Suppression de lOrdre du Temple en Roussillon
Par, ALART, archiviste du département, membre résidant.Dès la fin du XIIe siècle, de graves accusations, de tristes pressentiments sélevaient contre lordre du Temple, et si personne ne pouvait encore avoir lidée de la suppression violente de la noble milice, du moins pouvait-on entrevoir le jour où, nayant plus rien à défendre au pays dOutre-mer, elle ne serait plus quune institution inutile et peut-être funeste, sans but et sans appui. Un fait surtout frappait lopinion publique : cétait linsuccès général des croisades, la perte successive des possessions dOrient et les calamités qui avaient ruiné la domination des chrétiens. Cet insuccès dune cause que lon considérait comme celle de Dieu même, et que Dieu semblait condamner, était attribué par bien des gens à lordre religieux et militaire du Temple qui sen était constitué, pour ainsi dire, le défenseur officiel. Les accusations redoublèrent de force à la chute de Saint-Jean dAcre (1291), le dernier boulevard de la domination chrétienne en Palestine, et cétait un soldat du Temple, un vieillard dorigine aragonaise, qui sécriait à la vue de ces désastres multipliés : « Je suis entré fort tard dans lOrdre, mais « peut-être pour mon malheur y suis-je encore venu trop « tôt, car lOrdre ne peut pas durer longtemps : au lieu « de sattacher, comme il le devrait, combattre les Infidèles, il ne songe quà satisfaire sa cupidité et son orgueil ; tous les moyens lui sont bons pour acquérir des richesses (1) »
Moins de vingt ans plus tard, en effet, le 18 mars 1314, lordre du Temple tombait sous le coup dimputations terribles et dune infinité de chefs daccusation parmi lesquels lorgueil, la puissance, la richesse et lambition des Templiers figurent à peine et à la dernière place, au milieu des sacrilèges et dinnombrables abominations dont lexistence, admise par les uns, rejetée par les autres, attend encore des preuves décisives que lhistoire semble désormais impuissante à fournir. Le Grand Maître et les principaux membres de lOrdre expiraient dans les flammes dun bûcher, en protestant de leur innocence. En brief de temps, sécriaient-ils, viendra meschief sur cels qui nous damnent à tort ; Dieux en vengera notre mort.
Un silence profond et mystérieux se fit autour du bûcher dont les flammes dévorèrent les victimes de Philippe-le-Bel, et trois siècles sécoulèrent avant que personne osât remuer les cendres de ces malheureux ou examiner les pièces de leur procès. Depuis lors, et de nos jours encore, poètes, légistes, écrivains politiques, érudits, théologiens et sectaires philosophiques ont tour-à-tour étudié ce grand drame historique, pour établir le bien jugé de la commission papale, ou défendre linnocence de la milice du Temple. Mais la cause est loin dêtre éclaircie, et lhistoire impartiale ne pourra peut-être jamais juger lappel que ces âmes irritées ne cessent dadresser à la postérité.
La justice de la condamnation du Temple est donc un des problèmes les plus graves dont la critique historique de notre époque puisse se proposer la solution, et lon comprend assez quune pareille recherche ne saurait à aucun litre être lobjet de notre travail. Nous nous sommes proposé une lâche bien plus modeste ; il ne sagit pour nous que de raconter les derniers moments de lexistence des Templiers du Roussillon, et de rechercher la part qui peut leur revenir dans laccusation qui a frappé lOrdre entier.
Quelque opinion que lon se forme dailleurs sur la conduite de Philippe-le-Bel et du pape Clément V, la lecture des interrogatoires et des dépositions publiés jusquici fait admettre comme chose à peu près certaine quà lépoque voisine de sa proscription, lordre du Temple, par leffet même de sa puissance, de ses richesses, de la noblesse de la plupart de ses membres, de ses luttes et de ses rapports avec les orientaux, avait subi dans ses pratiques, et peut-être dans ses institutions, des influences et des effets bien éloignés de la règle primitive donnée à lordre par Saint Bernard. Souvent il sétait, sans doute, écarté du but que sétait proposé son fondateur (2).
Nous ne nous occupons pas de linnocence ou de la culpabilité de lOrdre en général. Mais la corruption, constatée, si lon veut, dans quelques maisons de la Province de France, sétait-elle répandue au même degré dans toutes les provinces étrangères ? Toutes les maisons, tous les membres de lOrdre avaient-ils également adopté et mis en pratique ces principes abominables dont la langue latine seule peut couvrir lodieuse impureté ? Ces questions nont été ni décidées ni même examinées en ce qui concerne les Templiers du Roussillon. Nous navons pas, il est vrai, tous les matériaux nécessaires pour établir sur ce point un jugement définitif, mais il nous reste quelques pièces importantes du procès, et la simple lecture de ces documents démontre sinon linnocence complète des frères du Mas Deu, du moins limpossibilité de leur imputer des crimes dont il nexiste pas lombre dune preuve, et limpossibilité de les condamner, tant que lon voudra, comme lexigent la justice et la raison, les juger sur les témoignages et les autres documents qui composent leur dossier.
Sans doute les Templiers ont disparu du Roussillon comme des autres pays ; mais nous pouvons observer que lÉglise, dans la personne de son chef, ne sest point prononcée contre lordre religieux dont un concile avait approuvé linstitution et dont un saint avait dicté les statuts ; aussi, tout en abandonnant les personnes contre lesquelles pouvaient sélever des charges suffisantes, Clément V sétait-il réservé à lui-même lexamen et le jugement de lorthodoxie générale du Temple. Plus tard, il est vrai, au concile de Vienne, lordre du Temple a été supprimé ; mais cette suppression, le pape la prononcée en vertu dune de ces mesures de provision qui nimpliquent aucune condamnation en droit : non per modum difinitivae sententiae, dit la bulle du 22 mars 1512, sed per modum provisionis seu ordinationis apostolicœ (3)
Maison du Temple du Mas Deu
Département: Pyrénées-Orientales, Arrondissement: Céret, Canton: Trouillas - 66
Maison du Temple du Mas Deu
En 1307, lordre du Temple existait dans le diocèse dElne depuis 175 ans, et comprenait la Préceptorie ou Commanderie du Mas Deu qui avait sous sa dépendance les préceptories de Perpignan, dOrle, du Mas de la Garriga-sur-Reart, de Saint-Hippolyte et de Palau situées en Roussillon, et celles de Corbos et de Centernach (4) dans le pays de Fonollet, Ses possessions les plus importantes étaient, outre les seigneuries de Palau, dOrle, de Saint-Hippolyte, de Vilamolaca, dAnyils et de Terrats, les fours et les droits des poids et mesures de la ville de Perpignan. Sa ferté principale était celle du Mas Deu qui, de tout temps, a été considérée comme une des forteresses les plus importantes du pays. De plus, la Maison du Temple de Perpignan, située un peu au-dessus du quartier-général actuel, se composait dune vaste enceinte entourée darcades et de boutiques derrière lesquelles se dressaient les murs élevés dun véritable château. Cétait le manoir le mieux fortifié de la ville de Perpignan devenue la capitale du royaume de Majorque, et en 1283, à une époque où le château royal nétait pas encore achevé, cest ce manoir qui conservait le trésor et les archives de la maison royale Au reste, cette dernière destination datait de loin, car en 1180 la maison du Temple de Perpignan servait déjà de dépôt aux actes publics les plus importants (5).
Quant au personnel de lOrdre, sans parler ici des Templiers roussillonnais qui en 1307 se trouvaient en Catalogne et dans dautres provinces, on peut dire que la Préceptorie du Mas Deu comptait 26 membres, chevaliers, chapelains ou simples servants, dispersés en divers lieux du Roussillon, deux à Saint-Hippolyte, autant à Orle et à Palau, un dans chacune des maisons de Centernach et de la Garriga, six ou sept à Perpignan, et le reste au Mas Deu. Tout ce personnel était alors régi par un membre de lillustre famille de Pinos, nommé Raymond de Guardia ou Saguardia, frère de Pons de Guardia, seigneur de Canet. IL avait été reçu templier à Saragosse en 1274, et il était Précepteur du Mas Deu depuis 1292 (6).
On le trouve encore en Roussillon, comme témoin du testament du roi Jacques Ier de Majorque fait dans la chambre royale du château de Perpignan, le 8 des ides de février 1305 (6 février 1506); il se rendit ensuite en Catalogne, où il se trouvait encore avec son titre de commandeur du Mas Deu, lors de larrestation des Templiers.
LOrdre comptait en Roussillon un autre personnage important ; cétait frère Jacques dOllers, Précepteur ou Commandeur de la Maison de Perpignan qui, depuis 1292, remplissait dans cette ville loffice de Procureur royal de Jacques de Majorque pour les comtés de Roussillon et Cerdagne.
On sait que par suite des mesures prises et des ordres secrets transmis par Philippe-le-Bel, tous les Templiers devaient être arrêtés le même jour à Paris et dans les provinces de France, le vendredi 13 octobre 1307. Peu de jours après, des lettres du roi de France et du Pape informaient les souverains de lEurope des premières dispositions prises contre la milice du Temple, en les exhortant à employer les mêmes moyens dans leurs états.
Nous navons plus un seul des documents officiels de la cour de Majorque relativement à cette affaire, et le Livre de la raho del Temple qui contenait le compte-rendu de toutes les poursuites et les comptes de ladministration des biens des Templiers roussillonnais depuis leur arrestation, a disparu depuis longtemps. Mais les événements suivirent en Roussillon la même marche que dans le royaume dAragon, et, pour ce dernier pays, les archives royales de Barcelone conservent encore le Regestrum Templariorum où lon trouve toute la correspondance de Philippe-le-Bel et du Pape avec le roi Jacques II dAragon, les réponses de celui-ci et dautres documents relatifs à la suppression de lOrdre en Catalogne. Cest la seule source où nous puissions recueillir quelques renseignements sur ce qui dut se passer dans le royaume de Majorque.
Une première lettre de Philippe-le-Bel, datée de Paris le 26 octobre (1507), apprend au roi dAragon la découverte des crimes dont les Templiers étaient accusés (8) ; il lexhorte ensuite à arrêter tous les membres de lOrdre dans ses états, comme il lavait fait lui-même dans son royaume après sen être entendu avec le Pape.
Cette lettre ne parvint quun mois après au roi dAragon qui répondit de Teruel, le 17 novembre 1307, pour exprimer au roi de France combien il était stupéfait des abominations attribuées aux Templiers ; il faisait ensuite le plus grand éloge de ceux qui étaient dans ses états, et déclarait quil ne ferait rien pour leur arrestation tant quil naurait pas des preuves certaines de leur culpabilité, à moins que le pape ne lui en donnât lordre formel. Deux jours après, il écrivit en effet au pape Clément V, pour lui demander comment il devait procéder contre les Templiers de ses domaines. Mais bientôt, sans connaître les intentions du Pape dont les lettres ne lui parvinrent que deux mois plus tard, cédant aux instances du roi de France et aux obsessions des évêques de Valence et de Saragosse, et de frère Jean Llotger, dominicain, inquisiteur de la province dAragon, Jacques II sc décida à poursuivre les Templiers dès les premiers jours de décembre, en ordonnant de les arrêter, de les tenir prisonniers dans leurs châteaux et de meure leurs biens sous séquestre.
Les Templiers catalans avaient déjà reçu la nouvelle de ce qui se passait en France ; quelques-uns, en très-petit nombre, avaient aussitôt pris la fuite, et se cachaient dans les campagnes après avoir rasé leur barbe et quitté lhabit de lOrdre (9) ; mais la majeure partie sétaient retirés et fortifiés dans leurs châteaux quils se préparaient à défendre.
Le roi de Majorque était encore moins que celui dAragon en état de résister aux instances de Philippe-le-Bel, car son royaume composé des îles Baléares, des comtés de Roussillon et de Cerdagne, de la seigneurie de Montpellier et de quelques autres petits fiefs dispersés en France, se trouvait à la merci de ses deux puissants voisins. II navait dailleurs à intervenir dans laffaire des Templiers, que dans les seuls diocèses dElne et de Majorque, et larrestation ne pouvait offrir la moindre difficulté en Roussillon, où le petit nombre des membres de lOrdre et leur dispersion sur divers points la plupart sans défense, rendaient toute résistance inutile.
Enfin, il est probable quavant la fin du mois de novembre, le roi de Majorque avait dû recevoir à Perpignan des lettres de Clément V datées de Poitiers, le 22 de ce même mois, dans lesquelles il racontait larrestation des Templiers français opérée en un jour par ordre de Phi- lippe-le-Bel, ainsi que les crimes dont le Grand Maître et dautres membres de lOrdre avaient déjà fait laveu à Sa Sainteté, qui se disait disposée à examiner sérieusement cette affaire. En conséquence, le Pape exhortait le roi de Majorque à prendre les mesures les plus promptes et les plus sûres pour faire arrêter le même jour tous les Templiers qui étaient dans ses domaines, procéder à linventaire de leurs biens, faire cultiver leurs propriétés aux frais de lOrdre, et veiller à la conservation de toute leur fortune pour la leur restituer sils se trouvaient innocents, ou lappliquer à la Terre Sainte sils étaient reconnus coupables.
Jacques de Majorque ne put que se conformer à cette décision, mais on ignore la date précise et les circonstances de larrestation des Templiers du Roussillon (10).
Tout ce que nous savons à ce sujet cest que frère Jacques dOllers, Précepteur de la maison du Temple de Perpignan, figure encore et pour la dernière fois dans cette ville avec son titre de procureur royal, le 17 octobre 1507, et ne se trouve remplacé dans cet office que le 8 des ides du mois de décembre suivant (11). Larrestation se fit par conséquent dans lintervalle compris entre ces deux dates, et probablement à la fin de novembre 1307. Tous les Templiers roussillonnais furent conduits et tenus sous bonne garde au Mas Deu, où le vénérable Jacques dOIlers mourut sans doute de douleur quelques jours après (12).
Les choses se passèrent bien autrement en Catalogne où le Précepteur du Mas Deu se trouvait alors, en qualité de lieutenant du Maître du Temple pour la province dAragon. Tous les membres de lOrdre sétaient préparés à la résistance, et frère Raymond Sa Guardia se trouvant au château de Miravet, reçut, le 20 janvier 1308, une lettre du roi dAragon qui lui enjoignait de comparaître avec tous ses subordonnés devant le concile de Tarragone. Ils refusèrent de se présenter, et, quelques jours après, le roi informa le concile de limpossibilité où il avait été darrêter les Templiers le même jour, ainsi que le Pape venait de le lui mander, car aussitôt après les premières arrestations opérées au commencement de décembre, les autres sétaient retirés et fortifiés dans les châteaux de Miravet, Ascon, Montco, Cantavieja, Vilell, Castellot et Chalamera, où il promettait de les attaquer avec toutes ses forces jusquà ce quil sen fût emparé. Le roi obtînt dailleurs sans peine le concours des seigneurs laïques et ecclésiastiques. Cependant, trois dentre eux, établis sur la frontière du Roussillon, le comte dUrgell, le vicomte de Rocaberti et lévêque de Gerona, sopposèrent dabord à larrestation des Templiers et au séquestre de leurs biens dans leurs domaines et dans leur diocèse, et le 31 janvier, le roi fut obligé de leur donner de nouveaux ordres pour obtenir leur obéissance.
Quant aux Templiers catalans retranchés dans leurs châteaux, ils se défendirent partout avec la plus vive énergie. On a dit, il est vrai, « que ces chevaliers eurent plus à souffrir en Aragon de laveugle exaltation des peuples qui les regardaient comme hérétiques, que de la sévérité du gouvernement. Aussi ny prirent-ils les armes, comme en Catalogne, que pour se défendre contre Lanimosité populaire ; ils ne résistèrent jamais aux ordres du roi (13) »
Ces assertions de M. de Gazanyola, basées sur on ne sait quelles autorités, sont formellement contredites par les documents officiels et contemporains que nous analysons. Ils démontrent que les Templiers catalans se défendirent partout et ne résistèrent quaux ordres et aux troupes du roi (14). Quant aux populations, on ne les voit intervenir que pour défendre les Templiers dans leurs châteaux, ou même, comme les habitants de Lerida, pour refuser de marcher contre eux malgré les ordres du roi dAragon (15). Ce sont des faits démontrés par chacun des sièges que les troupes royales eurent à faire, et nous nous bornerons ici a la défense du château de Miravet commandé par frère Raymond Sa Guardia, qui nous intéresse particulièrement comme Précepteur du Mas Deu.
Château de Miravet
Château de Miravet
Le 11 octobre, le siège durait encore et le roi autorisait Pierre de Montcada et dautres fils de chevaliers « qui toutefois étaient étrangers à lOrdre », (qui non sunt fratres), à sortir de Miravet et à rentrer dans leurs familles. Il existe à la même date un sauf-conduit du roi qui autorise les Templiers de ce château à envoyer quelquun auprès de lui, « pour traiter de leur affaire » Cest sans doute à ce moment quil faut rapporter une lettre du mois doctobre 1308 écrite par frère Raymond Sa Guardia à Arnald, abbé de Fontfroide et vice-chancelier du Pape. Après avoir rappelé les neuf mois de siège quil venait de soutenir avec ses frères darmes dans le château de Miravet, et la résolution où ils étaient tous de sy défendre à outrance et de ne jamais livrer cette forteresse que les soldats du Temple avaient conquise sur les Maures, il le priait de plaider leur cause auprès du Pape pour quil écrivit au roi dAragon de lever le siège. « Quant aux crimes et abominations quon nous impute, nous sommes prêts, disait-il, à nous justifier, nous et nos frères, comme de vrais chevaliers chrétiens et catholiques, par les armes (duel), ou autrement selon les règles canoniques et légitimes, ou de telle autre manière que le seigneur Pape lentendra (16). »
Cependant, après avoir consulté les Templiers qui se défendaient à Moutço, Raymond Sa Guardia dut faire quelques démarches auprès du roi dont il voulait connaître les véritables intentions, comme lindiquent les instructions suivantes datées de Daroca, le 21 octobre 1308.
Lémissaire du roi, Bernard de Libia, devait apporter à Raymond Sa Guardia et à deux autres frères de Miravet des lettres de sauvegarde pour aller « auprès des frères de Montço », et sentendre avec ces derniers pour venir a la cour. Il devait leur expliquer que si le roi leur avait fait cette concession, cétait par des motifs de compassion, et surtout à cause du danger qui les menaçait sils laissaient expirer le délai qui leur était fixé. Le roi se déclarait, dailleurs, disposé à leur fournir toutes voies et moyens pour que leur affaire prit bonne tournure. « Ne leur ai-je pas fait voir, ajoutait-il, la lettre originale du Pape par laquelle il madjure et me requiert de me saisir des personnes et des biens des Templiers ? Je dois avant tout suivre les provisions du pape sur ces deux points, et je ne puis men écarter en rien. Si les frères sy conforment en ce qui les concerne, je noublierai pas quils sont mes sujets, et je leur éviterai toute souffrance et tout ennui, en leur donnant aide et faveur selon mon pouvoir, de manière à leur faire reconnaître que je leur serai favorable, autant que ma dignité le permettra. Sils acceptent ces conditions, Bernard Ses Pujades suspendra toute opération contre leur château ; mais ne leur laissez aucune illusion, et dites-leur clairement quils nobtiendront rien du roi sils ne font dabord les deux choses susdites, en se mettant en son pouvoir eux et leur château, conformément à la provision du Pape (17). Il faut aussi leur dire courtoisement quen sortant de Miravet pour venir ici, ils nauront absolument rien à prendre, excepté ce dont ils auront besoin pour leur dépense. »
Château, Castellote
Pays: Espagne, Communauté autonome: Aragon, Province de Teruel
Domus Hospitalis Castellote
Le château de Castellote est une grande forteresse (environ 130 mètres dans laxe maximum et 50 mètres de large) avec un plan irrégulier et quatre enceintes disposées en quinconce, en raison du dénivelé du terrain sur lequel il est assis. Laccès se faisait par un pont-levis.
Il reste des restes de quatre tours. Parmi eux se distingue « lhommage », de grandes dimensions, situé à une extrémité de lenceinte.
Il ny a pas de nouvelles du château avant 1168, date à laquelle il fut définitivement conquis par Alphonse II, cependant la ville est déjà appelée Castellot dans les documents ecclésiastiques de 1148 et 1158, ce qui laisse supposer que le château existait déjà alors.
En octobre 1188, le seigneur du château de Castellote est le noble Gascon de Castellot, récemment entré dans lOrdre du Saint Rédempteur. Huit ans plus tard, il consent à ce quAlphonse II dAragon fasse don de la forteresse à lOrdre du Temple. Après la dissolution des Templiers, les San Juanistas arrivèrent en 1317, transformant Castellote à la tête de lun de ses trois bailliages, avec Aliaga et Cantavieja, dans ce que nous connaissons aujourdhui sous le nom de Maestrazgo. Ils restèrent dans la ville jusquen 1769.
La première guerre carliste rendit lactivité militaire à lancienne forteresse. Le prétendant Don Carlos, après lavoir visité en 1837, ordonna au général Cabrera de le moderniser. En 1840, il fut occupé par le général Espartero après plusieurs jours dattaques dartillerie, qui se terminèrent avec le château pratiquement en ruines. Les vestiges restés debout ont ensuite été dynamités par le duc de Valence.
Sources : Museo Maestrazgo Castellote
Pendant ces négociations, le château de Castellot, une des places des Templiers, venait de se soumettre, car une lettre royale du 13 novembre défendait « aux frères de Caslellot » dentrer dans les églises aux heures où lon célébrait les divins offices.
Enfin, le 16 novembre, le roi adressait son ultimatum aux frères de Miravet. Ce document indique probablement les conditions auxquelles furent généralement soumis les Templiers tenus en charte privée dans leurs châteaux de Catalogne, et il y a lieu de croire que ceux du Mas Deu, qui navaient fait aucune résistance, nen eurent pas à subir de plus rigoureuses, du moins dans les premiers mois qui suivirent larrestation.
Voici la traduction de ce document.
« Articles remis à Bernard de Libia dans la cité de « Calatayud, le XVI des calendes de décembre lan du Seigneur M.CCC. VIII.
« Au premier article, le seigneur roi répond, octroie, et il lui plaît, en ce qui concerne les écuyers qui étaient avec les frères quand ils sétablirent dans les châteaux, ainsi que leurs vassaux qui y sont venus se joindre à eux, que sil leur a été pris ou saisi quelque chose à eux appartenant, elle leur soit restituée (18). Il lui plaît encore, que, pour ce motif, il ne soit fait aucune poursuite contre les personnes des dits écuyers et vassaux, et quil y ait au contraire toute faculté de leur pardonner ce quils ont fait. »
« Au second article, le seigneur roi répond, veut et lui plaît, que le bâtard Sa Guardia et les autres qui vinrent et se mirent dans les châteaux par dévouement pour les frères du Temple, puissent sen retourner en toute sûreté au lieu doù ils sont venus (19). »
« Au troisième article, le seigneur roi répond et dit que, comme leur fait est spirituel et touche à la foi, il priera le seigneur Pape, pourvu quil puisse, selon sa bonne conscience, reconnaître quils ne sont point en faute, et fera tout son possible pour que Sa Sainteté leur soit favorable, et que lenquête soit faite avec bonté et miséricorde.
« Au quatrième article, le seigneur roi répond et lui plaît quil soit donné une pension viagère à chacun deux selon leur état, cest-à-dire, que chacun des frères commandeurs ou chevaliers ait dix-huit deniers jacques pour se nourrir et se vêtir ainsi que son écuyer, en payant la solde de ce dernier sur cette somme ; que chaque frère servant qui sera commandeur ait douze deniers jacques, les frères chevaliers faisant partie dune communauté, douze deniers, et les simples frères servants, huit deniers chacun. »
« Au cinquième article, le seigneur roi répond et lui plaît quils puissent aller accompagnés de leurs gardiens, à deux ou trois portées darbalète autour du lieu où ils résideront ; toutefois, il faudra quils choisissent une résidence qui ne soit ni une cité, ni une grande ville, mais un lieu sans importance et dans la campagne, et encore ne pourront-ils sy trouver à la fois que deux ou trois au plus. »
« Au sixième article, le seigneur roi répond et lui plaît, que sil leur est remis des vivres, ou des effets pour se vêtir et se chausser ou pour leur lit, on ne puisse les leur enlever ; ils auront au contraire toute faculté de les garder et den faire, usage. »
« Au septième article, le seigneur roi répond et lui plaît quils puissent sortir des châteaux avec tous leurs effets, équipement et armures du corps, et les porter et, garder partout où ils seront ; cependant les armures seront tenues et gardées par celui à qui ils (les Templiers) seront confiés »
« Au huitième article, le seigneur roi répond et octroie quil enverra au Pape un messager tel quil le doit et que le fait le requiert, pour le prier quil lui plaise dexpédier leur affaire, en ordonnant à linquisiteur de de ce pays et aux évêques dy donner suite dans le plus bref délai possible, ou bien il commettra à cet effet dantres personnes à son gré. »
« Et ce que dessus, le seigneur roi loctroie sous la condition que, de leur côté, quatre jours après quils seront retournés à Miravet, ils aient mis au pouvoir du roi le château, leurs personnes et tous leurs biens, conformément à la provision du seigneur Pape (20). »
Ces conditions étaient des plus honorables, mais on serait porté à croire quelles ne furent pas acceptées, daprès une lettre datée de Miravet, le 22 novembre 1308, et écrite au Pape par Raymond Sa Guardia et les autres Templiers ses compagnons. Ils protestent plus que jamais de leur innocence, rappellent tout ce quils ont souffert pour défendre la religion de Jésus-Christ, et sélèvent contre la cruauté et la perfidie de leurs accusateurs. « Nayant pu, disent-ils, prouver aucun des crimes quils nous imputent, ces êtres pervers ont fait appel à la violence et à la torture, car cest seulement par elles quils ont arraché des aveux à quelques-uns de nos frères, et cest pour cela que le roi nous tient si étroitement assiégés dans le château de Miravet. » Ils suppliaient le Pape dintervenir pour modérer les exigences du roi dAragon, et offraient de se justifier par tel moyen que Sa Sainteté voudrait bien indiquer (21).
Cest le dernier document qui nous reste sur la résistance du Précepteur du Mas Deu, et la place dut se rendre à discrétion peu de jours après, car, le 19 décembre suivant, le roi écrivait à Mascaros Garidell de lui adresser deux volumes de la Bible et les autres livres trouvés à Miravet, ainsi que le fer de la lance dun ancien comte de Barcelone, retrouvé, disait-on, dans ce château (22).
Un mois plus tard, tous les châteaux des Templiers catalans étaient déjà soumis, à lexception de Chalamera et de Montço qui ne se rendirent quà la fin de juin 1309.
Quant à Raymond Sa Guardia, une lettre du roi on date du 26 décembre lui permit dabord de rester prisonnier dans le château de Miravet, mais il fut bientôt conduit à Lerida, puis ramené une seconde fois à Miravet et enfin à Barcelone. Le roi de Majorque avait déjà réclamé son extradition et, conformément à cette demande, frère Raymond écrivit au Pape et au roi dAragon pour être conduit en Roussillon. Sa lettre au Pape est dalée de Barcelone, le 7 juin 1309, lautorisation apostolique lui fut expédiée dAvignon le 8 août suivant (23), et peu de temps après, le Commandeur du Mas Deu rentrait dans celle ferté où ses anciens subordonnés, devenus ses compagnons dinfortune, attendaient depuis deux ans leur jugement.
Après larrestation des Templiers roussillonnais, leurs biens avaient été mis immédiatement sous séquestre, et confiés à deux administrateurs pris parmi les bourgeois de Perpignan (24), mais linformation ne procéda quavec toute espèce de lenteurs. Le 30 décembre 1308, le Pape avait écrit aux rois dAragon et de Majorque de tenir en prison ceux des membres de lOrdre qui avaient été arrêtés, pour les remettre à leurs ordinaires respectifs qui devaient les juger. Cétait Raymond Costa, évêque dElne, qui était chargé de linformation contre les Templiers du Mas Deu, et il ne reçut que vers la fin de 1309 les lettres de Gilles archevêque de Narbonne, qui lui transmettait avec les bulles du Pape, les articles ou chefs daccusation portés contre lordre du Temple, et les prescriptions à suivre pour la procédure. Conformément au mandat apostolique dont il était revêtu, il sadjoignit deux chanoines de sa cathédrale, Bernard-Hugues dUrg, grand archidiacre, et Raymond Guilhem, sacristain, deux dominicains du courent de Perpignan, frère Bernard March, prieur, et frère Bérenger dArdena, lecteur, et deux franciscains de la mène ville, les Frères Guillaume Arnau, gardien, et Guillaume Brandi, en fixant au mercredi 19 janvier 1310 le commencement de linterrogatoire. La commission ainsi composée sinstalla dans la maison dite de la Prévôté du lieu de Trullas, dont la seigneurie appartenait à léglise dElne. Le Mas Deu, qui avait alors son territoire particulier, confrontait avec celui de Trullas, et cest ce voisinage qui avait seul décidé le choix de ce lieu comme le plus convenable pour linterrogatoire (26).
Le même jour, Jacques Marti, official dElne, assisté de trois témoins et dun notaire, se rendit au Mas Deu, et après avoir fait conduire dans la chapelle tous les Templiers prisonniers et détenus (captos et detentos) dans cette maison, il leur donna lecture des bulles du Pape ainsi que des lettres de larchevêque de Narbonne et de lévêque dElne, en vertu desquelles ils étaient assignés à comparaître successivement devant la commission.
La première citation concernait frère Barthélemi de la Tour, prêtre ou chapelain du Temple, qui fut conduit le même jour à Trullas, et prêta serment sur les saints Evangiles de dire la pure, pleine et entière vérité sur les articles ou chefs daccusation « qui lui furent lus et expliqués en langue vulgaire (27) »
Barthélemi de la Tour
Frère Barthélemi de la Tour, interrogé par lévêque sur la réception des frères du Temple, dans laquelle ils étaient accusés de renier le Christ, Jésus, ou la croix, ne répond que par des dénégations formelles.
— Jajouterai, dit-il, que dans tout le cours de ma vie, je nai jamais rien entendu de pareil, si ce nest depuis que les frères de lOrdre ont été arrêtés.
— Cependant, le Grand Maître de lOrdre en a fait laveu, en présence des grands personnages, avant son arrestation.
— Je le nie, et je ne croirai jamais que le Maître ait avoué de telles choses, sauf lhonneur et le respect de notre seigneur le Souverain Pontife et des seigneurs cardinaux, ses frères, dont il sagit sans doute dans cette question.
— Lors de la réception, ne fait-on pas prêter serment de ne jamais sortir de lOrdre ?
— Javoue quen y entrant, on doit jurer de ne jamais abandonner lordre des Templiers ni den sortir pour entrer dans un autre ordre supérieur ou inférieur.
— Après ce serment ne sont-ils pas tenus immédiatement pour profès ?
— Cest vrai ; je nen connais pas la raison, mais telle est la coutume observée dans lOrdre.
— Ne font-ils pas les réceptions en secret ?
— Les réceptions des frères du Temple se font partout, à lexclusion de toute personne étrangère à lOrdre, et après avoir fermé les portes du lieu où se tient le chapitre pour la réception des frères. Cest ainsi, du moins quon le pratique dans la maison du Mas Deu, toutes les fois que les frères sont en chapitre pour quelque acte que ce soit, car, je dois le dire, je nai jamais assisté à des chapitres ailleurs que dans léglise de la maison du Mas Deu.
— A quelle heure fait-on les réceptions ?
— Après la célébration de la messe et lorsque le prêtre qui officie a invoqué la grâce de lEsprit-Saint, le frère chapelain de lOrdre dit le Veni Sancte Spiritus avec loraison Deus gui corda fidelium Les frères présents siègent ensuite pour tenir leur chapitre et faire les réceptions. Cest ce que jai vu pratiquer dans léglise du Mas Deu plus de dix fois.
— Nest-ce pas à cause du secret de ces initiations que lOrdre est depuis longtemps lobjet de véhémentes suspicions ?
— Je ne sais rien de certain à cet égard. Je crois cependant que les gens qui ont parlé du secret et des portes fermées pendant les réceptions, ont pu avoir des soupçons contre nous, mais ce sont des soupçons bien injustes.
— Navez-vous pas dans chacune de vos provinces des idoles ou images, cest-à-dire des têtes dont quelques-unes ont trois figures, dautres une seule, quelquefois un crâne humain ?
— Je nen ai jamais entendu parler.
— Ne font-ils pas loucher ou envelopper une de ces têtes didoles par de petites cordelettes dont ils se ceignent ensuite entre la chemise et le corps ?
— Non ; seulement les frères portent des ceintures ou cordes en fil de lin sur la chemise.
— Pour quelle raison portent-ils cette ceinture ?
— Je crois quils la portent, et, quant à moi, jaffirme que je porte cette ceinture parce quil est écrit dans lévangile de Luc sint lumbi vestri precincti etc. Jajoute que jai porté et je porte encore cette ceinture depuis lépoque de ma réception ; elle est dobservance dans lOrdre, et chacun de mes frères doit la porter, le jour et la nuit, mais elles ne touchent aucune des dites idoles. Il est faux dailleurs que lon nait jamais reçu personne de la manière que lon indique, du moins à ma connaissance.
— Ne fait-on pas prêter serment de ne rien révéler à cet égard ?
— Dans la réception des frères du Temple, il est enjoint aux récipiendaires, en vertu du serment quils ont prêté, de garder toujours le secret sur tout ce qui se fera dans les chapitres.
— Ceux qui trahissent ce secret ne sont-ils pas punis de mort ou de la prison ?
— Lorsquil a des réceptions dans les chapitres du Temple, on enjoint aux récipiendaires de garder le secret sur tout ce qui sest fait ou qui se fera dans les dites assemblées.
— Ne défend-on pas de le révéler à qui que ce soit, excepté aux frères de cet Ordre ?
— Il est prescrit, aux frères qui se trouvent dans ces chapitres de nen parler à aucun autre frère de lordre, à lexception de ceux qui étaient présents auxdites assemblées. Je nai, il est vrai, assisté nulle part à des chapitres autres que ceux de la maison du Mas Deu au diocèse dElne, mais je crois que les mêmes choses sont faites et observées dans tous les autres chapitres des Templiers.
— Nest-il pas défendu de se confesser à dautres quà des frères de lOrdre ?
— Voici ce qui a été observé à cet égard. Lorsquil y a des frères qui veulent confesser leurs péchés, on leur enjoint de les confesser au frère chapelain de lOrdre quils trouveront le plus à propos ; sil ny en a pas de présents, on leur donne libre faculté de sadresser à des Frères Mineurs ou Prêcheurs, ou, à défaut de ceux-ci, à un prêtre séculier du diocèse. Enfin, il est enjoint à ceux qui entrent dans lordre du Temple dobserver les bonnes coutumes de lOrdre présentes et futures, de garder les bonnes mœurs et déviter les mauvaises.
Interrogé ensuite sur sa réception, frère Barthélemi de la Tour répondit ainsi :
— Jai été reçu dans la maison du Mas Deu par frère Raymond dez Bach, alors Précepteur, la veille de la Noël, il y a vingt-neuf ans, avec lassistance et en présence des frères Pierre de Camprodon, Jacques dOllers, Arnald Roca, chambrier de ladite maison, de plusieurs autres dont je ne me rappelle plus les noms et qui sont morts, et des frères Jorda, Arnald Caliç et Simon, qui existent encore. Quant au mode de ma réception et de celles que jai vu faire dans la maison du Mas Deu, voici ce que jai toujours vu observer.
Lorsque je fus reçu comme frère dudit Ordre au Mas Deu, frère Rajmond dez Bach, alors Précepteur, entra dabord dans léglise ou chapelle de ladite maison avec les frères quil y avait alors, et lon me fit attendre dehors, bien que je fusse prêtre à cette époque. Peu dinstants après vinrent à moi deux des frères les plus anciens de lOrdre et dont je ne me rappelle pas bien les noms, lesquels mintroduisirent dans une chambre située près de la chapelle et dans laquelle couche le frère chapelain de la maison. Là, après mavoir fait un exposé des nombreuses rigueurs et des rudes épreuves de lordre du Temple, ils me demandèrent, puisque je voulais y être reçu, si mes membres étaient sains, si jétais excommunié, si jétais obligé envers des créanciers, si je navais pas émis le vœu dentrer dans quelque autre ordre ou religion, et bien dautres choses qui sont contenues dans un livre appelé Livre des statuts et règle de lordre des Templiers. Après que jeus répondu à toutes leurs questions, et quils meurent expliqué ce que javais à dire au Précepteur, ils mintroduisirent dans léglise où se tenaient ledit Précepteur et les frères réunis en chapitre pour la réception ; les portes furent ensuite fermées, et là, devant le Précepteur, je mécriai, à genoux et les mains jointes : Seigneur, je supplie Dieu, la Bienheureuse Marie Vierge, et vous tous, de me recevoir en cet ordre, comme compagnon et votre propre frère, pour servir Dieu et pour le salut de mon âme, car je veux consacrer le reste de ma vie à la gloire de Dieu et le servir à jamais dans cet ordre.
Le Précepteur me fit alors conduire hors de léglise, on my rappela quelques instants après, et il me fit venir devant lui. Il y eut dailleurs bien dautres choses qui me furent dites, adressées et prescrites par ledit Précepteur, et auxquelles je répondis pour être reçu, comme on peut les lire dans le livre qui contient la Règle de lordre du Temple.
« Ici, dit le procès-verbal, frère Barthélemi présente à Monseigneur lévêque dElne et aux autres membres de la commission denquête, le susdit Livre de la Règle quil avait fait apporter de la maison du Mas Deu et qui commence ainsi « en roman » :
Quan alcun proom requer la compaya de la Mayso...
« Cest ainsi, continua-t-il, que jai vu faire la réception des autres frères, prêtres, ou personnes du siècle, dans lordre et la manière détaillés en ce Livre des Statuts et de la Règle. Je nai pas un souvenir bien exact des dates auxquelles ont eu lieu les initiations faites après la mienne ; mais jai vu recevoir les frères Bernard Guerrer, Raymond Sapte, Jean de Roses et Jean Coma, tous prêtres lors de leur réception, et maintenant frères du Temple. Jai vu aussi recevoir des frères laïques chevaliers, Bertrand de Rivesaltes, Bernard de Millas et beaucoup dautres, chevaliers ou non, dont je ne me rappelle pas bien les noms, reçus à diverses époques et de la manière susdite, dans léglise du Mas Deu, par divers Précepteurs, tels que frère Raymond Dez Bach, frère Raymond de Benaies, frère Arnald de Torroella, frère Guillaume dAbelars, et frère Raymond de Guardia que jai vu et vois encore avec le litre de présent et dernier Précepteur de ladite maison.
« Quant aux têtes dont il est question, je déclare que je ne sais ce que cest ; nulle part et jamais je nen ai entendu parler dans lordre du Temple. Je ne sais où sont ces têtes maudites, ni où elles ont pu exister, et ma ferme conviction est quil ny en a jamais eu nulle part dans le monde entier, ni chez les Templiers ni chez aucun fidèle chrétien. »
Pierre Bleda
Frère Pierre Bleda, Templier du Mas Deu, avait été reçu en 1298 dans la chapelle du château dAlfambre, en Aragon. Il commence par déclarer que, si Jésus-Christ avait souffert la passion, ce nétait pas pour expier ses propres crimes, mais pour la rédemption du genre humain.
« Les abominations, dit-il, attribuées à lOrdre par les prétendus aveux de ses chefs, nont jamais existé, et jajoute que si le Grand Maître de lordre du Temple a fait les aveux quon lui prête, ce que pour ma part je ne croirai jamais, il en a menti par sa gorge et en toute fausseté (28). »
Sur les soupçons qui couraient à propos du secret des réceptions, « je ne crois pas, dit-il, quun homme de bien, quel quil soit, puisse avoir aucun mauvais soupçon à cause de la réception secrète des frères, car il ne sy fait rien de mauvais, et celui qui par hasard suppose le contraire, commet certainement un péché. Que Dieu le lui pardonne ! »
Frère Jorda de Bellver, interrogé le même jour, répondit par des dénégations aux quinze premières questions. « Cependant ajouta-t-il, depuis lépoque où je fus arrêté ainsi que les autres frères du Temple du diocèse dElne, à loccasion des crimes énoncés dans linterrogatoire, jai entendu parler des bruits qui courent a leur sujet dans le public ; mais ces rumeurs ne procèdent pas de la vérité, et il ny a que les ennemis de notre Ordre qui aient pu les inventer. Je ne me rappelle point, dailleurs, comment ni par qui ces rumeurs sont venues jusquil moi... Je crois au sacrement de lautel et aux autres sacrements de lÉglise, selon que lÉglise Romaine les croit et les enseigne, et chaque frère du Temple professe la même croyance... Dans toutes les réceptions auxquelles jai assisté dans léglise du Mas Deu, les portes de léglise ont toujours été fermées et lon a fait sortir toutes les personnes étrangères à lOrdre... Ce nest pas la première fois que jai été interrogé sur le secret de ces réceptions, et jai toujours répondu que les fondateurs de lOrdre lavaient ainsi établi. Quant aux idoles, je nen ai jamais vu, et ne sais ce que cest, ou plutôt, je crois que ce nest rien (quil nen existe pas) (29) »
Passant ensuite a sa réception, « Je fus reçu, dit-il, dans léglise du Mas Deu, un dimanche vers la fête de saint Martin, il y a environ trente-cinq ans, par frère Raymond Dez Bach alors Précepteur de cette maison, en présence dArnald Roca, chambrier, de Raymond Saquet, de Jean Saquet, de Pierre de Vilanova et de plusieurs autres frères de lordre du Temple. »
La journée du 16 janvier fut consacrée à linterrogatoire de frère Bernard Guerrer, chapelain de la chapelle du Mas Deu, où il avait été reçu en 1298, le dimanche avant la fête de saint Jean de juin, avec lassistance de Raymond Sapte, chapelain, de Raymond de Saint-Just, chevalier, et dautres Templiers.
« Cest lusage, dit-il, constamment suivi par notre ordre, toutes les fois quune maison ou communauté tient chapitre pour traiter de quelque affaire, pour recevoir des frères, ou pour toute question à traiter entre nous, de fermer les portes du lieu où se tient le chapitre. »
Le lendemain 17 janvier, frère Bérenger dez Coll, chevalier, fut conduit de bon matin à Trullas. Il nia tout ce qui concernait le sacrilège de la croix. « Cest, dit-il, en lhonneur de la croix de Jésus crucifié, que les frères de notre ordre adorent la croix en toute solennité et révérence, trois fois lannée, le Vendredi Saint et les jours des fêtes de la Croix en mai et en septembre. Lorsque les Templiers adorent la croix, le Vendredi Saint, ils déposent leurs chaussures, leur glaive, les coiffes de lin et tout ce quils portent sur la tête. Cest aussi par respect pour le seigneur Jésus crucifié, que tous les frères du Temple portent la croix sur leur manteau ; et de même que Jésus-Christ a répandu son propre sang sur la croix pour nous, nous portons une croix détoffe rouge sur nos vêtements, pour répandre notre propre sang contre les ennemis du Christ, les Sarrasins au pays dOutre-Mer, et ailleurs contre les ennemis de la foi chrétienne.
« Quant aux crimes imputes à lOrdre, tous les aveux faits à cet égard sont faux, sécria-t-il, et contraires à toute vérité. Ma conviction sur ce point repose sur la certitude que jai que je nai jamais commis ces crimes, pas plus que les autres membres de lOrdre avec lesquels jai vécu au Mas Deu et ailleurs. »
Interrogé sur sa réception, « Jai été reçu, dit-il, en Catalogne, à Miravet, par frère B. de Cardona, ex-maître de lordre du Temple en Aragon, en même temps que Bérenger Galceran, Gerald de Bocamora et dautres, chevaliers et non chevaliers, au nombre de neuf ou dix, il y a environ neuf ans, le jour de la fête de Saint Laurent. La réception se fit dans la maison du Temple où se lient le chapitre du château de Miravet, en présence et avec lassistance de B de Sant-Just, de Pierre de Vilalba et de plusieurs autres frères et précepteurs de lordre des Templiers. »
Immédiatement après cet interrogatoire, et pour remplir une formalité qui avait été omise et pour laquelle il sétait peut-être élevé quelque réclamation, lévêque dElne, accompagné de la commission et des notaires, se rendit dans la chapelle du Mas Deu où il fil amener le Précepteur Raymond de Guardia et les dix-neuf autres Templiers de cette maison qui navaient pas été encore interrogés, Là, devant toute lassistance, composée de clercs, de prêtres et de laïques, il exposa solennellement le pouvoir, lautorité et la juridiction qui lui avaient été délégués et donnés par le Souverain Pontife sur les articles ou chefs daccusation insérés dans la lettre apostolique, et sur lesquels le Pape lui avait mandé dinformer contre les frères du Temple existants dans le diocèse dElne. Il leur fit ensuite prêter serment sur les saints évangiles, de dire, soit comme accusés, soit comme témoins, la pure et simple vérité sur tous lesdits articles et sur chacun deux.
LÉvêque fit ensuite appeler tous les clercs séculiers, les laïques et les membres de divers ordres religieux présents à cette scène, pour les prévenir et les avertir canoniquement que si, par hasard, quelquun dentre eux savait quelque chose sur linformation déjà commencée, il eut à en faire la déposition.
Linterrogatoire fut ensuite repris, sans doute dans la maison du Mas Deu, car le procès-verbal ne parle plus de Trullas.
Frère Guillaume de Tamarit
Guillaume de Tamarit, chevalier, déclara quil avait été reçu en meme temps que G. Dez Bach, G. de Castell Bisbal, B. de Montpavo, Galcerand de Biure et Raymond de Molina, dans la chapelle de la maison de Gardeny, par frère B. de Cardona, Maitre du Temple en Aragon et Catalogue, le dimanche, 2 mai 1295, en présence de frère Raynond de Guardia, Précepteur du Mas Deu, et de plusieurs autres frères de lOrdre. Il ajouta quil navait entendu nulle part faire la moindre mention des têtes ou idoles susdites, jusquà lépoque où lon avait ordonné de les arrêter et de les tenir prisonniers dans la maison du Mas Deu (30).
Château de Gardeny
Pays: Espagne, Communauté autonome: Catalogne, Province: Lleida
Château de Gardeny
Lenceinte des remparts de la colline de Gardeny dans la ville de Lleida accueille un château des templiers, qui a conservé une partie de ses remparts, une tour résidentielle avec une tour de lhommage et léglise romane Santa Maria de Gardeny. Il sagit dun bel exemple de larchitecture templière.
Le Castell de Gardeny a été construit pendant la seconde moitié du XIIe siècle, après la conquête de la ville de Lleida soutenue par lordre des templiers en 1149. La colline de Gardeny entendait être un remerciement pour laide apportée et son premier commandeur fut Fray Pere de Cartellà. Il sagit dune des plus représentatives des fortifications de cette architecture templière, aux côtés des châteaux de Miravet, Monzon, Peniscola et Tortosa, qui font partie du circuit Domus Templi.
Il sagit dun ensemble monumental situé sur une des collines les plus élevées de la ville de Lleida. Le site comprend une enceinte fortifiée , dont il reste la tour de guet et quelques bastions, la tour résidentielle, léglise romane Santa Maria de Gardeny et une tour de lhommage. Lensemble sarticulait autour dune cour intérieure centrale.
La Seu Vella de Lleida et le Castell de la Suda se sont installés sur une autre colline en face.
La tour résidentielle est un édifice robuste à deux étages avec plusieurs dépendances : un espace de stockage, des résidences et la tour de lhommage adossée au bâtiment. Léglise est quant à elle assez abimée, a perdu son clocher et le portail en arc en plein cintre est en ruine, mais lintérieur conserve encore de rares exemples de peintures murales de cet ordre.
De plus, le site accueille un Centre dinterprétation de lOrdre du Temple , qui permet de découvrir la vie quotidienne de ces lieux et leur environnement. Les anciennes architectures et certains de leurs éléments disparus ont été reproduits sur ordinateur, pour permettre dadmirer lampleur de ces fortifications.
Sources : Catalunya
Mas de la Garriga
Département: Pyrénées-Orientales, Arrondissement et Canton: Perpignan, Commune: Millas - 66
Domus Hospitalis Mas de la Garriga
Chapelain, prêtre du Mas Deu, interrogé le même jour, 17 janvier, déclare que, lors de sa réception, on ferma les portes de la maison après avoir fait sortir les personnes étrangères à lordre du Temple.
« Après avoir été reçu, je ne restai, dit-il, que huit jours dans cette maison. On menvoya ensuite au Mas de la Garriga (sur Reart), qui dépend de lordre du Temple, et jy suis toujours resté jusquà ce que jaie été arrêté et amené à la maison du Mas Deu, en raison des crimes dont lordre est accusé, et cest là que jai été tenu en prison jusquà présent avec les autres frères (31).
Quant à ces crimes, je ne puis concevoir quun nombre quelconque de frères du Temple aient pu en faire laveu, comme le porte le questionnaire. Si par hasard quelques-uns lont avoué, je ne crois pas que ce soient ni quils aient été des hommes, ce sont réellement des démons de lenfer qui, par leur nature, ne peuvent dire que des faussetés (32). »
Après avoir raconté quil avait été reçu dans léglise ou chapelle du Mas Deu par frère G. dAbellars, alors Précepteur de cette maison, en 1298, huit jours avant la fête de saint Jean de juin, avec lassistance des frères Arnald de la Roca, chambrier, de Simon de la Tour, de Barthélemi de la Tour, prêtre chapelain, et de plusieurs autres, on lui demanda si quelquun lavait excité à faire ainsi sa déposition.
— « Je nai été, répondit-il, endoctriné ni suborné par personne. Au contraire, frère Raymond de Guardia, Précepteur du Mas Deu a engagé et excité tous et chacun des frères de cette maison, à dire la pleine et pure vérité sur tous les points, et cest tout ce que je sais (33) »
Linterrogatoire fut ensuite interrompu pendant deux jours, et le 20 janvier le Précepteur du Mas Deu comparut devant la commission. Il déclara sappeler frère Raymond de Guardia, chevalier, Précepteur de la maison du Mas Deu de lordre de la chevalerie du Temple, au diocèse dElne, Comme pour les autres frères, on lui expliqua toutes les questions « en langue vulgaire, »
La première était ainsi conçue :
— Quoique lordre du Temple prétende avoir été saintement institué et approuvé par le Siège Apostolique, cependant chaque membre, lors de sa réception, ou peu après et aussitôt quil peut en trouver le moyen, renie le Christ, quelquefois le crucifix, Jésus, Dieu, la Sainte Vierge ou tous les saints et saintes de Dieu, selon les instructions ou injonctions de ceux qui lont reçu.
— Tous ces crimes, dit-il, sont et me semblent horribles, extraordinairement affreux et diaboliques.
— Ne disent-ils pas que le Christ est un faux prophète ?
— Je ne crois pas pouvoir être sauvé, si ce nest par notre seigneur Jésus-Christ, qui est le vrai salut de tous les fidèles, qui a souffert la passion pour la rédemption du genre humain et pour nos péchés, et non pas pour les siens, car il na jamais péché et sa bouche na jamais menti (34).
— Ne font-ils pas cracher sur la croix et ne la foulent-ils pas aux pieds ?
— Jamais. Cest pour honorer et glorifier la très-sainte croix du Christ et la passion que le Christ a daigné souffrir en son très-glorieux corps pour moi et pour tous les fidèles chrétiens, que je porte, ainsi que les autres frères chevaliers de mon ordre, un manteau blanc sur lequel est cousue et attachée la vénérable figure dune croix rouge, en mémoire du sang à jamais sacré que Jésus-Christ a répandu pour ses fidèles et pour nous sur le bois de la croix qui vinifie.
— Jajoute que, tous les ans, le jour du Vendredi-Saint, les Templiers viennent sans armes, la tête et les pieds nus, pour adorer la croix, à genoux devant elle. Cest ce que font aussi, chaque année, tous les frères de lOrdre, aux deux fêtes de la Sainte-Croix des mois de mai et de septembre, en disant: — Nous tadorons, Christ, et te bénissons, toi qui par la Sainte-Croix as racheté le monde. Seulement, dans ces deux fêtes de la Sainte-Croix, ils ne viennent pas ladorer les pieds nus.
Interrogé sur les dérèglements de mœurs dont lOrdre était accusé, il les repoussa avec la plus vive énergie.
— Selon les statuts du Temple, sécria-t-il, celui de nos frères qui commettrait un péché contre nature, devrait perdre lhabit de notre ordre ; les fers aux pieds, la chaîne au cou et les menottes aux mains, il serait jeté à perpétuité dans une prison pour y être nourri du pain de la tristesse et abreuvé de leau de la tribulation tout le reste de sa vie (35).
Il repoussa de même toutes les autres accusations du questionnaire, et sexpliqua ainsi sur sa réception. « Ce fut frère Pierre de Montcada, alors Maître ou Précepteur en Aragon et Catalogne, qui me reçut en qualité de frère de lordre du Temple, dans la chapelle de la maison de Saragosse (Espagne), le dimanche après la fête de saint Martin, il y a environ trente-cinq ans, en présence et avec lassistance de Guillaume de Miravet, de G. de Montesquiu, dArnald de Timor, de Raymond de Montpavo, frères du Temple et de plusieurs autres frères du même ordre aujourdhui décédés. »
Quant au mode de sa réception, il lexposa dans les termes déjà employés par Barthélemi de la Tour, et il déclara quil sy était conformé, comme Précepteur du Mas Deu, pour tous les frères par lui reçus dans la chapelle de cette maison, notamment pour Bernard de Millas, chevalier, Jean de Coma, prêtre chapelain, Jacques de Garrigans, Raymond Roig, G. de Saga, Arnald Septembre, Ferrer den Hot, et Pierre Garriga.
Jean de Coma
On interrogea le lendemain, 21 janvier, frère Jean de Coma, prêtre chapelain du Mas Deu, où il avait été reçu seulement depuis quatre ans, le dimanche qui précéda lAvent, en même temps que Ferrer den Ilot et Raymond Réull, avec lassistance de G. Ramon, chevalier, dArnald Rocha, chambrier et dautres religieux de la maison (36)
Jacques Boys
Frère Jacques Boys, Templier du Mas Deu, interrogé le même jour, avait été reçu depuis douze ans, la veille de la fête de saint Martin, dans la salle du chapitre de Montço, par frère Raymond de Falcet, alors châtelain de cette maison, en présence de divers frères parmi lesquels il cite les chevaliers Arnald de Banyuls, Guillaume de Castellvi et Jacques de Vilalba.
Raymond de Vilert
Le 22 janvier, frère Raymond de Vilert, Templier du Mas Deu, déclara avoir été reçu depuis seize ans environ, le jour de la Pentecôte, dans la chapelle de la maison dAygaviva (Espagne) au diocèse de Gerona, par frère Guillaume dAbellars « alors Précepteur du Mas Deu », en présence de Bernard de Bocamora et de Raymond de Sant-Aniol, chevalicrs, de Pierre de Cauohes, de Raymond Comte et dautres membres de lOrdre.
Arnald Septembre
Frère Arnald Septembre, Templier du Mas Deu, raconta quil avait été reçu dans lOrdre le même jour que frère Guillaume de Caramany « aujourdhui défunt, par frère Raymond de Guardia, Précepteur du Mas Deu encore vivant... Cest ce Précepteur qui madmit ensuite au baiser de paix, ainsi que mon confrère, en signe de charité et daffection fraternelle ; mais il nous embrassa sur la bouche seulement. Notre réception, continua-t-il, se fit dans la chapelle du Mas Deu, il y aura quatre ans pour la fête de la Nativité de la glorieuse Vierge mère de Dieu du mois de septembre prochain. Avant mon entrée dans lordre du Temple, on me demanda si jétais excommunié, si jétais engagé envers des créanciers, si javais fait vœu dentrer dans quelque autre religion, si javais contracté mariage avec quelque femme, si javais promis ou donné quelque chose à quelquun pour faciliter ma réception dans lordre du Temple, et bien dautres questions que lon fait dailleurs pour toutes les réceptions. »
Raymond Réull
Frère Raymond Réull, Templier du Mas Deu, qui fut interrogé le lendemain 23 janvier, avait été reçu dans cette maison, en même temps que Jean de Coma et Ferrer den Ilot, un dimanche vers la fête de saint Martin, il y avait quatre ans, en présence de Barthélemi de la Tour et de Bernard Guerrer, prêtres chapelains et frères de lordre du Temple, « et de quelques autres confrères de la maison du Mas Deu (37). »
Il ajouta que, pour sa réception, on avait fermé les portes de la chapelle après en avoir fait sortir toutes les personnes étrangères à lOrdre. Comme on lui demanda sil avait été tenu pour profès aussitôt après avoir reçu le baiser fraternel : « Je ne sais, dit-il, ce que signifient ces mots être tenu pour profès, car je suis un homme simple, sans instruction, et laïque (38). »
Guillaume Marturell
Frère Guillaume Marturell qui vint ensuite, avait été reçu depuis treize ans dans la chapelle du Mas Deu, un dimanche, la veille de lÉpiphanie, en présence de Jacques dOllers et dautres Templiers, par frère G. dAbellars, alors Précepteur.
Au sujet de la confession, « Je nai jamais été, dit-il, dans aucun couvent de lordre du Temple, autre que celui du Mas Deu, et cest là que jai toujours confessé mes péchés au frère chapelain de la maison. Cependant, depuis que jai été arrêté et détenu ainsi que mes frères, je me suis confessé quelquefois à des Frères Mineurs qui venaient nous y visiter, et je crois que nous pouvons en effet nous confesser à dautres prêtres réguliers ou séculiers. »
Pierre de Sant-Arnac
Frère Pierre de Sant-Arnac, Templier du Mas Deu, avait été reçu dans cette maison, depuis quinze ans, par le Précepteur G. dAbellars.
« Cétait, dit-il, au mois de mai ; quant au jour, je ne me le rappelle pas. »
— Quel était votre office dans la maison du Mas Deu ?
— Javais la garde du bétail et des juments (39).
Raymond Dez Carme
Frère Raymond Dez Carme, avait été aussi reçu dans la chapelle du Mas Deu, depuis onze ans, le premier dimanche du Carême, par le Précepteur Guillaume dAbellars, du temps de Pierre Roig, de Jacques de Rosergue et antres.
Pierre Servent
Frère Pierre Servent, Templier du Mas Deu, interrogé le 24 janvier, déclara avoir été reçu depuis douze ans vers la fête de saint Michel, dans la chapelle de Gardenchs (probablement Gardeny), en Catalogne, par frère Arnald de Torroella, Précepteur de cette maison, en présence de plusieurs frères parmi lesquels était Pierre de Moutesquiu.
Arnald Caliç
Frère Arnald Caliç, Templier du Mas Deu, sexplique ainsi sur le respect dont la croix était lobjet : « Daprès la coutume et les statuts que lOrdre a constamment observés, tous les ans, le jour du Vendredi-Saint, par respect pour la Passion de notre seigneur Jésus-Christ crucifié en ce jour, les Templiers exposent la croix devant lautel sur une riche étoffe de soie ; ils viennent ensuite, les pieds nus, et après avoir déposé leur épée et les coiffes de leur tête (40), pour adorer cette croix, à genoux, et aussi dévotement et humblement que possible, en sécriant: Nous tadorons, Christ, et te bénissons, parce que tu as racheté le monde par ta croix. »
Quant à son entrée dans lOrdre, « Je fus reçu, dit-il, par frère Raymond Dez Bach, Précepteur du Mas Deu, dans léglise de ladite maison, il y a déjà environ trente-sept ans passés, entre la fête de saint Martin et la Noël, en présence de Pierre de Camprodon, de Jean Troyn, dArnald Roca, chambrier, aujourdhui défunts, de Jorda de Bellver, frères du Mas Deu, et de plusieurs autres membres de lOrdre. Quant à lobservance et au mode de ma réception, je ne me les rappelle pas bien, car je suis vieux et jai toujours été occupé à la campagne et à la garde du bétail de ladite maison. Mon ignorance à cet égard sexplique dailleurs par la date déjà si éloignée de ma réception (41). »
Gilles de Vilert
Frère Gilles de Vilert déclara ensuite quil avait été reçu dans la chapelle du Mas Deu, depuis environ douze ans, le jour de lAnnonciation de la Bienheureuse Marie, par frère G. dAbellars, alors Précepteur de cette maison, en présence de Raymond de Sant-Just, de Pons de Camporrell, chevaliers, de Raymond de Vilert, de Raymond Comte et de plusieurs autres frères.
Guillaume de Terrats
Enfin, frère Guillaume de Terrats, interrogé le même jour, avait été aussi reçu dans la chapelle du Mas Deu, en même temps que Bernard Morer et Jean Oliba, depuis vingt-deux ans, la veille de la Noël, par frère Guillaume de Benajes, alors Précepteur de ladite maison, en présence de plusieurs frères de lOrdre, parmi lesquels il cite Pierre de Redorta, Bertrand de Rivesaltes, chevaliers, Jacques dOllers et Pierre de Camprodon.<
Il ne restait plus que cinq Templiers à interroger.
Ferrer den Hot
Le 23 janvier, frère Ferrer den Hot (42) déclara avoir été reçu au Mas Deu, en même temps que Jean de Coma et Raymond Béull, depuis quatre ans seulement, le dimanche qui précéda lAvent.
Bernard Septembre
Frère Bernard Septembre avait été reçu également dans la chapelle du Mas Deu par frère G. dAbellars alors Précepteur, « il y aura, dit-il, onze ans au milieu du mois de mars prochain, » en présence dArnald, chambrier, de Pierre de Castello, de Raymond Saquet, de Guillaume de Marturell et de plusieurs autres frères de lordre du Temple. Comme il nétait que laïque, il répéta en catalan linvocation que les Templiers adressaient à la croix le Vendredi-Saint, au lieu den donner le texte latin, comme lavaient fait ses confrères ; dicendo, cum sit laycus ipse qui loquitur : Ador le Crist, et benesesc le Crist, qui per la sancta tua crou nos resemist !
Les trois frères restants comparurent le lendemain, 26 janvier 1310, dernier jour de linterrogatoire. Tous les trois avaient été reçus dans la chapelle du Mas Deu, et leurs réponses ne font que confirmer les renseignements déjà recueillis dautre part.
Guillaume de Sant-Ypolit
Frère Guillaume de Sant-Ypolit avait été reçu depuis quinze ans, le jour de la Pentecôte, par le Précepteur Arnald de Torroella, en présence de Raymond Saquet, Laurent Real, Jacques dOllers et autres.
Simon dElne
Frère Simon dElne avait été reçu vers la fête de la Toussaint, depuis trente-sept ans environ, par le Précepteur Raymond Dez Bach, avec lassistance dArnald Roca, Raymond de Cerdagne, G. Vinya, P. de Vilanova, etc.
Jacques Mascaros
Enfin, frère Jacques Mascaros avait été reçu depuis trente ans environ, le premier dimanche après la fête de Saint André, par le même Précepteur assisté de Jacques dOllers, Pierre de Camprodon, Jorda de Bellver et autres frères de lordre du Temple.
Ici se termine cette longue information, et nous avons dû nous borner à analyser la substance de ce précieux document, un de ceux qui font le mieux connaître la vie intérieure, les idées et les pratiques religieuses de lOrdre à lépoque de sa suppression. On ny trouve pas un seul aveu, pas un seul mot, qui puissent compromettre la noble milice, et vingt-cinq frères avaient subi ce long interrogatoire qui, pour quelques-uns, navait pas duré moins dune journée. Les Templiers du Mas Deu proclament à tout instant la sainteté de lOrdre, quils défendent énergiquement contre toutes les accusations, sans se laisser troubler par les aveux que le Pape et les cardinaux attribuaient au Grand Maître.
Comme le dit Raynouard, « tous soutinrent linnocence de lordre avec cette fermeté et cette candeur que la vérité seule peut inspirer. »
Quant à leur défense individuelle, les Templiers roussillonnais la firent avec une simplicité qui, à nos yeux, les exclut évidemment de toute participation au grand crime secret que lon imputait à lOrdre. En effet, les Templiers formaient, sous certains rapports, une société secrète ; ils navaient quun seul degré dinitiation, comme lattestent tous les documents authentiques, et les aberrations philosophiques ou sociales quon leur attribue formeraient tout un système compliqué dont le secret ne pourrait être confié quà des esprits délite et à des intelligences raffinées. Tel nest pas le caractère des réponses des Templiers du Mas Deu, où lon ne trouve que deux ou trois chevaliers et quatre prêtres, au milieu dhommes de toute origine, de toute condition, dune intelligence très-ordinaire, et la plupart constamment livrés aux rudes travaux des champs et de lindustrie pastorale. Lun deux ignore le sens du mot profès et se déclare un homme simplex, rudus et laycus ; un autre ne sait rien, parce quil a été toujours employé à la garde des troupeaux ; Arnald Caliç est un vieillard qui ne se rappelle rien, parce quil a toujours été occupé des travaux de la campagne (43), et Bernard Septembre, nétant que laïque, ne peut pas même répéter le texte latin dune prière ou invocation qui na que deux lignes. Dans leurs réponses, comme dans celles de tous leurs confrères, lattention la plus consciencieuse ne laisse découvrir que des âmes simples, rudes et primitives, hors détat de lutter contre les subtilités des légistes de Philippe-le-Bel.
Comme leurs frères de Paris, ils se bornent pour toute défense à rappeler les pratiques religieuses et charitables de lOrdre, ainsi que les preuves de leur dévouement à la religion de Jésus-Christ. Comme eux, en effet, ils pouvaient sécrier :
« En nom de Nostre Sire, amen.
« Proposent li Templers, que il sont mort plus de XXiii frer por la foi de Die outra mar.
« Proposent li frere deu dit ordre, que, pour chascun frere qui morent, ils tenoient un poure repari, pour larme de li, XL jors, de cet viande come li autre frere manguent. Encores eront tuit li frere de cela meson teneus de dire C Pater noster pour larme de li, dedens VIII jors apres sa mort.
« Que pour toutes leurs eglieses estoit le greignor autier de Nostre Dame, à la sieue enor edifés (44).
« Que en lors masons se tenoyt espitalité de aumosine aux viandans cotidianament, et espicialement tres foys la semana, à chascun que venir i voloit.
« Que au Juoudi absolu avoient li poure en lors mesons, pour ferre le mandit, ensi cant est establi pour la gleza de Rome...
« Que aucuns nobles et aucuns autres requeroient estre freres deu Temple à la mort, pour la devocion de lOrdre que il li avoit (45). »
Il y a même un argument dune charmante naïveté, et qui avait sa valeur à une époque où il fallait des miracles pour établir la vérité de la religion et la justice dune cause quelconque. Sous ce rapport, les Templiers étaient aussi bien nantis que tous leurs contemporains. « Item, disent-ils, proposent que la spina de la corona que fu de Nostre Senior, in cele meisme guisse ne florrira au jor del Venres Sanz entre les mans des freres capellans deu Temple, si ils fossent liels que om lor met dessus (46). »
Cétait un fait avéré, « e ceit e manifest pour toute maniere de gens de siegle. »
Le cahier de lenquête contre les Templiers roussillormais fut clos et scellé par lévêque dElne, le 31 août 1310, et expédié sans doute peu de jours après (47).
Après cette longue information, nos archives deviennent de nouveau silencieuses sur les suites du procès des Templiers du diocèse dElne, et nous devons recourir encore aux registres de Barcelone pour avoir quelques renseignements sur ce qui dut se passer en Roussillon.
Daprès lorganisation particulière de lordre du Temple, le Roussillon et le diocèse de Majorque (48) se trouvaient compris dans la Maîtrise de Catalogne, mais le diocèse dElne dépendait de la province ecclésiastique de Narbonne, et cest pour cela que lenquête y avait été dirigée par lévêque Raymond Costa. Cette situation compliquée amena divers incidents quil nest pas facile déclaircir, avec les documents très-incomplets qui nous restent aujourdhui, et quil faut se borner à indiquer ici.
Les Templiers catalans semblaient dailleurs avoir compris, dès le principe, que lépreuve quils avaient à subir nétait quune attaque du pouvoir politique contre lequel ils ne pouvaient trouver dautre protecteur que la papauté. Cétait de leur part une preuve éclatante de confiance dans la justice de leur cause, et une noble réponse à laccusation dhérésie dont lOrdre était lobjet. Malheureusement, Clément V nétait pas en mesure de se prononcer en toute liberté, et, sans accepter la connivence que lhistoire fait peser sur lui, il est trop évident que dans toute cette affaire le Pape ne put que subir la despotique influence de Philippe-le-Bel. Quoi quil en soit, on ne peut expliquer que par ces illusions des Templiers catalans, leur résistance à tous les ordres du roi dAragon et leurs appels réitérés à lintervention du pape. Dès le 5 janvier 1309, Clément V avait écrit à larchevêque de Tarragona et à ses suffragants que les Templiers lui ayant manifesté lintention de remettre entre ses mains leurs châteaux et leurs biens, il venait de nommer Bertrand, prieur de Casian, pour en prendre possession. Le lendemain, il informait le roi dAragon que son mandataire, après sêtre mis en possession de ces terres et châteaux, devrait en faire la remise au roi qui les garderait « au nom du siège apostolique. »
Lorsque tous les châteaux eurent fait leur soumission, un ordre royal donné à la requête de lévêque de Valence, avait prescrit aux viguiers de remettre tous les Templiers aux ordinaires et aux inquisiteurs, dès quils en seraient par eux requis, pour procéder à lenquête (14 juillet 1309). Le roi pouvait, en effet, après ce qui se passait en France, livrer les personnes sans grande difficulté ; il nen était pas de même des biens. Aussi le Pape ayant nommé larchevêque de Tarragona, Guillaume de Rocaberti, et lévêque de Valence, collecteurs de tous les biens du Temple dans le royaume dAragon, ces deux prélats, aussitôt après leur retour du siège dAlmeria, réclamèrent la remise des châteaux et terres en question. Le roi la leur refusa et, le 30 mars 1310, il écrivit au Pape quune grande partie de ces biens provenait du domaine royal et navait été donnée aux Templiers que sous certaines réserves ; que le trésor royal avait fait beaucoup de dépenses pour semparer de Montço, de Miravet et de la plupart des autres châteaux, et quil ne remettrait rien jusquà ce que Sa Sainteté se serait prononcée avec le concile qui était convoqué à cet effet. Il offrait dailleurs de remettre tous les biens du Temple entre les mains de Sa Sainteté, dans le cas où lOrdre serait aboli, mais en réservant expressément ses droits et sa souveraineté.
Cette question fut donc abandonnée pour le moment, et lon ne soccupa plus que du procès. Le 4 avril 1310, le Pape écrivit dAvignon au roi dAragon, pour lui rappeler quil lavait précédemment convoqué pour le concile qui devait se célébrer à Vienne le premier du mois doctobre suivant ; mais, lenquête contre les Templiers nétant pas encore achevée dans quelques diocèses, et comme il navait pas lespoir quelle le fût bientôt, afin dêtre en mesure de pouvoir soumettre toute laffaire au concile, il avait résolu de le proroger dun an, et il priait le roi de vouloir bien y assister en personne.
La procédure pouvait donc se développer avec toute latitude (49).
Le 5 juillet 1310, des lettres du roi datées de Daroca ordonnaient à tous les baillis, « conformément à la demande des inquisiteurs apostoliques, » de resserrer davantage la prison des Templiers, « en les mettant tous aux fers, à partir du prochain jour de Sainte Madeleine (22 juillet). » Mais peu de temps après (le 20 octobre), le roi, se trouvant à Barcelone, mandait aux viguiers dadoucir ces rigueurs, et de laisser les Templiers libres dans les châteaux, mais toutefois après quils auraient prêté serment de nen pas sortir et de ne pas séchapper, sous peine dêtre réputés et tenus pour hérétiques. Le roi déclarait dailleurs quil donnait ces ordres à linstance du dernier concile provincial de Tarragona qui avait demandé que les Templiers fussent tenus « sous garde sûre, mais non afflictive, » attendu que leur affaire navait pas encore été jugée et que rien ne prouvait leur culpabilité. En effet, une lettre du Pape datée dAvignon, le 18 mars 1311, déclarait que les procédures faites par larchevêque de Tarragona, lévêque de Valence et les autres délégués apostoliques pour la cause des Templiers, nétablissaient aucune « conviction » contre les accusés, et quil en résultait seulement contre eux « une véhémente suspicion ; » il mandait en conséquence de procéder par la question et par les tortures, et il suppliait le roi dAragon de lui prêter aide et protection pour exécuter cette résolution.
Les malheureux Templiers, affligés de tous ces délais et prorogations qui ne faisaient que prolonger les souffrances de leur captivité, supplièrent Jacques II dagir plus énergiquement que jamais auprès de larchevêque de Tarragona pour être jugés au concile qui devait se célébrer prochainement, et le roi écrivit dans ce sens le 5 mai 1311. En attendant, il donna de nouveaux ordres « pour quils fussent remis aux fers et en prison plus étroite » (16 août de la même année).
Pendant que lon prenait en Catalogne ces dispositions dont la plupart sappliquaient aussi sans doute aux Templiers roussillonnais, le roi Jacques 1er de Majorque mourut dans son île, vers la fin de juin 1311, et son fils Sanche lui succéda. Lévêque dElne, Raymond Costa, qui avait commencé la procédure contre les frères du Mas Deu, mourut aussi dans le cours de la même année, et Raymond, précenteur de la cathédrale dElne, ayant été élu évêque de ce diocèse, fut envoyé à larchevêque de Narbonne pour recevoir de lui sa consécration (50).
Tout en se prêtant aux rigueurs quon lui demandait contre les frères du Temple, le roi dAragon ne perdait pas de vue la question des biens temporels de lOrdre, et il écrivit le 17 août au roi de Castille pour lengager à sunir a lui et au roi de Portugal, dans le but de défendre devant la cour romaine la possession quils avaient déjà prise des biens des Templiers. Il le priait denvoyer à cet effet des mandataires qui se joindraient aux siens et à larchevêque de Bragance envoyé par le Portugal, pour soutenir « et raisonner les droits des trois souverains. » Il déléguait pour son compte un rich homen et un chevalier, « et il me paraît, ajoutait-il, quil serait bon que vos mandataires fussent aussi des laïques et des hommes capables de raisonner et de défendre une affaire de cette nature, car les laïques sont plus capables de raisonner que des clercs (51). » On voit que la politique et les légistes de Philippe-le-Bel avaient déjà fait école de lautre côté des Pyrénées. De son côté, par une lettre du 23 août, le Pape demandait que le roi dAragon comparût en personne au concile, afin dalléguer les motifs pour lesquels il sopposait à ce que les biens du Temple fussent unis à lordre de Saint-Jean, comme on lavait fait ailleurs.
Le reste de lannée 1311 fut la période la plus douloureuse de la détention des Templiers catalans ; les mesures les plus rigoureuses prescrites par la lettre papale du 18 mars leur furent appliquées sans miséricorde, et on les amena tous à Lerida pour continuer leur jugement « et les soumettre à la torture. »
Cest ce que nous apprend une lettre du roi dAragon datée de Gerona, le 29 septembre 1311, qui nomme Umbert de Capdepont, docteur ès lois et juge des cours royales, pour assister au jugement et à la sentence que devaient prononcer sur les Templiers les évêques de Lerida et de Vich, adjoints aux inquisiteurs frère Pierre de Montclus et frère Jean Llotger que le pape avait substitués à larchevêque de Tarragona et à lévêque de Valence.
Nous ne connaissons pas les détails de cette dernière épreuve, mais il nous reste une lettre du roi en date du 3 décembre suivant, par laquelle il ordonnait de préparer des médicaments pour les Templiers qui en auraient besoin, soit pour cause de maladie, soit par suite de la torture, propter tormenta (52).
Cest donc à tort que divers historiens ont avancé que la torture ne fut employée quen France contre les Templiers, et que les aveux obtenus en Espagne, en Italie et en Allemagne furent faits en toute liberté. On voit que les membres de lOrdre furent torturés en Catalogne, et il en fut sans doute de même dans les états du roi de Majorque ; car les témoignages contre les Templiers roussillonnais, on la vu par linterrogatoire dont nous avons donné les passages les plus caractéristiques, étaient encore moins compromettants que ceux des intrépides défenseurs de Montço et de Miravet, et pour les uns comme pour les autres, il nen pouvait résulter aux yeux du Pape quune véhémente suspicion que la torture seule pouvait confirmer.
Ce que nous savons, et nous sommes heureux de le proclamer pour lhonneur et lhumanité de la justice ecclésiastique du Roussillon, cest que, sil y eut ici des arrestations, des interrogatoires et des hommes soumis à la torture, il ny eut du moins ni décapitations, ni bûchers.
Il en fut de même en Catalogne, comme on le verra plus loin, et, sauf les simples peines canoniques qui purent être prononcées contre quelques Templiers, il ne put y avoir que des condamnations civiles pour le fait de prise darmes et de rébellion contre lautorité royale (53).
Le pape écrivit le 20 février 1312 au roi dAragon, pour le prier de prendre sur les biens de lordre du Temple une indemnité de quatre florins dor par jour, due, daprès Sa Sainteté, à Jean Borgonyo, sacristain de Majorque, que le Saint-Siège avait délégué dans les royaumes dAragon, de Majorque et de Navarre pour procéder, daccord avec les ordinaires, a lenquête contre lordre du Temple. Cet ecclésiastique était un sujet du roi de Majorque, et ce document justifie lopinion souvent exprimée ici, que la plupart des mesures prescrites par le Pape au sujet des Templiers de la Catalogne, sappliquaient également à ceux du Roussillon (54).
Entin, par une première bulle expédiée du concile de Vienne (en Dauphiné), le 22 mars 1312, Clément V abolit lordre des Templiers, non per modum diffinitivœ sententiœ, sed per modum provisionis, « sans déroger cependant aux procédures faites ou à faire contre les membres dudit ordre par les évêques diocésains et par les conciles provinciaux, comme il a été déjà ordonné dautre part (55). »
Une seconde bulle apostolique, donnée à Vienne le 6 mai 1312, suppose lordre des Templiers éteint, et ordonne a tous ceux des provinces (les Français exceptés) de comparaître devant leurs métropolitains respectifs, afin dêtre jugés dans les conciles provinciaux, punis sils sont coupables des crimes dont ils sont accusés, et absous sils sont innocents ; dans ce dernier cas, donnant pouvoir auxdits conciles de leur assigner une portion congrue sur les biens de lOrdre. Le Pape recommandait dailleurs duser de toute miséricorde dans les procédures subséquentes, à lexception des relaps et de ceux qui nauraient pas subi les peines canoniques auxquelles ils auraient été condamnés. Quant à ceux qui se soumettraient et resteraient soumis à lÉglise, ils devaient être décemment entretenus selon leur condition dans les maisons de lOrdre supprimé ou dans des monastères dautres ordres, mais toujours avec les biens qui avaient appartenu aux anciens Templiers.
Les conciles provinciaux prendraient à cet égard telles mesures quils jugeraient à propos, mais sans laisser les ex-Templiers en trop grand nombre dans chacun desdits monastères ou maisons (56).
Les dispositifs de ces deux bulles devaient être immédiatement appliqués aux Templiers catalans. Il existait même un ordre du roi qui prescrivait de les conduire tous à Tarragona, pour comparaître au concile quod ibidem nunc celebratur
Cétait larchevêque de cette métropole qui avait lui-même prié Jacques II de les y faire venir depuis le 1er jusquau 15 mars, parce que le concile ne pouvait pas se proroger davantage. Mais, soit que lon eût avis des décisions que le pape allait prononcer dans quelques jours, soit pour tout autre motif, ces ordres navaient eu aucun effet.
Enfin, a la demande de larchevêque de Tarragona, un ordre général du roi, donné à Lerida le 7 octobre suivant, enjoignit de conduire les Templiers de Barbera et de Montblanc, pour le concile provincial qui devait souvrir à la prochaine fête de Saint Luc (18 octobre) (57).
« Lassemblée était composée des évêques de Valence, de Saragosse, de Vich, dHuesca, de Tortosa et de Lerida. Les accusés y comparurent et, après un rigoureux examen du procès, ils furent déclarés innocents de tout soupçon dhérésie, par une sentence définitive qui fut lue en plein concile dans la chapelle du corpus Christi, le 4e jour de novembre de lan 1312, par Arnald Çes Comes, chanoine de Barcelone, qui fut nommé archevêque de Tarragona deux ans après. En vertu de cette sentence, les Templiers de ces provinces devaient demeurer soumis à leurs ordinaires respectifs, et recevoir une portion congrue sur leurs biens séquestrés depuis longtemps, jusquà ce que le Pape prît dautres dispositions à leur égard.
Il ny a dans cette résolution du concile provincial de Tarragona, rien de contraire à celles du concile général de Vienne relatives à la suppression de lOrdre. En effet, remarquons dabord quune chronique de cette époque, parlant dune commission formée par le pape Clément V parmi les cardinaux et les autres membres du concile de Vienne pour examiner laffaire des Templiers, dit que (la province de Tarragona nétait pas représentée parmi ces prélats (inter quos tamen non fuit provincia Tarraconensis).
On sait aussi par Labbe que Clément V, lorsquil se réserva la disposition des biens de lordre des Templiers, excepta ceux des royaumes dAragon, de Majorque et de Portugal
Dun autre côté, la sentence du concile de Tarragona est en accord parfait avec la bulle dextinction de lOrdre fulminée au concile de Vienne, par laquelle il était ordonné aux Templiers de toutes les provinces de comparaître devant leurs évêques respectifs, avec faculté accordée aux conciles provinciaux dexaminer et de juger leur cause et de leur assigner une pension décente sur les biens do lOrdre.
Il est vrai que les actes de ce concile de Tarragona ne se sont pas retrouvés ; mais, indépendamment des titres particuliers qui constatent son existence, on voit encore par le testament de frère Raymond Dez Pont, évêque de Valence, fait le 1er novembre 1312, quil était venu, comme il le dit, au concile provincial. Mais il y en a une preuve bien plus décisive dans un ordre du roi dAragon, daté dExea le 25 novembre 1312, et adressé à Bertrand Dez Vall ou Za Yall, qui demeure chargé dexécuter ce que ledit concile avait ordonné sur la distribution, la destination et les moyens dentretien des Templiers, avec défense de les laisser errer comme des vagabonds et recommandation de se comporter comme ils le devaient.
Enfin, il existe à cette même date une lettre de larchevêque de Tarragona qui prie le roi de vouloir bien lui faire remettre les jojaux, reliques, argenterie et autres biens meubles des Templiers, pour être en mesure de leur servir la pension qui leur sera due, conformément à la décision que venait de prendre le concile provincial (58) »
Ces renseignements fournis par lun des historiens les plus savants et les plus judicieux que lEspagne ait produits dans notre siècle, sont pleinement confirmés par les documents que nous avons encore à examiner au sujet des Templiers roussillonnais. Nous naurions eu, dailleurs, absolument rien de particulier à citer sur les destinées de ces malheureux, dans le long intervalle écoulé entre le dernier jour de lenquête de janvier 1310 et le mois davril 1313, si nous navions recueilli au-delà des Pyrénées lécho des souffrances et des péripéties qui, pendant ces trois longues années, durent assaillir lancien défenseur de Miravet et ses compagnons du Mas Deu.
Il y a cependant, pour toute cette période, des obscurités que la rareté des documents empêche déclaircir et même dexpliquer dune manière satisfaisante, en ce qui concerne les Templiers du diocèse dElne. Aux termes de la bulle papale du 22 mars 1312, leur innocence ou leur culpabilité ne pouvaient être prononcées que par lévêque dElne ou plutôt par le concile de la province ecclésiastique de Narbonne dont ils dépendaient ; dun autre côté, ce concile ne pouvait rien statuer sur leurs biens, puisque les frères du Mas Deu étaient sujets du roi de Majorque. Et pourtant, comme on le verra plus loin, ce fut larchevêque de Tarragona qui prononça « labsolution » de frère Raymond Sa Guardia et qui détermina pour ce Commandeur et pour les autres Templiers du diocèse dElne et de lîle de Majorque, le chiffre des pensions qui devaient leur être servies. Enfin, nous voyons que lévêque de Majorque ayant écrit au roi Sanche, de donner des ordres pour que les deux Templiers G. de Montanyans et A. Duyl de Molins pussent circuler librement et sans gardes dans cette île, le roi lui répondit de Perpignan, le 13 juin 1314 ; « Quant à la demande que vous nous avez adressée sur la mise en liberté de deux chevaliers du ci-devant ordre du Temple, vous ne devez avoir recours quà vous-même, puisque, sur nos instances, le seigneur Pape vous a commis pour lexpédition de laffaire des Templiers qui sont à Majorque, ainsi que vous le verrez dans le reserit apostolique (59). »
Le pape avait-il accordé un reserit semblable à lévêque dElne on à larchevêque de Tarragona, pour décider du sort des Templiers roussillonnais ? Nous lignorons, et nous ne savons comment porter la lumière dans cette situation déjà si compliquée par elle-même, et rendue encore plus obscure par les assertions en apparence contradictoires des documents contemporains.
Quoi quil en soit, lordre du Temple était désormais supprimé, les anciens débris de cette noble milice navaient plus le droit den porter le nom ni den prendre les insignes, et il ne nous reste plus quà recueillir les dernières traces laissées en Roussillon par les victimes dune condamnation qui est, comme on la dit, un des grands étonnements de lhistoire.
Le 12 des calendes de mai (20 avril) 1313, frère Raymond de Guardia, du ci-devant ordre de la chevalerie du Temple, fait, quittance à Hugues de Cantagrili, commis par le roi de Majorque à ladministration des biens de feu noble Raymond de Canet, fils de Pons de Guardia et neveu de lex-commandeur du Mas Deu, dune somme de deux mille sols barcelonais couronnés de tern, que dame Thomasia, sa défunte mère, avait léguée dans le temps audit Raymond de Guardia et à sa sœur Dame Marquesa, alors abbesse du monastère de Sainte-Marie de Vallaura au diocèse dUrgell. Frère Raymond avait déjà fait don à sa dite sœur des mille sols que leur mère lui avait légués (60).
Cette quittance reçue par un notaire de Perpignan, indique que lex-commandeur du Mas Deu se conformait religieusement à la sentence dabolition du « ci-devant » ordre du Temple, qui désormais nexistait plus aux yeux de lEglise. Mais la question des biens temporels nétait pas encore réglée en Roussillon, et lacte de lods du 5 des ides daoût (9 août) 1315 que nous avons eu déjà loccasion de citer, nous montre ces biens encore administrés à cette époque par les séquestres royaux Hugues Sapor et Raymond Savina (61).
Peu de temps après, lArchevêque de Tarragona déclara Raymond de Guardia absous et innocent de tous les crimes qui lui étaient imputes, et il lui assigna une pension viagère à partir du 15 octobre 1315, ce qui porte à penser que cette sentence définitive avait dû être prononcée a cette même date. Cest ce qui résulte de lacte suivant compris dans un ancien registre de la Procuration royale de Majorque ;
« Le vendredi XVe jour du mois de février de lan M. CCC. XIII (62).
« Il fut présenté a P. de Rardoyl et à P. Matfre, procureurs du très-haut seigneur roi de Majorque, une charte ou lettre du saint père Archevêque de Tarragona, laquelle avait été adressée au seigneur roi, au sujet de la pension assignée à lhonorable seigneur frère Ray Sa Guardia du ci-devant ordre du Temple. En icelle il était contenu, entre autres choses, que ledit frère R. quil avait absous, devra être placé dans la Maison du Mas Deu où il aura sa résidence et son habitation, sans (payer aucun) loyer ni salaire, avec jouissance du jardinage du jardin et des fruits des arbres fruitiers, mais pour sa nourriture seulement ; en outre, quil pourra librement prendre du bois pour lui et pour sa compagnie dans les forêts du Mas Deu ou des autres lieux (qui en dépendent), sans toutefois y porter dommage. Enfin, pour que ledit frère Ray, pourvoie à ses affaires et aux besoins de sa compagnie, quil lui soit assigné par an CCC. l, livres sur les biens qui furent dudit Temple : laquelle pension commence a partir de la mi-octobre de lan M. CCC. XIII.
Il fut ordonné par le seigneur roi à Pierre de Bardoyl, au Volo, jeudi matin en lannée susdite, dans la maison dEn Vives, que cette pension soit payée audit frère Raymond, chaque année, de quatre en quatre mois ; et quil lui soit toujours fait un payement en avance, pourvu quil offre une caution, car si ledit frère Raymond venait à mourir après avoir reçu une paie qui ne lui serait plus due, les cautions quil donnera devraient rembourser ce quil aurait pris en plus quil ne lui appartiendrait pour sa pension ou quittance.
En Bérenger dAtsat et En P. dAlsat, frères, tous les deux donzells habitants de Perpignan, par prières et mandement dudit frère Raymond, se constituèrent cautions, pour rembourser ce quil aurait pris de plus que ce qui lui appartiendrait pour sa pension jusquau jour de son décès, en obligeant leurs biens a cet effet et en renonçant à tout droit qui pût les favoriser.
Pour ladite pension, nous lui fîmes livrer par En P. Ribera, vendredi, huitième jour du mois de mars, outre cinquante livres quil lui avait déjà, remises, en tout CC. l. livres.
Plus, nous donnâmes comptant audit frère Raymond Saguardia, vendredi, huitième jour du mois de mars, au Temple (63)... CXXIII livres, VI sols, VIII deniers.
Somme de ce que nous lui avons fait remettre en tout CCCLXXIII livres, VI sols, VIII deniers, qui font en tournois dargent, V. m DC., tournois dargent XVI d, lesquels valent, en comptant XV deniers pour un tournois dargent, ccc.l, livres en barcelonais menus ; — et cela, parce quil y a dans la lettre du seigneur Archevêque de Tarragona que les ccc.l, livres soient données audit Commandeur en barcelonais memis ou en monnaie équivalente.
« Ces ccc.l, livres sont reportées à larticle de la pension de frère Raymond dans le Livre de Comptabilité du Temple de m. ccc. xiiii. »
Le 18 mars 1314, dix jours après ce règlement de la pension du courageux défenseur de Miravet, la ville de Paris assistait au plus sinistre épisode de la condamnation du Temple. Philippe-le-Bel faisait brûler le Grand-Maître Jacques de Molai ainsi que Gui, maître de Normandie, dans lîle aux Juifs, réunie aujourdhui à la Cité ; Clément V mourait peu après, lesprit troublé par la condamnation des Templiers et par les derniers mots du Grand-Maître qui lavait, disait-on, ajourné à comparaître avant un an devant Dieu.
Sept mois après, Philippe le suivait dans la tombe (novembre 1314).
Le procès et le supplice des Templiers débarrassaient les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem de rivaux qui ne laissaient pas de leur porter ombrage. Ils influèrent de la manière la plus heureuse sur lordre de Saint-Jean : dabord, parce que lestime que les Hospitaliers sétaient conciliée par leur dévouement aux intérêts de la religion, saccrut de toute la haine que la plupart des souverains portaient aux Templiers ; en second lieu, parce que les biens de ces derniers avaient été adjugés par le concile de Vienne à lOrdre survivant.
Nés tous les deux de lesprit des croisades, les deux ordres sétaient établis presquen même temps en Roussillon, mais ils ny avaient acquis ni la même influence ni les mêmes richesses.
Commanderie de Bajoles
Département: Pyrénées-Orientales, Arrondissement et Canton: Perpignan - 66
Commanderie de Bajoles
Un bail passé pour cinq ans, aux ides de mars 1311, par frère Raymond dEmpories, Commandeur de Bajoles et lieutenant du Maître de lHôpital dans la châtellenie dEmposta, avait affermé tous les revenus de cette Commanderie, à raison de 9.500 sols barcelonais par an.
Les revenus du Mas Deu étaient de beaucoup supérieurs. Les biens du Temple, quoique vivement disputés pendant quatre ou cinq ans par les rois de France, dAragon et de Portugal, et quoique diminués par les concessions forcées de lordre des Hospitaliers à la cupidité de ces souverains, nen augmentèrent pas moins dans une proportion considérable les revenus des chevaliers de Rhodes.
Ce fut pour eux une véritable bonne fortune, qui contribua puissamment à rendre à cette association son éclat primitif.
Ou a déjà vu les précautions quavait prises de longue date le roi dAragon, pour sassurer la meilleure part de la riche succession du Temple.
Nous sommes moins bien renseignés en ce point, comme en beaucoup dautres de toute cette affaire, sur les prétentions que put formuler la cour de Majorque qui tenait ces biens sous séquestre depuis le mois de décembre 1307.
Voici tout ce que nous avons pu recueillir à cet égard.
La lettre de Clément V en date du 20 février 1312 montre quil avait délégué larchevêque de Tarragona et lévêque de Valence, « en qualité de curateurs et administrateurs des biens de lordre du Temple dans les royaumes et pays dAragon, de Majorque et de Navarre (64), » et cest en vertu de cette délégation que ces deux prélats avaient ordonnancé divers paiements sur lesdits biens, en faveur de plusieurs juges et commissaires apostoliques expédiés dans ces mêmes pays.
Cest encore à ce titre que larchevêque de Tarragona avait prescrit de prendre, sur les revenus du Temple en Roussillon, les pensions par lui assignées au Commandeur du Mas Deu et à ses compagnons.
Le roi Sanche de Majorque, à lexemple des souverains dEspagne et de France, réclama certainement une part dans la succession adjugée aux Hospitaliers, et le pape lui attribua « tous les biens mobiliers du Temple dans ses états, » sans préjudice des indemnités et compensations pécuniaires que lordre de Saint-Jean pourrait lui accorder.
Les conventions particulières qui durent être faites sur ce dernier point, relativement aux biens du diocèse dElne, ne nous sont pas connues ; mais nous avons retrouvé celles qui furent faites pour la livraison des biens situés dans lîle de Majorque, et comme les mêmes principes furent sans aucun doute appliqués aux biens et revenus du Roussillon, nous croyons utile de donner ici les principales dispositions du contrat relatif aux îles Baléares.
Le roi Sanche voulait reprendre dans lîle de Majorque, la juridiction ou même la pleine propriété dun grand nombre de domaines, entre autres les alquéries de Beni-Alfimara et de Beni-Cassim, avec dautres possessions des anciens Templiers.
De son côté, frère Arnald de Soler, de lordre des Hospitaliers, agissant avec pleins pouvoirs et au nom de Foulques de Viliaret, Grand-Maître de cet Ordre, objectait que tous ces biens avaient été jadis donnes aux frères du Temple par linfant Pierre de Portugal, ancien seigneur du royaume de Majorque, et que par conséquent ils devaient revenir à lHôpital.
Enfin le roi, « par dévotion pour lordre dudit Hôpital, par considération personnelle pour frère Arnald de Soler quil chérissait et affectionnait extrêmement, et cédant aussi au désir de procéder en cette affaire avec toute bonté et douceur, » consentit à la transaction suivante :
— Il fui convenu que le roi et ses successeurs, pour tous droits à eux compétents sur les biens du ci-devant ordre du Temple dans lîle de Majorque, recevraient une rente annuelle de 9.000 sols royaux majorquins et de 2.000 sols barcelonais.
— Et de plus, en argent comptant, une somme de 22.500 sols de dite monnaie de royaux majorquins. Il était entendu que pour se payer de cette dernière somme, le roi naurait quà en faire la retenue sur les produits des biens du Temple qui étaient déjà entre ses mains, cest-à-dire sur les revenus, fruits et produits de tous lesdits biens du Temple situés dans les états du roi de Majorque, depuis le jour où la donation de ces biens fut faite aux frères de lHôpital par le souverain Pontife, le roi étant tenu de restituer à lHôpital tous les revenus perçus jusquau dit jour, après en avoir déduit les frais et dépenses faits par lui ou par ses procureurs.
« Il était dailleurs bien entendu que le roi retiendrait devers lui les autres revenus, fruits et produits desdits biens perçus ou à percevoir avant le jour où ladite donation fut faite à lHôpital, ces revenus devant en effet lui appartenir en vertu de la concession ou donation à lui faite par le Souverain Pontife, comme il était contenu dans les rescrits apostoliques. »
Saint-Hippolyte
Département: Pyrénées-Orientales, Arrondissement: Perpignan, Canton: Saint-Laurent-de-la-Salanque - 66
Domus Hospitalis Saint-Hippolyte
— Enfin, « comme tous les biens mobiliers des anciens frères du Temple existants dans les états du roi de Majorque, appartenaient audit roi en vertu de la donation à lui faite par le Souverain Pontife, le roi Sanche voulait bien faire abandon de tous les ornements des ci-devant chapelles du Temple, sous la condition quils demeureraient affectés au service des dites chapelles ou églises (65). »
Nous navons quun fragment de cette transaction, faite « dans la chambre du roi au château royal de la cité de Majorque, le 12 des calendes de mars, lan du seigneur... »
Le millésime manque, mais on peut le rétablir dune manière à peu près certaine et rapporter ce document au 18 février 1313 (1314 nouveau style). En effet, il résulte du texte même de cette convention, quà lépoque où elle fut faite, les biens du Temple étaient encore administrés par les séquestres royaux et, comme on le verra plus loin, la date que nous indiquons est la seule qui puisse se rapporter à une pareille situation.
Quoi quil en soit, et en appliquant au Roussillon les données qui résultent de la transaction relative aux biens de lîle de Mayorque, on voit que le roi Sanche dut garder pour sa part tous les biens meubles, y compris les espèces monnayées, provenant des Templiers du diocèse dElne, sauf largenterie et les ornements des églises qui furent conservés à leur ancienne destinations (66).
Quant aux immeubles, les documents des siècles suivants nous montrent les Hospitaliers de Saint-Jean eurent pleine possession de toutes les seigneuries, droits, terres et propriétés qui avaient appartenu aux Templiers roussillonnais, et le roi se contenta sans doute ici de quelque indemnité pécuniaire dont le chiffre nous est inconnu.
La remise de cette succession dut se faire dans les deux premiers mois de lan 1314, car on a vu, quà la date du 9 août 1315 ces biens étaient encore administres par les séquestres royaux, et nous trouvons aux ides de mars de lan 1315, cest-à-dire le 15 mars 1314 (nouveau style), un acte dun lods de vente dun champ sis au territoire dOrle, près de Perpignan, et tenu en directe seigneurie pour la maison du Mas Deu, ledit lods fait « par frère Bérenger dAlenya, de lordre de Saint-Jean de Jérusalem, Précepteur dAvinyo et lieutenant du vénérable et religieux Châtelain dEmposta dans les maisons du Mas Deu et de Bajoles, lequel, audit nom et du consentement ou conseil de Raymond Savina, bourgeois de Perpignan, confirme ladite vente, sauf le droit de la maison du Mas Deu (67), »
Ici la date est certaine ; lordre de lHôpital a déjà sa part dans ladministration des biens du Temple en Roussillon, et il exerce ses droits de moitié avec lun des deux séquestres royaux qui les exerçaient sans partage six mois auparavant. Les frères de lHôpital ne tardèrent point, dailleurs, à entrer en pleine et entière possession des biens que le pape leur avait attribués, mais cette possession définitive ne nous est connue quà partir du 15 juin 1315. À cette date, frère Arnald de Soler, revêtu du titre de « Précepteur du Mas Deu et de son bailliage (dépendances), » faisait un acte de procuration en faveur de frère Bérenger dAlenya (68).
Quelques jours après, celui-ci usait de ses pouvoirs sans intervention de séquestres ni procureurs royaux, et des actes du mois de septembre suivant nous montrent le nouveau Commandeur Johanniste du Mas Deu disposant en toute liberté des biens qui avaient appartenu à lordre du Temple en Roussillon (69).
La suppression de lOrdre était désormais consommée dans ce pays. Il semble en effet, daprès tous les faits et documents que nous venons denregistrer, que toutes les sentences canoniques ou civiles qui pouvaient concerner les frères du Temple avaient été prises, puisque la pension de chacun deux avait été réglée. Comment sexpliquer sans cela, que lordre de lHôpital eût déjà la libre disposition des biens qui leur avaient appartenu ? Il paraît cependant que les anciens religieux du Mas Deu, arrêtés depuis huit longues années, se trouvaient encore détenus dans leurs maisons malgré les décisions du concile de Tarragona, et ce nest pas, il faut lavouer, sans une douloureuse surprise que nous lisons ce qui suit dans lHistoire de Languedoc :
« Bernard de Farges, archevêque de Narbonne, convoqua le concile de sa province par des lettres datées de Carpentras, au mois de septembre de lan 1313. Il y appela, entre autres, Guillaume évêque dElne son suffragant, à qui il écrivit quelques jours après, pour lui ordonner damener au concile tous les Templiers qui étaient détenus dans les prisons de son diocèse, et dapporter les procédures qui avaient été faites contre eux, pour disposer ensuite de leurs personnes : lévêque dElne était alors absent et dans un pays éloigné. Ses grands vicaires, à qui ces ordres furent signifiés, étant prêts à partir au commencement doctobre pour se rendre au concile, se présentèrent à laudience du roi de Majorque dans son palais de Perpignan pour lui en faire part ; et ce prince leur fit répondre par Guillaume de Canet, son lieutenant, que le feu pape Clément V layant chargé de la garde de ces Templiers, il ne pouvait les remettre sans un ordre du pape son successeur ; que si ces prisonniers devaient être punis des crimes dont ils étaient accusés, il était en droit de leur faire subir le supplice dans ses domaines, où il les avaient commis, et de les faire juger par sa cour ; et que de crainte que larchevêque de Narbonne, lévêque dElne, ou leurs officiaux, nentreprissent quelque chose contre sa juridiction, ou quils nusassent dexcommunication ou dinterdit, il en appelait au Saint Siège ou au pape futur. Cest tout ce que nous savons de ce concile de Narbonne (Mss., de Baluze collé Schedæ Narbonenses (70) »
Laffaire des Templiers roussillonnais, répétons-le, devait être terminée et leur situation réglée, au moins depuis le mois de mars 1314, puisquà cette époque Raymond de Guardia, absous par larchevêque de Tarragona, avait déjà fourni des cautions pour le remboursement des sommes quil pourrait devoir au Trésor royal en cas de décès, et lon ne sait comment sexpliquer les réclamations de larchevêque de Narbonne et les réponses faites à ce sujet par le roi de Majorque. Quoi quil en soit, le pape Jean XXII, élu en 1316, aurait accordé au roi Sanche lautorisation quil demandait, et, daprès lHistoire de Languedoc, on ne trouva pas un seul Templier coupable dans tout le ressort de larchevêché de Narbonne.
Tortosa
Pays: Espagne, Communauté autonome: de la Catalogne, Province: Tarragone
Eglise du Temple de Tortosa. Image Gafita Tofi
Tous ces commandeurs régissaient en même temps lancienne commanderie de Bajoles, et frère Raymond dEmpories qui lavait occupée au début de laffaire des Templiers, était devenu Châtelain dEmposta en 1311, et Grand Prieur de Catalogne en 1319.
Cest à ce dernier titre quil fit avec frère Martin Perez de Oros, Châtelain dEmposta, une convention qui réglait définitivement la pension attribuée à chacun des ci-devant Templiers encore existants dans le ressort de son Prieuré.
Ce document est daté du lieu de Torreferrera dans la châtellenie de Montço, le 10 des calendes de novembre 1319 ; il comprend nominativement tous les anciens frères du Temple qui vivaient encore dans les châtellenies ou maisons de :
Saragossa, Alfambra, Valence, Albocacer, Les Coves, Orta, Gandesa, Montço, Osca, Gardeyn, Barbenc, Granyena, Barbera, Celma, Barcelone, Ayguaviva, Tortosa, le Mas Deu et lîle de Majorque.
Et nous en donnons ici tout ce qui concerne les sujets du roi Sanche et ceux qui daprès leur nom semblent originaires du Roussillon.
1319. Etat des sommes payées aux ci-devant Templiers du Prieuré de Catalogne et de la châtellenie dEmposta (72),
ALBOCACER
Berenger de Sent Marçal : 3.000 sols barcelonnaise.
R. de Sent Marçal : 1.400
LES COTES
Galbert Durban : 2.000 sols barcelonais.
GANDESA
P. de Sent Just : 2.000
MONTCO
A. de Cabestayn : ?
G. de Castell : 500
OSCA
En Bardoyl : 3.000
GARDEVN
Berenger de Sent Just : 4.000
En Millars : 1.400
BARBERA
Dalmau de RocaberLi : 8.000
Ar. de Banyuls : 3.000
Bertran de Vilallonga : 1.400
Ramon de Sent Just : 1.400
TORTOSA
R. de Sant Ipolit : 500
Berenger de Palau : 1.400
LO MAS DEU, EN ROSSELLO
R. ZaguarJia : 7.000
Berenger dOlms : 2.000
G. de Tamarit : 1.400
Berenger Des Coyl : 1.400
Jacme Box : 600
G. de Sant Ipolit : 600
G. Marlorell : 600
P. Belda (Bleda) : 600
P. de Sent Arnach : 600
Ar. Setembre : 600
F. Hot : 600
P. Servent : 600.
P (72) : 600
R. Des Carme : 600
En Gili : 600
G. Pelicer de Terrats : 600
Somme : 19.000 sols barcelonais.
72. Létat du manuscrit ne permet pas de lire le nom de cet ancien frère du Mas Deu, mais nous pensons que cest celui de frère Raymond de Vilert ou de Vilacert.
MAYLORCHA
Ar. Duyl de Molins : 2.000
G. de Muntanyans : 1.400
R. F : 600
Martin Pereç Doscha : 500
P. Martorell : 500
March Capeller : 500
P. Ermengol : 500
Bertran de Poblet : 500
G. Soler : 750
Somme : 7.250 sols barcelonais
Somme totale pour les Templiers du Prieuré de Catalogne 96.500 sols barcelonaise.
Pour les Templiers de la châtellenie dEmposta et du Prieuré de Catalogne : 136.050 sols barcelonais
Cette répartition maintient à Raymond de Guardia une pension annuelle de sept mille sols barcelonais, cest-à-dire la même pension de 350 livres que larchevêque de Tarragona lui avait déjà attribuée à partir de la mi-octobre 1313, ce qui prouve que le chiffre de chacune des rentes servies aux anciens Templiers fut invariablement conservé jusquau décès des pensionnaires. Létat de 1319 ne compte plus que quinze survivants parmi les vingt-cinq frères du Mas Deu qui avaient subi linterrogatoire en 1310. On y ajoute, il est vrai, un certain Bérenger dOms que lon voit paraître ici pour la première fois ; mais ce religieux nappartenait pas sans doute au Mas Deu, car on ne ly voit figurer ni dans les interrogatoires ni dans aucune des réceptions faites dans cette maison (73). Il est probable quil se trouvait dans quelque pays lointain au moment de la suppression de lOrdre, et, à son retour, on avait dû pourvoir à son entretien sur les anciens revenus du Mas Deu parce quil était originaire du diocèse dElne. Sans cela, et quoiquil se fût retiré désormais en Roussillon, on naurait pas manqué de porter sa pension sur la maison à laquelle il appartenait au moment de la suppression du Temple, comme on le fit pour Arnald de Banyuls et pour Bernard de Millas qui recevaient en 1319 leur pension sur les maisons de Barbera et de Gardeny, quoiquon les trouve déjà tous les deux retirés à Perpignan en 1317.
Clément V avait aussi autorisé les anciens frères du Temple à entrer dans dautres ordres religieux ; mais il ne paraît pas quaucun des Templiers du Mas Deu ait profité de cette autorisation. Ceux sur lesquels nous avons quelque renseignement après 1319 rentrèrent dans le siècle, et tous restèrent fidèles au serment quils avaient prêté en entrant dans le Temple, « de ne jamais le quitter pour un autre ordre supérieur ou inférieur. »
Quoi quil en soit, les dix frères :
Barthélemi de la Tour
Jorda de Bellver
Bernard Guerrer
Raymond Sapte
Jean de Coma
Bernard Septembre
Raymond Réull
Arnald Caliç
Simon de la Tour
Jacques Mascaros.
Dont les noms ne figurent plus sur létal de 1319, doivent être considérés comme décédés à cette époque.
A partir de lan 1319 nous ne trouvons aucune autre trace de lexistence de lancien Commandeur Raymond de Guardia, pas plus que de ses compagnons Jacques Boys, Pierre de Sent-Arnac, Pierre Bleda, Guillaume de Sent-Ypolit et Ferrer dEn Hot.
Mais neuf Templiers du Mas Deu survivaient encore dix ans après et recevaient régulièrement leur pension sur les revenus de cette maison, quoique la plupart, sinon tous, se fussent depuis longtemps retirés dans leur pays natal.
Cest ce que prouve la quittance suivante où lon trouve, dailleurs, la pension de Bernard de Millas reportée désormais sur les revenus du Mas Deu, ainsi que celle du chevalier Bernard de Furques dont lexistence antérieure nous est complètement inconnue (74). Sans doute il se trouvait aussi en pays éloigné lors de larrestation des Templiers roussillonnais ; son nom ne figure pas dans létat dressé pour les dépendances du Prieuré de Catalogne en 1319, et il avait dû se retirer en Roussillon après cette date.
« Ides (13) de juin M. CCC. XX. neuf.
— Nous Raymond Carme, maçon ou tailleur de pierre de Perpignan (75), Raymond dAyguaviva (76), Arnald Setembre, Bernard de Millas, chevalier, Bernard de Furques, chevalier, Guillaume Tamarit, chevalier, Berenger dez Coll, chevalier, et Pierre Servent, tous frères ci-devant de la maison de la chevalerie du Temple, en notre propre nom ; et moi, dit Arnald Setembre, en mon propre nom et comme procureur de Gilles dAnglada (76) originaire de la paroisse de Vilacert au diocèse de Gerona, à ce constitué par acte du V des ides de janvier M. CCC. XXV, reçu en dite cité, et aussi comme procureur de Guillaume Marturell et de Guillaume Pellisser (77) ci-devant frères de ladite maison, à ce constitué par acte du XIIII des calendes de juin de la présente année, reçu par Bernard Jaubert notaire public de Perpignan ; reconnaissons à vous, vénérable seigneur, frère Arnald dOms, Commandeur ou Précepteur de la maison du Mas Deu de lHôpital de Saint-Jean de Jérusalem, et à vos successeurs, que vous nous avez donné et entièrement payé à notre volonté neuf mille sols barcelonais, savoir :
« A moi dit Raymond Carme, XXX livres barcelonais. »
« A moi dit Raymond dAyguaviva, XXX livres barcelonais. »
« A moi dit Arnald Setembre CXX livres, savoir : en mon propre nom XXX livres, au nom dudit Gilles dAnglada XXX livres, au nom dudit Guillaume Marturell XXX livres, et dudit Guillaume Pellisser XXX livres barcelonais. »
« A moi dit Bernard de Milias L livres barcelonais. »
« A moi dit Bernard de Furqnes L livres. »
« A moi dit Guillaume Tamarit L livres. »
« A moi dit Berenger deç Coll LXX livres. »
« A moi dit Pierre Servent XXX livres. »
« En raison de la provision que nous recevons et devons recevoir chaque année en trois paiements, sur les revenus et biens de la maison du Mas Deu au diocèse dElne, et à nous appartenant ès noms que dessus du XV septembre au XV mai derniers (79). »
Cette quittance est le dernier signe de vie des Templiers du Mas Deu que nous ayons pu recueillir, et un seul dentre eux survécut à la chute du royaume de Majorque (1344). Il ne nous reste plus qua donner quelques renseignements sur les Templiers roussillonnais qui se trouvaient hors du diocèse à lépoque de larrestation.
Raymond de Corbons
— Ce Templier se trouvait à Paris en 1307 ; il y fut arrêté et détenu, deux pièces de procédure lui furent signifiées (80) mais nous ignorons quelle fut sa destinée, et peut-être faut-il le compter parmi les victimes de Philippe-le-Bel. Le petit fief de Corbons ou Corbos, situé près de Sornia au pays de Fonollet, était une dépendance du Mas Deu ; la famille de ce nom possédait la seigneurie de Planèses sous les rois de Majorque, et plus tard celle dAvalri en Roussillon où elle séteignit en 1418.
En Raudoyl
— Ce Templier, qui se trouvait encore à la maison dOsca en 1319, appartenait sans doute à une famille importante qui a existé à Perpignan jusquau milieu du XIVe siècle. Pierre de Bardoyl fut lun des procureurs royaux de Jacques Ier et de Sanche, rois de Majorque.
Aunald de Banyuls
— Il appartenait certainement à la famille seigneuriale de Banyuls-dels-Aspres qui a continué dexister sous le même nom jusquil la Révolution. On le trouve déjà retiré à Perpignan en 1317.
Sent-Just
— Il y avait trois Templiers de ce nom dans les maisons de Catalogne, et le seul motif qui puisse les rattacher au Roussillon, cest que Nicolas de Sent-Just fut trésorier des rois Sanche et Jacques II de Majorque, de lan 1321 à 1343.
G. de Castell
— La famille de Castell possédait aux XIIe et XIVe siècles, une part de la seigneurie de Saint-Hippolyte en Roussillon.
Bertrand de Vilallonga peut être rattaché à lillustre famille de ce nom qui existait encore alors en Roussillon.
Nous ne pouvons que faire la même observation pour :
Galbert Durban, Arnald de Cabestany, Dalmau de Rocarberti, Raymond de Saint-Ypolit et Berenger de Palau.
Sent-Marçal
— Létat de 1319 nomme deux Templiers de ce nom, Bérenger et Raymond, dans la maison dAlbocacer. Nous ne retrouvons que le second qui, avant lan 1327, associé avec le donzell François de Saragossa, avait pris en commende les droits justiciers que Dalmau de Castellnou possédait dans les lieux de Saint-Marçal et de Bellpuig. Ces mêmes droits furent vendus en faveur du donzell Arnald de Saint-Marçal, seigneur de Saint-Marçal, le 16 des calendes davril 1327, et Dalmau de Castellnou sexprime ainsi dans lacte de vente : « Par la teneur du présent acte nous absolvons Raymond de Saint-Marçal, chevalier, ci-devant de la chevalerie du Temple, et François de Saragossa, donzell, de lhommage et serment de fidélité auxquels ils sont tenus et obligés envers nous, en raison dudit château de Saint-Marçal quils tenaient en commende de nous et en notre nom, et auxquels nous lavions remis pour ledit motif (81). »
Bernard de Millas
— Lancienne famille dite de Millas était représentée au XIIIe siècle, par le chevalier Arnald de Millas qui mourut vers lan 1279 et laissa deux fils, Pierre et Jacques, qui se partagèrent par indivis la seigneurie de Nefiach. Le second épousa Sibille qui lui apporta la seigneurie de Palmes au-dessus de Campoussy au pays de Fonollet, et dont il eut une fille, Huguette qui entra au monastère de lEula, et deux fils, Arnald, coseigneur de Nefiach et seigneur de Palmes, Cest Bernard. Cest ce dernier qui entra dans lordre du Temple. Il fut reçu au Mas Deu, du temps du Commandeur Raymond de Guardia, et il se trouvait dans la maison de Gardeny en Catalogne lors de la suppression de lOrdre. Il sétait déjà retiré en Roussillon en 1317, et le 4 des calendes de septembre de la même année, se trouvant « sain de corps et desprit » dans la ville de Perpignan, il fit son testament dont voici les dispositions.
Bernard de Millas ne se donne que le titre de chevalier et ne fait aucune mention de lordre auquel il avait appartenu ; mais il nomme pour être ses exécuteurs testamentaires « les seigneurs Bérenger dOms et Arnald de Banyuls, chevaliers, Raymond Savina, de Perpignan, et frère Bertrand de Vira, de lordre des Prêcheurs, » et lon reconnaît sans peine des Templiers du Mas Deu et de Barbera dans les deux premiers manumisseurs, et dans le troisième lun des anciens administrateurs des biens du Temple en Roussillon. Le testateur veut être enseveli dans la maison des Frères Mineurs de Perpignan « dans le cloître ou dans le chapitre, » avec des legs pour tous les frères de ce couvent « tant clercs que laïques, » pour les enfants orphelins de Perpignan, pour les « malades de Saint-Lazare de Malloles, » pour les églises de Saint Just de Palmes, de Saint Just de Narbonne, de Saint Pierre de Mont-Majeur, de Saint-Mamet « près la ville de Perpignan » et de Saint-Asciscle « qui est en lOrla de Malloles » Il lègue 60 sols au monastère de lEula « pour la translation des os de dame Sibille, ma mère, et dHuguette, ma sœur, » dimito monasterio de Eula pro translatione ossorum corporum domine Sibilie matris mee et Hugue sortis mee LX sol. vingt sols pour les ornements dautel de léglise de Sainte Cécile sous Corbère (chapelle de Rellà) ; enfin, un souvenir pieux à léglise de Gardeyn, où lex-Templier avait subi la captivité, dimito ecclesie Sancte Marie de Gardeyn diocesis Yterde X sol. Viennent ensuite divers legs pour ses parents, pour dame Alamanda, épouse de Pons de Vallcrosa. « Je laisse, dit-il, au seigneur Jacques de Millas, mon père, une mule, sil sengage envers mes manumisseurs à faire célébrer des messes pendant une année, et quod ipse firmet in posse dictorum meorum manumissorum quod faciat celebrari per unum annum missas ; au seigneur Aruald de Millas, mon frère, une de mes épées et toutes les armures que jai ; à Béatrix, fille dudit Arnald, cent sols qui lui seront payés lors de son mariage ; enfin, à Marie et Ysabel, filles dArnald de Millas, mon cousin, 50 sols à chacune, à lépoque de leur mariage. » Enfin, il laisse trente sols pour acheter une pierre qui sera placée sur son tombeau, soixante pour acheter « un drap dor qui sera placé sur son corps, » et il institue Jésus-Christ son héritier universel. On remarque parmi les témoins, « Pierre Ballester, familier du roi de Majorque, Guillaume Marturell, Gilles de LAnglada et Pierre Bleda du ci-devant ordre des Templiers (82). »
Le nom de Bernard de Millas se retrouve encore dans divers actes faits à Perpignan, jusquen 1329.
Enfin, le chevalier Bérenger dez Coll, le dernier survivant des Templiers du Mas Deu, appartenait à une ancienne et noble famille dont les domaines sétendaient surtout dans le Haul-Vallespir et du côté de Camprodon. Sous la dynastie de Majorque, la plupart des membres de cette famille sintitulent chevaliers de la Vallée de Prats de Mollo, et lancien frère du Mas Deu, qui y vivait encore à la date du 20 août 1350 (83), fut sans doute en Roussillon le dernier débris de cette vaillante milice du Temple de Jérusalem dont les exploits pour la défense des Lieux Saints et de la foi du Christ avaient brillé de tant déclat dans le monde du moyen-âge.
La suppression de lordre du Temple, les accusations effroyables et les supplices sous lesquels avaient succombé la plupart de ses membres, avaient vivement frappé limagination populaire et lavaient remplie dune terreur qui nest pas encore éteinte aujourdhui. La haute opinion traditionnelle qua laissée partout le nom des Templiers, leur fit attribuer une importance politique et territoriale bien différente de ce quelle fut en réalité, du moins en Roussillon, et un profond sentiment religieux est encore venu laccroitre considérablement. On sait en effet que, dans les Pyrénées-Orientales, le peuple attribue aux chevaliers du Temple la plupart des monuments anciens dont on ignore lhistoire ou la destination. Aussi, dès quune de nos églises présente quelques caractères darchitecture militaire ou seulement une porte dont le linteau se trouve fendu par quelque vice de construction ou par tout autre accident, limagination populaire sempresse dy reconnaître une demeure de la Milice de Jérusalem, et le signe fatal qui aurait marqué toutes ces fertés maudites le jour même où fut fulminé le décret dabolition de lOrdre des Templiers.
Cest ainsi quon leur attribue encore aujourdhui le monastère de Jau au-dessus de Mosset, où lon ne trouve que des religieux cisterciens depuis le XIIe siècle ; léglise de Marcevol qui, dès la même époque, appartenait aux chanoines réguliers de lordre du Saint-Sépulcre ; léglise de Sainte-Marie-la-Rodona dIlle, où lon ne voit des Templiers en aucun temps ; celle de Saint-Feliu dAmont, qui, dès le XIIIe siècle, était un prieuré de chanoines de lordre de Saint-Ruf, et où lopinion populaire ne veut aussi trouver que les chevaliers proscrits.
Nous pourrions ainsi parcourir tout le Roussillon, et partout nous retrouverions le même Ordre encore vivant dans les souvenirs avec une persistance capable de tromper lhistoire elle-même, si le cartulaire du Temple nétait là pour donner le compte exact des possessions religieuses et seigneuriales des frères du Mas Deu, et ne réduisait à sept, dont six dans le diocèse dElne et une dans le pays de Fonollet, le nombre des églises qui leur ont réellement appartenu
Ces souvenirs, que quelques-uns attribuent à un sentiment profondément religieux, et que dautres, avec plus de raison peut-être, feraient remonter à un mouvement de généreuse sympathie pour les victimes dune condamnation pour le moins très-cruelle, ont été très-préjudiciables à la cause du Temple et ont servi de thème à de graves accusations. Ils ont contribué à donner aux Templiers une importance politique et territoriale hors de toute proportion avec ce quelle fut en réalité. On a indiqué le nombre de leurs seigneuries, celui des villages où ils recevaient des dîmes ou des revenus féodaux ; on en a nommé quatre-vingts dans notre province qui relevaient plus ou moins directement de la maison du Mas Deu, et lon a vu des hommes instruits et versés dans létude de notre histoire, déclarer que les Templiers avaient possédé au moins la moitié du Roussillon. Ceût été, en effet, une domination exorbitante et un pouvoir comme nen eurent pas les comtes de Roussillon eux-mêmes qui nen possédèrent jamais le dixième. La puissance des rois dAragon, qui nont jamais possédé plus de trente villes ou villages en pleine seigneurie dans les deux comtés de Roussillon et de Cerdagne, serait elle-même bien au-dessous de celle que lon prête gratuitement aux simples Commandeurs du Mas Deu.
Mais il ne faut pas sabuser sur le sens et limportance des possessions et des revenus du Temple. A lépoque même où lOrdre avait pris ses plus grands développements dans le diocèse dElne, il ny possédait en réalité que les seigneuries dAnyils, dOrle, de Saint-Hippolyte et de Palau. Il avait en outre des propriétés ou des revenus dans le territoire denviron soixante-dix villes ou villages ; mais ces autres possessions, à part celles de Perpignan, de Vilamolaca, de Bages et de Corbos, se bornaient à des portions de dîmes et à des revenus censiers ou féodaux sur quelques hommes propres et solius, sur quelques manses et quelquefois sur de simples et petits fonds de terre, comme on en trouve parmi les dépendances de toutes les maisons religieuses et des familles seigneuriales qui ont existé en Roussillon.
Que lon compare les possessions du Temple à celles de quelques-uns de nos monastères tels quArles, Saint-Michel de Cuxa, Cornella-de-Conflent. Indépendamment dune trentaine de seigneuries, labbaye de Cuxa avait des possessions dans plus de deux cents villages énumérés au XIe siècle dans une bulle du pape Sergius. Les derniers descendants directs de la famille de Fonollet avaient possédé les seigneuries de Via, Mossel, Eus, Estoher, Boule-Ternère, Lloles, Ille, Sainl-Feliu damont et davall, Prunet, Bellpuig, Monlauriol, Camèles, Caslellnou, Canet, Torrelles, Sainte-Marie-la-Mer et une infinité de droits féodaux et de revenus plus ou moins considérables dans plusieurs autres lieux, sans que les rois dAragon ni personne aient jamais songé à faire un crime politique à cette famille, pas plus quaux seigneurs ecclésiastiques, à loccasion de ces immenses possessions que la piété des fidèles, les libéralités des souverains, des successions ou des acquisitions régulières avaient mises entre leurs mains.
Les domaines du Temple en Roussillon sont fort peu importants en face de ces grandes puissances seigneuriales, et sans chercher à en diminuer les proportions, il est facile de reconnaître quils ne sont guère en rapport avec le rôle historique que cet Ordre a rempli dans les deux siècles de son existence. Dailleurs, le cartulaire du Mas Deu est là pour indiquer au besoin et dune manière détaillée, lorigine et létendue de ses possessions territoriales, et nous espérons quil nous sera permis un jour den donner lhistoire complète et véridique.
Lordre du Temple navait donc pas en Roussillon, plus de richesses que ne le comportait son importance religieuse et politique. Mais cest là son moindre méfait. Il y a eu contre lui des accusations autrement graves, car on ne sen est pas pris seulement à ses richesses et aux possessions qui les constituaient : cest son esprit quon a attaqué, on a accusé son ambition et ses prétentions exorbitantes, et voici en quels termes M. Henry a cru pouvoir les apprécier :
« À lépoque de lérection du royaume de Majorque, les Templiers du Roussillon avaient élevé des prétentions sur la juridiction entière des villes, lieux et terres quelconques du Roussillon, Vallespir, Conflent et Cerdagne. Cette ridicule prétention quils fondaient sur des privilèges de Jayme le Conquérant et de ses prédécesseurs, donna lieu à cette époque à des contestations que vint terminer une sentence arbitrale rendue le 6 des ides de décembre 1271... Cette sentence réduisit les prétentions des Templiers à la juridiction des seuls lieux dOrle, Saint-Hippolyte, Nyls et Terrats (84). »
Comme on le voit, ce nest pas ici une de ces accusations vagues et jusquà un certain point insaisissable, contre lesquelles lordre du Temple a du se défendre, et sous lesquelles il a fini par succomber, parce quil lui a été impossible de produire des preuves matérielles pour se justifier de crimes et de pratiques abominables dont on ne pouvait trouver la moindre trace écrite. M. Henry sappuie sur un document authentique extrait du cartulaire du Mas Deu et publié intégralement dans lHistoire de Roussillon. Mais, pour admettre seulement que la prétention quil attribue aux Templiers roussillonnais ait pu surgir dans une tête du XIIIe siècle, il faudrait navoir aucune notion de la constitution qui régissait alors le royaume de Majorque comme la plupart des pays de lEurope. Or tout le monde sait que les droits ou pouvoirs justiciers se subdivisaient alors à linfini et sous mille formes diverses, entre les puissances laïques et les seigneurs ecclésiastiques qui, souvent, étendaient à la fois et à divers degrés leur juridiction sur un même individu, selon le lieu où était fixée sa résidence, celui où se trouvait la propriété qui faisait lobjet du litige, ou bien le lieu où avait été commis le crime ou le délit poursuivi, et enfin selon les liens de vassalité plus ou moins étendus qui rattachaient lhomme ou le serf à un seigneur féodal quelquefois fort éloigné du lieu de sa résidence. Il est certain aussi que les seigneurs tâchaient de conserver et de maintenir, en quelque lieu que ce fût, les droits ou revenus justiciers quils tenaient de conventions particulières ou dun usage immémorial, et ils ne se faisaient faute de les réclamer à la moindre infraction. Les Templiers étaient à cet égard aussi vigilants que les autres seigneurs leurs contemporains, quils fussent laïques ou ecclésiastiques. Mais laccusation de M. Henry est purement gratuite, et lon peut affirmer quen aucun temps les Templiers du Mas Deu nont élevé la ridicule, ou plutôt labsurde prétention de sattribuer la juridiction de tous les hommes, lieux et terres quelconques des comtés de Roussillon et Cerdagne. Voici, dailleurs, lanalyse détaillée du document sur lequel M. Henry a prétendu sappuyer pour formuler son accusation. Cest le seul moyen déclaircir cette question : la lumière sera complète, et du simple exposé des faits ressortira la justification des Templiers sur ce chef daccusation.
Lorsque le roi Jacques-le-Conquérant eut partagé ses états entre ses deux fils, le plus jeune dentre eux, héritier des comtés de Roussillon et de Cerdagne, chargea ses procureurs de dresser pour ces deux pays ce que nous appellerions aujourdhui une statistique justicière, afin détablir dune manière certaine et complète la situation des propriétés féodales et allodiales, ainsi que les pouvoirs justiciers plus ou moins étendus que leurs possesseurs conservaient encore en face de la royauté. Les Templiers du Mas Deu exhibèrent les titres sur lesquels se fondaient leurs droits justiciers, et présentèrent « les privilèges concédés à la maison de la chevalerie du Temple et à ses hommes dans les pays de Roussillon, Vallespir, Conflent et Cerdagne. »
Nous avons dit en effet, quen dehors des lieux qui leur appartenaient en propre et où ils pouvaient avoir toute justice, les Templiers possédaient encore en Roussillon divers fonds de terre, des manses et des hommes ou des familles plus ou moins engagés dans les liens du vasselage, et dispersés dans une infinité de paroisses. Tous ces hommes se trouvaient sous la dépendance féodale du Temple, quoiquils fussent établis en dehors des seigneuries particulières de lOrdre, et cest sur eux seulement que roulait le débat.
Ce nest point, dailleurs, que la royauté songeât à contester les droits de propriété féodale du Mas Deu sur ses hommes ainsi dispersés ; il ny avait à vider à leur égard que la question de dépendance justicière. En effet, le Maître du Temple en Aragon et Catalogne prétendait quen vertu des privilèges accordés à son Ordre, « il devait avoir les justices civiles et criminelles avec le mère empire sur tous les hommes de la chevalerie du Temple dans les terres du Roussillon, du Vallespir, de la Cerdagne et du Confient, en quelques châteaux, villages et lieux quils fussent établis. »
Le roi prétendait au contraire, que les privilèges allégués par les Templiers ne leur attribuaient « aucune juridiction, ni sur les hommes des châteaux ou lieux dont la seigneurie pouvait appartenir à la chevalerie du Temple, ni sur ses autres hommes ou manants des terres de Roussillon, de Vallespir, de Cerdagne et de Conflent, mais seulement la fatigue (85) de dix jours sur les hommes propres et solius desdits châteaux et lieux du Temple. »
Le domaine ajoutait que, daprès une interprétation de Jacques-le-Conquérant, il ne paraissait pas que les privilèges accordés aux Templiers « leur eussent concédé le mère empire sur les hommes susdits (établis dans les seigneuries de lOrdre). »
Autrement dit, on contestait aux Templiers toute espèce de juridiction sur leurs vassaux, quils fussent établis en dehors ou dans le territoire de leurs seigneuries, et on ne leur accordait que les basses justices à un certain degré sur ces derniers seulement.
Il importe fort peu de rechercher si linterprétation de Jacques-le-Conquérant était réellement fondée, mais, comme on le voit, il ne sagissait ici que dune simple question de juridiction personnelle que sattribuaient le roi et les Templiers. Seulement, ces derniers ne la réclamaient que sur leurs hommes propres (amansats et solius) en quelque lieu quils fussent établis dans les deux comtés, sans soccuper des autres hommes du roi, des églises ou des barons, habitants des mêmes terres avec les hommes du Temple, sur lesquels ils nont jamais élevé la moindre prétention de juridiction réelle, personnelle ni féodale, parce quils nauraient pu la fonder sur aucun litre régulier.
Quoi quil en soit, les deux parties en vinrent à un compromis et par une sentence du 6 des ides de décembre 1271, les arbitres, laissant de côté les questions relatives au lieu de Palau sur lesquelles il devait être statué plus tard, décidèrent que le Maître et les frères de la chevalerie du Temple auraient toute juridiction dans les châteaux, villes, paroisses et territoires de Saint-Hippolyte, dOrle, dAnyils et de Terrats, en réservant au roi le mère empire pour tous les crimes entraînant la mort civile ou naturelle et la mutilation ainsi que la juridiction de paix et trêves sur tous les habitants des dits lieux.
Viennent ensuite quelques dispositions pour la punition des crimes commis, soit par les hommes du Temple dans les seigneuries du roi, soit par les hommes du roi dans les seigneuries du Temple.
« Quant aux autres lieux, hommes et femmes de la chevalerie du Temple non compris dans ce compromis et situés ou habitants dans les terres de Roussillon, Vallespir, Cerdagne et Conflent, le roi devait avoir sur eux pleine juridiction personnelle, civile et criminelle, ainsi que le mère empire, en réservant au Maître et aux frères de la Maison de la chevalerie du Temple toute juridiction réelle et féodale sur les lieux et hommes susdits (86) »
En résumé, les Templiers réclamaient, en vertu de leurs titres, pleine juridiction sur leurs hommes en quelque lieu quils fussent établis, tandis quon ne leur reconnaît sur ces mêmes hommes que la simple juridiction réelle et féodale ou foncière.
Il est facile de juger maintenant si les Templiers du Mas Deu, nont jamais élevé des prétentions sur la juridiction entière des villes, lieux et terres quelconques du Roussillon, Vallespir, Conflent et Cerdagne, ou sils se sont bornés à réclamer sur les hommes qui dépendaient deux dans un grand nombre de ces villes et lieux, les droits que leur conféraient des titres et des actes dont on peut encore aujourdhui apprécier la validité.
Il ny a rien de « ridicule » dans les prétentions émises par eux à ce sujet, et après avoir rétabli les faits daprès les termes mêmes du document si maladroitement interprété par M. Henry, on ne se sent plus le courage de qualifier comme elle le mériterait laccusation de fierté, dorgueil et dambition que cet historien sest cru en droit de lancer contre les Templiers du Mas Deu, en se fondant sur un titre quil navait pas compris.
Quelque opinion que lon se forme, dailleurs, sur létat moral, linnocence ou la culpabilité des frères du Temple, ou sur les crimes qui les firent condamner en France, il y a des principes élémentaires de justice quon ne saurait méconnaître. Tout homme contre lequel on narticule que des accusations sans preuve daucune espèce, doit être réputé innocent.
Les seuls griefs imputés jusquici par la tradition ou par lhistoire mal interprétée, aux Templiers du Roussillon, sont faciles à détruire par les documents authentiques quils nous ont eux-mêmes conservés.
Quant aux aberrations religieuses, philosophiques ou sociales mises à leur charge, on a vu que le concile de Tarragona déclara les Templiers catalans absous et innocents de tout soupçon dhérésie, et on ne trouva aucun coupable dans la province ecclésiastique de Narbonne.
Les frères survivants du Mas Deu rentrèrent dans la vie privée, prenant à ferme des châtellenies ou divers revenus publics, vivant de leur métier, comme le maçon Raymond Dez Carme, ou de leur pension sur les anciens revenus du Temple, mais toujours dévoués à la cause de la religion quils avaient embrassée et fidèles au serment quils avaient prêté.
Il ny eut donc ici ni bûchers ni supplices, et si ce résultat que nous sommes heureux davoir pu établir pour notre pays, affaiblit par certains côtés lauréole de poésie qui entourait le nom des Templiers du Roussillon, il leur reste encore lintérêt et la généreuse sympathie que les hommes de cœur conserveront toujours pour les victimes dune condamnation politique.
Sources : M. Alart. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales. Perpignan 1867. BNF
Vous pouvez aussi aller sur le site de M. Robert Vinas et lire sa page sur les Templiers du Roussillon
Le destin des templiers du Roussillon, 1276-1330 Robert Vinas
Notes
1. — Michelet, Procès des Templiers, tome II, page 12.
2. — Les Frères du Temple, par Rapetti, 1ère partie, 1851.
3. — Ce sont aussi les termes de la bulle datée du mois de mai 1312 et publiée par Labbe. La bulle du 22 mars, datée aussi du concile de Vienne et commentant par les mots ; Vox in excelso audita est, offre quelques différences dans la rédaction, quoiquelle soit au fond parfaitement daccord avec celle de Labbe pour le fait de la condamnation finale. Elle a été publiée, pour la première fois, en 1806, daprès le Regestrum Templariorum des archives de Barcelone, par le P. Villanueva, Vinge literano, tome V, page 207.
4. — Cest par suite dune singulière erreur que le nom officiel de Saint-Arnac a prévalu pour désigner une petite commune située sur la rive, gauche de lAgli au-dessous de Saint-Paul-de-Fonollet, et dont léglise paroissiale a toujours été sous linvocation de Saint-Pierre. Le prétendu Saint Arnac na jamais existé, même dans les légendes, et le véritable nom de cette commune est Centernach qui se trouve déjà dans un diplôme de lan 899 : et in pago Fonoledeso, villare quod dicitur Centernaco cum omni integritate (Martenne, Thesaur. anecdot, tome X, p. 58). Les possessions des Templiers à Centernach remontaient à lan 1137, et on y trouve des Précepteurs dès lan 1214.
5. — En 1285, le roi Pierre II dAragon entra par surprise dans la ville de Perpignan où il comptait se saisir de la personne de son frère le roi de Majonuie. E puix, raconte Bernard Des Clot, ell vench sen a la casa del Temple, e atroba y gran res de trésor de son frare lo rey de Mallorques, qui era aqui en comanda ; e feu la pujar al castell, e feu obrir los coffrens en que era aquell treor. E entre les altres coses, atroba y huna carta escrita en pergami, ab dos balles de plom pendens ; la huna era del rey de França, et laltra del apostoli. Cétait un traité par lequel le roi de Majorque sengageait à soutenir de tout son pouvoir le roi de France, et à laider par terre et par mer, jusquà ce quil eût conquis tout le royaume dAragon ; le roi de France lui promettait le royaume de Valence, et le pape confirmait cette donation. Cronica del rey En Pere, capitol cxxxiv.
6. — Un traité renouvelé le 7 des ides doctobre 1180, entre Robert, abbé dArles et Bertrand de Buada, porte que lacte original de cette convention serait déposé dans la Maison du Temple, pour y être conservé à perpétuité, avec faculté pour chacune des parties den prendre communication sans pouvoir retirer. Sub tali tenore condicionis faciunt Rolbertus Abbas Arulensis et Bertrandus de Buada hoc translatum, ut predicium originale iinstrumentum deponatur ab illis apitd Domum Templi Milicie, et, si necesse fuerit predicto Abbati vel eius successoribus et Bertrando vel eius sitecessoribus, habeant licenciam predictum originale instrumentum videre, ita tamen ut neutri restituatur, et sic servetur inter illos in perpetuum (Archives départementales, parchemin du Domaine n° cccclxvii).
7. — Remplacé en 1295 par frère Guillaume dAbellars, il avait repris son titre peu de temps après.
8. — Videlicet, quod in professione fratris cujuslibet dicti ordinis, seu in ingressu, quen occultum faciunt, quilibet frater qui recipitur, Jesum D. N. ter eus cruce praeposita negat in facio figure Domini, vice qualibet conspuento. Recipiens insuper, exuto taliter recepto vestibus, osculatur receptun, primo in fine spinae dorsi subtus balteum, secundo in umbilico, tertio verd in ore ; necnon recepto praecipit quod si quis ex suis fratribus sibi voluerit carnaliter comisceri, hoc sustinere debet, ex eo quod ad hec ex statutis ordinis tencatur. Regestrum Templariorum.
9. — Une lettre du roi, en date du 29 décembre, mande au bailli de Tortosa, de faire amener en sa présence, à Valence, tres fratres Templartos qui rasis barbis, relicto dicto ordine, fugiebant.... quorum alter interrogatus qualiter fiebat professio et ingressus per fratres ipsius ordinis, respondit quod hoc nec Pape, nec alicui alio nisi nobis ( regi ) tantummodo revelaret. (Hegestr. templar iorum.)
10. — Nous ne connaissons aucun acte émané des Templiers roussillonnais postérieurement aux nones doctobre 1307, A cette date, frère Barthélemi de la Tour, chapelain, de la maison du Temple de Perpignan et procureur de frère Raymond Sa Guardia, Précepteur du Mas Deu, habito mandato a domino fratre Raymundo Sayuardia Preceptore ad laudandum venditiones, confirmait en cette qualité la vente dune maison située à Perpignan (Archives de lhôpital de Perpignan, liasse XVIII, parchemin n° 6)
11. — Archives Départementales B. 21.
12. — Divers actes de lan 1308 parlent de Jacques dOllers comme dun personnage déjà décédé. On trouve parmi les témoins dun acte fait à Peipignan le 10 des calendes de décembre 1307 un certain Jacques, dOlesia que lon qualifie de scriptor porcionum illustris domini Regis Majoricarum (Arch, dép, B, 75) ; la portion royale désignait, à cette époque, la cassette particulière du roi. Mais, outre la différence dorthographe qui existe entre les deux noms, il parait certain quà cette date Jacques dOllers remplissait encore ses fonctions de Procureur royal ; dailleurs, on lui aurait toujours conservé son titre de frère du Temple, même dans le cas où des mesures auraient été déjà prises en Roussillon contre cet ordre, et il ny a évidemment aucune identité entre ces deux personnages.
13. — Histoire du Roussillon, par J. de Gazanyola, page 183.
14. — Dès le 1er décembre 1307, et à lorigine même des poursuites ordonnées par le roi dAragon, linquisiteur et les évêques de Valence et de Saragosse consentirent à procéder contre les Templiers de leurs diocèses, mais sous la condition expresse que le bras séculier les aiderait à empêcher la fuite des membres de lOrdre et à les tenir emprisonnés dans leurs châteaux ; il fut également convenu quon ne procéderait au séquestre des biens quen vertu des ordres du roi. (Regestrum Templariorum)
15. — On peut voir dans une lettre adressée par le roi au bailli de Lerida, le 4 mars 1309, avec quelle difficulté on parvint à faire marcher les habitants de cette cité et dautres lieux pour continuer le siège du château de Montço. Ibid.
16. — Purgare nos et fratres nostros ut milites veri et catholici christiani, per bellum vel alias, juxta canonicas et legitimas sanctiones, vel alio quocumque modo domino pape videbitur faciendum. Regestrum Templariorum.
17. — Mes desenganlos, els diga clarament, que neguna cosa no poran fer ab lu senyor rey, si no fan les coses dues damont dites, de metre si meteys et el castell en son poder, segons la provisio del papa Reqestrum Templariorum, folio 162.
18. — Atorga que als escuders qui estaven ab los frares quant se meseren als castells, et encara als vassals lurs quis meseren ab ells en los castells, que si a aquests ayytals es estada emperada aleuna eosa de co del lur, quels sia retuda.
19. — Vol quen Bort Zaguardia, et els altres qui vengren es meseren per amor dels frares dels Temple als custells, que sen pugen anar salvament la don partiren.
20. — Regestrum templariorum, folio 174.
21. — Regestrum templariorum.
22. — Preterea mutatis nobis illud ferium lancea quod fuit comitis Barcelone, quodque, sicut intellevunus, in dicto castro imentum est. Regestrum Templariorum.
23. — Regestrum templariorum.
24. — Cest ce qui résulte dun acte déchange dune maison située à Perpignan et tenue à cens pour les Templiers, Le lods seigneurial en date du 5 des ides daoût 1313, est ainsi conçu: Si++na Hugueti Saporis et Raymundi Savine burgensium Perpiniani, Procuratorum domus Mansi Dei milicie Templi condam, qui presentem permutacionem laudamus, salvo jure dicte domus Marsi Dei in censu etc. (Archives de lhôpital Saint-Jean de Perpignan, liasse XV, n° 21).
25. — Lévêque, il est vrai, explique par le mauvais état de sa santé, le retard apporté à lexécution des lettres de larchevêque datées de Paris, le 3 des nones de mai 1309. Verum, dit-il, cum executioni contentorum in ipsis litteris usque nunc, infirmitate nostri corporis prepediti, intendere nequiverimus ut decebat, none vero sanitate resumpta, liret non plena volentes.... contenta in eis executoni debite demandure etc.
26. — Cum nos contra Templarios degentes in domo Mansi Der ...... inquirere intendamus in castra de Trullariis, quem quidem locum decentem et oportunum putavimus tid predicia, cum sit propinquus ipsi Domui Mansi Dei.
27. — Linterrogatoire des Templiers du diocèse dElne, conservé dans un manuscrit, sur papier coton, appartenant à la Bibliothèque impériale (Cod Colb. 1145, Regius 3918), a été publié par Monsieur Michelet, à la suite du Procès des Templiers : nous devons nous borner à reproduire ici les détails les plus caractéristiques de ce long document et les, faits qui concernent particulièrement les Templiers roussillonnais.
28. — Si Magister major ordinis Templi confessus est predicta, sicut in articulis continetur, quod non credo, mentitus est idem Magister major Templi per gulam suam falso modo.
29. — Nunquam vidi ydolum, nec scio quid sit, sed credo quod nichit.
30. — Donec jussi fuerunt capi, et capti detenti in domo Mansi Dei.
31. — Postea fui transmissus ad mansum de Garriga ordinis ejusdem Templi, ubi continue steti, donec captus fui adductus ad domum Mansi Dei, racione criminum ordini supradicto impositorum, et in dicta domo Mansi Dei cum aliis fratribus usque nunc steti captus.
32. — Non credo multitudinem aliquam fratrum ipsius Templi fore confessam, sicut invenitur in articulo... et si forte aliqui sunt confessi, credo illos non esse homines nec fuisse, sed penitus demones infernales qui naturaliter falsa dicere consueverunt.
33. — Frater tamen Raymndus de Cardia, Preceptor domus Mansi Dei dicti Templi, omnes et singulos fratres dicti Mansi Dei in sui prcsencia constitutos rogavit et monuit, quatinus super predictis articulis plenam ct puram dicerent veritatem. Aliud inde nescio.
34. — Cum peccatum non fecerit, nec fuit dolus in ore ejus.
35. — Lit in magnis compedibus et in collo catenis appositis et in mambus manicis ferreis, habet perpetuo carceri mancipari, ubi in pane tristicie et aqua tribulacionis habet complere et fimie leliquum vite tempus.
36. — Jean de Coma donna la preuve suivante du respect que les Templiers professaient pour la croix : Inter ceteros honores quos faciunt ipsi cruci, dit-il, deponunt mantellum ubi est ciux quando vadunt ad nature superflua onera deponenda.
37. — Astantibus et presentibus... quibusdam alus confratribus dicte domus.
38. — Nescio quid vult sonare nec dicere habentur pro professis, cum sim homo simplex, judus et laycus.
39. — Ilabeo officium in domo Mansi Dei custodiendi pecudes et pecora et jumenta pertinentia ad domum predictam.
40. — Pedibus discalciatis et depositis sotularibus, et nudis pedibus, et cultellis necnon coffis capitum, flexis genibus etc.
— Ces coffes, que nous traduisons par coiffes, ont été déjà mentionnées dans les dépositions de plusieurs Templiers du Mas Deu. Cétait une espèce de capeline détoffe blanche, assez semblable au couvre-nuque dont nos soldats se servent encore en Algérie et en Amérique. Celles des Templiers étaient placés sous le casque, et affectaient plutôt la forme de la barrette que portent divers ecclésiastiques. Il existe encore aux archives départementales (B. 129, 30, 33 et 34) quatre capbreus (papiers terriers) dArgelès, Colhoure, Clayra, Saint-Laurent-de-la-Salanca et Millas, ornés de miniatures qui représentent divers tenanciers faisant laveu de leurs possessions et prêtant serment devant le procureur du roi de Majorque. Ce personnage est toujours représenté assis, revêtu dune robe violette, sur laquelle est jeté un manteau noir orné de la croix rouge du Temple à la hauteur de lépaule gauche. Sa tête porte une toque noire, ou chapeau, placé sur une barrette ou coiffe blanche dont les extrémités descendent des deux côtés du visage. Ces capbreus sont de lan 1292, et quoique le manteau des Templiers fut blanc, nous pensons que lauteur des miniatures a voulu représenter frère Jacques dOllers qui était, à cette époque, procureur du roi Jacques 1er de Majorque.
41. — Que autem observantia et quis modus mee receptionis fuit, non recordor plene, cum sun senex et semper deditus ruri et custodie animalium dicte domus... Causa mee ignorancie est lapsus longissimi temporis antedicti.
42. — La famille den Hot (ce nom signifie en catalan fils dOt ou dOthon), était originaire de Millas où elle a occupé une position assez importante jusquà la fin du XVe siècle.
43. — Cum sim senex et semper deditus ruri.
44. — Les églises des Templiers roussillonnais, au Mas Deu, à Anyils, au Mas de la Garriga (sur Reart) et à Palau, étaient en effet sous linvocation de Sainte-Marie.
45. — « Proposent les Templiers, que plus de vingt mille frères sont morts Outre-Mer pour la foi de Dieu.
— Que, lorsque le (château de) Safet fut pris, le Soudan se fit amener devant (lui) quatre-vingts frères du Temple, et leur dit, (leur parlant) comme à des prisonniers, de renier Dieu Jésus-Christ, à peine de la vie ; lesquels frères ne voulurent renier Dieu, et tous perdirent ainsi la tête pour la foi de Dieu. Pour quoi disent les Templiers, que si lesdits frères eussent été tels quon leur met dessus, ils auraient été délivrés par ce moyen.
— Que, pour chaque frère qui meurt, les frères dudit Ordre tenaient, pour le salut de son âme, un pauvre nourri, (pendant) quarante jours, de la même nourriture que prennent les autres frères ; et de plus, tous les frères de la maison étaient tenus de dire cent Patenôtres ? pour son âme, dans les huit jours qui suivaient sa mort.
— Quen leurs maisons se tenait hospitalité daumônes pour les passants, tous les jours, et spécialement trois fois la semaine, pour chacun qui voulait v venir, etc. »
46. — « Item, proposent que lépine de la couronne qui fut de Notre Seigneur, en cette même guise ne flonrait le jour du Vendredi-Saint, entre les mains des frères chapelains du Temple, sils fussent tels quon leur met dessus. »
Procès des Templiers, tome I, page 140-170.
47. — Explicit inquisicio per nos Elnensem episcopum cepta contra predictos fratres milicie Templi etc., et sigillo nostro cereo et pendenti, nos apud Elnam, in dumo nostra episcopali, anno domini M. CCC. X. II. kalendas septembris, fecimus comuniri etc.
48. — Les Templiers des îles Baléares avaient été arrêtés sans doute à la même époque que ceux du Roussillon. Nous voyons eu effet que, le 10 mai 1308, Pierre de Belcastell, lieutenant du roi Jacques Ier dans lîle de Majorque, nomma Bernard Satg (Sagionis) administrateur général des biens que les Templiers possédaient à Pollença et dans lalqueria de Vernisa, a tempore quo dicti Templarii fuerunt capti et detenti.
49. — On trouve dans cette année 1310, parmi les personnages députés dans le diocèse de Lerida par le siège apostolique, pour lenquête sur les crimes des Templiers, Petrus de Sancto Georgio, prior de Hermanicis, Nemausensis diocests ; Johannes Burgundi, sacrista Majoricensis, et Bertrandus de Podio Basconis, canonicus Reatinus et capellanus domini Pape. (Villanueva, Viage literario, tome V, page 191).
50. — Lépiscopologie du diocèse dElne est complètement erronée pour toute la période comprise entre lépiscopat de Raymond Costa et celui de Bérenger Batlle, et le dernier travail publié à ce sujet par M. Puiggari na fait quajouter de nouvelles erreurs à celles que les auteurs du Gallia Chritiana ont accréditées depuis longtemps. Voici lordre de ces prélats, daprès M. Puiggari :
Raymond Costa (IV) : jusquau 30 octobre 1310.
Raymond V en : 1311.
Gui I : 28 avril 1312.
Bérenger VIII : 20 avril 1314.
Odon : 13 février 1315.
Guillaume IV : septembre 1315, jusquau 5 février 1316.
Bérenger Batlle : depuis le 19 décembre 1317, confirmé seulement le 10 décembre 1320.
« Nos archives, ajoute M. Puiggari, ne font aucune mention de lévêque Odon, non plus que de Gui I » (Catalogue biographique des Évêques dElne, 1842, pages 49-52.)
— Lauteur de cette épiscopologie y a inséré fort mal à propos un Bérenger VIII imaginaire, en vertu dun acte quil rapporte au 12 des calendes de mai 1314 ; car ce document qui existe encore (Archives départementales fonds dElne), porte la date du 12 des calendes de mai 1319, et concerne par conséquent lévêque Bérenger Batlle.
— Frère Gui I, moine de Cîteaux, évêque dElne (Elnensis episcopus), nest connu que par un acte du 28 avril 1312 (tome V du Gallia Christiana, charte XXIII, col. 305) dans lequel on a lu par erreur Elenensis au lieu dElnonensis, et ce titre ne peut concerner quun évêque du nord de la France.
— Il en est de même de lévêque Odon, mentionné seulement dans un acte du 13 février 1315 (Gallia christiana, Ecclesia Pictavensis tome II, col. 1190, 1306).
— Des registres dactes reçus par des notaires dElne, de 1309 à 1318, et divers autres documents contemporains conservés aux Archives départementales sur lesquels nous ne pourrions entrer ici dans de longs détails, permettent de rétablir cette partie de lépiscopologie dElne, et de supprimer des erreurs désormais évidentes.
— Daprès ces documents, lépiscopat connu de Raymond Costa sétend jusquau 30 octobre 1310.
— Le nom de Raymond, son successeur, figure dans six actes compris entre le 19 novembre 1311 et le 18 septembre 1312.
— Lévêque Guillaume est nommé avec le titre dévêque dElne dans sept actes, qui vont du 8 des ides doctobre (8 octobre) 1313 au 7 des ides de mai (9 mai) 1317, et lon sait que le 19 décembre de la même année, lévêque Bérenger Batlle promit de paver les droits dexpédition de la cour de Rome, appelés « services de la chambre apostolique » (Registre du Vatican). Il ny a donc aucune place pour lévêque Odon, en 1315 ; la lacune laissée par nos documents entre le 18 septembre 1312 et le 8 octobre 1313, ne saurait non plus être occupée par lévêque Gui à la date du 28 avril 1312, et ces deux noms ne doivent plus figurer dans la série des évêques dElne.
51. — E mandar les hemos que en razonar e deffender muy bien todo nuestro drecho, sean unos con el arcebisbo ensemble ; en guissa quel papa e toda la coite conoscha que en esto, et en todas otras cosas, el fecho de vos e del rey de Portogal e nuestro es todo uno. E los matuladeios nuestros son un richombre et un cavallero, porque nos parece que seria bien que los vuestros mandaderos otrossi fuessen legos e personas tales que fuessen para razonar e deffender tal fecho como este, porque mas cumple razonar lo legos, que clerigos. Dada en Barcelona XVII dias andados de agosto en el ayno de M. CCC. et onze. Regestrum templariorum, folio 306.
52. — Regestrum Templarirum.
53. — On Lit dans un Diarium on journal rédigé à Barcelone au XVe siècle, sous la rubrique de lan 1307 :
M CCC. VII. En aquest any fonch la destructio dels Templaris, y tots en un dia, per tots los tres regnes.
— En aquest any fonch deposat lordre del Temple, e moriren la maior part de mala mort, e degollats, per lo gran pecat que ab élis era.
— Il est bien évident que les auteurs de ces notes nont fait que répéter les erreurs ou légendes populaires qui eurent cours, dailleurs, immédiatement après la suppression de lordre du Temple. Ces bruits peuvent tout au plus sappliquer à un certain nombre de Templiers français brûlés à Paris et ailleurs ; ils sont formellement démentis par les documents authentiques et contemporains, en ce qui concerne les Templiers catalans ou roussillonnais.
54. — Clemens episcopus servus servorum Dei, carissimo in Xpo filio Jacobo Aragonum regi illustri, salutem et apostolicam benedictionem.
Dudum dilectum filium magistrum Johannem Burgundi, sacristain ecclesia Maioricensis, ad Aragonum, Maioricarum et Navarre regna et partes pro inquisitionis negocio faciendo contra ordinem Templariorum, necnon, cum ordinarus locorum, contra singulares personas et fratres ipsius ordinis, duximus destinandum, Mandantes per nostras certi tenoris litteras ac eciam statuentes sibi in quatuor florenis auri pro singulis diebus quibus circa negotium vacaret huiusmodi, ab eo videlicet die quo propter hoc iter arripuerat et donec ad Apostolicam Sedem rediret, pro suis et famille sue expensis et necessarus vel eius nuntio ab eo ad hoc specialiter propterea destinando, de bonis Tempiariorum eorumdem consistentibus in regnis et partibus supradictis per venerabiles fratres nostros Archiepiscopum Terracon et episcopum Valentia, curatores et administratores ipsorum bonorum per Nos in eisdem regnis et partibus deputatos, cum per eundem Sacristain vel eius certum nuntium super boc requisiti essent, liberaliter provideri.
Et licet idem Sacrista in dicto inquisitionis negotio diligenter et fideliter, ut asserit, laboraverit, ei tamen pro matori parte temporis quo execucioni institut negocii memorati per dictos curatores et administratores, licet ab eo in hac parte pluries requisitos, non extitit nec adhuc est integre satisfactum ; propter quod non paucorum subisse dinoscitur onera debitorum.
Quia igitur nemo proprus tenetur militare stipendiis, nec recte consideracioni racionis insedit ut a cujuspiam laboribus debite mercedis munera subtrahantur, serenitatem tuam requirimus et roganius ac hortamur attente, quatinus efficaciter mandare et operari liberaliter celsitudini regie placeat ut eidem Sacrisle aut cius nuntio pro ipso, dc bonis eorumdem Templariorum per manus Archicpiscopi et Episcopi predictorum et ad eius requisicionem, pro eo tempore de quo constiterit satisfactum sibi non esse, integraliter satisfiat omnino ; ita quod ipse propter boc ad Nos iterato recurrere non cogatur, Nosque liberalitatem regiam exinde gratis affectibus commendemus.
Datum Avinion. X. kalendas mairtii, pontificatus nostri anno sexto. (Regestrum Templarionun)
55. — Non sine cordis amaritudine et dolore, non per modum difnitivæ sententiæ, sed per modum provisionis seu ordinationis apostolicæ, præfatum Templi ordinem et ejus statum, habitum atque nomen, irrefragabili et perpetuo valitura tollimus sanctione, ac perpetuæ prohibitioni subjicimus... Per hoc tamen processibus factis, vel faciendis circa singulares personas ipsorum Templariorum per diocesanos episcopos et provincialia concilia, prout per nos alias extitit ordinatum, nolumus derogari (Regestrum Templarium fololi 33).
— Comme nous lavons déjà dit, cette bulle ne diffère que pour certaines parties de la rédaction et par la date, de celle du 10 mai 1312 publiée par Labbe.
56. — Magna tamen circa eos, præterquam contra relapsos et impenitentes, misericordia adhibita et servata ; et eo semper proviso, quod de bonis dicti quondam ordinis provideatur in necessariis... quandiu in obediencia ecclesiæ perstiterint, juxta status sui conditiones et decenciam eorumdem, ipsis omnibus in domibus præfuti quondam ordinis, aut in religiosorum aliorum monasteriis, ad expensas tamen ipsius quondam ordinis, juxta dictorum conciliorum arbitrium, collocandis ; ita tamen quod in una domo, unove monasterio nullatenus multi simul ponantur. Regestrum Templariorum, fololio 35.
57. — Regestrum Templariorum.
58. — Villanueva, Viage literario, tome XIX, page 194 et suivantes.
59. — Super expeditione duorum militum qui fuerunt de ordine Templi, de quibus nos rogastis, non oportet ad alium recurrere nisi ad vos ipsum ; cum Dominus Papa, ad nostri instanciam, vobis comiserit expedicionem negocii Templariorum qui sunt in Majoricis, prout in rescripto apostolico videbitis contineri. (Villanueva, Viage litorario, tome XXI, page 168).
60. — Noverint universi quod nos frater Raymundus de Guardia ordinis milicie Templi condam, confitemur et recognoscimus ibi Hugoni de Cantagrillo, procuratori constituto per illustrissimum dominum Regem Majoncarum in et super bonis que fuerunt nobilis viri deu Raymundi de Caneto condam, quod tu nomine procuratorio predicto solvisti nobis plenarie ad nostram voluntatem omnes illos duo milia solid. Bar. cor. de terno quos du Thomasia, mater nostra condam et Poncii de Cardia condam fratris nostri, nobis et de Marchesie sorori nostre tunc Abbatisse monasterii Sancte Marie de Vallaura dioces. Urgellen, legavit in suo ultimo testamento, de mille sol. nostris quorum nos feceramus donacionem dicte domine Marchesie ; de quibus dictis duobus milibus solid. per pacatos nos tenemus etc.
Actum est hoc XII Kalendas madii anno M. CCC. tercio decimo. Signum fratris Raymundi de Cardia predicti qui hec laudamus. Signa Raymundi Savine et Arnaldi de Codaleto, Guillemi Simonis mercatoris et Arnaldi Crespiani scriptoris, testium, etc. (Archives départementales, B. 57.)
61. — On remarquera que Raymond Savina figure en qualité de témoin, dans la quittance du 20 avril 1313.
62. — Lannée commençait alors à Pâques, et le mois de février 1313 correspond au mois de février 1314 (nouveau-style).
63. — Il sagit ici de la Maison du Temple de Perpignan, où lancien commandeur était sans doute alors obligé de faire sa résidence.
64. — Clemens, etc. Johannem Burgundi,... ad Aragonnm, Maioricarum et Navarre regna et partes.... duximus destinandum.... et venerabiles fratres nostros archiepiscopum Terracon, et episcopum Valentin, curatores et administratores ipsorum (Templariorum) bonorum per Nos in eisdem regnis et partibus deputatos etc.
65. — Tandem cum, ex devocione quam dictus dns rex Sanctius gerit ad dictum ordinem dicti Hospitalis, et specialiter ex contemplatione persone dicti fratris Arnaldi de Solerio quam dns rex habet valde gratam et caram, velit ipse D. rex in predictis benigne et mitte agere etc. venerunt ad talem transactionem... Videlicet, quod dictus D. rex Sanccius et successores sui... habeant... pro peccunia numerata XX.ii milia et d. sol. monete regalium Maioricar quos sibi ipse D. rex solvat et in solutum retineat de peccunus quas habuit et recepit ex redditibus, exitibus et proventibus bonorum que fuerunt dicte domus Templi : quos redditus, exitus et proventus, receptos per D. regem vel suos procuratores de omnibus dictis bonis que fuerunt dicte Domus Templi in omnibus terris dicti domini regis, ab illa die citra qua fuit facta dicta donatio dicto Hospitali per Summum Pontificem, dictus dus rex tenetur restituere dicto Hospitali et fratribus eiusdem, deductis inde sumptibus et expensis per D. regem vel suos procuratores factis, et retentis dicto dno regi alus redditibus, exitibus et pioventibus perceptis ante illam diem qua fuit facta dicta donatio dicto Hospitali, cui dno regi competunt et competere debent ex largicione et donacione Sumini Pontificis, ut in rescriptis papalibus hec et alia plenius continentur Preterea, cum omnia bona mobilia que fuerunt dicti ordinis Templi existencia in terris dicti domini regis, ad ipsum D. regem pertineant ex donacione Summi Pontificis, Dominus rex voluit et concessit quod omnia ornamenta capellarum remaneant ad servitium ipsarum capellarum sive ecclesiarum... Fuit autem conventum inter nos quod si, infra duos annos proxime venturos, nos dictus dus rex vel Magister ordinis dicti Hospitalis voluerimus forte recedere et resilire ab hac transactione, possimus facere libere, et si noluerimus... permaneat et perpetuum etc. Quod est actum in camera regia castri regii civitatis Maioricarum predicta dns regis XII kalendas marcii anno diii M° ------- (sic).
(Archives départementales, B. 13)
66. — Voici la note de la remise faite par les Procureurs royaux au Trésorier du roi Sanche, le 12 octobre 1315, de quelques pièces dargenterie trouvées ou saisies « dans la maison occupée par frère Jacques dOllers en la Trésorerie royale » du château de Perpignan :
Dimenge XII dies del mes de utubri en layn de m ccx. xv. En P. de Bardoyl en Huch de Cantagril hururen an Ar. de Codalet. tesaurer del molt ait senyor rey de Malorches, in copa plana cobertorada deaurada dins e de fora, e I. anap obrat deaurat de dins, e XII. tasses beles e gram grasalades ab lur estug, lo quai argent tot demont dit fo atrobat en la casa que frare Jaeme dOllers tenia en la Tesaureria del Senyor Rey (Archives départementales Procuracio real, reg VII, folio 88 r°)
67. Signum fratris Berengarii de Alanjano ordinis Sancti Joliannis Jherosol. Preceptoris Avinionis et locumtenentis in domibus Mansi Dei et de Baiolis pro venerabili et religioso castellano Emposte, qui, nomine ejusdem, et de consilio Raymundi Savine burgensis Perpiniani, hec laudamus, Idus marcii arnno dommi m. ccc, terciodecimo, salvo jure domus Mansi Dei, etc. (Procuratio real, reg. 1er, fol, 83, v°.)
68. — Lods de vente dune terre située au territoire dAnyils et tenue anciennement pour les Templiers Nos frater Beringerius de Alaniano ordinis Hospitalis S Johunnis Jherosolmitum. locum tenens ac procurator venerabilis domini fratris Amaldi de Soleriot Preceptoris domus Mansi Dei et bayulie eiusdem, predteti Hospitalis, prout constat per publicum instrumentum inde facium XVI kalendas julit anno domini M CCC., quinto decimo per manum Antonin Galotxeru et subsignatum per manum Guillemi Veyrierii scriptoris publici Perpiniani, nomine dicti d. Preceptoris laudamus etc. Actum est hoc Perpimani VI, kalend. julli anno M CCC XV. etc. (Archives départementales, Fonds de lordre de Malte.)
69. — On a vu que, daprès lacte de transaction relatif aux biens du Temple situés à Majorque, le roi Sanche devait recevoir une rente de 2 000 sols ou de cent livres sur les revenus de Saint-Hippolyte. Les deux parties sétaient réservé le droit, pendant deux ans, de résilier les engagements pris à cette occasion ; mais aucune modification ne fut apportée, du moins en ce qui concerne la rente prise sur Saint-Hippolyte, et cet article fut définitivement confirmé par fr Arnald de Soler, commandeur du Mas Deu, le 15 des calendes de septembre 1315.
70. — Histoire générale de Languedoc, livre XXIXe chapitre 34.
71. — Viage literario, tome V, page 197.
72. — Archives de lordre de Saint-Jean de Malte, à Barcelone.
73. — Lillustre famille dOms était, dès cette époque, divisée en deux branches possédantes, lune la seigneurie dOms, lautre celle de Calmella. Le prénom de Bérenger sest souvent répété dans cette famille, et nous navons aucun autre renseignement sur lex-Templier de lan 1319 dont le nom ne se retrouve plus dans les quittances de lan 1329. Il vivait déjà retiré à Perpignan en 1317.
74. — La famille de Furques signalée en Roussillon dès lan 1103, a fourni divers donzells et chevaliers pendant les trois siècles suivants, et sa résidence était fixée au Volo. Au reste, il existe un acte de vente de pacages dans la paroisse de Saint-Pierre de Laner près du Perthus, le 3 des nones de février 1309, faite par Bernard de Furques, chevalier de Cantallops ; un autre Bernard de Furques, donzell, vend une terre située à Montesquiu, la veille des nones de novembre 1321. A cette dernière époque Raymond de Furques, chevalier, vivait au Volo, et le chevalier Bernard, ex-Templier, retiré en Roussillon en 1329, appartenait certainement à la même famille.
75. — Les mots peyrerius Perpiniani ont été barrés par le notaire dans ce document ; mais lacte qui précède immédiatement celui-ci dans la même notule et à la même date, porte parmi les témoins Raymundus Carme peyrerius.
76. — Ce nom ne figure pas dans létat dressé en 1319, ou plutôt cest celui désigné par la lettre initiale P ou R (car le manuscrit est détérioré en cet endroit) où il sagit sans nul doute de frère Rajmond de Vilert ou de Vilacert reçu dans la maison dAyguaviva en 1293 et Templier du Mas Deu en 1307.
77. — Ce Gilles dAnglada est appelé dans tous les autres documents Gilles de Vilert ou de Vilacert.
78. — Appelé ailleurs Guillaume de Terrats.
79. — Idus jnnii M.CCC.XX., nono.
— Nos Rnymundus Carme peyrerius Perpiniani, Raymundus de Aquaviva, Arnaldus Setember, Bernardus de Milhariis miles, Bernardus de Furchis miles, Guilemus Tamarit miles, Berengarius de Collo miles et Petrus Servent, omnes fratres olim domus Milicie Templi, nomine nostro proprio, et dictus Arnaldus Setember nomine meo proprio et procuratorio Egadii de Anglada oriundi parrochie de Vilacerto episcopatus Gerunrtensis a quo habeo potestatem subscripta et alia faciendi cum publico instrumento inde facto V idus januarii anno dni M. CCC. XXV clauso per... notarium Gerunde, et nomine eciam procuratorio Guillemi Marturelli et Guillemi Pellisserii olim fratrum dicte domus, a quibus hatico potestatem instrumento facto XIIII kalandes junii anno domini M. CCC. XXVIII recepto per Benardum Jauberti notarium publicum Peipiniani : confitemur . vobis venerabili Domino fratri Arnaldo de Hulmis comendatori sen preceptori domus Mansi Dei Hospitalis Sancti Iohannis Jherosolim et successoribus vestris, quod vos dedistis et solvistis nobis plenarie et integre ad nostram voluntatem VIIII, milia sol. bar. etc. videicet :
Michi dicto Raymundo Carme XXX libras Barchin.
Et michi dicto Raymundo de Aquaviva XXX libras bar.
Et michi dicto Arnaldo Setembris CXX libras bar, videlicet michi nomine meo proprio XXX Libras et nomine dicti Egidiii de Anglada XXX libras et nomine dicti Guillemi Marturelli XXX libras et dicti Guillemi Pellisserii alias XXX libras bar.
Et michi dicto Bernardo de Millariis L libras.
Et michi dicto Bernardo de Furchis L libras.
Et michi dicto Guillemo Tamarit LXX libras.
Et michi dicto Berengario de Collo LXX libras.
Et michi dicto Petro Servent XXX libras.
Racione illius provisionis quam nos recipimus et recipere debemus quolibet unno per tres soluciones, in et super redditibus et bonis domus Mansi Dei infra dioces, Elne, et nobis quibus supra nominibus pertinentes de medio mensis septembris proxime pretenti annii M. CCC. XXVIII ad proxime preteritum medium mensem madii annii M. CCC. XXVIIII ; de quibus etc.
— Et ego Petrus de Sorrecho corregerius Perpiniani, procurator fratris Petri Serventis predicti, hec laudo, die et anno predictis.
— Et ego dictus Arnaldus Setembris, procurator dicti Berengam de Collo, hec laudo.
— Et ego Raymundus Comte, procurator G de Tamarit militis, heclaudo etc.
(Manuate Gui lemi Miufredi notarii Perpinian. annor. 1328-1329. Archivives départementales)
80. — Fratres quibus lecta sunt... frater Raymondus de Carbona Elnensis, et ailleurs frater Raymundus de Corbes Elnemis.
— (Procès des Templiers, publié par Michelet, pages 69 et 107).
81. — Absolventes nichilominus tenore presentis instrumenti Raymundum de Sancto Marciah militem olim Milicie Templi, et Franciscum de Çaragossa domicellum, ab homagio et sacramento fidelitatis in quibus nobis tenentur et sunt nobis obligati racione predicti castri de Sancto Marciali, quod a nobis tenebant et nostro nomine in comanda, et ipsum castrum eisdem Raymundo de Sancto Marciali et Francisco de Seragossa tradiderainus sub nomine dicte comande. (Procuracio real, regist. XXXI, folio 73 ; Archives départementales)
82. — Item dimito XXX solidas de quihus ematur unus lapis qui ponatur supra tumulum meum... dimito LX solidas de quinus ematur unus pannus auri qui ponatur supra corpus meum... Testes P. Balesterii de familia domini regis Maioricarum, G Marturelli, Egidius de S Anglada, P. Bleda olim ordinis Templariorum etc. (Notule de Michel Amarell, notaire de Perpignan, année 1317. — Archives départementales.)
83 — A cette date, Tristan Dez Coll délivrait quittance dune somme, « en qualité de procureur dEn Berenger Deç Coll, chevalier du ci-devant ordre de la chevalerie du Temple, » nomine procuratoria En Berengario Des Coll miles quondam ordinis Milicie Templi, prout apparet instrumento procuratorio acto anno domtni M. CCC. XLV, calendas junit. — (Notule de Jacques Gras, notaire à Perpignan, année 1348-1351. — Archives départementales)
84. — Histoire de Roussillon, tome 1er, page 202.
85. — Le droit de fatigue était, en Roussillon, la préférence ou privilège accordé au seigneur, pendant un délai plus ou moins prolongé, dacquérir préférablement à tout autre les propriétés mises en vente dans sa seigneurie.
86. — Le texte de cette sentence a été publié daprès le cartulaire du Temple, parmi les pièces justificatives de lHistoire de Roussillon, par M, Henry, tome 1er.
Sources : M. Alart. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales. Perpignan 1867. BNF
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