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Templiers de la Châtellenie de Vitry-sur-Marne

Inventaires de Maisons des Templiers de la Châtellenie de Vitry-sur-Marne, réunie aux biens des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1398)

On a déjà publié quelques inventaires du mobilier de commanderies du Temple ; il est à souhaiter que le nombre de ces documents se multiplie. C'est un moyen de se rendre compte d'un détail encore peu connu; je veux parler de l'organisation de ces établissements (1).

Il y avait des maisons qui étaient de véritables commanderies avec chapelle et habitation pour le templier qui y résidait; d'autres étaient des maisons rurales pour l'exploitation des terres, ce que, dans certains ordres religieux, on appelait des granges (2). Mais, sur l'administration même de ces maisons, sur ce que chacune d'elles devait à l'ordre, je ne sache pas que l'on ait encore rien dit de précis.

Après que les possessions des Templiers eurent été réunies au domaine de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, il semble que leur importance diminua assez rapidement, au point de vue du revenu ; aussi, partout on voit des anciennes commanderies et des maisons réunies à certains centres dont elles n'étaient plus que des membres. Là où il y avait des chapelles, celles-ci subsistèrent, mais on ne faisait plus de grands frais pour en entretenir le mobilier; s'il y restait quelque meuble précieux, il y a tout lieu de croire qu'il venait des Templiers. Il arrivait que, pour la chapelle de l'ancienne commanderie, devenue le domaine d'un fermier étranger à l'ordre, celui-ci avait dans son bail l'obligation de l'entretenir et d'y faire célébrer des messes, sans doute afin de faire droit à des fondations. De même, on peut conjecturer que le mode d'exploitation des domaines, la destination des immeubles ne changèrent guère après leur réunion à l'ordre de Saint-Jean, et que, par conséquent, ceux qui les exploitèrent ou les habitèrent successivement utilisèrent, aussi longtemps qu'ils le purent, le mobilier laissé par leurs devanciers, pour le remplacer par un mobilier analogue quand l'ancien était hors de service. L'inventaire que nous publions ci-dessous, bien que postérieur de près d'un siècle à la suppression des Templiers, nous renseigne probablement avec assez d'exactitude sur ce que contenaient, du temps de leurs anciens possesseurs, les maisons auxquelles il se rapporte.

L'inventaire en question fut dressé, en 1398, par les soins du commandeur de La Neuville-au-Temple, au moment de louer, pour une période de dix-huit ans, et au prix de 200 florins d'or, 42 sols annuels, les biens que l'ordre de Saint-Jean avait sous son obédience dans la châtellenie de Vitry et qui tous provenaient des Templiers. On remarquera qu'à cette époque, comme sans doute auparavant, les établissements dont il s'agit n'étaient pas des lieux fortifiés, mais plutôt de véritables exploitations rurales assez complètement pourvues de mobilier aratoire.

La plus ancienne charte relative aux Templiers dans le Châlonnais fut donnée en 1132 par l'évêque Elbert (3) ; ils étaient établis, depuis peu de temps, non loin de la ville épiscopale, à La Neuville. Dans cet acte, le prélat, avec l'assentiment du chapitre, confirme l'établissement des frères du Temple de Salomon à La Neuville et énumère les donations déjà faites par les principaux seigneurs des environs (4). Je crois pouvoir affirmer que cette colonie fut appelée à La Neuville par suite d'un mouvement dû à l'influence de saint Bernard qui, à cette époque, assista à un concile à Châlons et refusa, dit-on, l'évêché de cette cité. On ne voit intervenir le roi Louis VII que plus tard en 1147 et le comte de Champagne en 1152 pour confirmer les libéralités des particuliers. Ce dernier rappelle, en 1165, à propos de la commanderie de Possesse, que les maisons du Temple étaient établies pour venir en aide aux pauvres et aux voyageurs : « ...terram in qua domus hospitalis cum appendiciis suis in susceptionem pauperum et peregrinorum edificata... »

Les archives de la commanderie de La-Neuville-au-Temple, en 1704, étaient au chef-lieu du Grand Prieuré de Champagne à Voulaines (Côte-d'Or). A cette date, d'après une note non signée, conservée aux archives de la Marne (fonds de La Neuville), J.-F. de Ricard, commandeur de La Neuville et Maucourt, se transporta en ce château pour faire l'inventaire des titres de sa commanderie. L'archiviste, nommé Cousin, l'introduisit dans l'une des tours et lui ouvrit trois petites armoires superposées, dans lesquelles il trouva les documents qu'il cherchait, mais en désordre. Ce fonds fut alors renfermé dans seize sacs ainsi distribués :
1 — Châlons.
2 — La Neuville, Saint-Étienne, Parjouet.
3 — Dampierre-au-Temple, Saint-Hilaire.
4 — Récy.
5 — Bouy et Aulnay.
6 — Mathouges, Dampierre-sur-Moivre, Francheville, Nuisement.
7 — moulin de Ponreux, Cherville, Épernay.
8 — Bussy-le-Repos.
9 — Noirlieu.
10 — Possesse, Charmont.
11 — Vroil.
12 — Loisy.
13 — Maucourt.
14 — Vitry-le-François.
15 — Livry, Avise, Coupeville, Poix, moulins de Vaux, Louvercy.
16 — Privilèges de l'ordre.

N'étaient pas compris dans ces seize groupes les terriers, registres, baux, manuels, comptes et cueillerets, non plus que d'autres titres recueillis par ailleurs par le commandeur J.-F. de Ricard. D'après rénumération très sommaire des pièces contenues dans chaque sac, je ne garantis pas que quelques actes n'aient disparu dans le trajet de Voulaines à La Neuville et, plus tard, dans celui de La Neuville aux archives de Châlons.

Archives de la Marne, fonds de La Neuville

A tous ceuls qui ces présentes lettres verront et orront, frère Regnault de Lonchamp, de l'Ordre de la saincte religion de l'Ospital de Saint Jehan de Jérusalem, salut en nostre Seigneur. Sachent tuit que pour le grant proffit et utilité de moy et aussi de laditte ordre et religion ay prins, détenu et admodié, pren, detieng et admodie par ces présentes à cense ou moison de religieuse et honeste personne, frère Jehan Rondel, de Ville soulz Gemey, humble commandeur de Nuefville au Temple (5) au diocèse de Chaalons de laditte ordre, les maisons qui s'ensuivent, c'est assavoir :
La maison de Moocourt (6).
La maison de Bellaut (7).
La maison de Possesse (8).
La maison de Nerlieu (9) et.
La maison de Verail (10).

Ensemble toutes leurs appartenences, tant en terres, prez, vignes, censes, rappors, issues et esmolumens, comme toutes autres choses quelconques et generaulment tout tel droit, telle action et telle poursuite, comme ledit commandeur puet et doit avoir es maisons et lieux dessusdiz excepté les hommes et femmes desdittes maisons qui demeurent a Chaalons.

— Item m'a laissié ledit commandeur et laisse tout ce qu'il a à cause de sadite baillie et qu'il doit et puet appartenir es dictes maisons a dix huit ans et a dix huit fruis levans contiuuelz et ensuivans commencens a la feste de la saint Jehan Baptiste nouvellement et derrenierement passée l'an mil CCC IXXX et dix huit, fenissens icelle feste saint Jehan Baptiste les diz dix huit ans et dix huit despouilles finis et révolus. Et est faicte ceste dicte admodiation entre ledit commendeur et moy parmi le pris et la somme de deux cens florins d'or, le florin compté pour seize solz huit deniers tournois, et avec ce quarente deux solz pour le conseil de nostre chappitre, ensemble vint solz pour quatre procuracions, les quelz deux cens florins quarante deux solz dessus diz, ensemble les diz vint solz pour les dictes procuracions je doy paier et paieray audit commandeur ou a ses successeurs chascun an les diz dix huit ans durans, au chappitre de notre prioré, en quelque lieu qu'il se tiengne, en acquitant ledit commandeur des diz deux cens florins, quarante deux solz et vint solz pour lesdites procurations, comme dit est, qu'il doit pour sa pension a cause de sa dicte baillie de Nuefville, et ainssi je frère Regnaut dessuzdit doy paier ladicte somme d'an en an au terme dessuz dit jusques a fin et acomplissement des dictes dix huit années.
— Item je suis tenus de paier et d'escensir tous cens et rentes que lesdictes maisons et héritages d'icelles doivent et laissier frans et quites au chief desdictes années.
— Item suis tenus de mectre, tenir et maintenir des maintenant en bon et souffisant estat les maisons dessus dictes chascun an et laissier au chief desdictes années en bon estat et convenable pourveu que icelles soient premiers et avant toute œuvre mises en bon et souffisant estat.
— Item suis tenus de labourer ou faire labourer les héritages, terres, vignes et prez en bonne saison de tous leurs coux et façons et mener les frères desdictes maisons et héritages là où mieulx se devront et pourront.
— Item me sont baillées plusieurs terres desdictes maisons encemencées et ahennées, c'est assavoir audit Moocourt environ deux charrues, audit Bellaut d'une charrue, audit Possesse d'une charrue, audit Nerlieu environ deux charrues et audit Verail ne m'a esté aucune chose baillée, labourée ne ensemencée; lesquelles terre ainsi labourées et ensemencées comme dit est, je doy rendre pareillement ensemencées au bout desdictes dix huit années et avec ce doy rendre les vignes et prez et autres héritages appartenans aus dictes maisons en tel point comme il me sont baillées par ledict commandeur.
— Item je frère Reguault dessuzdit promet rendre les choses appartenens ausdictes maisons qui me sont baillées d'estat lesquelles s'ensuivent.
Premierement s'ensuivent les choses d'estat appartenant a la dicte maison de Moocourt (11), et premièrement en la chappelle ung calice d'argent, ensemble la platine doré dedans bon et suffisant.
— Item sept bonnes touailles d'autel, une paire de corporaulx, une paire de vestemens garnie de chazeuble doublée de toille tainte de jaune dedens et de noir dehors, une estole, un maniple, un amit, une aulbe et la sainture.
— Item, une viez aube semgle.
— Item, sur l'autel un ciboire paint pour mettre Corpus Christi et est fait de verrières tout autour et dedens une petite boite de laiteron ouvrée, et est dorée, et est pour mettre Corpus Christi.
— Item une croix de l'ouvrage de Limoges (12), une paix de boiz, deux petis chandeliers de cuivre.

En 1546, il fut décidé que, pour indemniser l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, on lui accorderait une rente annuelle de 300 livres. Dès l'année suivante, les habitants de Vitry-le-Brûlé multiplièrent leurs démarches pour obtenir que leur ville ne fût pas réduite à l'état de village; l'ordre de Saint-Jean réclama, de son côté, sur la modicité de l'indemnité irrégulièrement acquittée et demanda sa réintégration dans la terre et seigneurie de Maucourt, telle qu'elle était avant qu'elle fut close, fortifiée et appelée Vitry-le-François. Toutes ces doléances restèrent sans résultat. Au commencement de ce siècle, il ne restait plus que le souvenir des jardins, vignes et masures du commandeur, vers la rue Sainte-Barbe, et de la porte d'entrée de la commanderie dans le coude de la rue Saint-Jude, avant la construction de la nouvelle prison. Les terriers de 1749 et de 1786 mentionnent l'hôtel seigneurial situé en la ville de Vitry et dont dépendaient cinquante-six maisons situées dans les rues Saint-Pierre, Saint-Jean et Saint-Jude. La prison, la prise d'eau municipale et les abattoirs sont aujourd'hui sur l'emplacement de la commanderie. Elle consistait alors en un corps de logis, grange, écurie, étables, cour et jardin, avec une chapelle au milieu de cette cour; le commandeur devait y faire célébrer la messe tous les dimanches, fêtes de chaque année et le jour de Saint-Jean-Baptiste, y faire chanter grand messe et vêpres, et, le lendemain, une messe à l'intention des trépassés; le chapelain était tenu de faire l'eau bénite et le pain béni ; la chapelle était exempte de la juridiction épiscopale et l'hôtel franc et exempt du logement des gens de guerre. L'ensemble de la commanderie tenait, par devant, à la rue Neuve-Saint-Jean, où il y avait porte cochère et petite porte, et, par derrière, au rempart. — En 1786, il y avait déjà longtemps que l'hôtel seigneurial ne servait plus que de logement à l'amodiateur des moulins. — Le poteau de justice, placé d'abord au pré de la Justice, avait dù être changé de place lorsqu'une dérivation d'un bras de la Marne en eut rendu l'accès impossible autrement qu'en nacelle; il fut transporté au Jard, dans J'enclave de Maucourt, puis, par suite de l'établissement de la chaussée royale, reporté au bout du pont, de l'autre côté de la Marne, à gauche de la chaussée, vis-à-vis une maison où l'on rendait la justice.

— Item un grant chandelier de fer, deux channettes d'estain, ung bon messel en deux volumes, deux vielz greelz de l'ancien temps un grant legendrel bon et bel et porte son antiphonier, un lampier de fer et une lampe et un bon seel a mettre aigue benoite, deux cloches ou clochier, une grant eschielle pour monter ou clochier, un escrin ferré pour mettre les vestemens.
— Item un autre bon escrin fermant a clef, ung letery de coste d'autel.
— Item en la despence, quatre pintes d'estain bonnes et souffisans, quatre chandeliers de fer pour mettre sur table, trois sarpes a coper boiz, une coingnié et uue hachette pour la charrue, une besche, un fessouir, trois crochez pour traire fiens, un bon sereir, une escuelle d'arain ferrée pour mesurer a la saint Remy le blef et trois fonigues a deux fonignons chascune, six sacs a mettre blef, deux petites huches couvertes, un autre senz couversel. — Ou celier, un bon escrin ferré senz couversel, un bon escrin ferré couvert, deux pelles ferrées.
— Item une senz fer, trois nappes de toille pour mesgnies, une bonne nappe ouvrée, deux touailles a essuer mains.
— Item huit lis des plumes garnis de coustes pointes et de coissins et tous bien entorez, seize bons linsseulx de lit et demi chascun.
— Item en la cuisine deux grans pos de cuivre, une bonne chaudière d'arain a ances ferrée de fer tout autour, une grant vielz paelle darain, deux autres petites paelles darain bonnes et suffisans, un cramail de fer, un grappin de fer, un rotier de fer, une escrameoure darain, un treppié, une haste de fer, une drasseoure darain a drassier potage, quatre seilles ferrées pour traire vaches et pour traire eaue, un bacin d'arain a boire, un molin a moustarde, douze bonnes escuelles destain, quatre plas destain, une viez lanterne, un mortier et le pestail, une viez table et un ban pour seoir dessuz, un cuvel a buer, un sandrier a mettre sur la buee et escuelles et trancheurs de bois de selles a seoir sur l'ostel souffisamment garni.
— Item ou celier, deux grans cuves pour mettre la vendenge, un vollon pour charrier la vendenge, sept queues a mettre vin.
— Item ou four, un grant pot de cuivre pour chauffer l'eaue, un tour pour tourner la paste, deux maix pour pretir la paste, une viez huchette de fer.
— Item ou celier decoste la chapelle, un ceps pour emprisonner gens, uns fers a enferrer gens.
— Item en la salle basse deux bons et grans cheminons de fer ou fouier, deux tables et quatre tresteaux, un bon ban tout nuef a seoir dessuz.
— Item deux autres petis bans, un bon comptoir tout nuef fermant a clef, un bon bacin a main, une bonne cornette a laver les mains.
— Item en la mareschaussées deux bons roncins bien aharnachiez de tous hernois.
— Item deux estaleures de fer, un bon char ferré garni de quanqu'il fault, deux tumbereaux ferrés tout garnis, une bonne charrue pour les chevaux garni de quanqu'il fault.
— Item en la bouverie douze bons buefs traians bien aharnechies de joux, de chappeaux et de joinctures et deux charrues bien garnies de quanqu'il leur fault, trois herses à hercier.
— Item en la vacherie six vaches a lait et six veaux de lait et quatre veaux d'un an ou de deux ans.
— Item en la riviere un bact a passer char et charrettes bon et souffisant et une chesne de fer pour atachier ledit bact, une grande nasselle toute nuefve et une chesne pour atachier ladicte nasselle, sarrure et clef pour fermer.
— Item vint pourceaulz surannez, dix pourceaux de l'année.
— Item la maison bien garnie d'oyes, d'oisons, de gelines et de poucins.
— Item sensuit, l'estat de ladite maison de Bellant (13) baillées à moy frère Regnault dessusdit. Et premièrement deux chevaux, une bonne charrette ferrée, quatre coliers, une selle, une surselle, une avaleure de fil, une charrue de fer, le fer et le coultre garnie de..., un lit, un coultre, une pinte de plont, une viez..., une grant huche, un cuvel a buyer, un petit escrin, une huche de tomberel.
— Item la soille du puis et la corde a traire l'eaue.
— Item un bichet ferré. Et renderay au commendeur, au chief desdites années, à cause de ladite maison de Bellaut trente septiers d'avene, huit moitens pour le sextier.
— Item sensuit l'estat de ladicte maison de Possesse (14) baillié par ledit commendeur à moy frère Regnault dessus dit. Et premièrement en la chapelle, un calice d'argent.
— Item trois louailles d'autel, uns vestemens garnis.
— Item un messel, deux chaunettes d'estain, deux cloches ou clochier et une croix de l'œuvre de Limoges.
— Item quatre liz garnis de coultre et de coissins et de couvertures.
— Item huit linsseux.
— Item deux nappes et deux louailles, chascune pièce de trois aulnes.
— Item deux pos de cuivre et une paelle darain, six grans escuelles destain et deux petites, une coingnié de fer, une sarpe, un houel a charreton, une faine a chargier foing et deux lieures de chaînes.
— Item deux chevaux et deux bonnes selles et deux bonnes avaleures et quatre bons coliers garnis de trais, deux fourreaulx, un char ferré et une charrette ferrée, une charrue toute garnie, lesquels chevaux et harnois tant seulement ont esté prisiez vingt quatre livres tournois.
— Item sensuit l'estat de ladicle maison de Nerlieu (15) baillée par ledit commandeur a moy frère Regnault dessusnommé. Premièrement en la chappelle un calice d'argent doré, ensemble la platine.
— Item trois touailles d'autel.
— Item un vestement garni de chazuble, d'aube, d'amis, de maniple, d'estole tout viez.
— Item ou clochier deux cloches.
— Item deux chandeliers de fer viez, trois petiz chandeliers de cuivre, un bon messel et une croix de l'œuvre de Limoges, deux charmettes destain, un bon escrin pour mettre les vestemens de l'autel.

Dans un bail du 15 juillet 1384, le commandeur de la Neuville afferme Noirlieu avec ses dépendances à Colins Choart, de Sommièvre, pour six ans et six semaines, moyennant une redevance annuelle de 30 livres tournois, une charrette de foin à deux chevaux, un setier de pois, un setier de fèves, le tout rendu à Châlons, en l'hôtel du commandeur. Le preneur était tenu de faire célébrer trois messes par semaine dans la chapelle et on lui laissait un calice d'argent doré du prix de 8 livres, un vêtement, un petit missel et un drap d'autel, plus des chevaux, des bestiaux et des instruments aratoires. Près d'un siècle plus tard, Noirlieu était l'objet d'un nouveau bail; mais, dans l'intervalle, les guerres avaient ruiné les bâtiments et la chapelle. Cette année, le 2 décembre, Pierre Margaine, laboureur d'Epense, louait à vie le gaignage appelé le Temple, au finage de Noirlieu, moyennant 23 setiers de grain, moitié froment, moitié avoine; la moitié de cette redevance était aux moines de Moutiers qui en recevaient jadis 22, mais se contentèrent de 14 à cause de la dépréciation du gaignage. Les bailleurs devaient faire reconstruire les bâtiments ainsi que la chapelle et la pourvoir de calice, livres et ornements pour que l'on put célébrer la messe; mais en 1596. Pierre Margaine, alors bourgeois de Châlons, était en procès avec le commandeur qui n'avait pas encore fait exécuter ces réparations.

— Item en la cuisine un bon cremail, un bon amdier, une bonne lanterne ferrée.
— Item un bon rostier de fer.
— Item une bien grant seille qui tient environ quatre sextiers.
— Item deux bonnes seilles pour traire les bestes.
— Item une seille ou puig et la corde dudit puis.
— Item une tasse darain en ladite seille pour boire, une bonne paelle darain tenant environ deux sextiers, une petite table a quatre piedz, une grant table assise sur deux grans piedz de boiz, deux formes pour seoir sur lostel bien garni de selles à seoir sur une large ceurte, un cuvel a buer, le treppié a mettre sur le feu, un mortier et le patot, un viez ban, deux corbeilles et un picotin, un croc de fer a traire fiens, une houe de fer, une congnie pour taillier du boiz.
— Item ou four un grant pot de cuisine pour enmuier, un bon tour pour tourner le pain, une bonne moit pour prestir la paste, une tauble sur deux trestaux pour mettre le pain sur, un bon escrin a quatre piedz, un bien viez escrin pour mettre du bran, le four bien garni de peles, roueles, descop et de furgons.
— Item deux bons rondeaux pour faire tartres, un clive a neellee. En la chambre du commendeur, une table, deux tresteaux, deux formes a seoir sus.
— Item en la mareschaussee, quatre chevaux, deux jumens et deux roncins, deux selles, les avaleures, deux surselles, six coliers, deux de limons et quatre de trais et trois paires de trais ensemble les fourreaulx, un cher ferre garni de chevilles de fer, de heusses et de banchais, deux chers de boiz garnis de banchais, deux tombereaux de bois tout garnis, six herches pour herchier, trois charrues garnies de fer, de coultres, d'estrampeures fournies de toutes fournitures, une charrue garnie de tout ce qu'il y faut pour royer les terres, tout au pris de trente et un frans.
— Item un bon rou a rouillier ferré es deux boux et la corde nuefve et les deux boites.
— Item cinq eschielles que grans que petites.
— Item dix linsseux chascun de toille et demie.
— Item quatre lis garnis.
— Item six oyes, cinq gelines et un coq.
— Item je frère Regnault dessus nommé sui et seray tenus de paier la Visitation monsieur le prieur chascun an une foiz si li plaist a aler au lieu et ses gens et du comandeur chascun an deux foiz, lui, son clerc et son varlet.
— Item se aucuns subsides nouveaux estoient imposez par mes souverains sur ladicte baillie de la Nuefvile, je frère Regnault dessus dit n'en suis tenus d'en paier en aucune manière. Toutes lesquelles choses dessus dites et chascune d'icelles ainssi faictes, j'ay promis et promet par la teneur de ces présentes lettres en bonne foy audit commendeur tenir et non contre venir ou faire venir par quelque manière que ce soit encontre, et aussi de paier audit commandeur tous fraiz, coutz, interestz et dommaiges ou cas que par mon deffault les choses dessusdictes ne seroient dénuement acomplies par la fourme et manière que dessus sont escriptes. Et pour ce que les choses dessus dictes soient fermes et estables, je frère Regnault, dessus nommé, ay seellé ces présentes lettres de mon propre seel dont je use et entens à user, et prie et requiers a révérend pere en dieu monseigneur le prieur de Champaigne que en signe de vérité il li plaise mettre le seel de son prioré à ces présentes lettres, lesquelles furent faictes et données le jour de feste saint Jehan Baptiste XXIIIIe jour de juin l'an mil CCCIIIIxx et dix huit.

Notes
1. — Voici une bibliographie, bien incomplète évidemment, des publications que j'ai pu consulter : Documents inédits pour servir à l'histoire du Poitou, Poitiers, in-4º de 275 pages ; aux pages 92 et 96, j'ai publié les inventaires, en 1313, des biens meubles des maisons du Temple de La Lande de Parthenay (commune de Gourgé, canton de Saint-Loup) et d'Ensigné (canton de Brioux), dans le département des Deux-Sèvres.
— L. Delisle, Études sur la condition de la classe agricole en Normandie, p. 721 : Inventaires des mobiliers des Templiers du bailliage de Caen en 1307; commanderies de Baugie, Bretteville-le-Rabel, Vaymer, Courtval, Louvigny.
— A. Tardif, Inventaire de la chapelle de la commanderie de Joigny (Annales archéologiques, t. VII, 1817, p. 85).
— L. Jarry, Inventaire des Templiers d'Étampes et de l'église des Moulineaux-les-Chalo, en 1444.
— A. Trudon des Ormes, Études sur les possessions de l'ordre du Temple en Picardie, in-8º de 309 pages; aux pages 208 et suivantes, l'auteur parle du mobilier des maisons du Temple et de l'inventaire de celle de Payns, en Champagne. Voyez aussi, du même auteur l'article commencé dans la Revue de l'Orient latin, t. V, nº 3-4 et continué dans le présent nº.
2. — On se tromperait étrangement, je crois, si on se figurait les maisons du Temple champenoises, excepté Possesse, Noirlieu et La Neuville, lesquelles étaient peut-être des commanderies dépendant du commandeur provincial, habitées par des chevaliers et des sergents, en nombre, chevauchant quelquefois, armés de toutes pièces. D'après les inventaires connus, on ne signale que de rares armes, une dague, une arbalète, deux épées. Un fermier, aujourd'hui, est bien autrement pourvu d'armes. D'autre part, on constate la présence du commandeur, avec un chapelain ou un clerc et un groupe de personnes, employées à l'exploitation ; par exemple : 22 hommes à Baugie, 12 à Bretteville-le-Rabet, 11 hommes et deux femmes à Corval. Nous sommes dans le bailliage de Caen. Le véritable devoir du maître ou du commandeur d'une maison du Temple était de surveiller et bien gérer l'administration des domaines et de verser au Trésor de l'Ordre une contribution dont le chiffre n'est pas bien connu, peut-èlre le 1/4 ou le 1/5, comme dans l'ordre de Malte.
3. — Cette charte, ainsi que toutes celles qui sont citées dans la présente notice, est conservée en original dans le fonds de la commanderie de La Neuville, aux Archives de la Marne. Elle porte très distinctement la date de 1132, alors que jusqu'ici on avait assigné l'année 1130 comme date de mort de ce prélat (voyez la Gallia christiana et Gams). La chronologie des évêques de Châlons est, du reste, à reviser d'après les nombreuses chartes que l'on connaît aujourd'hui.
4. — Il est à remarquer que partout, en Dauphiné, en Auvergne, etc., l'origine des premiers établissements de Templiers reste dans le vague, de même que celle de la maison du Temple de Paris, qui prit une grande importance lorsque l'ordre fut chassé de ses possessions en Orient, à la fin du XIIIe siècle. Il semble qu'une conjecture très probable peut être proposée. Des chevaliers et des sergents étaient revenus d'outre mer les uns blessés, les autres sans ressources ; il y avait eu un mouvement sympathique qui avait fait multiplier les libéralités des particuliers en faveur de l'ordre auquel plus d'un croisé devait sa rançon et quelque aide dans les combats contre les Infidèles. Il était naturel que l'on chargeât de l'administration de ces biens ceux qui avaient été à la peine. Les immeubles furent groupés de manière à former les premières maisons, et on mit à leur tête ceux qui étaient revenus de si loin.
5. — La Neuville-au-Temple, village aujourd'hui détruit, commune de Dampierre-au-Temple, canton de Suippes.
6. — Maucourt, village détruit, sur l'emplacement duquel fut fondée la ville de Vitry-le-François, en 1545.
7. — Berlau, maison disparue, commune de Bussy-le-Repos, canton d'Heiltz-le-Maurupt. C'est par erreur que le Dictionnaire topographique de la Marne place Berlau sur l'emplacement d'une rue de Possesse ; cette maison dépendait primitivement de la Maison-Dieu de cette localité, donnée à la commanderie de ce nom. Il ne faut pas confondre Berlau avec Beslon, commune de Charmont, domaine comprenant des bois, des étangs et des terres sur les territoires de Charmont, de Possesse et de Vernancourt, et qui porte encore le nom de Le Temple.
8. — Possesse, canton d'Heiltz-le-Maurupt, arrondisssement de Vitry.
9. — Noirlieu, canton de Dommartin-sur-Yèvre, arrondissement de Sainte-Menehould.
10. — Vroil, canton d'Heiltz-de-Maurupt.
— Le huitième des dimes de cette paroisse appartenait aux Templiers. En 1195, Beroard, chevalier, de Possesse, et son fils donnaient au Temple la grosse et menue dime qu'ils avaient à Francheville, Dampierre et Vroil. Une bulle d'Innocent III, de 1248, mentionne domtis de Veroi. Cette maison avait disparu dans les guerres, en 1652 ou 1653, ainsi que le Moulin Herbaut et le four banal, il restait 50 arpents de terre, des prés et quelques cens. Les Templiers avaient la haute justice dans l'enclos de la maison et sur leurs propriétés. En 1260, la dame d'Anglure essaya de mettre la main sur ces biens.
11. — La commanderie de Maucourt fut fondée par Jean, seigneur de Possesse, et Hugues, son frère, en 1165. Le Procès des Templiers signale, vers 1283, la réception d'un chevalier lorrain « in quadam camera domus Templi de Moncourt, Cathalaunensis diocesis », par Pierre de Torbona, alors précepteur de la baillie de Châlons, en présence de Renaud de Dampierre et de Pierre de Janz, sergent, de Beauvais. Après la prise et l'incendie de Vitry-en-Pertois (Vitry-le-Brûlé), en juillet 1544, par l'armée de Charles-Quint, le roi François Ier chargea Henri de Lenoncourt et l'ingénieur bolonais, Jérôme Marini, de choisir un emplacement à l'effet de fonder, dans le voisinage, une ville fortifiée, mieux placée, pour arrêter les invasions. On reconnut que la meilleure position était un terrain, un peu élevé, situé à quatre kilomètres de la place démantelée, contenant 84 à 88 arpents, appartenant à la commanderie de Maucourt.
12. — Cette croix, de Vouvrage de Limoges, dont nous trouvons plus bas un autre exemplaire à propos de la maison de Possesse, indique une croix émaillée. Dans l'Inventaire des aornemenz de la chapelle de Joigny-la-Ville qui fut jadis dou Temple, on remarque aussi deux croix de Limoges (Ann. arch., t. VII, 1847, p. 85). Dans la chapelle de la maison du Temple, à Douai, je note un enchanssoir vies ourné de couivre de Limoges. Dans la chapelle du Temple, à Arras : une vieille croix de Limoges dont le poignet est rompu (Inventaire de la commanderie de Hautevesne [Revue historique nob. et biogr., 1876, p. 441 et suiv.] ; deux croix de Limoges dans l'inventaire de la maison de Payns (Trudon des Ormes, p. 211).
13. — Nous avons déjà plus haut parlé de la maison de Berlau; les deux tiers des dimes appartenaient aux Templiers, et l'autre tiers à l'abbaye de Toussaints.
14. — La suite des anciens seigneurs de Possesse est encore à établir ; jusqu'ici on a confondu avec des sires de Possesse de nombreux nobles, leurs vassaux désignés par le nom de leur résidence. La première maison de Possesse s'éteignit, par mariage, à la fin du XIIe siècle, dans la maison de Garlande. De 1120 environ à 1190, les premiers Possesse furent représentés par trois générations au moins, Gui, Manassès, Gui II et Jean, frère de ce dernier ; celui-ci devint moine à Clairvaux. Jean, avant d'embrasser la vie religieuse, avait fondé, dès 1165, à Possesse, une Maison-Dieu mentionnée dans des chartes de Gui, évêquede Châlons. En 1192, Anseau de Garlande, beau-frère de Jean, donna cette maison aux Templiers ; trois ans plus tard, dans une charte de ce même Anseau, figurent Thierry, précepteur, et Pierre, chapelain de la maison de Possesse. Le procès des Templiers mentionne la réception, vers 1299, de Pierre de Domo-Vivario, sergent, dans la chapelle de cette maison. On dit que celle-ci était sous le vocable de Saint-Arnould ; le souvenir de son emplacement est complètement oublié.
15. — La maison de Noirlieu parait avoir été fondée vers 1150 dans un alleu donné en partie aux Templiers par Marc de Pleurre, Marsimilla sa sœur et Hugues d'Epernay. Cette préceptororie prit un certain développement dans le cours du XIIe siècle, grâce aux libéralités de Renard 1er, de Dampierre en Astenois, de Hugues, châtelain de Vitry, de Roger Flaex, qui se fit recevoir dans l'Ordre et de plusieurs autres. En 1179, cette maison possédait à Noirlieu un moulin mentionné dans un acte où paraissent trois chevaliers du Temple. La maison et la chapelle furent détruites pendant les guerres des XIVe et XVe siècles; le souvenir en est conservé par un champ où l'on trouve des fragments de carreaux vernissés et qui dépend d'une ferme appelée La Commanderie.

Sources : A. de Barthélémy, Revue de l'Orient Latin, tome 6 page 144, Paris 1898

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