Le Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Front Sud Ouest - Image
Gregor Hermans
La forteresse se dresse à 650 mètres d'altitude au-dessus d'une plaine verdoyante, la Boquée, faisant partie d'une vaste vallée d'une vingtaine de kilomètres de large, la « trouée de Homs », qui sépare à la hauteur de cette ville deux grands massifs montagneux, au Nord le Djebel Ansarieh dont le Crac couronne le dernier contrefort méridional, et au Sud l'extrémité de la chaîne du Liban. Cette vallée est parcourue du Nord au Sud par le Nahr el Kebir et celui-ci, à l'approche des monts libanais, tourne à l'Ouest pour s'engager dans l'immense et fertile plaine d'Akkar qui s'épanouit en éventail vers la mer depuis le voisinage de Tripoli jusqu'à Tortose.
En face du Crac, droit vers le Sud, à 25 kilomètres de distance, par delà la plaine et le fleuve, se trouve une autre position fortifiée, le petit château d'Akkar perché à 700 mètres sur un étroit piton formant l'ultime ressaut du Liban.
Ainsi le Crac et le fort d'Akkar, plantés sur deux éminences, gardaient solidement ce large couloir qui aurait offert un accès facile à des armées musulmanes partant de Homs et de Hama.
Depuis l'Antiquité des routes importantes passaient là, mettant en relation la vallée de l'Oronte avec le littoral ; au temps des croisades elles faisaient communiquer, pour les besoins du commerce qui était intense entre Musulmans et Francs, les villes arabes avec les cités chrétiennes de Giblet (Byblos), de Tripoli et de Tortose.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Front Nord-Est - Image O-Spice
Tout en investissant Tripoli, Raymond de Saint-Gilles faisait des incursions à l'intérieur du pays et notamment dans la haute vallée du Nahr el Kebir.
Rappelons qu'alors qu'il descendait à la fin de janvier 1099 vers Jérusalem avec ses troupes toulousaines et provençales il s'était attaqué à un château de montagne tenu par des guerriers Kurdes à la solde de l'émir de Homs. Il les en avait chassés, puis après s'y être reposé une dizaine de jours reprit sa route. Ce château Kurde (Hosn el Akrad) devait devenir le Crac des Chevaliers.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Front Est-Nord - Image Charles Lansu
Quant au château des Kurdes, Tancrède s'en empare en 1110.
Ce prince qui s'était couvert de gloire à la première croisade continuait depuis plus de dix ans en Terre sainte son activité belliqueuse et grâce à lui la puissance franque en Orient s'était considérablement fortifiée. On voit Tancrède parcourir en combattant presque tous les territoires qui constitueront les états francs d'Orient. Après avoir fait preuve d'une audace folle en réussissant la conquête de toute la Galilée avec 80 chevaliers, il va défendre Antioche menacée, puis on le trouve dans le comté d'Édesse. Il va conquérir des places fortes au delà de l'Oronte entre Antioche et Alep. Sur la côte il enlève Lattaquié, Djebelé, Banias, et prend part à l'assaut final qui livre Tripoli aux Francs.Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Front Sud
Le Crac est donné aux Chevaliers de Hospitaliers
Le comte le remet à un de ses vassaux, mais trente ans plus tard, en 1142, le comte Raymond, arrière-petit-fils de Raymond de Saint-Gilles, pauvre de ressources et pauvre d'hommes d'armes, le confie par un acte solennel à l'Ordre de l'Hôpital, mieux que lui en mesure d'y entretenir une importante garnison.Crac des Chevaliers
Blason des Hospitaliers de Saint-Jean
Wilbrand d'Oldenbourg, voyageur allemand qui parcourut la Syrie vers 1212, nous apprend qu'en temps de paix la garnison se composait de 2000 combattants.
Des forts et des postes d'observation se dressaient autour du Crac, en assurant la défense avancée ; des forts s'élevaient aussi en arrière dans la plaine côtière pour les protéger contre des razzias, au cas où des forces ennemies se seraient infiltrées sur le territoire du comté de Tripoli.
Si le Crac était bien situé du point de vue militaire, il faut aussi noter qu'il dominait une contrée d'une extraordinaire fertilité qui devait procurer des ressources de toute nature à sa garnison. Les Hospitaliers qui s'y installèrent en 1142 avaient de nombreux « casaux » (métairies) dans le voisinage, tant dans la plaine de la Boquée au pied de l'éminence que couronne le Crac que dans la plaine d'Akkar.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image de Watchsmart
Sous les murs mêmes de la forteresse à petite distance à l'Est se trouvent trois villages très rapprochés qui devaient exister au temps des croisades ; l'un d'eux garde les vestiges d'une église romane. Les villageois indigènes travaillaient pour le service et l'approvisionnement de la garnison.
Le château repoussa maints assauts et maintes fois l'ennemi vint l'assiéger ou faire des incursions dans la Boquée (1115, 1163, 1167, 1180, 1188, 1205-1206, 1207-1208, 1218, 1238-1239, 1252, 1267, 1270, 1271). Maintes fois aussi il servit de gîte d'étape aux croisés en campagne ou de lieu de concentration aux contingents des princes chrétiens qui tentaient de s'emparer de Homs ou d'exécuter un raid en territoire ennemi.
Ainsi le Crac fut le point de départ de plusieurs expéditions (1163, 1170, 1174-1175, 1203, 1204, 1205, 1207, 1208, 1229, 1230, 1233).
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Des tremblements de terre ébranlèrent à plusieurs reprises la Syrie et les chroniques parlent de forteresses franques gravement atteintes. Ceux de 1157, 1170, 1201 et 1203 furent très violents et le Crac est mentionné parmi les monuments éprouvés. Les ruines que causèrent ces séismes obligèrent les Francs à de nouveaux travaux de construction, et ceux-ci donnaient l'occasion de perfectionner les défenses. En effet, dans leurs fréquents assauts de forteresses, chrétiens et musulmans faisaient sans cesse de nouveaux progrès dans l'art de la fortification. Il semble qu'au Crac le chantier de construction fut très souvent en activité.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
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On sait très peu de chose sur l'histoire du Crac avant qu'il fût cédé à l'Hôpital. On signale seulement qu'en 1115 l'armée de l'émir d'Alep vint l'assiéger sans succès.
Donc en 1142 par un acte solennel, Raymond II, comte de Tripoli, en présence des évêques de Tripoli et de Tortose, cède à l'Hôpital de Jérusalem, avec la totalité de ses droits, le Crac et les forts l'avoisinant ainsi que Montferrand, château d'avant-garde au Nord-Est du Crac près de l'antique cité de Rafanée. Cette donation est faite avec l'accord du seigneur du château, « Willelmus de Crato », que le comte dédommage.
Remarquons le nom de ce personnage. C'est, semble-t-il, du terme Akrad (Hosn el Akrad, le château Kurde) que les Francs appelèrent ce château « le Crat » qui est l'orthographe la plus ancienne qu'on rencontre dans les documents latins ou français. Plus tard on écrivit le Crac par analogie sans doute avec le grand château que les Francs avaient construit à l'Est de la mer Morte et qu'ils appelaient le Crac. Ce château se trouve à une extrémité de l'antique cité de Kérak ou Karak. Or le terme Karak dérive d'un mot syriaque Kark(â) qui veut dire forteresse. C'est sous l'influence de ce mot que les chroniqueurs transformèrent « Crat » en Crac. Les chroniques du Moyen-Age appellent parfois ce château « le Crac de l'Ospital » et celui de la mer Morte « le Crac de Montréal » — car voisin de Montréal — pour les distinguer l'un de l'autre.
L'expression « Crac des Chevaliers » qui est généralement en usage aujourd'hui n'a été employée que par les historiens de nos jours. Beaucoup écrivent le Krak des Chevaliers, orthographe qu'on ne rencontre jamais dans les textes du Moyen-Age et qui est à rejeter.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
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L'expédition avait été montée par deux seigneurs de l'Angoumois et du Poitou, Geoffroy Martel, frère de Guillaume Taillefer comte d'Angoulême, et Hugues le Brun, sire de Lusignan. A leurs troupes s'était joint un contingent de chevaliers de l'Ordre du Temple. Ainsi l'on s'explique que la bataille de la Boquée soit représentée dans une église de Templiers en Charente.
On signale un siège du Crac par Nour ed din vers 1166-1167.
Le 4 juillet 1170 le châtelain du Crac trouve la mort à la tête de ses chevaliers près de Baalbek. Le chroniqueur musulman qui mentionne cette rencontre ajoute : « Les Francs l'estimaient beaucoup pour sa bravoure et sa piété et parce qu'il était comme un os placé en travers du gosier des musulmans. »
Crac des Chevaliers
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Quelques années plus tard Saladin va entrer en scène et dans les vigoureuses campagnes qu'il mène contre les Francs on le voit plusieurs fois apparaître près du Crac. Ennemi acharné des chrétiens il rêvait de les chasser d'Orient. Succédant à Nour ed din mort en 1174, il parvint à réunir sous son autorité les deux parties du monde musulman, l'Egypte et la Syrie. Ainsi enfermait-il de toutes parts les domaines des princes latins.
De 1177 à 1180 ce sont des combats incessants entre les troupes de Saladin et celles du roi de Jérusalem où le sort des armes donne l'avantage tantôt aux unes tantôt aux autres.
Guillaume de Tyr nous montre Saladin en 1180 parcourant avec son armée le comté de Tripoli sans qu'aucune troupe franque n'ose se mesurer contre lui. Tandis que le comte s'enfermait dans la place forte d'Archas tout près de la côte, les Templiers restaient dans leurs châteaux et les Hospitaliers se réfugiaient au Crac, estimant que le mieux qu'ils puissent faire était de lui résister derrière leurs murailles s'il venait à les attaquer. Et du haut de leurs tours ils voyaient les cavaliers du sultan incendiant les moissons et pillant les villages sans pouvoir tenter de les secourir.
Crac des Chevaliers
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Le 30 mai 1188 il vint camper sur une colline en face du Crac, il passa tout un mois en ce lieu, venant jusque sous les murs pour examiner les approches de la forteresse. Se rendant compte qu'elle était puissamment défendue, il renonça à en faire le siège. Mêmes observations à Margat que les Hospitaliers tenaient aussi solidement. Il s'attaqua alors au donjon de Tortose, mais il échoua, les chevaliers du Temple lui ayant opposé une vigoureuse résistance.
La troisième croisade rendit aux chrétiens Saint-Jean-d'Acre et plusieurs places de Palestine. Saladin mourut en 1193 et les Francs reprirent Saïda et Beyrouth en 1197. Au début du XIIIe siècle les états latins jouissaient d'une paix relative et leur situation semblait assurée pour longtemps. Ceci n'empêchait pas que des combats eussent lieu fréquemment aux frontières. Ainsi en mai 1203 les Francs de Tripoli, du Crac et d'autres places tentent contre Hama un coup de main qui se termine par une défaite. Quelques jours après une troupe de chevaliers de l'Hôpital sortis du Crac et de Margat fait un raid du côté de Montferrand au Nord-Est du Crac. Elle se composait de 400 cavaliers et 1400 fantassins sans compter les turcoples ; il y avait en outre des arbalétriers. Selon une chronique arabe une rencontre eut lieu avec un petit-fils de Saladin, el Mansour, qui tua beaucoup de chevaliers et fit des prisonniers.
Crac des Chevaliers
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L'activité de la garnison du Crac fut grande au début du XIIIe siècle. En 1204-1205 incursions contre Hama et contre Homs. En 1205-1206 expéditions de l'émir de Homs qui pousse jusqu'au Crac. En 1207 le frère de Saladin échoue devant le Crac, mais enlève pourtant à une lieue de là le fort d'Anaz et emmène en captivité la garnison composée d'environ 500 hommes. En 1207-1208 les troupes de Tripoli et du Crac vont faire sans succès le siège de Homs.
http://www.aly-abbara.com/voyages_personnels/syrie/homs_liste_1.html
Homs, Située à 160 Kms au nord de Damas, Homs est la troisième ville de Syrie. Elle fut l'une des Principautés Arabes qui telles Pétra et Palmyre se constituèrent en terre syrienne au début du second siècle avant J.C. Elle était également, après Doura Europos et Palmyre, la troisième étape sur la route de soie allant vers la Méditerranée. Aujourd'hui encore les modernes oléoducs qui passent par Homs confèrent à cette ville un rôle economique particulier.
D'importants monuments historiques font la fierté de Homs. C'est d'abord la mosquée Mausolée du célèbre chef arabe et musulman Khaled Ibn al Walid qui passa à Homs les sept dernières années de sa vie. Ce qui valu à cette ville d'être souvent appelée la ville d'Ibn Al Walid. Cet édifice Ottoman se distingue par ses vastes coupoles métalliques étincelantes sous le soleil, par ses deux très hauts minarets et par ses fines arcades en pierres alternativement blanches et noires disposées en bandes horinzontales conformémént à la tradition architecturale syrienne.
Sources : Visite Syria
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Hama est située à 200 Kms au nord de Damas et à 90Kms à l'est de Baniyas. C'est une ville très ancienne, elle fut de façon continue et depuis des temps très reculés, le siège d'un royaume florissant, et connut toutes les civilisations qui se succédèrent en Syrie depuis les Araméens. Elle contribua héroïquement à la défense de la terre syrienne contre les invasions étrangères, notamment celles des Assyriens. C'est en effet Hama qui arrêta en 855 avant J.C., les troupes de Salmanasar à Qarqar sur l'Oronte.
Il reste cependant peu de vestiges anciens à Hama. Cette ville doit sa renommée à ses norias dont elle a l'exclusivité et qui tirent l'eau de l'Oronte. Ces norias sont aussi vieilles que la ville elle même.Parmi les monuments historiques de la ville figure la grande mosquée qui remonte au quatorzième siècle et qui abrite les cercueils en ébène incrusté d'ivoire de deux princes ayant régné sur Hama au XIII° siècle. Citons aussi la mosquée de Aboul Fida à qui fut décerné le titre de Sultan de Hama au XIV° siècle et qui est connu pour être l'un des plus grand historiens et géographes arabes. Du reste Hama est habituellement appelée ville de Aboul Fida.
Sources : Visite Syria
Chastel-Blanc - Safita
>Chastel-Blanc - Safita - Image de Gertrude Bell (1905)
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En 1229 les Francs font une incursion au voisinage de Montferrand et en rapportent un butin considérable. En 1230 l'émir de Hama ayant refusé de payer le tribut qu'il devait aux Hospitaliers, ceux-ci partent du Crac et d'autres lieux avec un corps de Templiers pour attaquer Hama. Une rencontre a lieu entre Montferrand et Hama.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
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Chevalier Hospitalier
Paul Deschamps, Tome II, La défense du Royaume de Jérusalem, Paris, Paul Geuthner, 1939.
Paul Deschamps, Tome III, La défense du comté de Tripoli et de la principauté d'Antioche, Paris, Paul Geuthner, 1971.
Le Crac des Chevaliers - Moitié du XIIIe siècle
Nous arrivons maintenant à l'époque de la décadence du Crac. Le troisième quart du siècle ne verra que des revers.Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image de Image-Cesar-Criado
En 1254 saint Louis a quitté la Terre sainte après y être resté quatre ans. Il avait relevé les enceintes de plusieurs places du littoral ; il laissait pourtant les principautés franques dans un état précaire. Cependant les Hospitaliers font des efforts pour maintenir des garnisons dans leurs châteaux et les fortifier davantage. Au Crac des travaux de construction datent de cette période. Les charges de l'Hôpital étant trop lourdes et ses ressources diminuant, il demande au pape Alexandre IV des exemptions de dîmes en faveur du Crac et de ses dépendances. La réponse est favorable et les termes en sont émouvants. Le pape rend hommage à l'activité de la garnison qui maintient en bon état pour la protection de la patrie chrétienne cette place où résident soixante chevaliers.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image de Image-Enzopost
Les populations chrétiennes de l'intérieur du comté de Tripoli vivaient dans l'angoisse et cherchaient refuge dans les villes du littoral. En mai 1267, Beibars avait ravagé le voisinage du Crac et la plaine d'Akkar et capturé 700 hommes et 1000 femmes et enfants dans trois places fortes et seize bordj (fortins). Et voici une triste lettre écrite vers la Pentecôte 1268, aussitôt après la chute d'Antioche, par Hugues Revel, grand maître de l'Hôpital, au prieur de Saint-Gilles (du Gard). Ce n'est même plus un appel au secours, c'est un cri de détresse. L'Ordre ne reçoit plus aucun revenu du royaume de Jérusalem. Les alentours des places que la Chrétienté possède sur le littoral sont aux mains des infidèles.
A l'intérieur, seuls demeurent le Crac et Margat pour assurer la protection de la côte, mais qui vivent de façon incessante sous la menace de l'ennemi. Ces lieux où l'Hôpital faisait vivre plus de 10.000 hommes sont maintenant désertés et il n'y reste plus que 300 frères de l'Ordre. Par ce terme il faut entendre non pas uniquement des chevaliers mais aussi des frères sergents d'armes qui occupaient un rang inférieur dans l'Ordre.
En janvier 1270, Beibars paraît devant le Crac, repousse une sortie de la garnison, puis va ravager les environs. En cette année saint Louis organise sa seconde croisade et sa flotte le conduit vers Tunis. Sa mort le 25 août sonne le glas de la France d'outre-mer.
Apprenant que la croisade est abandonnée, Beibars quitte le Caire le 24 janvier 1271 pour aller attaquer le Crac. Arrivé à Damas le 20 février, il va ravager le territoire de Tripoli, s'empare du Chastel Blanc (aux Templiers) et des fortins défendant les abords du Crac. Plusieurs chroniques arabes racontent la prise du Crac. Ibn Shaddad dit que la forteresse était défendue par 3 enceintes (ce qui paraît indiquer le front Est) et par 3 « bachouras », ce qui veut dire barbacane ou entrée fortifiée.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image-Maremagna
Dès le lendemain on attaque et une brèche est faite dans le mur de la première enceinte.
Le 5, une barbacane est prise ; il s'agit très probablement de la barbacane de Nicolas Lorgne qui se trouve au Nord.
Puis l'attaque fut interrompue pendant quelques jours tant à cause de pluies abondantes que du transport et du montage des mangonneaux.
Le 15 mars une deuxième barbacane était enlevée et le 30 mars une équipe de sapeurs força la troisième barbacane qui défendait l'accès du château même. Alors les soldats de Beibars envahirent la cour à l'intérieur de la seconde enceinte. Des Hospitaliers s'y firent tuer ; d'autres purent s'enfermer dans le donjon, c'est-à-dire dans les trois grosses tours du Sud.
Désormais Beibars était sûr de s'emparer du Crac. La garnison sans doute en petit nombre, aidée par des montagnards réfugiés dans l'enceinte avait résisté pied à pied, défendant chaque ouvrage avec acharnement. Enfermée dans le donjon aux murs énormes, elle pouvait tenir encore longtemps. Le sultan, ne voulant pas sans doute utiliser ses mangonneaux qui auraient détérioré de si belles constructions et pressé d'en finir, employa la ruse. Il fit adresser aux assiégés une lettre qu'il avait fait écrire au nom du commandant des Francs à Tripoli, message qui leur enjoignait de se rendre. Alors ils capitulèrent. Le siège avait duré du 3 mars au 8 avril.
Crac des Chevaliers
Crac des Chevaliers - Image de Styve-Reineck
La première est sans doute la poterne du Nord et la troisième pourrait être le débouché de la rampe d'accès sur la cour intérieure. Mais on distingue bien les parties de la première enceinte démolies et réparées par ordre de Beibars. Ceci se voit au Nord-Est et au front Sud où les deux tours rondes extrêmes (6 et 8) portent chacune une inscription avec son nom et la date de sa victoire encadrée par les deux lions qui étaient son emblème.
Le Crac aux mains des musulmans devint le chef-lieu de la « Province royale des conquêtes heureuses » et cette citadelle servit de base d'opérations pour attaquer les places que les Francs possédaient encore. En 1281, le gouverneur du Crac était Balban el Tabbakhi et c'est de là qu'il entreprit une opération contre les Hospitaliers de Margat. En 1285 le sultan Qelaoun fit construire le puissant ouvrage carré (tour 7) placé au milieu, du front Sud de la première enceinte. Une inscription sur cet ouvrage porte son nom et cette date. La même année après un siège vigoureux Qelaoun s'emparait de Margat, la dernière grande forteresse des Hospitaliers.
Sources : Paul Deschamps. Les châteaux des Croisés en Terre-Sainte : Tome I, Le Crac des chevaliers, étude historique et archéologique, précédée d'une introduction générale sur la Syrie franque. Préface par René Dussaud, membre de l'Institut. Plans en couleurs et croquis par François Anus. (Haut commissariat de la République française en Syrie et au Liban. Service des antiquités. Bibliothèque archéologique et historique, t. XIX.) Paris, Paul Geuthner, 1934.
Paul Deschamps, Tome II, La défense du Royaume de Jérusalem, Paris, Paul Geuthner, 1939.
Paul Deschamps, Tome III, La défense du comté de Tripoli et de la principauté d'Antioche, Paris, Paul Geuthner, 1971.