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Procès des Templiers par
M. Lavocat, Raymond Oursel, SÈVE Roger et Anne-Marie
FARVREAU Robert. Divers actes

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Le Procès des Templiers de la province d’Aquitaine
Le procès des Templiers a suscité une littérature considérable et pour partie polémique. L’ordre était-il coupable ou innocent ? Quels ont été les mobiles qui ont poussé le roi Philippe le Bd à mener une action aussi pressante et déterminante en vue de la condamnation des Templiers ?
Pierre Dupuy, garde des archives, se devait de défendre la politique de Philippe le Bel dans la première étude d’ensemble qu’il consacrait au procès des templiers en 1654 (1). A la fin du siècle Etienne Baluze publiait de nouveaux documents, en écartant ce qui ne convenait pas à son esprit gallican (2). François-Just Raynouard obtint en 1805 un vif succès au théâtre pour sa pièce intitulée « les Templiers » et il appuyait son œuvre par un fort dossier de documents sur le procès (3). Les deux volumes de Jules Michelet fournissent, au milieu du siècle, la publication la plus importante, puisqu’il s’agit du procès des templiers de Paris et d’Elne, avec les pièces de la commission d’enquête pontificale de Paris (4). De son côté Edgard Boutaric a publié deux séries de documents nouveaux de 1862 à 1872 (5). Konrad Schottmuller élargit en 1887 le dossier aux dimensions de la chrétienté à partir des Archives Vaticanes, ouvertes depuis peu aux chercheurs, et fournit en particulier les interrogations des templiers présentés au pape à Poitiers en 1308 (6), tandis qu’Henrik Finke apporte une contribution fondamentale en 1907, à partir des Archives Nationales, des Archives Vaticanes et des riches archives de la couronne d’Aragon (7). Prutz avait fourni en 1888 les procès-verbaux des procès en province, qui seront complétés par la récente édition de l’interrogatoire des templiers d’Auvergne par Roger Sève et Anne-Marie Chagny-Sève (8). L’historien a aujourd’hui à sa disposition l’essentiel de ce qui concerne les templiers de la province d’Aquitaine.

Fondé en 1118 en Terre-Sainte, par le champenois Hugues de Payns, pour la défense des lieux saints et la protection des pèlerins, l’ordre tira son nom de son installation dans le voisinage du temple de Jérusalem. Une règle sévère, préparée par saint Bernard, fut promulguée au concile de Troyes de 1128. Les maisons du Temple seront réparties en provinces géographiques, et déjà dans la version française de la règle vers 1139-1140 le Poitou est cité à côté de la France, de l’Angleterre, de l’Aragon, du Portugal ou de la Hongrie (9). Au XIIe et au XIIIe siècle on suit les maîtres du Temple en Poitou ou en Aquitaine, la dernière appellation devenant la plus fréquente au XIIIe siècle (10). Depuis 1300 Geoffroi de Gonneville est le « maître des maisons du Temple en Aquitaine », « le précepteur d’Aquitaine », « le précepteur du Poitou. » Il a, comme tel, autorité sur les templiers de Bretagne, Maine, Anjou, Touraine, Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois, Périgord et Bordelais (11). Le siège de la province est à Poitiers. Depuis le début du XIIIe siècle les templiers y sont installés dans une maison que leur a donnée Soronet, prévôt de Montreuil-Bonnin puis de Poitiers, deuxième maire de la nouvelle commune (12), en face de l’église Saint-Léger (13), dans l’actuelle rue Montgautier, entre la Grand-rue et la rue de la Cathédrale.

La dernière place chrétienne en Terre Sainte, Saint Jean d’Acre, était tombée en 1291. Le grand-maître du temple, Guillaume de Beaujeu, y avait trouvé la mort avec cinq cents templiers. La succession de défaites depuis la chute de Jérusalem en 1187, la perte complète de la Terre Sainte, n’en avaient pas moins jeté un lourd discrédit sur l’ensemble des ordres militaires. On a relevé la persistance, tout au long du XIIIe siècle de rumeurs hostiles au Temple, mais aussi, bien que dans une moindre mesure, aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et aux autres ordres monastiques (14) (15). La réforme envisagée était une fusion des ordres du Temple et de l’Hôpital pour augmenter les moyens de lutter contre les Sarrasins. Grégoire X et le concile œcuménique de Lyon de 1274 avaient recommandé cette fusion, et la question avait été reprise par Nicolas IV et Boniface VIII. Le grand-maître du Temple, Jacques de Molay, consulté, avait fourni au pape Clément V un mémoire fort maladroit, insistant sur les rivalités entre les deux ordres pour rejeter toute perspective d’union (16). Lorsque Clément V avait convenu d’une entrevue avec le roi Philippe le Bel à Poitiers en 1307, il avait aussi convoqué Jacques de Molay, qui venait d’arriver d’Orient avec une suite de soixante chevaliers, et le maître de l’Hôpital pour examiner la situation de la Terre Sainte et envisager une nouvelle croisade. Le pape était arrivé à Poitiers le 14 avril (17), rejoint huit jours plus tard par le roi. Officiellement il s’agissait d’établir la paix entre la France et l’Angleterre. Comme de graves accusations avaient été portées ces dernières années contre les Templiers, le roi profita des trois semaines qu’il passa à Poitiers pour en entretenir plusieurs fois le pape. Celui-ci eut aussi alors l’occasion d’en parler avec Jacques de Molay et Geoffroy de Gonneville (18). Le 24 août 1307, toujours à Poitiers, le pape écrivait au roi pour lui annoncer qu’il ouvrirait une enquête à ce sujet en octobre : « Vous n’avez pas oublié qu’à Poitiers vous nous avez plusieurs fois entretenu des Templiers. Nous ne pouvions nous décider à croire ce qui nous était dit, tant cela paraissait impossible. Cependant nous sommes forcés de douter et d’enquérir en cette matière, suivant le conseil de nos frères, avec un grand trouble de cœur. Attendu que le maître du Temple et plusieurs précepteurs du même ordre, ayant appris la mauvaise opinion que vous avez manifestée sur eux, à nous et à quelques autres princes, nous ont demandé de faire une enquête sur les crimes qui leur étaient, disaient-ils, faussement attribués, nous avons résolu d’instituer, en effet, une information » (19) (20).

Le cours de cette affaire, allait néanmoins, changer du tout au tout. Au cours d’un conseil tenu en l’abbaye de Maubuisson près de Pontoise,
Philippe le Bel décidait de l’arrestation des templiers dans tout son royaume. Opposé à la mesure le chancelier, Gilles Aiscelin, archevêque de Narbonne, résignait ses fonctions et était remplacé par Guillaume de Nogaret, celui-là même qui avait fait violence au pape Boniface VIII à Anagni. Dans l’ordre d’arrestation, donné le 14 septembre 1307, en la fête de l’Exaltation de la Sainte-Croix, et dans les instructions qui l’accompagnent à l’usage des enquêteurs, figurent les accusations principales contre le Temple : reniement de Jésus, crachat sur la croix, baisers honteux, sodomie, culte des idoles, messe sans consécration par les prêtres de l’ordre (19). Le dominicain Guillaume de Paris, inquisiteur de France, nouveau confesseur du roi, demandait aux baillis et sénéchaux du roi le concours du bras séculier, ce qui rendait régulière l’intervention des officiers royaux.

Le jeudi 12 octobre 1307 le grand maître Jacques de Molay portait un des cordons du poêle aux obsèques de Catherine de Courtenay, femme de Charles de Valois, frère du roi. Le lendemain, au matin, Guillaume de Nogaret procédait à l’arrestation, au Temple de Paris, du grand maître, de Hugues de Pairaud, visiteur de l’ordre pour la France, de Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie, de Geoffroy de Gonneville, précepteur d’Aquitaine et de Poitou. Au même moment, dans toute la France, baillis et sénéchaux arrêtaient tous les templiers. Il n’y eut pas de résistance. Une douzaine seulement purent s’enfuir, dont le précepteur de France, Gérard de Villiers (21). Les grands dignitaires et 138 templiers furent interrogés à Paris, dans une salle basse de la maison du Temple, en octobre et novembre 1307. Seuls deux ou trois d’entre eux nièrent toutes les accusations (22). Les aveux furent arrachés par de sévères privations, ou le plus souvent les plus atroces tortures.
Plusieurs dizaines de templiers moururent (23). Les aveux du grand maître n’en firent pas moins le plus mauvais effet, d’autant plus qu’il les réitéra devant les maîtres de l’Université de Paris. De Poitiers le pape écrivit au roi, le 27 octobre, en lui « reprochant ces attentats sur la personne et les biens de gens qui sont soumis immédiatement à nous et à l’Eglise romaine. Dans ce procédé précipité tous remarquent, et non sans cause raisonnable, un outrageant mépris de nous et de l’Eglise romaine. » Puis il parut ébranlé par les premiers aveux, et, le 22 novembre, il ordonnait l’arrestation des templiers dans toute la chrétienté (24). A la fin de décembre, conformément à sa demande, le roi commençait à remettre les templiers prisonniers à deux cardinaux désignés à cet effet.

L’affaire prit alors une nouvelle tournure, car devant les cardinaux de nombreux templiers, au premier rang desquels Jacques de Molay et Hugues de Pairaud, révoquèrent leurs aveux. Le pape se rendit alors compte que ces premiers aveux, extorqués par la torture, n’avaient guère de valeur. Il cassa les pouvoirs des inquisiteurs, trop souvent soumis au bon vouloir du roi, en particulier à Paris, et il ordonna une nouvelle enquête qui serait menée par les enquêteurs pontificaux (25). Philippe le Bel et ses conseillers se livrèrent alors à une étonnante campagne d’opinion, qui est des éléments les plus curieux du dossier des templiers : consultation des maîtres en théologie de l’Université de Paris, autre consultation sur la révocation des aveux du grand maître, remontrance au pape accusé de tiédeur pour la justice et de partialité envers l’ordre, remontrance supposée du peuple de France au pape, — en fait œuvre du légiste Pierre Du Bois qui attaque la personne même du pape en soulignant son éclatant népotisme —, prétendue requête du peuple de France au roi pour l’engager à frapper lui-même les Templiers, convocation des Etats du royaume à Tours le 25 mars, tenue de ces Etats vers le 15 mai (26). Les lettres de révocation des Etats reprenaient les accusations mêmes de l’ordre d’arrestation : « O douleur ! L’abominable erreur des Templiers, si amère, si déplorable, ne vous est pas cachée : non seulement ils reniaient Jésus-Christ dans leur profession de foi, mais ils forçaient à renier ceux qui entraient dans leur ordre sacrilège, et ils reniaient ses œuvres qui sont les sacrements nécessaires de notre vie... Ils crachaient sur sa croix par laquelle nous avons été rachetés, ils la piétinaient, et, au mépris de la créature de Dieu, ils se baisaient dans les endroits honteux, ils adoraient des idoles. Ils disaient qu’il leur était permis, par leur coutume condamnable, de faire, contre la nature, ce que les animaux stupides refusent de faire. »
Ainsi préparés, les députés de l’assemblée de Tours proclamèrent la culpabilité des Templiers et demandèrent leur mort (27).

Aussitôt après les Etats le roi, accompagné de nombreux députés et de quelques prélats et barons, se rendit à nouveau à Poitiers (26 mai 1308)
(28). Le 29 mai le pape tint un consistoire à Poitiers, in aula regia, c’est-à-dire au palais, avec ses cardinaux, le roi et ceux qui l’avaient accompagné, et une multitude de clercs et de laïcs. Au nom du roi Guillaume de Plaisians retraça les énormes « erreurs » des templiers, et demanda que le pape condamnât l’ordre, sauf à s’en faire le complice. Après les archevêques de Narbonne et de Bourges, un baron, un bourgeois de Paris, pro lingua gallicana, un bourgeois de Toulouse pour « la langue occitane », prirent la parole pour prier le pape d’agir. Le pape répondit qu’il savait bien que le roi était animé par son seul zèle pour la foi et non par une quelconque cupidité, et il « offrit d’agir promptement, mais avec la maturité voulue » (29), Le 14 juin Guillaume de Plaisians adressa à Clément V un discours plus pressant : « Les uns vous soupçonnent de vouloir favoriser les Templiers..., de cela ils se sont, en plusieurs endroits, vantés en parole et par écrit. D’autres mettent en doute le péché des Templiers, qui est clair et certain, voyant que vous avez répondu comme si vous en doutiez. L’Eglise de France toute entière, s’écrie dans le souffle de sa dévotion : Au feu, au secours. Que la torpeur ne s’empare pas de vous, ni le sommeil, ni les pièges du diable. (30). On amena au pape soixante-douze templiers, choisis parmi les plus compromis, et il les interrogea, avec quelques cardinaux, à la fin de juin; le 2 juillet ces templiers comparurent à nouveau devant le pape en consistoire public, et confirmèrent leurs dépositions, obtenues cette fois sans torture. Le 10, cinquante templiers abjurèrent leur hérésie et furent réconciliés (31). En août le grand maître et les principaux dignitaires, détenus à Chinon, furent interrogés par deux cardinaux. Le pape confia alors aux évêques et aux inquisiteurs le soin d’instruire le procès contre les personnes des templiers, le sort de l’ordre devant être tranché par un concile général, convoqué à Vienne en octobre 1310.

La commission d’enquête pontificale qui siégea à Paris du 26 novembre 1309 au 5 juin 1311 nous a laissé les documents les plus intéressants, ceux-là mêmes qu’a publiés Michelet. Au début de 1310 les templiers avaient repris courage, et le 2 mai on comptait 573 frères prêts à témoigner de leur innocence et de la sainteté de l’ordre, leurs aveux, disaient-ils, leur ayant été extorqués par la crainte de la torture. Le roi risquait de n’être plus maître de la situation. Il fallait couper court. L’archevêque de Sens, Philippe de Marigny, était un homme du roi.
Le 11 mai le concile provincial qu’il avait réuni condamnait à mort cinquante-quatre templiers qui, après avoir reconnu les fautes de l’ordre, les avaient niées. On ne jugeait pas des crimes reprochés au Temple, on condamnait des parjures. Malgré l’intervention de la commission pontificale, les cinquante-quatre templiers furent brûlés hors des murs de Paris, au-delà de la porte Saint-Antoine, et dans les jours suivants quatorze autres subirent le même sort à Paris et à Senlis. L’enquête fut interrompue, reprit en novembre, s’acheva en juin 1311. En octobre suivant s’ouvrait le concile de Vienne qui allait juger du sort de l’ordre.

Il faut maintenant s’arrêter sur l’attitude des templiers de la province d’Aquitaine. Au cours de ce procès nous disposons des dépositions du maître de la province, Geoffroy de Gonneville, à Paris et à Chinon, et de trente-six dépositions de templiers reçues dans la province, en premier lieu en Saintonge, Poitou et Touraine, en seconde ligne dans les diocèses de Périgueux, Angers, Le Mans, Nantes, Saint-Malo. Un premier obstacle consiste à établir une exacte géographie templière, car les orthographes sont souvent très fautives, que ce soit la faute du manuscrit ou de l’édition.
Ainsi il faut lire Beauvais-sur-Matha derrière Basresio, Baresio, Bavesio, « Banes », Civrac dissimulé sous les formes Surnaco, « Syourac », ou Dognon pour Dompnho ou Dompno. Une deuxième difficulté consiste dans le fait que les interrogatoires ont été faits à partir de quatre-vingt-huit questions dans la procédure engagée contre les personnes, de cent-vingt-sept questions dans l’enquête contre l’ordre. On peut les regrouper en sept rubriques :
— Les Templiers renient le Christ ; ils crachent sur la croix ;
— Ils adorent des idoles; ils font toucher à ces idoles la cordelette dont ils se ceignent la nuit ;
— Le maître et les dignitaires absolvent les frères de leurs péchés ;
— Lors des réceptions dans l’ordre interviennent des pratiques obscènes ; l’homosexualité entre les frères est admise ;
— L’enrichissement de l’ordre doit se faire par n’importe quel moyen ;
— Les Templiers se réunissent la nuit en secret, et ils ne doivent rien révéler de ce qui se dit dans les chapitres (32). Certes ce schéma uniforme facilite, pour l’historien, l’organisation de la documentation, mais il conduit à des réponses guidées et parfois exactement semblables. Enfin une grande prudence s’impose, car nous savons qu’un très grand nombre d’aveux ont été obtenus à la suite de menaces, dure détention, tortures. Humbert de Corbon ou de Comborn, chevalier, précepteur de Paulhac et de la Croix dans la Marche, qui avait fait profession à Auzon, déclare devant le pape en juin 1308 à Poitiers qu’il a été d’abord entendu à Lusignan par deux franciscains, en présence du sénéchal de Poitou et de Jean de Janville, qu’il a commencé par avouer, est revenu sur ses aveux, et a été torturé avant qu’il ne revienne à sa première confession (33). Précepteur de la Boissière-en-Gâtine, Jean Bertaud dépose, au moment même des premiers bûchers, le 12 mai 1310, qu’il a été en premier lieu interrogé par Jean de Janville et par le sénéchal de Poitou à Saint-Maixent, et qu’il a été « quelque peu mis à la question » (34).
Interrogé par les mêmes Humbert du Puy, sergent, déclare que, sur l’ordre de Janville et du sénéchal, il a été torturé trois fois parce qu’il n’avouait pas ce qu’ils voulaient, et qu’ensuite il a été emprisonné dans une tour à Niort, enchaîné pendant trente-six semaines (35). Frère Audebert de La Porte, sergent, précepteur d’Auzon, a été interrogé en premier lieu par l’official de Poitiers et a confessé un certain nombre de points après avoir été torturé (36). Plusieurs des templiers interrogés par l’évêque de Saintes ont fait l’objet de menaces de la part d’acolytes de l’évêque, ont été torturés, soumis à rude prison jusqu’à ce qu’ils reconnaissent certaines fautes imputées à l’ordre : frère Guillaume d’Errée, sergent, du diocèse du Mans, a été mis au pain et à l’eau, puis, comme il n’avouait pas, a été mis en demeure sous peine de tortures (37); Hélie Costat, sergent du diocèse de Saintes, n’a confessé des fautes de l’ordre qu’en raison de la dureté de sa prison et de la terreur que faisaient peser sur lui ceux qui entouraient l’évêque (38) ; Hélie Raynaud, précepteur du Dognon, a confessé le reniement de Jésus et le crachat sur la croix « à cause des tourments qui lui furent infligés », (39) et Pierre Thibaud, précepteur de Châteaurenard, a cédé lui aussi « par crainte des tourments et en raison des menaces » que lui prodiguaient les assistants de l’évêque (40). D’un sergent, précepteur en Navarre, Thomas de Pampelune, nous apprenons aussi qu’il a avoué à ses bourreaux tout ce qu’on lui demandait, « à la suite de la violence des nombreux tourments », que ses juges lui faisaient subir à Saint-Jean-d’Angély (41).

Dans les dépositions on peut d’abord mettre de côté un certain nombre d’accusations qui sont unanimement rejetées, et sur lesquelles les enquêteurs n’ont, manifestement, pas insisté, tant elles leur semblaient faiblement étayées.

Les templiers, disent les articles 16-23 du questionnaire sur l’ordre, ne croient pas au sacrement de l’autel ni aux autres sacrements et leurs prêtres omettent, au canon de la messe, les paroles de la consécration. On rejoint là des accusations portées contre les cathares qui niaient l’efficacité des sacrements. Il faut considérer aussi que si les messes célébrées par les chapelains templiers n’étaient pas valides, vaines alors étaient les donations consenties par les fidèles pour que ces messes fussent dites à l’intention de leurs parents ou amis défunts (42).
La dénégation sera ici unanime. Tous les templiers de la province d’Aquitaine affirment leur croyance dans les sacrements, tous soutiennent que les prêtres de l’ordre disent la messe et avec dévotion. De plus, ajoutent les uns ou les autres, ils communient trois fois l’an, à Pâques, à la Pentecôte, à Noël, de la main de leur chapelains (43), ils jeûnent le vendredi de la Toussaint, à Pâques et pendant la quarantaine avant Noël (44), ou, selon une autre déposition de la Saint Martin à Noël, pendant le carême et aux vigiles des apôtres et des fêtes mariales (45).
Il leur est prescrit de tenir leurs chapelles bien ornées (46). Chaque frère, doit, selon la règle, dire soixante Pater Noster par jour, moitié pour les vivants, moitié pour les morts (47), et plusieurs accusés y feront référence. Jean l’Anglais indique ainsi que chaque jour « il faut dire pour les vivants et pour les morts soixante Pater Noster et Ave Maria, et pour chacune des heures canoniales neuf patenôtres, pour chacune des heures de Notre-Dame sept Ave Maria*1. On remarquera, au passage, que la culture religieuse des simples frères ne paraît guère approfondie.

Il est fait justice d’un autre chef d’accusation, selon lequel le grand maître pouvait absoudre les membres de l’ordre de leurs péchés et de même le visiteur et les précepteurs, dont beaucoup étaient laïcs (articles 24-29 du questionnaire). Là encore il y a unanimité. Il est ordonné aux frères nouvellement reçus de se confesser aux prêtres de l’ordre (48) (49), mais ils peuvent aussi se confesser à l’évêque (50), et il leur arrive de s’adresser à des frères mineurs ou à des prêtres séculiers (51). D’ailleurs, ajoute Géraud de Mursac, cette prescription de ne s’adresser qu’aux prêtres de l’ordre n’était pas bien observée (52). Le vieux frère Guillaume de Liège, précepteur de La Rochelle, donne une précision qui explique les confusions : il était de coutume qu’à la fin des chapitres les laïcs qui les tenaient disaient : « De ce que vous omettez de dire, par honte de la chair ou par crainte de la discipline de l’ordre, nous vous faisons l’indulgence que nous pouvons, mais vous devez en parler aux prêtres de l’Ordre » (53). Les divers témoignages concordent. Les responsables laïcs pouvaient remettre des points de discipline mais en rien absoudre des péchés. Les prêtres de l’ordre avaient reçu de la papauté des privilèges particuliers pour la confession des membres de l’ordre, mais la pratique qui ressort des dépositions montre que si on enjoignait bien aux frères de se confesser aux prêtres de l’ordre (54) (n° 73 du questionnaire), cela ne s’est, dans les faits, jamais entendu de façon exclusive.

« Dans l’ordre ni les aumônes ni l’hospitalité n’étaient observées comme il convenait. » Cette accusation (§ 97 du questionnaire) est aussi quasi unanimement réfutée. On peut d’ailleurs constater, à ce sujet, combien les pièces du procès doivent être utilisées avec précaution. En effet les réponses sont données à peu près toutes avec la même «formule» : « il a vu les aumônes et l’hospitalité avoir lieu et être observées convenablement dans les maisons de l’ordre où il a demeuré », convenienter fieri et servant. Les précepteurs y veillaient, les chapitres le rappelaient, et un templier indique que son précepteur le lui a ordonné « au péril de son âme » (55) (56). Les aumônes avaient lieu trois fois par semaine, selon les statuts de l’ordre, dans les maisons qui avaient des chapelles, et personne n’était écarté ; elles étaient faites chaque jour aux pèlerins (57). Cette aumône consistait en pain — la dixième fournée de pain et en outre les restes de la table (58) (59), ou en argent — une obole (60), et n’étaient limitées que lorsque les ressources ne suffisaient pas (61). Les fausses notes sont rares et peu appuyées : parfois, disent certains, les aumônes et l’hospitalité étaient limitées ou auraient pu être assurées avec plus de largesse (62); on signale un intendant de la maison de Nantes qui donne aux porcs le bon « blé », aux pauvres du pain de son, malgré les consignes de son précepteur (63). Un autre affirme, au contraire, qu’aumônes et hospitalité étaient observées au-delà même de prescriptions. Il ne semble pas, de toute façon, que les enquêteurs aient fait pression sur les templiers à ce sujet.

On ne peut, non plus, retenir les accusations qui portent sur l’adoration d idoles, chat, tête à une ou trois faces ou à crâne humain (64) (65). L’invraisemblance est ici totale, la contamination avec les pratiques de sorcellerie — le diable peut apparaître sous la forme d’un chat — probable. Seuls quatre templiers reçus en Aquitaine font référence à une idole ou à ce qui aurait pu être une idole. Frère Guillaume Audenbon, sergent, du diocèse de Périgueux, reçu cinq ans plus tôt en la chapelle de la maison du Temple de Civrac, déclare ainsi que celui qui le recevait, frère Geoffroi de Gonneville, précepteur d’Aquitaine, tenait en son sein, enveloppé, quelque chose qui lui a semblé être en cuivre et qu’il a eu l’impression que le précepteur aurait souhaité qu’il adore ou embrasse cet objet (66). Ce soupçon paraît d’autant moins fondé que Gonneville, dans ses deux interrogatoires de Paris et de Chinon, dira sa profonde aversion pour toutes les mauvaises pratiques en cours lors des réceptions de l’ordre. Frère Pierre Gerald, de Meursac, sergent, du diocèse de Saintes, affirme que lorsqu’il fut reçu, aux Epaux, le précepteur tira de son sein l’image, en or, d’un lion qui semblait avoir la figure d’une femme, et lui dit de croire en elle et de lui faire confiance, sans pour autant lui dire qui était ainsi représenté ; il ne la vit qu’un instant, car le précepteur la dissimula aussitôt dans son vêtement (67) (68) Arnaud Brejon, reçu à Beauvais-sur-Matha, a, avant son entrée dans l’ordre, appris de son oncle, Arnaud d’Orfeuille, du diocèse d’Angoulême, dans une taverne, qu’il avait entendu certains séculiers, dont il ignorait les noms parler d’une idole au Temple de La Rochelle (69). De son côté Geoffroi Thatan avait entendu dire par des familiers du précepteur de l’Ile-Bouchard qu’un chat était apparu lors de la tenue d’un chapitre à Auzon, apparition qui leur avait été rapportée car ils n’y étaient pas présents (70). On a écrit que ces idoles pouvaient bien n’être rien d’autre que tel ou tel buste-reliquaire dont la figure figée pouvait à bon droit impressionner (71). De ce ramassis d’on-dit, de vagues descriptions, on ne peut, certes, rien retenir de sérieux contre l’ordre.

Un autre article du questionnaire parle de cordelettes remises à chaque frère lors de sa réception: on leur aurait préalablement fait toucher la tête des idoles, et on prescrivait de les porter, sous la chemise, à même la peau, jour et nuit, par dévotion pour l’idole (articles 58 à 61). Cette accusation est rejetée par tous, sauf par Jean l’Anglais, qui dit que lors de sa réception, à La Rochelle le chapelain lui remit une cordelette de fil blanc, qu’il devrait porter jour et nuit sur sa chemise, en lui confiant qu’« une certaine tête » avait été entourée par cette cordelette (72). Trois frères ont reçu une cordelette au moment de leur réception, tous les autres ont été invités à se pourvoir d’une cordelette de leur choix qu’ils auraient à porter sur leurs chemises ou le linge avec lequel ils couchaient, — jamais il n’est question de la porter à même la peau... On retrouve ici la même réponse stéréotypée transcrite par le notaire de la commission pontificale : « Cordulis unde volebant assumptis cingebantur super camisias cum quibus jacebant. » Humbert de Corbon ou Comborn interrogé à Poitiers devant le pape indique que la cordelette a été prescrite aux templiers par saint Bernard (73) (74), ce qui renvoie naturellement à la règle rédigée par Bernard de Clairvaux pour l’ordre en 1128. On ne distingue pas bien, d’après les dépositions, si elle n’était portée que la nuit, ce qui semble indiqué par la plupart d’entre elles, ou nuit et jour, ce qu’assurent quelques-unes des premières dépositions. Un seul frère dira ne l’avoir jamais portée. Deux frères déclarent que le port de cette cordelette est signe de pénitence, six que c’est en signe de chasteté, ce qui est !e plus probable. Là encore il semble que les enquêteurs ne se soient jamais efforcés d’obtenir, avec les moyens que l’on sait, quelque aveu que ce soit, l’accusation étant trop évidemment sans fondement.

On peut aussi faire table rase de l’accusation de sodomie. Il y a eu, probablement, des cas, en particulier outre-mer, ce dont on parlait dans l’ordre, et que plusieurs frères rapportent. Le précepteur des Epaux, Hugues de Narsac, cite même à ce propos, le grand maître Jacques de Molay lui-même et le précepteur de Bordeaux (75). Un cas est signalé par le même Narsac à Ballan, un frère du diocèse de Saintes est également suspecté (76). II n’est question de permission donnée aux frères nouvellement reçus de s’unir charnellement à d’autres frères de l’ordre sans pour autant commettre de péché que par trois templiers reçus en Poitou, G. de Haut-Ménil, page du Cloître, J. de Saint-Remin (77), dans leurs dépositions reçues au début du procès, période où la torture fut largement employée. G. de Haut-Ménil indique que cette licence a été présentée comme un moindre mal : il vaut mieux s’unir entre frères de l’ordre qu’avec des femmes (78). Mais aucun templier de la province ne reconnaîtra cette pratique, elle sera réfutée par toutes les dépositions devant la commission pontificale d’enquête en 1311. Un frère dira la sodomie un « très grave péché » (79), puni, selon d’autres, de la prison perpétuelle (80) ou de l’expulsion hors de l’ordre (81).

Les dépositions sur la réception dans l’ordre font état, dans leur première partie, d’une application exacte de la règle. Quand quelqu’un requiert l’admission dans l’ordre, il faut lui remontrer les «grandes duretés et rudes commandements» qui l’attendent, lui demander s’il accepte d’être « serf et esclave de la maison tous les jours de sa vie » ; il doit assurer qu’il n’est pas fiancé ou marié, qu’il n’a jamais eu d’engagement dans une autre religion, qu’il n’est pas chargé de dettes qu’il ne puisse payer, qu’il est sain de corps, qu’il n’est serf de quiconque et n’est pas excommunié, 11 doit s’engager à l’obéissance, la chasteté, la pauvreté — « vivre sans propre » —, promettre d’observer les bons usages et coutumes de l’ordre et d’aider à conquérir la sainte terre de Jérusalem (82). Les dépositions devant la commission pontificale d’enquête sont unanimes à indiquer que le mode de réception a bien été conforme à la règle, jusqu’à en reprendre souvent les termes mêmes. Partout, après une mise en garde répétée faisant suite à des demandes renouvelées d’entrée dans l’ordre, le candidat jurait de ne pas être concerné par les divers empêchements énumérés par la règle, prononçait les vœux d’obéissance, chasteté, pauvreté, s’engageait à respecter les usages de l’ordre, et finalement recevait le manteau, blanc pour les chevaliers, noir ou roussâtre pour les écuyers et les sergents, marqué de la croix rouge depuis le pape Eugène III au milieu du siècle (83).

Ainsi ressort-il des dépositions des templiers d’Aquitaine que l’ordre demeurait, au début du xiv= siècle, fidèle à sa règle, et que la vie religieuse y était, dans l’ensemble, fort honnêtement suivie. Il reste, pourtant, à examiner les points les plus troublants du dossier, ceux-là mêmes que présentaient en premier rang les lettres du roi de septembre 1307 qui prescrivaient l’arrestation de tous les templiers : reniement du Christ, crachat sur la croix, baisers honteux.

L’ordre est accusé d’exiger des postulants, au moment de leur réception, le reniement du Christ et le crachat sur la croix. Les interrogatoires des dignitaires en octobre-novembre 1307, les aveux répétés du grand maître Jacques de Molay, au début du procès, pèseront à cet égard d’un poids très lourd, car ils fourniront au roi Philippe le Bel des arguments redoutables pour entraîner le pape, réticent devant l’énormité incroyable des accusations. Le 21 octobre 1307 Geoffroy de Charnay, précepteur de Normandie, déposait qu’à sa réception, à Etampes, on lui avait présenté une croix, en lui affirmant qu’il ne devait pas croire en celui dont l’image était peinte sur la croix, car c’était un faux prophète et non Dieu; on lui fit renier Jésus trois fois, ce qu’il fit des lèvres, non de cœur. Jacques de Molay, le grand maître, avait reconnu, le 24 octobre, qu’à sa réception, à Beaune, il avait renié, de mauvais gré, le Christ figuré sur une croix d’airain qu’on lui avait présentée, et qu’ensuite on lui avait dit de cracher sur la croix, et qu’il avait craché, une fois, par terre. Hugues de Pairaud, visiteur de l’ordre pour toute la France, interrogé le 9 novembre, avait rapporté que, lors de sa réception à Lyon, on l’avait conduit derrière un autel où on lui avait montré une croix avec l’image de Jésus ; il se résigna à renier le Christ, une fois, seulement des lèvres, mais refusa de cracher sur la croix. Quant à Geoffroy de Gonneville, « précepteur d’Aquitaine et de Poitou », il avait déposé, le 15 novembre 1307, qu’il avait été reçu à Londres, vingt-huit ans plus tôt, par le maître de l’ordre en Angleterre. On lui avait fait jurer d’observer les statuts et bonnes coutumes de l’ordre, et on lui avait imposé le manteau. Puis le maître d’Angleterre lui montra, dans un missel une croix avec l’image du Christ, et lui enjoignit de renier le Christ, lui déclarant : « Fais-le hardiment, Je te jure, au péril de mon âme, que jamais tu n’en auras préjudice pour ton âme ni ta conscience, car c’est un usage de notre ordre, introduit à la suite de la promesse d’un mauvais Maître qui, prisonnier d’un Soudan, n’avait pu obtenir sa liberté qu’en promettant d’introduire dans notre ordre l’usage de faire renier le Christ à tous ceux qui y seraient reçus, ce qui fut, depuis, toujours observé. C’est pourquoi tu peux bien le faire. » Epouvanté, Geoffroy de Gonneville refusa à plusieurs reprises, et demanda à voir son oncle et les amis qui l’avaient amené là. Ils étaient partis, et finalement le maître, après une vaine dernière demande, consentit à ne plus exiger ce reniement, à condition que le jeune homme jurât sur l’Evangile de répondre aux frères qui l’interrogeraient qu’il avait obéi à ce qui lui était demandé. Remise lui avait été faite, reconnut-il, parce que lui-même et son oncle, qui était familier du roi d’Angleterre, avaient rendu de grands services audit maître, Robert de Torteville, en particulier en l’introduisant plusieurs fois en la chambre du roi. Le maître lui avait aussi demandé de cracher sur la croix, mais avait accepté un simple crachat sur sa main qui couvrait la croix. Interrogé sur la raison de ces pratiques, Gonneville ajouta que certains en rapportaient l’introduction au grand maître Roncelin, d’autres au grand maître Thomas Bérard, d’autres pensaient qu’on faisait ainsi mémoire du reniement de saint Pierre. Par la suite il fit, lui-même, grâce de ces pratiques à ceux qu’il recevait, et d’ailleurs se contenta généralement de concéder l’admission et de laisser la réception à tel ou tel précepteur (84). Il renouvellera cette déposition à Chinon en 1308 devant les cardinaux envoyés par le pape, à la variante près qu’il dira alors n’avoir pas craché sur la main du maître, par crainte que celui-ci ne retirât brusquement sa main, mais avoir craché à côté de la croix (85) (86). Si l’on considère les dépositions des templiers de la province d’Aquitaine, on note que les deux tiers comportent le reniement, en général triple : « je reney Jhésu, je reney Jhésu, je reney Jhésu », comme le dit frère Geoffroy de Thatan, du diocèse de Tours8î. Le postulant peut être conduit à l’écart, derrière l’autel, d’autres fois tout se passe au vu et su des frères qui assistent à la réception. Le questionnaire des enquêteurs suggérait qu’on disait au postulant que le Christ était non le vrai Dieu mais un faux prophète, qu’il était mort non pour la rédemption du genre humain mais en châtiment de ses propres crimes. Gérard Lavergne, précepteur d’Andrivaux, reçu cinquante ans plus tôt, et Pierre du Cloître, reçu huit ans plus tôt, diront, en 1307 et 1308, qu’on leur a fait renier «le prophète» (87), à frère Guillaume Audenbon on assurera qu’il ne doit pas croire que celui qui est représenté sur la croix est Dieu (88). A frère Guillaume de Soromine le précepteur de Château-Bernard, Olivier Flamand, qui le recevait en la maison du Dognon, dira : « Tu as juré d’obéir à tous tes précepteurs et à leurs commandements ; moi je veux avoir la preuve de ce que tu as juré : je t’ordonne donc de renier Dieu », et comme le postulant, stupéfait, regardait les assistants, l’un d’eux le rassura en souriant : « Va, fais-le en toute sûreté » (89).

Frère Hugues de Narsac, précepteur des Epaux, confessera de même que les frères étaient conduits à nier Dieu pour n’être pas réputés parjures et désobéissants, et qu’il y fut lui-même contraint, non pas lors de sa réception mais deux mois plus tard par frère Jean « Lo Francès », alors précepteur de Poitou qui, venu au Dognon, convoqua le chapitre en la chapelle et exigea ce reniement ; par la suite il tint la même conduite avec ceux qu’il recevait, sur les instructions de frère Pierre de Villiers, chevalier, en ce temps précepteur de Poitou ; il ajouta qu’on lui avait dit, comme aux autres, qu’à cause de ce reniement il aurait des biens en abondance (90). Dans quatre dépositions il est fait état de menaces, voire de coups, pour contraindre le postulant au reniement (91). Plusieurs templiers expriment leur stupéfaction, leur terreur même devant une exigence aussi surprenante et détestable (92). Un frère, Barthélemi Bartholet, refusera net le reniement, et n’y sera pas contraint ; il s’était donné à l’ordre avec tous ses biens, un millier de livres, que l’ordre gardera sans payer les nombreuses dettes du frère (93). Ceci peut expliquer cela. De même Geoffroy de Gonneville n’a pas été forcé de renier parce qu’il était d’une famille bien introduite auprès du roi d’Angleterre, et Hugues de Narsac dira avoir vu recevoir, à Auzon, quatre chevaliers, à qui en raison de leur sang social et de l’importance de leurs amis, on ne demanda rien d’illicite : on ne demandait rien de ce genre « aux puissants et nobles qui avaient nombre de leurs amis avec eux s (94). Tous ceux qui ont renié ont dit l’avoir fait de bouche, non de cœur, « ore, non corde. » On doit aussi mettre dans la balance le fait qu’aucun reniement ne fut demandé au tiers des templiers qui déposèrent avoir été reçus en la province d’Aquitaine, et qu’ils déclarèrent n’avoir jamais vu ces pratiques avoir cours dans les réceptions auxquelles ils assistèrent : ainsi de Guillaume de Liège, précepteur de La Rochelle, qui reçut vingt ou vingt-cinq frères, de Guillaume d’Errée autre vieux templier, qui assista à dix ou quinze réceptions, sans rien y voir de répréhensible (95).

Quant à la pratique du crachat sur la croix, qui suit aussitôt le reniement, elle semble moins constante, car seulement la moitié des déposants la reconnaissent. A plusieurs reprises elle n’est pas mentionnée du tout. Trois templiers de la province d’Aquitaine la refuseront tout net, sans qu’il y ait eu alors quelque insistance. Tous les frères qui ont avoué le crachat avaient d’abord reconnu avoir renié le Christ. On peut se demander si, parfois, les enquêteurs ne se sont pas contentés d’avoir obtenu le premier aveu, celui du reniement, le plus terrible. Le crachat a souvent été triple, comme le reniement. Dans tous les cas le déposant déclarera avoir craché à côté de la croix, par terre, et non sur la croix. Qu’à diverses reprises on ait indiqué que le Christ n’était pas figuré sur la croix qui était présenté, peut aussi être considéré comme une circonstance, elle aussi, atténuante. En tout cas reniement et crachat sont les deux accusations fortes, sur lesquelles les enquêteurs ont particulièrement insisté, jusqu’à utiliser les menaces et la torture même pour obtenir des aveux. On se prend fortement à s’interroger sur l’exactitude de ces aveux, lorsque l’on voit trois des frères qui ont avoué le reniement, et pour deux d’entre eux aussi le crachat, déposer dans le même temps, que dans l’ordre on « adore avec révérence et dévotion la croix le vendredi saint », parfois pieds nus (96), comme le demande d’ailleurs la règle (97) Le précepteur de Nantes, Gérald d’Augnihac, qui, lui, n’a connu ni reniement ni crachat, parlera lui aussi de la vénération de la croix dans tout l’ordre le vendredi saint, et rappellera que les frères du Temple vénéraient la Sainte Croix outre-mer (98).

On peut passer plus vite sur les baisers honteux qui auraient accompagné la réception, baisers sur la bouche, le nombril, lp ventre nu, l’anus, l’épine dorsale. Non qu’il n’y ait eu, sans doute, des déviations. « Méfiez-vous des baisers des templiers » criaient les enfants dans les écoles (99). La confession la plus accablante est ici celle de Pierre du Cloître, qui confessa devant le pape à Poitiers en 1308 qu’à sa réception à Civrac huit ans plus tôt on l’avait conduit derrière un rideau, qu’il avait dû se dépouiller de ses vêtements et que le précepteur de la maison l’avait embrassé sur le bas de l’épine dorsale, sur le nombril et enfin sur la bouche (100). Mais on sait que les gens du roi avait conduit devant le pape les templiers les plus compromis. Les baisers au bas du dos et sur le nombril ne figurent que dans deux autres dépositions de templiers d’Aquitaine (101) ; il n’est question que quatre fois de baisers à même la peau, sur la poitrine et entre les épaules.
Quatorze templiers d’Aquitaine ne parient que du baiser sur la bouche, ce qui est la prescription même de la règle (102).

L’historien peut relever, dans les dépositions, plusieurs points qui ne prêtent pas à confusion et qui éclairent la chute de l’ordre.
D’abord il y a parfaite concordance, parmi les templiers, sur le secret dont s’entoure l’ordre. Les réceptions se font en la seule présence des frères. Les chapitres sont tenus dans le plus grand secret, souvent la nuit, portes closes, avec un frère qui surveille à l’extérieur; le frère mendiant, à qui on a demandé « l’homélie » d’introduction, a été aussitôt après, prié de sortir. Les frères se sont engagés par serment à ne rien révéler des décisions du chapitre, pas plus que des modes de réception, sous peine de graves punitions, l’emprisonnement (103), ou même l’expulsion de l’ordre (104). Humbert du Puy, sergent du diocèse de Poitiers, témoigne aussi, en 1310, «que les réceptions avaient lieu dans l’ordre de façon clandestine, portes closes, en la seule présence des frères de l’ordre, et qu’une grande et mauvaise suspicion en était née contre l’ordre... Les chapitres étaient tenus aussitôt le matin, après avoir fait sortir les simples familiers... Les secrets de l’ordre étaient remarquablement gardés, et les frères devaient en jurer lors de leur réception » (105). Les chapitres pouvaient même être tenus de nuit (106). La règle même prévoyait bien que le chapitre ne fût tenu que par les seuls frères (107). Cette clandestinité était très mal supportée par les frères (108), et elle figurait dans l’acte d’accusation sur lequel travaillèrent les enquêteurs.

La règle elle-même était tenue cachée, comme un article le prévoyait. Seuls les « baillis » étaient autorisés à la posséder, les frères non, « por ce que les escuiers les trovèrent aucune fois et les lisoient, et nos establissemens si descovroient as gens dou siècle, laquel chose peust estre damages de nostre religion » (109). Le frère Pierre du Cloistre déclare qu’il a vu la règle aux mains du précepteur de Beauvais-sur-Matha, mais qu’il n’a jamais pu avoir le livre en main ni voir ce qu’il contenait (110). D’après les différentes dépositions les pratiques du reniement et du crachat sont dites par les uns appartenir à la règle, par d’autres, faire partie des usages seulement. Le secret de la règle est une nouvelle source des obscurités, ambiguïtés, confusions que l’on peut observer dans l’ordre. De fait, au moment de la chute du Temple les juges ne trouvèrent aucun manuscrit de la règle, car les grands maîtres avaient plusieurs fois fait détruire les manuscrits qui n’étaient pas d’une nécessité absolue. Aujourd’hui encore on n’en connaît que quatre exemplaires (111).

La richesse des templiers, leur « superbe », leur valaient, par ailleurs, de profondes hostilités. Le catalogue des accusations portait que « dans l’ordre on ne considérait pas comme un péché d’acquérir licitement ou illicitement des droits d’autrui.., on prêtait serment de travailler à l’enrichissement de l’ordre par tous les moyens, licites ou illicites, on ne considérait pas comme un péché de se parjurer en ce domaine» (112). Il semble bien que l’on recommandait aux frères, au moment de leur réception, de s’employer de leur mieux à accroître les biens de l’ordre, sans leur préciser que cela pouvait être par n’importe quel moyen, « per fas vel nefas » (113). Un templier de la province d’Aquitaine, Geoffroy de Thatan, dépose qu’il a entendu le précepteur de l’Isle-Bouchard dire à table qu’on pouvait acquérir pour l’ordre, par tout moyen, licite ou non, et jurer pour ce faire, sans péché, et il ajoute ensuite que lui-même l’a juré lors de sa réception (114). Il est curieux en l’espèce de noter que la déposition commence par un « oui-dire » ; on ne peut nécessairement en conclure que le serment requis lors de la réception a été aussi précis, et conforme aux mots près à l’accusation... Plusieurs templiers déposeront, au contraire, qu’ils ont reçu recommandation de n’acquérir pour l’ordre qu’en respectant la loi, « modo debito, modis debitis », et qu’il leur a été interdit de sortir pour cela, de la légalité.

C’est peut-être la simple constatation de frère Pierre Gérald, sergent, du diocèse de Saintes, qui rend le mieux compte de la situation : « ils acquéraient fréquemment pour l’ordre de façon indue, mais on ne le leur ordonnait pas. » Humbert du Puy avoue de son côté que beaucoup faisaient pour l’ordre des acquisitions injustes, et que lui-même avait ainsi enlevé une dîme à un archiprêtre du diocèse d’Angoulême. Frère Jean L’Anglais évoque l’usage abusif de lettres apostoliques pour obtenir ces acquisitions et parle de l’extorsion, par le précepteur des Epaux, de plus de 500 livres, ce dont l’évêque de Saintes Geoffroy de Saint-Briton se plaignit au visiteur de l’ordre. Le vieux Guillaume de Liège, précepteur de La Rochelle, parlera aussi de l’abus des lettres apostoliques, des oppressions et extorsions commises par les templiers, et il ajoutera : « un grand nombre d’entre eux étaient arrogants », ce que dira aussi, sous une forme semblable, le précepteur de Nantes Gérard d’Augnihac. Guillaume de Torrage, chevalier du diocèse de Chartres, âgé de soixante ans, reçu en la maison du Temple de Mauléon, au diocèse de Poitiers, vingt-cinq ans plus tôt par frère Jean « Le Franceys », chevalier, alors précepteur de Poitou, rapporte qu’il passa alors un an et demi outre-mer, et qu’un vieux chevalier de l’ordre, originaire d’Espagne, lui aurait dit « qu’il ne croyait pas que leur ordre pourrait durer longtemps à cause de leur superbe, et parce qu’ils accroissaient leurs biens de toutes les manières possibles, qu’ils étaient trop cupides et ambitieux, et qu’ils ne s’employaient pas au fait des armes contre les infidèles autant qu’ils l’auraient dû »

A l’évidence le grand nombre des accusations était purement imaginaire ou correspondait à des réalités amplifiées, déformées. Accusations, soupçons, secret, superbe, cupidité, avaient cependant engendré, en dehors même du bien-fondé des effarantes pratiques avancées pour la réception des frères, un malaise certain dans l’ordre, au point qu’un certain nombre de templiers l’avaient quitté ou avaient eu l’intention de le quitter. Plusieurs des templiers de la province d’Aquitaine l’affirmèrent pour leur part, et certains dirent qu’ils avaient un temps quitté l’ordre avant d’être repris et persuadés de rester. D’autres déclarent qu’ils se sont confessés de ce qu’on les avait contraint de faire lors de leur réception, l’un Humbert de Comborn à deux frères franciscains successivement (115), un autre Pierre du Cloître à un confesseur à Rome alors qu’il allait en Sicile avec le roi Charles d’Anjou — il avait reçu aussi avec ses compagnons absolution générale du pape Boniface (116), un troisième, Jean Bertaud, à l’évêque de Poitiers Gautier de Bruges qui lui avait conseillé de quitter l’ordre (117). Guillaume de Gonneville, le précepteur d’Aquitaine, déposera en 1307 qu’« après sa réception et cette affaire du reniement qu’on avait voulu lui imposer, il serait volontiers sorti de l’ordre s’il l’avait osé. Mais il redoutait la puissance des Templiers. Un jour à Loches il rencontra le roi, en présence du frère Ythier de Nanteuil, prieur de l’Hôpital en France, et pensa lui révéler la manière dont se passaient les réceptions, et le supplier de lui donner conseil et le prendre sous sa garde.

Alors il sortirait de l’ordre. Mais il considéra ensuite que plusieurs précepteurs et d’autres de l’ordre lui avaient remis pas mal de choses pour son passage en Terre Sainte, et comme il disposait d’argent et de biens de l’ordre, il n’était pas bon ainsi de détruire les frères de l’ordre » (118). De même, en 1307 aussi, Guillaume de Haut-Ménil, chevalier, âgé de vingt-cinq ans, reçu en la maison de la Lande des Verchers trois ans plus tôt, déclara que, bouleversé par le reniement qu’on avait exigé de lui, il aurait bien voulu quitter l’ordre, mais qu’il n’osa pas, par crainte de ses parents qui croyaient l’ordre saint et bon et avaient fait de grandes dépenses pour le préparer à aller outre-mer ; il s’en était confessé à l’évêque de Poitiers Gautier de Bruges (119). A l’inverse on peut citer bon nombre de templiers qui s’offrirent à défendre la sainteté de leur ordre, et notamment parmi eux les templiers de La Rochelle (120). On peut aussi rappeler que les commissaires enquêteurs pontificaux interrogeaient, à Paris, le templier poitevin Jean Bertaud, le 12 mai 1310, lorsqu’ils apprirent que cinquante-quatre templiers qui s’étaient offerts pour la défense de l’ordre avaient été condamnés à être brûlés. Ils envoyèrent aussitôt le prévôt de Poitiers, Philippe de Vohet, commis par le pape à la garde des templiers, et l’archidiacre d’Orléans demander à l’archevêque de Sens de ne pas faire exécuter la sentence avant mûre délibération, parce que ledit prévôt de Poitiers, et beaucoup d’autres, témoignaient de ce que les frères de l’ordre qui étaient morts au cours du procès avaient, à la fin de leur vie, et sur le salut de leur âme, affirmé que les crimes imputés à l’ordre étaient faux (121).

L’historien se trouve ainsi placé devant un dossier trop complexe pour qu’il puisse se risquer à des jugements trop absolus. Certains ont jugé les Templiers coupables, d’autres se sont efforcés de les dire en tout innocents. Dès l’époque même du procès les avis furent partagés : Jean de Pouilli, maître régent en théologie de l’Université de Paris, proche du roi, se prononçait pour la culpabilité, Jacques de Thérines, moine de Chaalis, constatant les rétractations sur le bûcher et les enquêtes dans les autres pays, ne considérait pas comme fondés les faits exécrables reprochés à l’ordre (122). Il vaut mieux « ne pas chercher à démontrer systématiquement la culpabilité ou l’innocence de l’ordre »
(123). On peut dire que l’action du roi Philippe le Bel et de ses agents fut déterminante dans la destruction et suppression du Temple, que le roi n’ait agi que par piété, comme il le dit, pour mettre un terme à la situation d’un ordre très décrié, qu’il ait voulu, comme le pense son récent biographe, obtenir la fusion des deux grands ordres militaires de son royaume, Temple et Hôpital, pour pouvoir mener une croisade efficace, ou qu’il ait un temps pensé confisquer à son profit les biens d’un ordre riche, ce que l’on tend à rejeter aujourd’hui (124). Le poids déterminant de l’action royale en France se mesure mieux quand on regarde la situation des Templiers dans les autres pays chrétiens. Les conciles de Londres et d’York ne purent trouver aucune preuve concluante contre l’ordre, et pour étayer les accusations il fallut faire appel à de nombreux témoins pris hors de l’ordre. Les conciles provinciaux de Tarragone, de Salamanque proclamèrent l’innocence des Templiers, hommage public fut rendu à l’ordre en Allemagne, tandis qu’à Chypre on proclamait l’innocence de l’ordre. En Italie seulement où comme en France, les frères sergents, masse peu instruite, étaient beaucoup plus nombreux que les chevaliers, le Temple fut convaincu des mêmes crimes qu’en France (125). Il est certain que l’ordre en tant que tel ne méritait pas une condamnation. Les accusations sont pour la plupart fausses ou exagérément grossies, les aveux obtenus par la torture, les sévices, les menaces, n’ont guère de valeur. Mais l’ordre prêtait à controverse, par sa pratique du secret, par sa richesse, par son arrogance et son expansionnisme territorial, confortés par tout un arsenal de privilèges apostoliques, outre le fait que la perte de la Terre Sainte lui enlevait sa raison d’être même. Les templiers menaient, pour la plupart, une vie honnête et droite. Mais certains des premiers dignitaires avaient probablement mal usé de leur autorité qui était absolue dans l’ordre, et des pratiques douteuses ou proprement condamnables s’étaient probablement introduites dans un certain nombre de maisons. Il aurait fallu réformer l’ordre, l’intervention insistante de Philippe le Bel conduisit à sa suppression.

Le concile de Vienne s’ouvrit le 16 octobre 1311. Le 3 avril 1312 la bulle « Vox in excelso » supprimait l’ordre du Temple, par provision, en attendant un jugement de fond remis à un concile postérieur qui ne se réunira jamais. Elle se fondait sur « la manière et la façon mystérieuse dont on est reçu dans l’ordre, la conduite mauvaise de beaucoup de ses membres, elle considérait en particulier le serment demandé à chacun d’eux de ne rien révéler sur cette admission et de ne jamais sortir de l’ordre », elle voulait mettre fin aux soupçons et accusations dont l’ordre était l’objet, matière à scandale, péril pour la foi et les âmes. Le 2 mai suivant une autre bulle prononçait la dévolution des biens du Temple à l’ordre de «l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, dont le maître et les frères en véritables athlètes de Dieu et au péril de la mort, se dévouent, sans relâche à la défense de la foi dans les pays d’outremer »; la mesure exceptait seulement la péninsule ibérique où ils seront unis à l’ordre militaire de Calatrava, ou, au Portugal, où ils formeront la dotation d’un nouvel ordre du Christ. Le pape s’était réservé le jugement des quatre premiers dignitaires. La sentence des délégués apostoliques fut prononcée, sur le parvis de Notre-Dame de Paris, le 19 mars 1314, après que les autres dignitaires eurent confessé leurs crimes en public : c’était la prison perpétuelle. Mais alors le grand maître Jacques de Molay et le précepteur de Normandie Geoffroy de Charnay, rétractèrent leurs aveux. Jacques de Molay déclarait faux les crimes imputés à l’ordre, affirmait sainte, juste et catholique la règle du Temple, confessait que la crainte des tourments et les caresses du pape et du roi de France, l’avaient poussé à de déshonorants aveux... Sans attendre la délibération, prévue pour le lendemain, des délégués apostoliques, le roi faisait, le soir même, brûler les deux dignitaires dans la petite île des Juifs, entre le jardin du palais royal et l’église des Augustins. Ils moururent l’un et l’autre avec un courage et une dignité qui impressionnèrent les assistants. Hugues de Pairaud et Geoffroy de Gonneville, quant à eux, finirent leurs jours en prison.

Ainsi disparaissait un ordre qui avait tenu une place de première importance aux XIIe et XIIIe siècles; les templiers qui avaient avoué furent relâchés, rentrèrent dans la vie civile ou rejoignirent divers ordres monastiques; les autres restèrent en prison. Les Hospitaliers prirent possession des biens du temple, non sans avoir à payer au roi de France des sommes énormes sous prétexte d’indemniser la couronne des frais de prison et de procès. Pour le Poitou on a gardé l’inventaire des biens du Temple à la Lande de Parthenay et à Ensigné en I313 (126). En juin-juillet 1317 les Hospitaliers, qui jusque-là n’avaient pas de maison à Poitiers, s’installèrent en la maison du précepteur d’Aquitaine en la capitale du Poitou, et en firent le siège du Grand-prieuré d’Aquitaine pour leur ordre. L’Histoire continuait, une fois tournée la page troublante que fut le procès des Templiers.
Sources: Robert FAVREAU Sociétée des antiquaires de l’ouest et des musées de : Poitiers, Poitiers et Paris 1990

Notes
1. Pierre Dupuy, Traitez concernant l’Histoire de France, savoir la condamnation des Templiers, etc., Paris, 1654 (réédition 1751).
2. Etienne Baluze, « Vitae paparum Avenionensium.... » Paris, 1693, 2 volumes. (Réédition G. Mollat Paris, 1916-1922, 4 volumes).
3. F.-J. Raynouard, Procès et condamnation des Templiers d’après les pièces originales et manuscrites du tems servant d’introduction à la tragédie des Templiers, Paris, 1805, 116 pages.
4. Le procès des Templiers, Paris, 1841-1851, 2 volumes in-4° (Collection de documents inédits sur l’Histoire de France).
5. Edgard Boutaric, « Notices et extraits de documents inédits relatifs à l’histoire de France sous Philippe le Bel » dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque impériale, tome XX, 2e partie, 1862, page 83-237 : « Clément V, Philippe le Bel et les Templiers », Revue des questions historiques, 5e année, tome X, 1871, page 301-342, 6e année, tome XI, 1872, page 540.
6. Dr Konrad SCHOTTMULLER, Der Untergang des Templer-Ordens mil urkundlichen und kritischen Beitragen, Berlin, 1887, 2 volumes (le second volume est une édition de textes).
7. Dr Heinrich Finke, Papsitum und Untergang des Templerordens, Munster, 1907, 2 volumes (le second volume est une édition de textes).
8. Hans Prutz, Entwicklung und Untergang des Tempelherrenordens, Berlin, 1888 ; Roger et Anne-Marie Sève, Le procès des Templiers d’Auvergne (1309-1311). Edition de l’interrogatoire de juin 1309, Paris, 1986 (Mémoires et documents d’histoire médiévale et de philologie publiés par la Section d’Histoire médiévale et de philologie du Comité des travaux historiques et scientifiques).
9. La règle du temple, publiée pour la Société de l’Histoire de France par Henri de Curzon, Paris, 1886, page 80, S 87.
10. « Cartulaire de la Coudrie », édition L. DE La Routetiere, dans Archives historiques du Poitou, n, 1873, page 161, 163-164,
11. Gatlicarum militae templi domorum eorumque praecepiorum seriem secundum Alhonensia apographa in Bibliotheca nationali Parisiensi asservata. Par E.G. Leonard, Paris, 1930, page 97-111.
12. « Recueil de documents concernant la commune et la ville de Poitiers» tome I : de 1063 à 1327 », édition E. Audouin, Archives historiques du Poitou, 44, 1923, n° 39, page 78 ; n° 31, page 64.
13. Enquêtes administratives d’Alfonse de Poitiers, édition page Fournier et page Guebin, Paris, 1959, pièce 2, page 39 ; Layettes du trésor des Chartes, tome III, édition J. de Laborde, Paris, 1875, n° 3983, page 152 : « in domo nostra Pictaviensi, que fuit defuncti Sorunnet, site propre ecdesiam Sancti Leodegarii Pictaviensis. » Sur la localisation de l’église Saint-Léger, voir Gérard JarouSse.au, « L’ancienne église paroissiale Saint-Léger de Poitiers, », dans Bull. Soc. Antiquaires de Ouest, 5e série, tome I, 1987, page 201-208. La localisation des Templiers dans le haut de la Grand Rue est parfois avancée parce que Soronet y avait une maison en face de la porte de Saint-Etienne (bibliothèque municipale Poitiers, ms. 425 (105), fol. 52 r°) : il n’y est pas question des Templiers, et si ce fut une première installation au début du 13e siècle, la localisation devant l’église Saint-Léger est attestée en 1251 comme antérieure à la mort de Soronet.
14. Enquêtes administratives d’Alfonse de Poitiers, édition page Fournier et page Guebin, Paris, 1959, pièce 2, page 39 ; Layettes du trésor des Chartes, tome III, édition J. de Laborde, Paris, 1875, n° 3983, page 152 : « in domo nostra Pictaviensi, que fuit defuncti Soronnet, site propre ecdesiam Sancti Leodegarii Pictaviensis. » Sur la localisation de l’église Saint-Léger, voir Gérard JarouSse.au, « L’ancienne église paroissiale Saint-Léger de Poitiers, », dans Bull. Soc. Antiquaire Ouest, 5e série, I, 1987, page 201-208. La localisation des Templiers dans le haut de la Grand Rue est parfois avancée parce que Soronet y avait une maison en face de la porte de Saint-Etienne (bibliothèque municipale Poitiers, ms. 425 (105), fol. 52 r°) : il n’y est pas question des Templiers, et si ce fut une première installation au début du 13e siècle, la localisation devant l’église Saint-Léger est attestée en 1251 comme antérieure à la mort de Soronet.
15. Charles-Victor Langlois, « Le procès des Templiers », dans la Revue des deux mondes, tome 103, 1891, page 391 ; du même « L’affaire des templiers », Journal des Savants, 1908, page 421.
16. Le mémoire de J. de Molay a été publié par Georges Lizerand, le dossier de l’affaire des Templiers, Paris, 1923, page 2-15. (Les classiques de l’histoire de France au Moyen Age, direction L. Halphen).
17. Edgard Boutaric, « Clément V, Philippe le Bel et les Templiers », Revue des questions historiques, tome X, 1871, page 323-324, et surtout Edmond-René Lauande, « Clément V et le Poitou », Bull. Soc. Antiq. Ouest, 4e série, IV, 1957, page 14 et suivantes. Le pape avait rejeté la proposition du roi qui souhaitait Tours, et avait imposé Poitiers dont le climat, disait-il, était plus salubre.
18. Le procès des Templiers, 6d. J. Michelet, tome II, page 400.
19. Langlois, « Le procès des Templiers », page 398.
20. G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiers, tome II, page 16-25.
21. Jean Favier, Philippe le Bel, Paris, 1978, page 426-428.
22. Langlois, « Le procès des Templiers », page 401.
23. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, page 69 : « dixit quod XXV fratres dicti ordinis fuerunt mortui propter tormenta et pasciones » (Jacques de Sacy, templier de Troyes); tome I, page 36 : « triginta sex de dictis fratribus fucrant mortui Parisius per jainnam et tormenta, et multi alii in aliis locis » (Ponzard de Gisy).
24. Le roi de France avait déjà invité les princes à suivre son exemple, mais seuls le duc de Brabant et l’archevêque de Cologne avaient répondu à cette invite (Edgard Boutaric, « Notices et extraits de documents inédits relatifs à l’histoire de France sous Philippe le Bel », dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque impériale, tome XX, 2e partie, 1862, page 161-163).
25. G. Lizerand, Le dossier de l’affaire des Templiers, page VI; Favier, Philippe le Bel, page 450.
26. G. Lizerand, opuscule cité, page VI-VII et publication d’une série de ces pièces, page 84-109; Boutaric, « Notices et extraits », page 164-165, 175-181.
27. J. Delaville Le Roulx, « La suppression des templiers », Revue des questions historiques, tome XLVIII, 1890, page 37 ; Favier, opuscule cité, page 462.
28. H. Finke, Papsttum und Untergang des Templerordens, II, page 134, lettre de Jean de Bourgogne au roi d’Aragon.
29. Ibid., Il, page 140-150, n° 88; Lizerand, opuscule cité, page 110-125.
30. Lizerand, opuscule cité, page 124-137.
31. Finke, opuscule cité, II, page 152-153.
32. Alain Demurger, Vie et mon de l’ordre du Temple 1118-1314, Paris, 2e édition, 1989, page 301-304. Voir aussi Maicom Barber, The Trial of the Templars, Cambridge, 1978.
33. Finke, opuscule cité, II, page 332-333.
34. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, page 270 : « aliquamulum questionatus. »
35. Ibid., tome I, page 264.
36. Ibid., tome II, page 172.
37. Ibid., tome II, page 13 : « metu tormentorum »,
38. Ibid., tome II, page 210 : « propter carceris asperitatem et propter terrorem qui ab aliis quam... episcopo inferebatur eidem. »
39. Ibid., tome II, page 21 : « propter tormenta ei prius iUaia. »
40. Ibid., tome II, page 18 : « raetu tormentorum et propter minas. »
41. Ibid., tome II, page 15 : « ob vim multorum tormentorum prius illatorum eidem apud Sanctum Johannem Angeliacensem. »
42. A. Demurger, opuscule cité page 309.
43. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 211 (Hélie Costat); tome I, page 195 (Jean Langlais).
44. Ibid., tome I, page 194.
45. Ibid., tome I, page 266.
46. Ibid., tome II, page 236 : « precipiebatur quod eorum capellas bcne tenerent omatas » (Hugues de Gensac ou de Jenzat); II, page 201 : « precipiebatur eis per preceptores eorum quod ... ornarent capellas » (Guillaume de Soromine ou de Sermoya, de Sorolme).
47. La règle du Temple, édition Curzon, Paris, 1886, page 173, 286.
48. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, page 194; Le procès des Templiers traduit, présenté et annoté par Raymond OURSEL, Paris, 1955, page 108.
49. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 211 (Hélie Costat).
50. Ibid., tome I, page 267 (Humbert du Puy).
51. Ibid., tome I, page 268.
52. Ibid., tome II, page 213.
53. Ibid., tome II, page 10.
54. La règle du Temple, édition Curzon, page 164, 269 ; « Les frères chapelains doivent ouïr les confessions des frères; ne nul frère ne se doit confesser à autre part fors que à lui, par que il puisse avoir le frère chapelain sans congié. Car il en ont greignor pooir de l’aspostoile deaus assoudre que un arcevesque. »
55. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 103, 187, 213, etc.
56. Ibid., tome II, page 105.
57. Ibid., tome I, page 198-199 (15 avril 1310); I, page 268 (11 mai 1310); II, page 236 (19 mai 1311)
58. Ibid., tome I, page 273.
59. Ibid., tome I, page 227.
60. Ibid., tome II, page 105.
61. Ibid., tome II, page 15.
62. Ibid., tome II, page 209; I, page 227.
63. Ibid., tome I, page 199.
64. Articles 14-15, 46-57 du questionnaire en 127 articles.
65. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 203.
66. Ibid., tome I, page 199.
67. Ibid, tome I, page 212.
68. Ibid, tome II, page 190.
69. Ibid., tome I, page 224.
70. Ibid., tome I, page 224.
71. Jean Favier, Philippe le Bel, page 445.
72. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, page 193.
73. Finke, opuscule cité tome II, page 333 ; « dixit quod semper cinxit cordam et quod beatus Bernardus dédit eam ipsis. »
74. In règle du Temple, édition CURZON, page 110 (138) : « une sainturette petite qu’ils doivent ceindre sur la chemise. »
75. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 208 ; cf. aussi tome I, page, 106, tome II, page 213.
76. le procès des Templiers d’Auvergne..., édition Seve et Chagny-Sève, page 115.
77. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 350 et 360 (novembre 1307); K. Schottmuller, Untergang des Templer-Ordens..., tome II, page, 17 (déposition devant le pape à Poitiers, juin 1308).
78. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 360.
79. Ibid., tome I, page 196.
80. Ibid., tome II, page 7.
81. Ibid., tome II, page 215.
82. La règle du Temple, édition CURZON, page 337-347, page 191.
83. Ch.-V. Langlois, « Le procès des templiers », page 383.
84. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, p, 398-400; Raymond Oursel, Le procès des Templiers, page 23-28 (traduction de ces dépositions).
85. Finke, opuscule cité, tome II, page 326.
86. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, page 222.
87. Finke, opuscule cité tome II, page 318; Schottmuller, opuscule cité, tome II, page 16.
88. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 203.
89. Ibid., tome II, page 199-200.
90. Ibid., tome II, page 205-208.
91. Ibid., tome I, page 270 : Jean Bertrand, reçu à Charapgillon, refuse d’abord, puis est menacé d’être jeté « dans une fosse » ; ibid., tome I, page 222-223 ; Geoffroy de Thatan, reçu à l’Ile-Bouchard, est menacé « d’être placé en un lieu tel qu’il ne pourrait même voir ses pieds » ; ibid., tome II, page 203 : Guillaume Audenbon, reçu à Civrac, obtempère « propter infestationem eonim », Schottmuller, opuscule cité, tome II, page 17 : Pierre du Cloître dépose devant le pape qu’à sa réception, à Civrac le précepteur et trois frères, sur son refus, le prirent à la gorge et le jetèrent par terre, afin d’obtenir son reniement.
92. Le procès des templiers d’Auvergne, édition Sève et Chagny-Sève, page 130, « timoré perterritus licet dolore contrictus » pour Hugues de Jenzat, reçu au Fouilloux; Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 200 (« dolens »).
93. Ibid., tome II, page 187-188.
94. Ibid., tome II, page 205-207.
95. Ibid., tome II, page 8 et 14.
96. Ibid., tome I, page 224; tome II, page 201-235 : les trois frères appartiennent aux diocèses de Clermont, d’Angoulême, de Tours.
97. La règle du Temple, édition Curzon, page 200 (349) : « Le jor dou vendredi saint, luit li frère doivent aorer ta croiz o grant devocion et quant il vont à la croiz, il doivent estre nus piés. »
98. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 83.
99. Ch. V. Langlois, « Le procès des Templiers », page 389.
100. K. SCHOTTMULLER, opuscule cité tome II, page 17.
101. H. Finke, opuscule cité, tome II, page 318; Le procès des Templiers, édition, Michelet, tome II, page 350.
102. La règle du Temple, édition Curzon, page 345, § 675 : « Celui qui le fait frère le doit lever et baiser sur la bouche. Le frère chapelain le baise aussi. »
103. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 10, 201.
104. Ibid., tome II, page 20, 208.
105. Ibid., tome I, page 267-268 ; voir aussi la déposition de Jean L’Anglais (ibid., tome I, page 199-200).
106. Ibid., tome I, page 181 : « aliquando de die, aliquando de nocte » ; tome I, page 227.
107. La règle du Temple, édition Curzon, page 216, § 387.
108. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome II, page 8 : « disp lice bat multum. »
109. La règle du Temple, édition Curzon, page 189, § 326.
110. K. SCHOTTMULLER, opuscule cité, tome II, page 17.
111. Ibid., tome II, page 9, 20, 105. La règle du Temple, édition Curzon, page VI, qui parle de trois copies des XIIIe et XIVe siècle, conservées, à Rome, Paris, Dijon. Ch.-V. Langlois, « Le procès des templiers », page 389 parle de quatre exemplaires, de même que J. Delaville Le Roulx, « La suppression des templiers », Revue des questions historiques, tome XLVIII, 1890, page 60.
112. Ibid., tome II, page 213; ou tome II, page 12, Guillaume de Torrage. R. Oursel, Le procès des Templiers, page 70 ; Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, page 94.
113. Ibid., tome I, page 268. Ibid., tome II, page 204-207.
114. Ibid., tome I, page 199. Ibid., tome I, page 227 : « non erat peccatum acquirerc ordini per fas vel nephas, vel degerare protper predicta »
115. Ibid., tome II, page 9 : « multi ex eis erant superbi, et alios opprimemes, extorsiones ab eis facientes, per abusum litterarum apostolicarum et aliis modis. » H. Finke, opuscule cité, tome II, page 333.
116. Ibid., tome II, page 83 : « nimis erant elati multi ex eis, et per abusum litterarum apostolicarum vexabant multos. »
117. Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, p, 273. Ibid., tome II, page 12.
118. Ibid., tome II, page 400.
119. Ibid., tome II, page 360. K. SCHOTTMULLER, opuscule cité, tome II, page 17.
120. Alain Demurger, Vie et mort de l’ordre du Temple.., page 319. Voir aussi les templiers du diocèse de Tours, Le procès des Templiers, édition Michelet, tome I, page 61-62.
121. Ibid., tome I, page 274-275.
122. Noël Valois, (« Deux nouveaux témoignages sur le procès des Templiers », dans les Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1910, page 229-241.
123. J. Delaville Le Roulx, « La suppression des Templiers », page 59.
124. Jean Favier, Philippe le Bel, page 476-477.
125. J. Delaville Le Roulx, « La suppression des Templiers », page 41-48.
126. Documents inédits pour servir à l’histoire du Poitou, publiés par la Société des Antiquaires de l’Ouest, 1876, page 92-96.

Sources: Robert FAVREAU Sociétée des antiquaires de l’ouest et des musées de : Poitiers, Poitiers et Paris 1990

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