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Trudon-des-Ormes

Maisons ou commanderies de l'Ordre

L'origine de l'Ordre du Temple est connue. C'est en Terre-Sainte, que Hugues de Payns (1) chevalier croisé, frappé des dangers sans nombre, auxquels était exposée la foule des pèlerins en venant à Jérusalem, eut la pensée de fonder une association religieuse et militaire, destinée à protéger les croisés sans défense contre les incursions des maraudeurs arabes.

En 1118, Hugues ayant obtenu l'assentiment du patriarche de Jérusalem, et du roi de cette même ville, Baudouin II, réussit à grouper autour de lui huit chevaliers, parmi lesquels Geofîroi de Saint-Omer et Payen de Montdidier.
Cette association n'eut tout d'abord qu'un caractère absolument privé. Sans règle spéciale, sans aucun signe distinctif, l'Ordre naissant n'aurait fait aucune recrue, durant les dix premières années. Il est à peine besoin d'ajouter que ces neuf chevaliers ne pouvaient suffire à protéger les pèlerins qui débarquaient sans cesse à Jaffa ou à Saint-Jean-d'Acre.

Le roi de Jérusalem avait cependant jugé cette généreuse entreprise si nécessaire, qu'il leur avait accordé pour demeure une partie de son propre palais, le Temple Salomon ; c'est ainsi que ces chevaliers furent amenés à prendre le nom de chevaliers du Temple Salomon (2).

Dès le début, ce premier noyau du Temple se serait astreint à une vie moitié religieuse et moitié militaire. Avec les trois voeux ordinaires de la vie monastique « humilité, pauvreté, chasteté » Hugues et ses compagnons s'attachèrent à vivre, en se conformant à la règle de Saint Augustin, du moins jusqu'au concile de Troyes (1128) qui fait époque dans l'histoire de l'Ordre.

Malheureusement pour eux, Baudouin II fut fait prisonnier par les Turcs en 1123. Ce ne fut qu'après sa délivrance qu'il put s'occuper efficacement de la cause du Temple, et qu'il chercha à obtenir l'approbation du pape pour un Ordre si utile et si nécessaire.

Le Roi chargea donc deux chevaliers, d'aller plaider cette cause auprès du Souverain Pontife, et de solliciter l'appui du grand abbé de Clairvaux, qu'on jugeait digne entre tous de composer une règle pour les chevaliers du Temple (3). C'était en 1127. Les négociations aboutirent, car quelque temps après, le pape Honorius II ayant envoyé en France, en qualité de légat, Mathieu cardinal-évêque d'Albano, afin de réunir un synode pour régler un différend survenu entre Louis VI et Etienne évêque de Paris, il fut procédé en même temps à l'institution des Templiers.

Saint Bernard fut convoqué à ce synode ainsi que Hugues de Payns, qui venait de rentrer en France accompagné de Payen de Montdidier (4). Le concile s'ouvrit à Troyes le 13 Janvier 1128.

Le prologue de la règle du Temple (5), nous apprend que Hugues raconta en ce synode, les humbles débuts de son oeuvre, l'urgence d'une milice capable de protéger les croisés, et qu'on délibéra ensuite dans cette assemblée sur la constitution à donner à un pareil Ordre.

On chargea l'abbé de Clairvaux et un clerc du nom de Jean Michel de rédiger séance tenante une règle, qui fut lue et approuvée par les membres du concile.

La règle du Temple est donc cistercienne, elle a du moins, de grandes analogies avec la règle de Cîteaux ; il ne pouvait en être autrement puisqu'elle fut inspirée par saint Bernard.

A cette date de 1128 les Templiers n'étaient encore que neuf, ils n'avaient aucune possession en France, mais les donations pieuses ou aumônes à leur adresse, ne vont pas tarder à affluer. De toute part, nobles et vilains s'efforcent de venir en aide à ces pieux chevaliers ; on leur donne des champs, des bois, des manoirs, et bientôt les pauvres chevaliers du Temple auront l'embarras des richesses. Il faut croire même que la charité publique ne connut plus de bornes, puisque Louis VII, jugea bon de limiter quelque peu ces donations. En 1139 ce roi permit à tous ses sujets de faire aux Templiers telles donations qu'ils voudraient, à l'exception, cependant, des villes et châteaux-forts, et à la réserve de ses droits (6). Quelques années plus tard, le pape Célestin II accorda certains privilèges à ceux qui subviendraient aux besoins de l'Ordre (1144) (7). Beaucoup de nobles, en même temps qu'ils se faisaient Templiers, durent apporter à l'Ordre, tout ou partie de leurs biens ; il fallut même laisser en Occident quelques-uns des nouveaux frères, pour faire valoir ces biens, veiller à la perception des revenus, recruter des chevaliers.

Les maisons ou commanderies prirent ainsi naissance, elles abritèrent plusieurs frères chevaliers et on mit à leur tête un précepteur ou commandeur (8). En outre de ces frères, chaque maison dut donner asile à des gens à gages, tels que laboureurs, pâtres, vignerons, etc.

L'Ordre à l'origine n'était accessible qu'aux chevaliers, mais en raison de son extension rapide et du trop grand nombre de domestiques qu'il aurait fallu gager, on jugea profitable d'admettre comme frères sergents du Temple, (fratres servientes) des personnes de toutes conditions, soit bourgeois, soit vilains. C'est ce que nous lisons dans le procès des Templiers (9); un notaire apostolique, Antoine Syci (alias, Sici), déposa en effet, qu'il avait eu un entretien avec des Templiers, il y avait bien longtemps, alors qu'il leur servait de clerc (10) et de notaire, en Palestine. Il avait donc appris par eux, qu'au début, on ne recevait dans l'Ordre que des chevaliers ou des nobles. Leurs écuyers et les sergents étaient alors gagés, et ne faisaient pas partie de l'Ordre ; et cela avait duré longtemps. Mais par suite des nombreuses aumônes qui furent faites au Temple, de ses acquisitions, l'Ordre ne pouvant suffire à gager tous les mercenaires nécessaires, on avait admis dans le Temple des sergents de conditions diverses.

Plus tard même ces frères sergents devinrent précepteurs des maisons du Temple ; mais il paraît que les frères chevaliers les eurent toujours en souverain mépris. C'est du moins ce qu'affirme un frère sergent du Temple (Procès du Temple).

Quant à l'époque où ces mercenaires auraient été admis dans la grande famille du Temple en qualité de « frères servants » ce doit être au XIIIe siècle. Car dans une charte datée de l'an 1194, relative à la maison du Temple d'Aimont (11), nous trouvons, cités après les frères chevaliers du Temple, des sergents de cette commanderie, dont les noms ne sont pas encore précédés du mot « frater ». Nous supposons donc, qu'à la fin du XIIe siècle les sergents du Temple ne faisaient pas réellement partie de l'Ordre et qu'ils étaient salariés ; tandis qu'au XIIIe siècle et dès le commencement, puisqu'il en est question dans la règle du Temple, les sergents seront de véritables religieux de l'Ordre, capables même d'être précepteurs des maisons. Nous pensons même que les chevaliers furent fort heureux de se décharger du soin des commanderies sur les sergents, et de se consacrer davantage à leur véritable mission, la défense des Lieux saints. Il y aura cependant toujours une distinction entre les chevaliers et les sergents, la couleur de la robe : blanche pour les premiers et brune pour les seconds (12). Seule la croix d'étoffe rouge cousue sur l'habit, sera commune à tous ; chevaliers et sergents étant également prêts à verser leur sang pour Jésus-Christ.

Nous avons parlé des frères chevaliers et des frères sergents du Temple, mais il y avait aussi, les prêtres du Temple. Il en est question plusieurs fois dans la Règle.

La présence de ces chapelains permet de supposer que les maisons du Temple furent pourvues de chapelles, dès l'origine, et cependant il n'en est pas fait mention dans la Règle du Temple.

Il faut croire cependant que les droits des frères du Temple, n'étaient pas encore universellement reconnus, au milieu du douzième siècle ; car une bulle du 18 Juin 1163 (13), émanée du pape Alexandre III, et adressée à Bertrand, grand maître du Temple, confirmant les droits des Templiers, leur reconnaissait le pouvoir d'admettre comme frères de l'Ordre, des prêtres. En outre le pape accordait aux Templiers, le droit de construire des oratoires dans les diverses maisons du Temple, et d'ensevelir leurs défunts dans ces chapelles. La bulle nous apprend, que pour entrer dans l'Ordre, les prêtres devaient, comme les autres frères du Temple, faire une année de noviciat, avant d'être reçus à profession et faire voeu de vie régulière et d'obéissance aux chefs de l'Ordre.

Moins de dix ans plus tard, le même pape confirmait (1172), cette première bulle, par une autre absolument identique, adressée cette fois au grand maître Eudes ou Odon.

Faut-il en conclure qu'avant cette date, les Templiers n'avaient eu que des chapelles portatives, comme il en est fait mention dans la règle du Temple, et que les maisons déjà nombreuses qui pouvaient exister en France ou à l'étranger étaient dépourvues d'oratoires ?
Nous ne saurions nous prononcer.

Pour nous résumer il n'y a pas de maison ou commanderies du Temple antérieures à l'année 1128, les plus anciennes ayant été fondées entre les années 1128 et 1140 (14).

Pendant tout le XIIe siècle l'Ordre n'a ouvert ses portes qu'aux nobles, ou aux prêtres Comme chapelains ; les non-nobles n'y ayant été admis qu'au XIIIe siècle et par nécessité.

Pour ce qui est plus spécialement de notre sujet, il est probable que les Templiers eurent des biens en Picardie dès l'an 1129 ou 1130.

Le père Mansuet (15) dit, qu'en 1142 on trouve les Templiers établis dans le diocèse d'Amiens ; or, il est certain que ces religieux militaires, ont possédé des biens en Picardie, bien avant cette date.

Dès 1130 1'évêque de Noyon (16), leur donna les annates des prébendes de sa cathédrale et nous trouvons parmi les noms mentionnées dans l'acte, celui de Nivard, surnommé Payen de Montdidier, chevalier du Temple, auquel le fondateur Hugues, avait confié le soin des affaires de l'Ordre, dans cette région, c'est-à-dire dans le diocèse de Noyon et sans doute aussi dans le diocèse d'Amiens. On a supposé que la commanderie de Fontaine-sous-Montdidier (17), devait son origine à Payen de Montdidier, qui en s'attachant au fondateur, aurait abandonné ses biens au nouvel Ordre ; la chose est plus que probable.
Sources : Textes de Trudon des Ormes — Etudes Possessions de l'Ordre du Temple en Picardie — Amiens, Imprimerie Yvert et Tellier — 1893.

Notes

(1) — Payns. (Aube, Arrondissement et canton: Troyes).
(2) — Guillaume de Tyr. Tome I, livre XII, chapitre 7, page 520. (Dans « Recueil des historiens occidentaux des croisades » in-folio. — Sur le Temple Salomon, voir un article de M. de Mas Latrie, dans le tome 9 (1847-48) de la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, page 385 et suivantes.
(3) — Héfélé (Mgr). — Histoire des conciles d'après les documents originaux. Traduit de l'allemand par Delarc. Tome 7. pages 202 et 203.
(4) — Prologue de la Règle du Temple publiée par H. de Curzon, page 19.
(5) — H. de Curzon. Règle du Temple, page 11 et suivantes.
(6) — Histoire des Templiers par le P. Mansuet, Tome I.
(7) — Bulle de Célestin II, datée du 9 janv. 1144. — A. N. L. 227, A nº 1. — Se trouve analysée dans le « Cartulaire de Paris » par R. de Lasteyrie. Tome I, page 289.
(8) — Précepteur, commandeur, maître, procureur; ces mots sont synonymes.
(9) — Michelet. — Procès des Templiers dans les Documents inédits. 2 tomes. — au tome I, page 642.
(10) — Ces clercs ne faisaient pas partie de l'Ordre du Temple.
(11) — Aimont (Somme, arrondissement: Abbeville, canton: Crécy, commune: Conteville).
(12) — Guillaume de Tyr. Tome I, livre XII, chapitre 7. page 521. (Des historiens Occid. des croisades — in folio).
(13) — Archives Nation. L. 230 — nº 13. Cette bulle qui commence ainsi « Alexander eps, servus.. . dilectis filiis Bertranho magistro religiose militie, » et finit par "Datum Turon per manum Hermanni.....XIII Kal. Julii... anno m. c. LXIII," n'a pas été publiée.
(14) — Il est à présumer que les premiers chevaliers du Temple tels que Hugues de Payns, Payen de Montdidier, Geoffroi de Saint-Omer, donnèrent tout ou partie de leurs biens à l'Ordre.
(15) — Histoire critique et apologétique des Templiers par le père Mansuet.
(16) — J. le Vasseur. Annales de l'église cathédrale de Noyon. Tome III, page 377. La Chartre de donation est publiée en entier.
(17) — Fontaine-sous-Montdidier (Somme, arrondissement: commune: Montdidier).

Sources : Textes de Trudon des Ormes — Etudes Possessions de l'Ordre du Temple en Picardie — Amiens, Imprimerie Yvert et Tellier — 1893.

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