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    Le Crac des Chevaliers

    Le Crac des Chevaliers
    Crac des Chevaliers - Front Sud Ouest - Image Gregor Hermans

    Le Crac des Chevaliers occupe une position stratégique d'une importance capitale pour la défense du territoire occupé par Raymond de Saint-Gilles après la première croisade et qui devait s'appeler le comté de Tripoli.

    La forteresse se dresse à 650 mètres d'altitude au-dessus d'une plaine verdoyante, la Boquée, faisant partie d'une vaste vallée d'une vingtaine de kilomètres de large, la « trouée de Homs », qui sépare à la hauteur de cette ville deux grands massifs montagneux, au Nord le Djebel Ansarieh dont le Crac couronne le dernier contrefort méridional, et au Sud l'extrémité de la chaîne du Liban. Cette vallée est parcourue du Nord au Sud par le Nahr el Kebir et celui-ci, à l'approche des monts libanais, tourne à l'Ouest pour s'engager dans l'immense et fertile plaine d'Akkar qui s'épanouit en éventail vers la mer depuis le voisinage de Tripoli jusqu'à Tortose.

    En face du Crac, droit vers le Sud, à 25 kilomètres de distance, par delà la plaine et le fleuve, se trouve une autre position fortifiée, le petit château d'Akkar perché à 700 mètres sur un étroit piton formant l'ultime ressaut du Liban.

    Ainsi le Crac et le fort d'Akkar, plantés sur deux éminences, gardaient solidement ce large couloir qui aurait offert un accès facile à des armées musulmanes partant de Homs et de Hama.

    Depuis l'Antiquité des routes importantes passaient là, mettant en relation la vallée de l'Oronte avec le littoral ; au temps des croisades elles faisaient communiquer, pour les besoins du commerce qui était intense entre Musulmans et Francs, les villes arabes avec les cités chrétiennes de Giblet (Byblos), de Tripoli et de Tortose.

    Crac des Chevaliers

    Le Crac des Chevaliers
    Crac des Chevaliers - Front Nord-Est - Image O-Spice

    Peu après la prise de Jérusalem, Raymond de Saint-Gilles cherche à se constituer un état dans la région libanaise. Il occupe Tortose en avril 1102 et tente de s'emparer de Tripoli. Mais cette ville importante et son port sont solidement défendus et c'est un long siège qu'il faut entreprendre. A cet effet il élève, à proximité de la ville, un château qui servira de base d'attaque ; des pèlerins viennent aider à cette construction et cette circonstance fit qu'on appela ce château Mons « Peregrinorum ». Il existe toujours, remanié au cours des siècles, et conserve aujourd'hui en arabe le nom de son fondateur, « Qal'at Sandjill » : le château de Saint-Gilles.

    Tout en investissant Tripoli, Raymond de Saint-Gilles faisait des incursions à l'intérieur du pays et notamment dans la haute vallée du Nahr el Kebir.

    Rappelons qu'alors qu'il descendait à la fin de janvier 1099 vers Jérusalem avec ses troupes toulousaines et provençales il s'était attaqué à un château de montagne tenu par des guerriers Kurdes à la solde de l'émir de Homs. Il les en avait chassés, puis après s'y être reposé une dizaine de jours reprit sa route. Ce château Kurde (Hosn el Akrad) devait devenir le Crac des Chevaliers.

    Crac des Chevaliers

    Le Crac des Chevaliers
    Crac des Chevaliers - Front Est-Nord - Image Charles Lansu

    Raymond revient en 1102 faire le siège de cette position; il allait s'en emparer quand un événement fortuit le détourne de son projet. Puis il meurt en 1105 avant que les deux éléments essentiels du comté de Tripoli, la capitale et la grande forteresse de frontière, fussent conquis. Ce n'est qu'après un siège ayant duré quatre ans encore que Bertrand, fils de Raymond, peut faire son entrée (juin 1109) dans la grande cité maritime. Il prend alors le titre de comte de Tripoli.

    Quant au château des Kurdes, Tancrède s'en empare en 1110.

    Ce prince qui s'était couvert de gloire à la première croisade continuait depuis plus de dix ans en Terre sainte son activité belliqueuse et grâce à lui la puissance franque en Orient s'était considérablement fortifiée. On voit Tancrède parcourir en combattant presque tous les territoires qui constitueront les états francs d'Orient. Après avoir fait preuve d'une audace folle en réussissant la conquête de toute la Galilée avec 80 chevaliers, il va défendre Antioche menacée, puis on le trouve dans le comté d'Édesse. Il va conquérir des places fortes au delà de l'Oronte entre Antioche et Alep. Sur la côte il enlève Lattaquié, Djebelé, Banias, et prend part à l'assaut final qui livre Tripoli aux Francs.

    Crac des Chevaliers

    Crac des Chevaliers - Front Sud
    Crac des Chevaliers - Front Sud

    Enfin il met la main sur le château des Kurdes dont il a reconnu l'importance pour la protection de tout le territoire franc. Cette dernière conquête paraît avoir brisé l'énergie des plus redoutables adversaires des croisés. Les émirs d'Alep, de Sheizar, de Hama et de Tyr rendent leurs prisonniers chrétiens, implorent des trêves et s'engagent à verser des tributs annuels. En 1112 Bertrand, comte de Tripoli, meurt ; Tancrède prend son fils Pons encore très jeune sous sa tutelle, lui abandonne une partie de ses conquêtes et parmi celles-ci le château des Kurdes et c'est ainsi que le futur Crac des Chevaliers entre dans le comté de Tripoli.

    Le Crac est donné aux Chevaliers de Hospitaliers

    Le comte le remet à un de ses vassaux, mais trente ans plus tard, en 1142, le comte Raymond, arrière-petit-fils de Raymond de Saint-Gilles, pauvre de ressources et pauvre d'hommes d'armes, le confie par un acte solennel à l'Ordre de l'Hôpital, mieux que lui en mesure d'y entretenir une importante garnison.

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    Blason des Hospitaliers de Saint-Jean
    Blason des Hospitaliers de Saint-Jean

    Posté en sentinelle avancée à la frontière du comté de Tripoli, commandant une des plus larges voies de communication entre la Syrie intérieure et le littoral, le Crac fut solidement armé et énergiquement défendu pendant cent trente ans par les chevaliers de l'Hôpital. Un document du début du XIIIe siècle l'appelle « la clef de la Terre chrétienne ». L'Ordre ne cessa d'en améliorer les fortifications, employant à cette tâche toutes les ressources du génie militaire de l'époque.

    Wilbrand d'Oldenbourg, voyageur allemand qui parcourut la Syrie vers 1212, nous apprend qu'en temps de paix la garnison se composait de 2000 combattants.

    Des forts et des postes d'observation se dressaient autour du Crac, en assurant la défense avancée ; des forts s'élevaient aussi en arrière dans la plaine côtière pour les protéger contre des razzias, au cas où des forces ennemies se seraient infiltrées sur le territoire du comté de Tripoli.

    Si le Crac était bien situé du point de vue militaire, il faut aussi noter qu'il dominait une contrée d'une extraordinaire fertilité qui devait procurer des ressources de toute nature à sa garnison. Les Hospitaliers qui s'y installèrent en 1142 avaient de nombreux « casaux » (métairies) dans le voisinage, tant dans la plaine de la Boquée au pied de l'éminence que couronne le Crac que dans la plaine d'Akkar.

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    Crac des Chevaliers - Image de Watchsmart

    Les historiens des croisades s'extasient sur la richesse des terres de culture et des pâturages de ces plaines qu'arrosaient d'innombrables ruisseaux. L'on voyait dans les prairies un nombreux bétail et de grands troupeaux de chameaux.

    Sous les murs mêmes de la forteresse à petite distance à l'Est se trouvent trois villages très rapprochés qui devaient exister au temps des croisades ; l'un d'eux garde les vestiges d'une église romane. Les villageois indigènes travaillaient pour le service et l'approvisionnement de la garnison.

    Le château repoussa maints assauts et maintes fois l'ennemi vint l'assiéger ou faire des incursions dans la Boquée (1115, 1163, 1167, 1180, 1188, 1205-1206, 1207-1208, 1218, 1238-1239, 1252, 1267, 1270, 1271). Maintes fois aussi il servit de gîte d'étape aux croisés en campagne ou de lieu de concentration aux contingents des princes chrétiens qui tentaient de s'emparer de Homs ou d'exécuter un raid en territoire ennemi.
    Ainsi le Crac fut le point de départ de plusieurs expéditions (1163, 1170, 1174-1175, 1203, 1204, 1205, 1207, 1208, 1229, 1230, 1233).
    http://www.aly-abbara.com/voyages_personnels/syrie/Homs_citadelle_1.html

    Des tremblements de terre ébranlèrent à plusieurs reprises la Syrie et les chroniques parlent de forteresses franques gravement atteintes. Ceux de 1157, 1170, 1201 et 1203 furent très violents et le Crac est mentionné parmi les monuments éprouvés. Les ruines que causèrent ces séismes obligèrent les Francs à de nouveaux travaux de construction, et ceux-ci donnaient l'occasion de perfectionner les défenses. En effet, dans leurs fréquents assauts de forteresses, chrétiens et musulmans faisaient sans cesse de nouveaux progrès dans l'art de la fortification. Il semble qu'au Crac le chantier de construction fut très souvent en activité.

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    Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
    http://www.gerty.ncl.ac.uk/index.php

    L'Hôpital pour maintenir en état sa principale place d'armes y consacra des sommes considérables. Plusieurs textes nous montrent qu'il reçut pour l'aider dans ses dépenses, des privilèges, des exemptions de dîmes, des donations tant des comtes de Tripoli et des princes d'Antioche que des papes et des princes étrangers venus en Terre sainte tels que les rois Wladislas de Bohême et André II de Hongrie. Ce dernier avait été l'un des chefs de la cinquième croisade entreprise en 1217. Après une courte campagne à la fin de 1217 en Palestine, André de Hongrie, malade, avait décidé de rentrer dans ses états en suivant la côte de Syrie. De Tripoli il s'était rendu au Crac où Raymond de Pignans, châtelain de la forteresse, l'avait reçu avec des honneurs royaux. Puis il était allé à Margat où il avait aussi été accueilli solennellement. Ayant fort admiré pendant sa campagne le zèle des chevaliers de l'Hôpital, la belle tenue militaire de leurs troupes et enfin l'ampleur de leurs forteresses, il avait comblé l'Ordre de ses générosités et pour l'aider à entretenir les châteaux du Crac et de Margat il avait assigné à chacun d'eux une rente de 100 marcs sur ses salines de Szalacs en Hongrie (janvier 1218). Il semble, d'après les termes de cette donation, que ces deux grandes forteresses de l'Hôpital étaient alors à l'apogée de leur gloire, que leurs principaux ouvrages de défense, déjà terminés peut-être, dressaient leur masse imposante l'une au-dessus de la plaine de la Boquée, l'autre au-dessus de la mer, et qu'elles présentaient dans leur ensemble l'aspect majestueux que les siècles leur ont conservé.

    On sait très peu de chose sur l'histoire du Crac avant qu'il fût cédé à l'Hôpital. On signale seulement qu'en 1115 l'armée de l'émir d'Alep vint l'assiéger sans succès.

    Donc en 1142 par un acte solennel, Raymond II, comte de Tripoli, en présence des évêques de Tripoli et de Tortose, cède à l'Hôpital de Jérusalem, avec la totalité de ses droits, le Crac et les forts l'avoisinant ainsi que Montferrand, château d'avant-garde au Nord-Est du Crac près de l'antique cité de Rafanée. Cette donation est faite avec l'accord du seigneur du château, « Willelmus de Crato », que le comte dédommage.

    Remarquons le nom de ce personnage. C'est, semble-t-il, du terme Akrad (Hosn el Akrad, le château Kurde) que les Francs appelèrent ce château « le Crat » qui est l'orthographe la plus ancienne qu'on rencontre dans les documents latins ou français. Plus tard on écrivit le Crac par analogie sans doute avec le grand château que les Francs avaient construit à l'Est de la mer Morte et qu'ils appelaient le Crac. Ce château se trouve à une extrémité de l'antique cité de Kérak ou Karak. Or le terme Karak dérive d'un mot syriaque Kark(â) qui veut dire forteresse. C'est sous l'influence de ce mot que les chroniqueurs transformèrent « Crat » en Crac. Les chroniques du Moyen-Age appellent parfois ce château « le Crac de l'Ospital » et celui de la mer Morte « le Crac de Montréal » — car voisin de Montréal — pour les distinguer l'un de l'autre.

    L'expression « Crac des Chevaliers » qui est généralement en usage aujourd'hui n'a été employée que par les historiens de nos jours. Beaucoup écrivent le Krak des Chevaliers, orthographe qu'on ne rencontre jamais dans les textes du Moyen-Age et qui est à rejeter.

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    Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
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    En 1163 le Crac fut sur le point d'être assiégé par un redoutable ennemi des Francs, le sultan Nour ed din. Ils lui infligèrent une sanglante défaite au pied du Crac dans un combat célèbre appelé la bataille de la Boquée. Nour ed din ayant rassemblé ses troupes entra dans le territoire des Francs et vint camper dans cette plaine avec l'intention d'assiéger le Crac puis de marcher sur Tripoli. Alors qu'au milieu du jour par une forte chaleur l'armée dormait sous les tentes, les gardes du camp virent surgir « les croix des Francs » (sans doute les gonfanons des lances ornés d'une croix) de derrière la montagne que domine le Crac. La confusion se mit dans le camp musulman, les croisés sabrant sans que leurs ennemis surpris puissent se défendre. Ils firent beaucoup de prisonniers. Nour ed din sortant presque nu de sa tente sauta sur un cheval et put s'enfuir. Après cette victoire, les vainqueurs laissèrent au Crac un corps de troupe pour renforcer la garnison au cas d'une nouvelle attaque. Il reste en France dans l'église des Templiers de Cressac (Charente) une peinture murale évoquant ce combat.

    L'expédition avait été montée par deux seigneurs de l'Angoumois et du Poitou, Geoffroy Martel, frère de Guillaume Taillefer comte d'Angoulême, et Hugues le Brun, sire de Lusignan. A leurs troupes s'était joint un contingent de chevaliers de l'Ordre du Temple. Ainsi l'on s'explique que la bataille de la Boquée soit représentée dans une église de Templiers en Charente.

    On signale un siège du Crac par Nour ed din vers 1166-1167.

    Le 4 juillet 1170 le châtelain du Crac trouve la mort à la tête de ses chevaliers près de Baalbek. Le chroniqueur musulman qui mentionne cette rencontre ajoute : « Les Francs l'estimaient beaucoup pour sa bravoure et sa piété et parce qu'il était comme un os placé en travers du gosier des musulmans. »

    Crac des Chevaliers

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    Un tremblement de terre avait ébranlé le Crac en 1157 ; un autre plus violent se produisit en 1170. « Plusieurs forteresses des Francs, écrit un historien arabe, furent atteintes, mais la plus éprouvée fut Hosn el Akrad (Le Crac). »

    Quelques années plus tard Saladin va entrer en scène et dans les vigoureuses campagnes qu'il mène contre les Francs on le voit plusieurs fois apparaître près du Crac. Ennemi acharné des chrétiens il rêvait de les chasser d'Orient. Succédant à Nour ed din mort en 1174, il parvint à réunir sous son autorité les deux parties du monde musulman, l'Egypte et la Syrie. Ainsi enfermait-il de toutes parts les domaines des princes latins.

    De 1177 à 1180 ce sont des combats incessants entre les troupes de Saladin et celles du roi de Jérusalem où le sort des armes donne l'avantage tantôt aux unes tantôt aux autres.

    Guillaume de Tyr nous montre Saladin en 1180 parcourant avec son armée le comté de Tripoli sans qu'aucune troupe franque n'ose se mesurer contre lui. Tandis que le comte s'enfermait dans la place forte d'Archas tout près de la côte, les Templiers restaient dans leurs châteaux et les Hospitaliers se réfugiaient au Crac, estimant que le mieux qu'ils puissent faire était de lui résister derrière leurs murailles s'il venait à les attaquer. Et du haut de leurs tours ils voyaient les cavaliers du sultan incendiant les moissons et pillant les villages sans pouvoir tenter de les secourir.

    Crac des Chevaliers

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    Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
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    Sept ans plus tard l'armée du roi de Jérusalem était anéantie à la sanglante bataille de Hattin (4 juillet 1187) près de Tibériade ; Jérusalem et presque toutes les grandes places de Palestine tombaient bientôt au pouvoir de Saladin. L'année suivante il envahissait le comté de Tripoli et la principauté d'Antioche où il enlevait plusieurs châteaux notamment Saône.

    Le 30 mai 1188 il vint camper sur une colline en face du Crac, il passa tout un mois en ce lieu, venant jusque sous les murs pour examiner les approches de la forteresse. Se rendant compte qu'elle était puissamment défendue, il renonça à en faire le siège. Mêmes observations à Margat que les Hospitaliers tenaient aussi solidement. Il s'attaqua alors au donjon de Tortose, mais il échoua, les chevaliers du Temple lui ayant opposé une vigoureuse résistance.

    La troisième croisade rendit aux chrétiens Saint-Jean-d'Acre et plusieurs places de Palestine. Saladin mourut en 1193 et les Francs reprirent Saïda et Beyrouth en 1197. Au début du XIIIe siècle les états latins jouissaient d'une paix relative et leur situation semblait assurée pour longtemps. Ceci n'empêchait pas que des combats eussent lieu fréquemment aux frontières. Ainsi en mai 1203 les Francs de Tripoli, du Crac et d'autres places tentent contre Hama un coup de main qui se termine par une défaite. Quelques jours après une troupe de chevaliers de l'Hôpital sortis du Crac et de Margat fait un raid du côté de Montferrand au Nord-Est du Crac. Elle se composait de 400 cavaliers et 1400 fantassins sans compter les turcoples ; il y avait en outre des arbalétriers. Selon une chronique arabe une rencontre eut lieu avec un petit-fils de Saladin, el Mansour, qui tua beaucoup de chevaliers et fit des prisonniers.

    Crac des Chevaliers

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    Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
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    On sait que la quatrième croisade fut détournée de son but et dirigée contre les Byzantins, ce qui amena la constitution de l'Empire latin de Constantinople (mai 1204). Cependant plusieurs contingents de croisés avaient débarqué en 1202 en Terre sainte. L'un d'eux était composé de chevaliers champenois parmi lesquels se trouvait sans doute Geoffroy V de Joinville. Ce personnage, oncle de Jean de Joinville sénéchal de saint Louis, fut considéré par ses contemporains comme un véritable preux, le type accompli du croisé. Il avait pris part à la troisième croisade et avait manifesté une telle bravoure que Richard Coeur de Lion lui avait fait l'insigne honneur de l'autoriser à partir ses armes de Joinville de celles d'Angleterre. Il est bien probable qu'il prit part aux expéditions organisées au Crac en 1203 car c'est là qu'il mourut, peut-être des suites d'une blessure (fin 1203 début 1204). Cinquante ans plus tard Jean de Joinville qui passa quatre ans en Terre sainte auprès de saint Louis (1250-1524) fit pendant ce séjour un pèlerinage à Notre-Dame de Tortose. De là il se rendit au Crac. Il en rapporta l'écu de son oncle qui était suspendu dans la chapelle de la forteresse et revint en Champagne avec cette insigne relique de famille qu'il déposa dans l'église Saint-Laurent de Joinville.

    L'activité de la garnison du Crac fut grande au début du XIIIe siècle. En 1204-1205 incursions contre Hama et contre Homs. En 1205-1206 expéditions de l'émir de Homs qui pousse jusqu'au Crac. En 1207 le frère de Saladin échoue devant le Crac, mais enlève pourtant à une lieue de là le fort d'Anaz et emmène en captivité la garnison composée d'environ 500 hommes. En 1207-1208 les troupes de Tripoli et du Crac vont faire sans succès le siège de Homs.

    http://www.aly-abbara.com/voyages_personnels/syrie/homs_liste_1.html
    Homs, Située à 160 Kms au nord de Damas, Homs est la troisième ville de Syrie. Elle fut l'une des Principautés Arabes qui telles Pétra et Palmyre se constituèrent en terre syrienne au début du second siècle avant J.C. Elle était également, après Doura Europos et Palmyre, la troisième étape sur la route de soie allant vers la Méditerranée. Aujourd'hui encore les modernes oléoducs qui passent par Homs confèrent à cette ville un rôle economique particulier.
    D'importants monuments historiques font la fierté de Homs. C'est d'abord la mosquée Mausolée du célèbre chef arabe et musulman Khaled Ibn al Walid qui passa à Homs les sept dernières années de sa vie. Ce qui valu à cette ville d'être souvent appelée la ville d'Ibn Al Walid. Cet édifice Ottoman se distingue par ses vastes coupoles métalliques étincelantes sous le soleil, par ses deux très hauts minarets et par ses fines arcades en pierres alternativement blanches et noires disposées en bandes horinzontales conformémént à la tradition architecturale syrienne.

    Sources : Visite Syria

    http://www.aly-abbara.com/voyages_personnels/syrie/hama.html
    Hama est située à 200 Kms au nord de Damas et à 90Kms à l'est de Baniyas. C'est une ville très ancienne, elle fut de façon continue et depuis des temps très reculés, le siège d'un royaume florissant, et connut toutes les civilisations qui se succédèrent en Syrie depuis les Araméens. Elle contribua héroïquement à la défense de la terre syrienne contre les invasions étrangères, notamment celles des Assyriens. C'est en effet Hama qui arrêta en 855 avant J.C., les troupes de Salmanasar à Qarqar sur l'Oronte.
    Il reste cependant peu de vestiges anciens à Hama. Cette ville doit sa renommée à ses norias dont elle a l'exclusivité et qui tirent l'eau de l'Oronte. Ces norias sont aussi vieilles que la ville elle même.Parmi les monuments historiques de la ville figure la grande mosquée qui remonte au quatorzième siècle et qui abrite les cercueils en ébène incrusté d'ivoire de deux princes ayant régné sur Hama au XIII° siècle. Citons aussi la mosquée de Aboul Fida à qui fut décerné le titre de Sultan de Hama au XIV° siècle et qui est connu pour être l'un des plus grand historiens et géographes arabes. Du reste Hama est habituellement appelée ville de Aboul Fida.

    Sources : Visite Syria

    Chastel-Blanc - Safita

    Chastel-Blanc - Safita
    >Chastel-Blanc - Safita - Image de Gertrude Bell (1905)
    http://www.gerty.ncl.ac.uk/index.php

    On conserve le récit que Jacques de Vitry, évêque d'Acre, a fait de son voyage en Syrie en 1217. Il vante la richesse du territoire environnant Tripoli ; on y fait, dit-il, deux récoltes de vin par an. De là il se rend au Crac, puis auChastel-Blanc (Safitha) gardé par les Templiers, et ensuite à Tortose. Au Nord se trouve le domaine montagneux inaccessible des Haschachin (Assassins) secte musulmane dissidente, hostile autant aux chrétiens qu'à leurs coreligionnaires orthodoxes. Leur voisinage étant dangereux, le voyageur faisait partir des pigeons avec des lettres sous les ailes pour qu'on envoyât des hommes armés à sa rencontre. Nous avons dit plus haut qu'en janvier 1218 le roi André II de Hongrie fut reçu avec de grands honneurs au Crac et à Margat. En 1218 une armée venue d'Alep envahit le comté de Tripoli et campe devant le Crac et le Chastel Blanc.

    En 1229 les Francs font une incursion au voisinage de Montferrand et en rapportent un butin considérable. En 1230 l'émir de Hama ayant refusé de payer le tribut qu'il devait aux Hospitaliers, ceux-ci partent du Crac et d'autres lieux avec un corps de Templiers pour attaquer Hama. Une rencontre a lieu entre Montferrand et Hama.

    Crac des Chevaliers

    Crac des Chevaliers
    Crac des Chevaliers - Image de Gertrude Bell (1905)
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    En 1233 une grande expédition était organisée contre l'émir de Hama. Le Crac fut le Heu de concentration des forces venues de toutes parts. L'ennemi campa dans la plaine au pied du château. Le grand maître du Temple était là avec une troupe nombreuse ; Jean d'Ibelin, sire de Beyrouth, avait amené 100 chevaliers de Chypre ; 80 chevaliers venaient du royaume de Jérusalem ; le prince d'Antioche avait envoyé 30 chevaliers. Le contingent de l'Hôpital commandé par son grand maître Guérin se composait de 100 chevaliers, 400 sergents à cheval et 1500 fantassins. Ils firent des démonstrations vers Montferrand et Mariamin au voisinage de l'Oronte, à la suite de quoi l'émir de Hama se décida à payer aux Hospitaliers le tribut qu'il leur devait.

    Chevalier Hospitalier
    Chevalier Hospitalier

    Sources : Paul Deschamps. Les châteaux des Croisés en Terre-Sainte : Tome I, Le Crac des chevaliers, étude historique et archéologique, précédée d'une introduction générale sur la Syrie franque. Préface par René Dussaud, membre de l'Institut. Plans en couleurs et croquis par François Anus. (Haut commissariat de la République française en Syrie et au Liban. Service des antiquités. Bibliothèque archéologique et historique, t. XIX.) Paris, Paul Geuthner, 1934.
    Paul Deschamps, Tome II, La défense du Royaume de Jérusalem, Paris, Paul Geuthner, 1939.
    Paul Deschamps, Tome III, La défense du comté de Tripoli et de la principauté d'Antioche, Paris, Paul Geuthner, 1971.


    Le Crac des Chevaliers - Moitié du XIIIe siècle

    Nous arrivons maintenant à l'époque de la décadence du Crac. Le troisième quart du siècle ne verra que des revers.

    Crac des Chevaliers

    Crac des Chevaliers
    Crac des Chevaliers - Image de Image-Cesar-Criado

    Au début de 1252 une armée de 10 000 Turcomans à la solde de l'émir d'Alep part de la grande forteresse de Sheizar située à un coude de l'Oronte au Nord de Hama, et envahit la région entre le Crac et Tripoli, incendie les métairies, massacre les villageois et rentre à Sheizar avec de nombreux captifs.

    En 1254 saint Louis a quitté la Terre sainte après y être resté quatre ans. Il avait relevé les enceintes de plusieurs places du littoral ; il laissait pourtant les principautés franques dans un état précaire. Cependant les Hospitaliers font des efforts pour maintenir des garnisons dans leurs châteaux et les fortifier davantage. Au Crac des travaux de construction datent de cette période. Les charges de l'Hôpital étant trop lourdes et ses ressources diminuant, il demande au pape Alexandre IV des exemptions de dîmes en faveur du Crac et de ses dépendances. La réponse est favorable et les termes en sont émouvants. Le pape rend hommage à l'activité de la garnison qui maintient en bon état pour la protection de la patrie chrétienne cette place où résident soixante chevaliers.

    Crac des Chevaliers

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    Crac des Chevaliers - Image de Image-Enzopost

    Mais voici que surgit contre les Francs un adversaire aussi redoutable que Nour ed din et Saladin. C'est Beibars, c'est-à-dire la Panthère, un géant de basse extraction qui par des coups d'audace s'est élevé au plus haut rang. Lieutenant du sultan d'Egypte, Kotouz, il le fait assassiner et parvient à être proclamé à sa place. En 1261 il ravage le territoire de la principauté d'Antioche, et chaque année voit une nouvelle incursion de ses troupes dans le domaine latin. En 1263, en haine de la chrétienté, il fait raser l'un de ses sanctuaires les plus vénérés, la basilique de Nazareth. Il prend Césarée en 1265, le château de Saphet des Templiers en Galilée en 1266, Jaffa puis Antioche le 19 mai 1268.

    Les populations chrétiennes de l'intérieur du comté de Tripoli vivaient dans l'angoisse et cherchaient refuge dans les villes du littoral. En mai 1267, Beibars avait ravagé le voisinage du Crac et la plaine d'Akkar et capturé 700 hommes et 1000 femmes et enfants dans trois places fortes et seize bordj (fortins). Et voici une triste lettre écrite vers la Pentecôte 1268, aussitôt après la chute d'Antioche, par Hugues Revel, grand maître de l'Hôpital, au prieur de Saint-Gilles (du Gard). Ce n'est même plus un appel au secours, c'est un cri de détresse. L'Ordre ne reçoit plus aucun revenu du royaume de Jérusalem. Les alentours des places que la Chrétienté possède sur le littoral sont aux mains des infidèles.

    A l'intérieur, seuls demeurent le Crac et Margat pour assurer la protection de la côte, mais qui vivent de façon incessante sous la menace de l'ennemi. Ces lieux où l'Hôpital faisait vivre plus de 10.000 hommes sont maintenant désertés et il n'y reste plus que 300 frères de l'Ordre. Par ce terme il faut entendre non pas uniquement des chevaliers mais aussi des frères sergents d'armes qui occupaient un rang inférieur dans l'Ordre.

    En janvier 1270, Beibars paraît devant le Crac, repousse une sortie de la garnison, puis va ravager les environs. En cette année saint Louis organise sa seconde croisade et sa flotte le conduit vers Tunis. Sa mort le 25 août sonne le glas de la France d'outre-mer.

    Apprenant que la croisade est abandonnée, Beibars quitte le Caire le 24 janvier 1271 pour aller attaquer le Crac. Arrivé à Damas le 20 février, il va ravager le territoire de Tripoli, s'empare du Chastel Blanc (aux Templiers) et des fortins défendant les abords du Crac. Plusieurs chroniques arabes racontent la prise du Crac. Ibn Shaddad dit que la forteresse était défendue par 3 enceintes (ce qui paraît indiquer le front Est) et par 3 « bachouras », ce qui veut dire barbacane ou entrée fortifiée.

    Crac des Chevaliers

    Crac des Chevaliers
    Crac des Chevaliers - Image-Maremagna

    Le sultan apparaît devant la forteresse le 3 mars. Les émirs de Homs et de Sahyoun l'ont rejoint avec leurs troupes ainsi que le maître des Assassins Nadjin al din.

    Dès le lendemain on attaque et une brèche est faite dans le mur de la première enceinte.
    Le 5, une barbacane est prise ; il s'agit très probablement de la barbacane de Nicolas Lorgne qui se trouve au Nord.
    Puis l'attaque fut interrompue pendant quelques jours tant à cause de pluies abondantes que du transport et du montage des mangonneaux.
    Le 15 mars une deuxième barbacane était enlevée et le 30 mars une équipe de sapeurs força la troisième barbacane qui défendait l'accès du château même. Alors les soldats de Beibars envahirent la cour à l'intérieur de la seconde enceinte. Des Hospitaliers s'y firent tuer ; d'autres purent s'enfermer dans le donjon, c'est-à-dire dans les trois grosses tours du Sud.

    Désormais Beibars était sûr de s'emparer du Crac. La garnison sans doute en petit nombre, aidée par des montagnards réfugiés dans l'enceinte avait résisté pied à pied, défendant chaque ouvrage avec acharnement. Enfermée dans le donjon aux murs énormes, elle pouvait tenir encore longtemps. Le sultan, ne voulant pas sans doute utiliser ses mangonneaux qui auraient détérioré de si belles constructions et pressé d'en finir, employa la ruse. Il fit adresser aux assiégés une lettre qu'il avait fait écrire au nom du commandant des Francs à Tripoli, message qui leur enjoignait de se rendre. Alors ils capitulèrent. Le siège avait duré du 3 mars au 8 avril.

    Crac des Chevaliers

    Crac des Chevaliers
    Crac des Chevaliers - Image de Styve-Reineck

    Maître du Crac, Beibars transforma sa chapelle en mosquée et y institua la prière publique. Il nomma un gouverneur et ordonna de réparer les dégâts causés par les mangonneaux et par les travaux de mine des sapeurs. Il est difficile de situer les trois barbacanes auxquelles une chronique arabe fait allusion.
    La première est sans doute la poterne du Nord et la troisième pourrait être le débouché de la rampe d'accès sur la cour intérieure. Mais on distingue bien les parties de la première enceinte démolies et réparées par ordre de Beibars. Ceci se voit au Nord-Est et au front Sud où les deux tours rondes extrêmes (6 et 8) portent chacune une inscription avec son nom et la date de sa victoire encadrée par les deux lions qui étaient son emblème.

    Le Crac aux mains des musulmans devint le chef-lieu de la « Province royale des conquêtes heureuses » et cette citadelle servit de base d'opérations pour attaquer les places que les Francs possédaient encore. En 1281, le gouverneur du Crac était Balban el Tabbakhi et c'est de là qu'il entreprit une opération contre les Hospitaliers de Margat. En 1285 le sultan Qelaoun fit construire le puissant ouvrage carré (tour 7) placé au milieu, du front Sud de la première enceinte. Une inscription sur cet ouvrage porte son nom et cette date. La même année après un siège vigoureux Qelaoun s'emparait de Margat, la dernière grande forteresse des Hospitaliers.
    Sources : Paul Deschamps. Les châteaux des Croisés en Terre-Sainte : Tome I, Le Crac des chevaliers, étude historique et archéologique, précédée d'une introduction générale sur la Syrie franque. Préface par René Dussaud, membre de l'Institut. Plans en couleurs et croquis par François Anus. (Haut commissariat de la République française en Syrie et au Liban. Service des antiquités. Bibliothèque archéologique et historique, t. XIX.) Paris, Paul Geuthner, 1934.
    Paul Deschamps, Tome II, La défense du Royaume de Jérusalem, Paris, Paul Geuthner, 1939.
    Paul Deschamps, Tome III, La défense du comté de Tripoli et de la principauté d'Antioche, Paris, Paul Geuthner, 1971.


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