavalerie. C'était une ancienne Commanderie des Templiers.
1. Montfuron, mons furum, montagne des voleurs. Est-ce pour expulser ces voleurs, que les Templiers seraient venus s'établir dans cette vallée ?

Notre-Dame de La Cavalerie
Notre-Dame de La Cavalerie.
Sur la carte de Cassini, le lieu est dit : N-D. Hermitage
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Cet Ordre de chevalerie fut fondé en 1118 par Hugues de Paganis, auquel se joignirent d'abord huit chevaliers. On leur donna le nom de Templiers, parce qu'ils habitaient, près du Temple de Salomon, une maison que Baudouin II, roi de Jérusalem, leur avait donnée.

L'œuvre qu'ils entreprenaient était de défendre la Terre Sainte contre les infidèles, et de protéger les nombreux pèlerins qui venaient la visiter.
Ils s'y dévouèrent avec ardeur, et leur Ordre fut bientôt très florissant. Guillaume, archevêque de Tyr, écrivait à la fin du XIIe siècle : « qu'il n'y avait lieu en la chrétienté, où les Templiers n'eussent des biens, et que leurs richesses étaient comparables à celles des rois. »

Ils avaient des maisons dans tous les pays chrétiens et surtout en France. Ils possédaient de grands biens dans la haute Provence, au Revest, à Vachères, à Reillanne, et dans le bailliage de Pertuis, à la Tour-d'Aigues, et surtout à la Bastide-des-Jourdans, où ils avaient les domaines de la Cavalerie et de Limaye. Une ordonnance royale de 1660, conservée aux archives de la commune de la Bastide-des-Jourdans, indique que les Templiers avaient, en 1273, là où c'est formé le village, une maison de campagne, bastida en provençal, qui fut appelée en latin Bastida Jordanorum, la Bastide des Chevaliers qui venaient de guerroyer sur les bords du Jourdain.

Etant devenus riches, les Templiers trouvèrent dans leur opulence la cause de leur décadence et de leur ruine. A la fin du XIIIe siècle, de graves accusations par rapport à la foi et aux mœurs pesaient sur eux. Les Papes Grégoire IX et Nicolas IV manifestèrent l'intention de les réformer ou de les unir aux Hospitaliers.

Le jour même du couronnement de Clément V, à Lyon, 14 novembre 1305, Philippe le Bel, lui dénonça la conduite des Templiers, et lui demanda d'instruire leur procès ; il lui renouvela bientôt plusieurs fois sa demande. Les Templiers, se voyant suspectés, réclamèrent eux-mêmes le jugement du Saint-Siège.

Comme le Pape ne se pressait pas, le roi de France, agissant comme défenseur de l'Eglise et de la foi catholique, mais n'étant pas sans besoin d'argent ni sans quelque convoitise des richesses des Templiers, fit arrêter et incarcérer le même jour, 13 octobre 1307, tous ceux qui résidaient dans son royaume ; il fit saisir leurs biens et commencer leur procès ; et il écrivit aux rois et aux princes, pour les engager à imiter son exemple.
Comme il s'agissait d'un Ordre religieux, qui avait des maisons dans toute la chrétienté et dépendait du Pape, Clément V se plaignit vivement au roi, et revendiqua le droit qu'il avait seul de procéder au jugement des Templiers. Philippe le Bel interrompit ses poursuites, et le Pape craignant que les autres princes ne suivissent l'exemple et les invitations du roi de France, et voulant sauvegarder ses droits, adressa, le 22 novembre 1307, à tous les rois et princes chrétiens, la lettre Pastoralis prœeminentiœ, dans laquelle il leur demandait d'arrêter en son nom, et de tenir sous bonne garde tous les Templiers, qui étaient dans leurs royaumes et principautés, dont il se réservait le jugement ; de saisir leurs biens et de les confiera des personnes fidèles, pour les garder au nom du Saint-Siège, qui se réservait d'en déterminer l'emploi.

Nostradamus, dans son Histoire de Provence, page 324, rapporte que Charles II le Boiteux, roi de Naples et comte de Provence et de Forcalquier, se trouvait à Marseille, lorsqu'il reçut la lettre du Pape, et qu'il ne tarda pas d'envoyer à tous les juges, viguiers et officiers de ses comtés de Provence et de Forcalquier, des lettres closes avec cette instruction : « Nous vous envoyons nos lettres closes, et Nous vous enjoignons, sur la peine de la confiscation de vos corps et de vos biens, de les garder très secrètement, sans en parler à personne et sans les ouvrir, jusqu'au XXIII du présent mois de Janvier. — A ce jour, je vous marque que, avant qu'il soit clair, voire plutôt en pleine nuit, vous les ouvrirez, pour, après lecture faite, mettre exactement leur contenu à exécution, ce même jour, sans aucune faute, Nous certifiant, par écrit de la main de l'un de vous, de ce que fait en aurez. » « Donné à Marseille le XIIIe jour de janvier, sous notre petit scel. »
Signé : CHARLES.

Les lettres closes parlaient ainsi :
« Charles par la grâce de Dieu, roi de Naples et de Sicile, comte de Provence, de Forcalquier et terres adjacentes, à tous nos officiers salut. » « Suivant l'exprès Mandement de Notre Saint Père le Pape, à Nous secrètement envoyé, Nous vous commandons par ces présentes, si comme à chacun de vous appartiendra, que, incontinent icelles reçues, sous peine de confiscation de corps et de biens, vous preniez et fassiez prendre et saisir au corps tous les Templiers de Notre Comté de Provence, Forcalquier et terres adjacentes, les mettiez ou fassiez mettre et traduire, avec bonnes et sûres gardes, à leurs dépens, ès prisons les plus fortes et sûres que vous aviserez. Et néanmoins leurs biens, meubles et immeubles, bêtes, noms, actions et droits quelconques, vous mettiez par description inventaire, députant bons et louables commissaires, pour iceux régir et gouverner, jusqu'à ce que autrement par Sa Sainteté ou par Nous en ait été ordonné ; tellement que de tout le contenu en notre présente commission, vous procédiez à l'exécution d'icelles, sans dissimulation aucune. »
« Donné à Marseille, le XIII janvier de l'an de grâce MCCCVIII. »

En vertu de ces patentes secrètes, tous les Templiers qui étaient dans le Comté de Provence et de Forcalquier furent saisis le 23 janvier 1308.
Il y a aux archives départementales des Bouches-du-Rhône : 1308 B. 151, les procès-verbaux de la saisie et de l'incarcération des Templiers de la Bastide-des-Jourdans. Le 23 janvier 1308, Maître Martin Triboulet, bailli de Pertuis, Guillaume Gaufredi, juge du même lieu, le notaire Raymond de Cabrières, des hommes de loi Pierre Mayol et Guillaume Jacobi, des gens d'armes Fulcon de Tournafort, Jaufroy Cascanelli et Bonifaco de Reillanne, avec plusieurs autres personnes honorables et dignes de foi, se rendirent à Limaye (1), maison des Templiers à la Bastide-des-Jourdans, et y trouvèrent quatre chevaliers : Raymond Lautaudi, Raymond Salvayre, Pierre Lautaudi et Ugo Atizalli.
1. Limaye était une maison de campagne et un petit village où se trouvait la Cavalerie.

En leur présence, Maître Triboulet fit l'inventaire de leur mobilier : « divers objets de sacristie et d'église, entre autres une grande croix qui renfermait une parcelle de la vraie croix... des arbalètes, des besaces, des tonneaux de vin vides ou à moitié pleins » qui ne démentaient pas le dicton dès lors accrédité : boire comme un Templier.
L'inventaire énumère aussi « 20 chevaux, 14 bœufs arants, 20 autres bêtes bovines, 10 trenteniers et demi de bêtes à laine, et 50 chèvres... »
Le bailli rendit une ordonnance, d'après laquelle quiconque avait reçu des Templiers de l'argent ou autre chose, en prêt ou en commende, devait le restituer à la Cour. Devant toutes les personnes présentes, il fit donner lecture de l'inventaire aux quatre chevaliers, et leur demanda à qui ils voulaient donner la garde de leur maison et de leur domaine. Ceux-ci, après avoir conféré entre eux, demandèrent de la confier à Bertrand Alphanti et Raymond Berbeger, leurs voisins qui connaissaient aussi bien qu'eux-mêmes leur maison et leurs biens.

Les quatre chevaliers saisis à Limaye, ainsi que Bernard Torrès, le seul chevalier qu'on trouva à la Tour d'Aigues, furent le même jour conduits à Pertuis, où ils furent incarcérés dans la forteresse royale. Maître Triboulet les remit entre les mains de Raymond Constantin et Pierre Ginesta, qui devaient les garder fidèlement, ne jamais les perdre de vue, et de ne pas les laisser dépasser la seconde porte et la barbacane.

Les Templiers ne restèrent pas longtemps à Pertuis. Maître Triboulet, ayant reçu du roi Charles l'ordre de les traduire à Aix, vint, le 9 février, régler le compte des dépenses faites par eux et leurs gardiens, depuis le 23 janvier. Elles se montèrent à 67 sols.

Les chevaliers demandèrent que, parmi les objets inventoriés, on leur rendit ceux qui leur étaient nécessaires ; et le bailli, qui avait bon cœur, pietate motus, leur fit restituer quatre chemises, quatre caleçons (femoralia) et trois chapeaux pour la pluie (capellos pluviales). « Il paraît qu'alors les parapluies n'étaient pas encore inventés.»

Ce même jour, Maître Triboulet conduisit les cinq Templiers à la maison du Temple à Aix, où il les remit au noble Seigneur Pierre Gantelme, viguier du roi de Provence.
D'après les ordres du Pape Clément V, le procès des Templiers, fut commencé, les informations durèrent plus de trois ans, et la cause fut discutée et jugée au Concile de Vienne, qui s'ouvrit le 1er octobre 1311. Le Pape, dans le Consistoire secret du 22 mars 1312, par sa bulle Voce in excelso, procédant non par manière de sentence définitive, mais par voie de provision et d'Ordonnance Apostolique, abolit l'Ordre des Templiers, le soumettant, avec l'approbation du saint Concile, à une prohibition perpétuelle (1).
1. Non per modum definitivœ sententiæ, sed per modum provisionis et ordinationis Apostolicæ prœfatum Templi Ordinem tollimus, ac perpetuæ prohibitioni subjicimus, sacro Concilio approbante.

Il publia cette bulle, le 3 avril, dans la seconde session du Concile, à laquelle assista Philippe le Bel avec plusieurs Princes ; le 2 mai, par la bulle Ad providum, il attribua les biens des Templiers aux Hospitaliers de Saint-Jean, qui venaient de s'emparer de l'île de Rhodes, et qu'on appela ensuite chevaliers de Rhodes et chevaliers de Malte ; il conservait ainsi ces biens à leur première destination, à la défense de la Terre Sainte, à la lutte contre les infidèles ; enfin par la bulle Ad certitudinem, publiée le 6 mai, il se réservait le jugement du grand-maître des Templiers et des principaux dignitaires de l'Ordre, et il renvoyait les autres au jugement du Concile de leur province, voulant que la rigueur de la justice soit adoucie par la miséricorde (1), que ceux qui seront reconnus innocents soient honnêtement entretenus sur les revenus de l'Ordre, que ceux qui auront confessé leurs fautes soient traités avec indulgence, et que ceux qui auront persisté à nier leur culpabilité soient logés dans les maisons de l'Ordre, ou à ses dépens. 1. Ut rigor justitiœ misericordia mitigaretur, et sustentationis Templariorum cura haberetur.

En définitive, dit Rohrbacher (Histoire de l'Elise, livre LXXVII), la plupart des Templiers furent rendus à la liberté. Un grand nombre d'entre eux entrèrent dans l'Ordre de Saint-Jean, et conservèrent les mêmes dignités qu'ils avaient dans celui du Temple. Ainsi Albert de Placas, Prieur d'Aix, conserva, sa vie durant, la commanderie de Saint-Maurice, comme Prieur des Hospitaliers.
Sources : Le R. P. Marie-Benoît Barnouin, supérieur du monastère de La Cavalerie. Aperçu historique sur La Cavalerie. Page 5 à 26. Redon, François-Xavier. Aubanel Frères, Imprimeurs de N. S. P. La Pape, Avignon 1900.
BNF

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