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Croisés Chartrains et Vendômois

En 1134, le vicomte Hugues et son épouse concèdent aux moines de la Trinité de Vendôme, entre les mains de l'abbé Fromond, tout ce qu'ils avaient reçu, soit de leurs ancêtres, soit d'autres bienfaiteurs, et leur confirment la possession de l'église de Saint-Pierre de Cormenon avec tous ses revenus et la terre des Perrières. Ils ajoutent la terre de Renaud Inforciati. Sur tous ces biens, ils ne retiennent d'autre droit que le passage des hommes des moines, et, s'il survient un procès, qui nécessite un duel, la cour se réunira à Mondoubleau. Si, le jour du marché, les hommes des moines vendent quelque chose, soit sur le marché, soit sur la voie publique, ils paieront la coutume ordinaire, tandis qu'ils ne devront rien pour ce qu'ils vendront en d'autres jours sur les terres des moines.
Cet acte, fait dans la forêt dite du Perche, en la maison des chevaliers du Temple, fut ensuite confirmé à Châteaudun par les enfants du vicomte : Hugues, Hubert ou Payen, Aupasie, Helvise et Mathilde.

Enfin les Templiers ayant concédé au vicomte et à ses héritiers l'aumône de Villejust, Hugues, d'accord avec son épouse et ses fils Geoffroi, Hugues et Payen, leur accorde tout le bois mort de ses forêts, provenant du chêne, du charme, du bouleau, du tremble, de l'érable et du marsaule, et le droit de conduire dans ses bois, pour y pâturer toute l'année, vingt de leurs vaches avec dix porcs qu'il pourront amener d'Arville (1).
1. Bulletins de la Société Dunoise, tome VII, page 390. Il m'a été impossible d'identifier les noms indiqués par cette charte. «... Scilicet domum de Sancto Charlesio, et vineas et ortum et id quod eis dedit in Chavenie (peut-être La Charmie entre la Sarthe et la Mayenne, dit l'abbé Métais) et pratum de escluso Alesclenchere et pratum de Querentain. » Les témoins étaient de la part des Templiers: « Frater Goerius, qui eodem tempore erat preceptor domus illius, frater Henricus de Charemo, fraterHermannus Drogonensis, frater Herchembaldus de Chatena, frater Galterius, frater Raginaldus, frater Guillelmus vineator. »

Quels étaient ces Templiers ? Il ne s'agit pas de la commanderie de la Boissière, établie en 1183 par Geoffroi de l'Isle dans une donation faite « avant que la commune de Châteaudun fût établie (2). »
2. « Antequam Gastriduni communia haberetur. » MANNIER, Commanderie du grand prieuré de France, page 143. La charte de commune de Châteaudun fut donnée en 1197. Voir Chartes octroyées par Louis Ier, publiées par POULAIN DE BOSSAY, et BORDAS, tome II, pages 313-317.

Mannier place cette charte du vicomte vers l'année 1180, sans apporter de preuve. Eustache le Chien, qui y est mentionné, « était maître du Temple sous le frère Gaudeffroy, vers 1172 (3) »
3. Ibidem n° 2.

En 1198, le vicomte ratifia la donation faite à l'abbaye du Petit-Cîteaux par son père. Le 12 octobre 1199, Geoffroi approuva le don de vingt sous de rente aux mêmes pauvres, accordés par Miles de Bar de la maison du Puiset ; un des témoins était son chapelain Hubert (3).
En cette même année, Geoffroi confirma la fondation de la commanderie de la Belle-Lande, située dans la paroisse d'Épuizé.

Au mois de juin 1205, voulant favoriser l'établissement des Templiers à Mondoubleau et mettre un terme aux difficultés qu'il avait eues avec eux, Geoffroi leur fait de grandes concessions, du consentement de son épouse. Il leur accorde le droit d'avoir dans leur maison un four à leur usage particulier, où ne pourront venir cuire leur pain les habitants de Ville-du-Temple qu'au cas de destruction du four banal ; de ramasser dans les forêts les fougères pour la nourriture de leurs bestiaux et pour celle de vingt vaches et dix porcs, qu'ils auront la liberté d'amener de la commanderie d'Arville ; de tenir une halle avec un marché, pour y vendre et acheter toutes les provisions de bouche : il leur interdit toutefois la vente des grains, chevaux, juments, ânes, bœufs, vaches, porcs, truies, béliers et brebis (4).
4. MANNIER, Commanderie du grand prieuré de France, page 147, et Bulletins de la Société Dunoise, tome VII, page 396.

Les Templiers de Beauchêne-lez-Matras éprouvent en cette même année une égale bienveillance de la part du vicomte. Cette maison, située dans la paroisse de la Chapelle-Vicomtesse, avait été fondée à la fin du XIIe siècle et construite dans une partie de la forêt de Vendôme (5). Geoffroi accorde aux frères et à leurs hommes le bois mort et la fougère, sans toutefois pouvoir conduire, dans la forêt du Bouchet, des boucs ou des chèvres.
5. Barthélémy de Vendôme avait cédé aux Templiers de Matras, en 1195, quatre charruées de terre, pour développer leur établissement. Archives Nat., S. 5001, 35.

Son épouse et ses enfants approuvent cet acte fait en perpétuelle aumône (6). Sept ans après, les Templiers abandonnent l'usage du bois vif et du panage dans cette même forêt du Bouchet, et le vicomte leur donne en compensation quarante-cinq arpents de bois à défricher, ne s'y réservant que le droit de chasse (7).
6. Bulletins de la Société Dunoise, tome VII, page 398.
7. Idiem, page 399. « Mihi autem et heredibus meis licebit sequi et capere in illo bosco cervum, bischiam, aprum, leam, caprum et capram. » Cet acte est du mois de mars 1212.


Au mois de juillet 1205, Jean, comte de Vendôme, et Geoffroi firent entre eux un accord au sujet du bois du Fay et de leurs droits respectifs sur Mondoubleau (8).
8. TARDIF, Monuments historiques, Cartons des rois, n° 735.

En 1207, Eude des Essarts donna aux moines de Tyron un muid de froment, un demi-muid d'avoine et deux sous de cens qu'il recevait sur la grange de Choudry ; Geoffroi confirma cette concession (9).
9. Cartulaire de Tyron, tome II, page 125.

En 1208, les Templiers de la Boissière éprouvent à leur tour la générosité du vicomte. Geoffroi confirme la donation, à eux faite par Robert Viator, d'une rente de deux setiers de blé à prendre sur son moulin du Vivier, pour être apportés chaque année in domo hospitalis Castriduni Les témoins sont : Guillaume, maître de la maison de Châteaudun, Gervais et Geoffroi, prêtres, et Robert, frère du dit hôpital (10).
10. MANNIER, Commanderie du grand prieuré de France, page 148.

Les Templiers de la Boissière se plaignaient de graves préjudices commis à leur égard (11). Le vicomte Geoffroi avait dérobé aux hommes du Temple deux chevaux, un char et trente sous ; non content d'avoir, contre tout droit, fait faucher et curer l'eau des moulins, détruire les anciennes voies et les chemins conduisant de la Boissière à Mondoubleau, Arville et Châteaudun, il avait jeté en prison les ouvriers qui creusaient les fossés des Templiers, et vendu ou arraché les bois où les frères conduisaient leurs bestiaux. Ne pouvant obtenir réparation de ces dommages, les Templiers s'adressèrent au Pape, qui nomma juges de la cause l'abbé de Sainte-Geneviève et le prieur de Saint-Eloi de Paris, et ces derniers condamnèrent le vicomte à 80 marcs. Mais Geoffroi refusa de payer une somme aussi considérable, qui était bien supérieure au préjudice causé.
11. Cette année 1218, Geoffroi approuve une donation par Richard Harenc, des planches, planchas, qu'il avait à Châteaudun, touchant à la prairie des Templiers de la Boissière. MANNIER, Commanderie du grand prieuré de France, page 148.

Alors le pape Honorius III, par une bulle datée d'Anagni, le 3 des calendes de juin 1216, confirma l'excommunication prononcée par l'abbé de Sainte-Geneviève. Dans une charte du mois de mars 1217 (v. s.), Jean de Toucy récapitula tous les griefs des Templiers et condamna le vicomte par contumace. Enfin Geoffroi fut obligé de reconnaître ses torts et remit les choses en l'état précédent par un accord daté du mois de novembre 1218 (12).
12. M. l'abbé Métais, qui a publié ces chartes (Bulletins de la Société Dunoise, tome VII, pages 401-403) les attribue à Geoffroi V ; il n'a pas fait attention que celle de 1218 mentionne la vicomtesse Alice, femme de Geoffroi IV. Il s'agit donc bien de ce vicomte et non de son fils, qui épousa Clémence.

CROISÉS CHARTRAINS ET DUNOIS DOCUMENTS INÉDITS
Le pays chartrain et dunois a donné les plus vaillants de ses fils aux héroïques expéditions de Terre-Sainte. A côté des comtes Etienne et Louis, de l'intrépide Foucher ou Boel, qui monta le premier sous les murs d'Antioche (1098), du docte historien Foucher de Chartres, chapelain du roi Baudouin, ils sont nombreux les preux chevaliers qui, généreusement, sont allés verser leur sang pour racheter le tombeau du Christ, et plus tard pour conserver cette précieuse conquête.
La liste en est déjà longue, mais non complète. Les documents publiés chaque jour par les sociétés savantes nous font connaître des noms souvent ignorés jusqu'ici.
Quand enfin les cartulaires de nos grandes abbayes seront édités, il sera possible peut-être, mais seulement alors, de faire un travail d'ensemble, de réunir en un seul faisceau cette noble légion dispersée partout depuis des siècles.

Le cartulaire de Josaphat sera précieux sous ce rapport ; mais il est une autre source dans nos Archives nationales non moins féconde, et plus ignorée : les titres et diplômes de l'ordre des Templiers, croisés plus généreux encore, qui, par un vœu perpétuel, se consacraient à une lutte sans fin et à une mort toujours violente et héroïque.
Les prieurés de Sours et d'Arville surtout furent importants dans le diocèse de Chartres, et nous avons trouvé parmi les titres qui les concernent plusieurs pièces d'un véritable intérêt.

GUILLAUME, VIDAME DE CHARTRES
Souchet, dans son Histoire du diocèse de Chartres, relate longuement le départ des croisés en 1201 et 1202, et la prise de Constantinople en 1204.

Fils de Guillaume II de Ferrières (mort avant 1180) et de Marguerite (dont rien ne nous indique la famille), en fut un des héros (1) et non la moins noble victime. Il tomba malade sous les murs de Constantinople, dit notre charte, mais avant de mourir il voulut confirmer et amplifier les aumônes faites autrefois au siège de Saint-Jean d'Acre, par la donation d'un second muid de blé sur sa grange de Generville. Il suivait en cela le conseil de deux compagnons d'armes, Gervais de Châteauneuf et Guillaume de Gouttes (2).
1. Guillaume de Ferrières, son aïeul, avait accompagné en Terre-Sainte Etienne, comte de Chartres, avec Raoul de Beaugency et Ébrard du Puiset (1097). (Historiens occidentaux des Croisades, IV, page 33.)
2. Souchet avait mal lu et l'appelle à tort Guillaume Courtois.


De ce document, que nous analysons sommairement, nous pouvons tirer une double déduction.
Guillaume avait donc fait partie d'une première expédition et avait combattu au siège d'Acre. Cette première expédition doit remonter à 1190 (3). Plusieurs autres chevaliers chartrains y assistèrent aussi et « quantité d'entre eux moururent en ce siège :
Robert comte de Dreux
Thibaud comte de Blois et de Chartres, qui décéda de la dysenterie
Estienne comte de Sancerre, son frère
Guillaume de Ferrière
Gilbert de Tillières
Et autres nobles, tant de notre quartier que des pays circonvoisins, y finirent leurs jours »
Philippe et Foucher de Fréteval firent aussi partie de cette expédition, et tous deux étaient de retour en 1196 (4).
3. Voir Pièces justificatives, n° I.
4. Cartulaire Blésois, introduction.


Guillaume de Ferrières, vidame de Chartres, n'y mourut pas comme le dit Souchet, mais revint dans sa patrie, où nous constatons sa présence maintes fois.

En 1196, il approuve avec son frère Jean la donation faite par l'aîné de la famille, Robert, vidame, de 20 sols de cens sur le châtelet à Chartres en faveur des lépreux de Beaulieu. Parmi les témoins se trouve Pierre de Villebeton, que nous aurons à signaler plus loin.

La même année, il signait encore avec Isabelle et Hélisende ses sœurs (1) la charte de son second frère, Jean, fondant l'anniversaire de Robert, vidame, l'aîné de la famille, dont le décès doit être fixé à cette même année. (Cartulaire de Josaphat)
1. Une troisième sœur, Marguerite, était déjà religieuse à Belhomert.

Vers la même époque, il approuve encore l'aumône de Rainaud de Mongerville en faveur de l'abbaye de Josaphat (Cartulaire de Josaphat)

En 1201, son frère Jean, vidame, était mort. Suivant une pieuse tradition de famille, il s'empresse de faire largesse à l'abbaye de Josaphat pour l'âme du défunt. Sa femme Mabile, fille de Milon de Lèves et de Berthe du Bois, approuva cette générosité.

En mai 1202, il se prépare à partir de nouveau en croisade. De l'assentiment de son épouse, Mabile, en présence d'Ansel de Passy (2), de Robert de Tachainville, ses beaux-frères, et de leurs femmes ses soeurs, il fonde un premier anniversaire solennel pour tous les membres de sa famille et pour lui, et dans ce but donne à la Léproserie de Beaulieu 10 sols de rente sur ses biens à Chartres, et un second dans la cathédrale de Chartres moyennant dix sols de rente sur le moulin du vidame (3).
2. Époux d'Isabelle. C'est la seule indication de cette alliance. Cartulaire de Beaulieu.
3. Cartulaire de N. D. II, page 10.


Déjà, il avait pris de nouveau la croix « cruce signatus », et allait partir, mais il voulut avant tout se réconcilier aussi avec les religieux de Saint-Père : repentant des violences commises sur les vassaux du monastère à Tréon, il reconnut la franchise de leur pressoir et leur fit remise de dix deniers de cens sur certaines vignes (4).
4. Cartulaire de Saint-Père, page 667.

Rendu en Orient, Guillaume aurait fait partie d'une expédition secrète que Villehardouin mentionne ainsi :
« Un grand baron de France, nommé Regnaud de Montmirail, fit tant par l'entremise du comté de Blois qu'il fut député et envoyé en ambassade en Syrie, sur l'un des vaisseaux de la flotte, ayant juré et promis sur les saints évangiles que quinze jours après que luy et les chevaliers qui l'accompagnoient seroient arrivés et auroient achevés leurs affaires, ils se rembarqueroient pour retourner au camp. Et sur cette promesse, il en partit, et avec luy Henri de Castel (ou Chastel), Geoffroy de Baumont, Jean de Froieville (ou Fretteville), Pierre son frère et plusieurs autres. Ils tinrent néantmoins mal leur serment et ne retournèrent plus en l'armée (1). »
1. Histoire de Constantinople, page 39. Paris, 1657.

Ces graves accusations de l'illustre historien se trouvent heureusement réfutées par le document que nous allons analyser. Le vidame de « Chartres, Guillaume, fut témoin du siège de Constantinople en 1204. Y a-t-il combattu ? Nous aimons à le croire ; toutefois, il n'eut pas la gloire de mourir les armes à la main, mais au lit, malade, il vit arriver avec calme l'heure du trépas, et, ses dernières dispositions prises, il voulut mourir sous l'habit des Templiers et se faire recevoir au nombre des confrères de l'Ordre, afin de participer après sa mort à leurs mérites et à leurs prières (2). Jamais les Templiers n'auraient admis un traître dans leurs rangs.
2. Voir Pièces justificatives, n° II.

La charte est datée du mois d'avril. Constantinople avait été pris le 13 avril, le couronnement de Beaudouin eut lieu le 23 mai. Le moribond a-t-il pu se réjouir de ces deux triomphes ?

L'expression « accedens Constantinopolim » peut nous en faire douter, il était auprès de la ville, et n'y avait point pénétré, du moins la ville n'était pas prise quand la charte fut libellée.

Le nécrologe de Notre-Dame au 29 avril marque l'obit d'un Guillaume, vidame de Chartres ; nous ne sommes pas éloigné de l'identifier avec notre héros. La coïncidence de sa maladie au mois d'avril, et de la date de cet obit, semble nous y autoriser. En ce cas, Guillaume serait mort le 29 avril 1204.

La charte est scellée du sceau original de Guillaume ; Gaignières l'avait copié au bas de la charte de Saint-Père (mss. 5417, folio 49). C'est un sceau équestre tourné à gauche. Le chevalier est revêtu de sa cote-maille, tient l'épée haute à la main droite et de la gauche son bouclier armorié d'une bande à l'orle de merlettes. Ces armoiries se trouvent aussi au contre-sceau ; la légende est à moitié effacée, † S. WILL VICE Notre chevalier avait donc emporté avec lui en Orient la matrice de son sceau. Nous le reproduisons en face de la charte.

Une particularité remarquable est à signaler ici. L'administration du vidame fut confiée à Robert de Tachainville, beau-frère du vidame Guillaume, soit pendant l'absence et avant la mort de ce dernier, soit pendant le veuvage de Mabile. Une charte du fonds de Notre-Dame (1), l'unique document qui nous révèle ce fait, n'est pas assez précise sur les circonstances qui l'ont motivée, car elle est datée du mois de janvier 1205 (n. s. 1206). La mort du croisé devait alors être connue à Chartres ; Guillaume, sans héritier mâle, avait-il lui-même pris cette mesure de prudence avant la croisade, ou bien sa veuve, Mabile, a-t-elle confié le gouvernement de la vicomté à son beau-frère, jusqu'à ce qu'elle eût contracté une nouvelle alliance ? Elle convola en effet à de nouvelles noces avant 1210 avec Hugues, fils de Nivelon de Fréteval, qui devint par ce mariage vidame de Chartres. Il signe en effet, en cette même année 1210, une charte de Josaphat à côté de sa femme Mabile, et une autre de la Trinité de Vendôme datée de 1214 (2).
1. Voir Pièces justificatives, n° III.
2. Cartulaire Blésois, Introduction, notes 223, 224 et 253.


On attribue à Guillaume de Ferrières et à Mabile une fille nommée Hélisende (3) qui aurait été l'épouse de Geoffroy de Meslay. Nous connaissons deux Geoffroy de Meslay, l'un frère de Hugues, l'autre fils aîné du même Hugues. Cette Hélisende aurait donc épousé soit le frère de son beau-père, soit son frère utérin. Ce dernier cas est impossible et l'autre peu probable. La femme de Geoffroy, frère de Hugues, est bien citée dans une charte de Josaphat sous le nom d'Hélisende, mais rien ne fait supposer qu'elle soit la fille de Mabile et de Guillaume de Ferrières.
3. Mémoires de la Société archéologique de Chartres, tome X, page 86, note 5.

On appuyait, il est vrai, sur cette filiation, le transfert du vidame dans la famille de Meslay ; mais, nous l'avons vu, c'est Mabile, veuve de Guillaume, par son mariage avec Hugues, et non sa prétendue fille Hélisende, épouse de Geoffroy, qui a été l'anneau de transition. Ce dernier fait reste vrai, même si l'on admet que le mariage d'Hélisende fut antérieur (1207) aux secondes noces de Mabile.

Il existe cependant un doute sur la mort de Guillaume en 1204, doute que M. Lefèvre exprime ainsi : « La preuve est loin d'être complète, et si nous voyons en 1217 un grand maître des Templiers nommé Guillaume de Chartres, ne sera-t-il pas permis de penser que le vidame, enrôlé dans la milice du Temple en 1204 et relevé de la maladie qui avait menacé ses jours, fut dans les années suivantes choisi pour remplir la première dignité de l'ordre ? Quoi qu'il en soit, le grand maître Guillaume de Chartres suivit le roi de Jérusalem en Egypte et mourut à Damiette des suites de la peste, en 1219 (1). »
1. Annuaire de 1857, page 179.

La réponse nous semble facile. Si Guillaume eut vécu encore en 1210, Mabile n'aurait pu convoler en secondes noces avec Hugues de Meslay, du vivant de son premier mari.

D'ailleurs, l'admission de Guillaume comme Templier ne pouvait se faire qu'à l'article de la mort, in extremis, précisément à cause de son mariage avec Mabile.
Le Temple agissait dans cette circonstance dans les mêmes conditions que l'ordre bénédictin. Le mourant était revêtu de l'habit religieux pour l'affilier à l'ordre et le faire jouir des privilèges spirituels et participer aux bonnes œuvres et aux prières de tous les membres. En cas de guérison, le mari devait retourner au domicile conjugal, ou la femme se faire moniale.

Enfin, le grand maître du Temple, du nom de Guillaume de Chartres, est bien connu, il appartient à la célèbre famille de Chartres, et nous le trouverons plus loin en 1218.

La première donation de Guillaume, en faveur des Templiers, aurait été faite en Syrie, au siège de Saint-Jean-d'Acre, vers 1190, en présence de plusieurs témoins qui sont autant de croisés que nous devons placer ici au premier rang.

II — PHILIPPE DE MONDOUCET,
GERVAIS DE CHATEAUNEUF, GUILLAUME DE COUTTES

C'est d'abord PHILIPPE DE MONDOUCET, d'une famille percheronne. Ses ancêtres Philippe et Viard étaient les fidèles du comte de Nogent, Rotrou, et se trouvaient à ses côtés à la confirmation des privilèges de l'abbaye de Saint-Denis, vers 1160.

Notre croisé était fils de Jean de Mondoucet, et lui-même fidèle de Rotrou IV. Quand celui-ci, sur le point de partir en croisade, fonda l'Hôtel-Dieu de Nogent-le-Rotrou, le seigneur de Mondoucet, voulant coopérer à cette pieuse fondation, et pour le salut de son âme, donna un cens de 16 deniers sis au tertre de Croisilles et au pré du Buton, le 1er janvier 1182. Les armes des Mondoucet, six bandes semées de croix, doivent remonter aux croisades.
Les autres témoins sont Raoul Poitevin et Garin de Follet, et un autre Garin dont nous n'avons pu lire le prénom.

La seconde donation, ou plutôt le testament de Guillaume, fut rédigé en présence de deux personnes plus connues : GERVAIS DE CHATEAUNEUF, de l'illustre famille des seigneurs de Châteauneuf en Thimerais, qui s'était croisé avec Louis, comte de Blois et de Chartres, en 1199.

GUILLAUME DE GOUTTES
Le digne ancêtre du valeureux page de Jeanne d'Arc, s'était enrôlé le même jour au rang des plus nobles chevaliers. Il est d'ailleurs le premier de sa famille qui paraisse dans les rangs de la noblesse chartraine. D'après une charte de la Léproserie de Beaulieu, il avait un fief près de Saint-Martin-au-Val, et en qualité de seigneur féodal il approuvait une vente faite aux lépreux par Ive de la Porte-Morard en 1189.

III — GRAU ET PIERRE DE BAPAUMES
HUES DE VALLIÈRES, PIERRE DE VILLEBETON
PHILIPPES DES LANDES ET GUILLAUME DE BUSCHAT

1191. Après Guillaume, vidame de Chartres, et ses deux illustres compagnons d'armes, Gervais de Châteauneuf et Guillaume de Gouttes, vient toute une phalange de preux chevaliers moins connus, mais non moins dévoués à la cause du Christ.

Dévouements ignorés peut-être jusqu'à ce jour, car nous croyons être le premier à inscrire leurs noms dans le livre d'or des croisades ; et nous regrettons vivement le silence de nos chartes, qui ne nous révèlent aucun de leurs héroïques exploits.

C'est dire beaucoup à leur louange, cependant, que de prouver qu'ils ont quitté leur famille et leur patrie pour combattre la barbarie sur les plages lointaines de l'Orient, et y faire triompher, avec la croix, la civilisation chrétienne.

Par ordre de date, nous trouvons, en 1191, GRAU DE BAPAUME (1)
Il était alors au siège d'Accon ou d'Acre, mieux connu sous le nom de Saint-Jean-d'Acre, quand, rempli d'admiration pour les exploits des Templiers, il leur donna douze deniers sur son château-fort de Valennes, en plus des douze déjà donnés par son père. L'acte fut passé en présence et du consentement de son frère PIERRE, qui l'avait suivi en Orient (2). Grau a scellé la charte de son sceau : fascé de cinq pièces chargées les unes et les autres de fleurs de lis au pied coupé. Les témoins de cette donation sont naturellement des croisés liés avec les donateurs par des relations d'amitié et de voisinage.
1. Nous avouons notre ignorance sur l'origine certaine de ce chevalier et ses ancêtres. Bapaume est un fief de l'arrondissement de Châteaudun, commune de Thiville.
2. Pièces justificatives, n° IV.


HUES DE VALLIÈRES (3)
Chevalier du pays dunois, nous est connu par les Archives de la Maison-Dieu de Châteaudun, qui nous le montrent, en 1186, approuvant le don de la dîme de Porcheronville (chartes XXVI et XXVII), et en 1195, témoin d'une charte du comte Louis, de Blois ; il était revenu heureusement de sa lointaine expédition.
3. Vallières, fief, commune de Saint-Denis-les-Ponts, vassal de Montigny-le-Gannelon ; ou Vallières, communes de Civry et de Nottonville.

PIERRE DE VILLEBETON (4)
Est inscrit dans le Cartulaire Blésois de Marmoutier, charte CXXXXIX, CXC et CCII, datées de 1194 et 1202, comme un des chevaliers de Louis, comte de Blois ; il était revenu sain et sauf en France dès 1193, car en cette année, il est témoin dans une charte du comte Thibaud, en faveur de Saint-Jean-en-Vallée (5).
4. Fief commune du Mée (Eure-et-Loir).
5. Un de ses descendants, Jean de Villebeton, paraît avec un Robert de Bapaume dans une charte en faveur de l'abbaye de l'Aumône ou du Petit-Cîteaux, datée de 1216.


PHILIPPE DE LANDES
Peut-être seigneur du fief de ce nom en Beauvilliers, ne nous est pas autrement connu, pas plus que GUILLAUME DE BUSCHAT (6). 6. Voir Pièces justificatives, n° IV.

IV — YVES ET ROBERT DE COURVILLE
Le Cartulaire de Notre-Dame, tome I, page 225, nous avait appris que YVES III DE COURVILLE avait accompagné Louis, comte de Chartres, partant pour la croisade en 1202 ; la charte (1) que nous analysons, le montre avec son frère ROBERT au siège de Saint-Jean-d'Acre en 1191.
Il donne aux chevaliers du Temple 100 sols sur le péage de Courville, et un bourgeois de la même ville nommé Robert Enout. Son frère Robert, qui était présent, l'avait encouragé dans cet acte de pieuse munificence et l'avait confirmé de son sceau.
Yves n'avait pas le sien, mais il fit comparaître comme témoins plusieurs croisés et non des moins illustres : l'évêque de Beauvais, le comte Robert, l'évêque de Foret, Raoul de Rucoire et Escorfauz, Hubert et Robert Mordenz.
1. Pièces justificatives, n° V.

Le sceau de Robert de Vieux-Pont nous a été conservé par Gaignières, mss. 5417, folio 99, pendant sur laz de soye verte, à une charte de 1202 approuvant le don de Jean de Friaize d'un droit de voirie en faveur de l'abbé de Saint-Père. Son bouclier porte 10 annelets posés 3, 3, 3 et 1. Les sceaux de ses ancêtres n'en portaient que six, 3, 2, 1 ; par exemple celui de Guillaume son père, conservé dans le mss. 10103, folio 95

Celui de Yves est conforme au précédent. Gaignières le dessine en entier dans son manuscrit 54412, folio 67, et une seconde fois page 155, au bas d'un acte daté de 1190. Yves ne l'avait point emporté en croisade et dut emprunter celui de son frère.

V — THIBAUD DE DANGEAU
Est peu connu, Son existence nous avait cependant été révélée par deux actes des Archives de l'Hospice de Châteaudun, série A, n° 3, 6, 7, et B, 648, datés de 1214, publiés par M. de Belfort dans les Archives de la Maison-Dieu de la même ville, chapitre CI et CIV, par lesquels il confirme le don de Simon Garrel, de plusieurs terres sises à Molière, commune de Saint-Christophe.
En mars 1213, il avait eu soin de faire rendre justice aux religieux de Josaphat et de Grandmont et aux moniales de Saint-Avit par le chevalier Nivelon de Marcel.
Il prit la croix et se trouva en 1218 au siège de Damiette (1).

Le 11 novembre, il donnait aux chevaliers de l'Hôpital vingt sous de rente à la fête de saint Remy sur le péage de Dangeau. Son fils aîné, Bernard, l'accompagnait et approuva par un acte spécial la donation de son père (2).
1. Pièces justificatives, n° VI.
2. Pièces justificatives, n° VII.


Thibaud avait appendu son sceau équestre en cire blanche sur soie rouge et blanche. Il n'en reste qu'un tout petit fragment sur lequel on distingue le bouclier armorié du chevalier. Il nous semble y avoir aperçu un pal, peut-être deux. Cette incertitude est d'autant plus regrettable qu'on ne connaît pas les armoiries de cette première famille des seigneurs de Dangeau.

VI — GUILLAUME ET ÉBRARD DE CHARTRES
ET GEOFFROY DE BURY 1218.

La généalogie des membres de la famille DE CHARTRES n'a pas encore été suffisamment établie, ni assez soigneusement dressée, pour que nous puissions faire ressortir la personnalité de ce nouveau croisé. Nous le suivons cependant dans quatre actes en faveur des Templiers.

Thibaud, comte de Blois, avait donné, en 1187, à Robert de Chartres, un fief à Bouville, avec un droit d'avenage à Gellainville, antérieurement possédé par Raignaud de Rouvray ; sauf, toutefois, la fontaine de Saint-Martin et le fief de Geoffroy de la Gaudaine (3).
3. Pièces justificatives, n° VIII.

Ce même Robert stipule, dans un autre acte de 1193, qu'il avait disposé d'un cens annuel de 100 sols sur le Châtelet à Chartres, pour le mariage de sa sœur ; il ignorait alors que son frère Guillaume, qui s'était fait chevalier du Temple pour aller combattre dans les pays d'outre-mer, avait donné au jour de son entrée dans l'ordre cette même rente à ses nouveaux compagnons d'armes ; à cette nouvelle, il s'empressa de la remplacer par trois arpents et trois bouvées de terre à Bucé et 20 sous de rente sur le Muret, à Chartres. Il apposa sur le parchemin son sceau rond armorié de deux fasces, avec cette légende : † S' ROBERTI : DE CARNOTO (1).
1. Pièces justificatives, n° IX.

Deux ans plus tard, avec l'approbation du comte Louis, son bienfaiteur, Robert offrait la terre de Bouville aux Templiers. Il nomme dans l'acte sa femme Aveline, ses fils Thibaud et Guillaume, et ses filles Geneviève et Julienne. La pièce est datée de Belhomert, en 1195, et a été rédigée par Thibault, chancelier du comte (2).
2. Pièces justificatives, n° X.

L'un de ces fils, Guillaume, prit la croix, et se trouvait en 1218 au siège de Damiette avec plusieurs chevaliers chartrains. C'est là qu'il fit rédiger l'acte de donation pure et simple de 40 sols de rente sur son censif à Chartres, en faveur des Templiers de Sours, à charge de faire célébrer chaque année son anniversaire dans leur chapelle, le lendemain de la Saint-Martin (3). 3. Pièces justificatives, n° XI. Guillaume de Tyr nous apprend qu'un des assistants au couronnement de Jean de Brienne, en 1218, était « le maistre dou Temple Guillaume de Chartres » (Historiens occidentaux des Croisades, II, page 311). Il avait aussi pris part au Parlement d'Aire : « Guillaume de Chartres, maistre dou Temple. »
(Ibidem, page 323). Guillaume aurait succombé à l'épidémie causée par l'inondation du Nil, au siège de Damiette, où notre charte le montre faisant sa dernière donation, cette même année 1218.

Il y fit apposer son sceau qui est équestre, le cavalier portant l'épée à la main droite et le bouclier armorié à la main gauche ; l'écu est chargé de deux fasces et sur le tout une bande chargée de trois ou quatre annelets.

Il fit signer la charte par Gilon le chapelain et par deux chevaliers croisés comme lui et combattant sous les murs de la ville assiégée ; l'un, son frère sans doute, ÉBRARD DE CHARTRES, qui, en 1226, amortissait, avec son aîné Guillaume, et Renaud et Robert ses deux autres frères, la terre de Panthoison en faveur des religieuses de l'abbaye de l'Eau ; ils revinrent donc l'un et l'autre de cette lointaine et dangereuse expédition.

GEOFFROY DE BURY
Autre signataire de la charte, est bien connu, grâce au savant travail de M. H. de La Vallière intitulé Bury ; c'est le quatrième seigneur de cette importante forteresse des environs de Blois ; il revint également dans sa patrie et mourut en 1253 (1). Malheureusement, la charte ne nous donne pas les noms des nombreux témoins « testibus... multis aliis » qui assistaient nos valeureux compatriotes.
1. Opuscule cité, pages 16 et 17, et charte de Bourg-Moyen datée du mois d'août 1253.

VII — GUILLAUME D'ORROUER
Les nobles châtelains d'Orrouer (canton de Courville) sont bien modestes, mais ils ne furent pas les derniers à se ranger sous la bannière de la Croix. En 1147, Robert d'Orrouer était inscrit l'un des premiers parmi les croisés chartrains. Un de ses descendants, GUILLAUME d'ORROUER, suivit son héroïque exemple. Avant de partir pour Jérusalem, il avait donné aux Templiers, s'il venait à mourir pendant la Croisade, trois arpents de vigne près Montmirail, et une métairie appelée la Butardière. Alix de Fréteval, vicomtesse de Châteaudun, leur contesta la paisible jouissance de ce bien, et le pape dut nommer des juges pour terminer le différend. L'accord fut conclu en 1235 (2).
2. Pièces justificatives, n° XII. BULLETIN, tome VIII 15.

La fâcheuse prévision de l'intrépide chevalier s'était donc réalisée, puisque les Templiers avaient été mis en possession de son bien. Saluons donc ici un des glorieux martyrs de la noble cause de la religion chrétienne et de la civilisation française.

Cette liste des croisés n'est pas close. A ceux qui aiment les antiques gloires de leur patrie de nous aider à la compléter. Le dévouement héroïque de nos ancêtres ne doit pas rester plus longtemps dans l'oubli ; à nous leurs descendants incombe le devoir strict de leur rendre justice et de glorifier leurs noms.

SCEAU DE GUILLAUME DE FERRIERES
Dessin de M. Paul de Tarcy, d'après un moulage pris sur l'original par les soins du Directeur des Archives nationales. BNF

PIECES JUSTIFICATIVES BNF

Sources : Charles Métais. Bulletin de la Société dunoise : archéologie, histoire, sciences et arts, tome VIII. Châteaudun 1896 BNF

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