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Succcession des Grands Maître du Temple

Avertissement — Ces textes sont datés de 1861. Il est évident que certains noms de personnages ou de lieux ont été écrits d'une maniere erronée.

Il faut attendre plusieurs années pour voir apparaître de nouveaux historiens, des archivistes de renoms qui avec plus de justesses ou de précisions écriront ces noms de personnes ou de lieux.

Néanmoins, cette liste des Grands-Maîtres de l'Ordre du Temple avec ces imperfections reste à mon avis la référence de base.


Notice historique sur l'Ordre. Succession des Grands-Maîtres

Aperçu historique
C'est du sein des Croisades que sont sortis les ordres militaires, c'est à la valeur de cette milice guerriere que les chrétiens durent de conserver pendant deux siecles leur chancelante conquête en Orient.

Durant trois siecles les chrétiens voyagerent en Palestine à travers les obstacles que leur opposait la domination des Arabes, vainqueurs de cette contrée comme de toute l'Asie et d'une grande partie de l'Europe.

En 1065 parurent de nouveaux conquérants, dont l'invasion fut aussi brusque et les progres aussi rapides que ceux des Arabes. C'étaient les Turcomans, qui s'emparerent de la ville sainte, pillerent l'hospice des chrétiens et soumirent à d'énormes tributs la visite du Saint-Sépulcre.

Sur la fin du siecle, Jérusalem fut reprise par le calife d'Egypte. En 1099, les princes croisés se présenterent devant cette capitale, et quarante jours de siege les en rendirent maîtres.

Avant d'arriver à Jérusalem, les Européens étaient obligés de passer à travers les Sarrazins qui environnaient ce petit royaume, et la mort ou les fers devenaient souvent le prix de leur zele.

Neuf chevaliers français (1), touchés des périls des pelerins, formerent entre eux une petite société (1118) pour les protéger et les défendre, promettant en outre de garder les trois voeux de religion (2). Ils s'étaient retirés dans une maison proche du Temple que leur céda Beaudoin II, roi de Jérusalem, ce qui leur fit donner le nom de Templiers.

Le patriarche Honorius admit cet ordre naissant dans sa juridiction et lui donna un statut provisoire en 1119.

Hugues de Payens ayant été envoyé en France par le roi de Jérusalem pour exciter les peuples à venir au secours de la Terre Sainte, s'imagine d'appeler cet obscur institut à de plus hautes destinées. Il veut que ses disciples, liés déjà par un premier engagement, se consacrent entierement à défendre par les armes toute la Terre Sainte. Le concile de Troyes (1128) approuve son projet, et saint Bernard lui-même prescrit la regle de cette milice religieuse et guerriere. Quelque temps apres, en 1135, il adressa aux Templiers cette belle exhortation que le temps nous a conservée et qui contient des avis salutaires et des regles admirables de conduite.

Comme un si héroïque dévouement demandait un courage qui se trouvait rarement alors dans les basses spheres de la société, c'est toute la noblesse de l'Europe que le généreux dans tous les détails de sa carriere glorieuse. Nous allons nous contenter d'en rappeler les principaux traits en les groupant sous chaque magistere.

(1) Verlot dit que l'on n'a pu recueillir que les noms de deux des fondateurs de l'ordre, Hugues de Payens, chevalier issu de la maison des comtes de Champagne, et Geoffroy de Saint-Aldemar ou Sainl-Omer. Les historiens modernes ont découvert le nom des autres: Roral ou Eral ; Godeffroy Bisol ; Pagan ou Payen de Montdidier ; Archarnbaud de Saint-Agnan ; André de Montbard ou Montbarry, oncle maternel de saint Bernard ; Gondemar ; Hugues de Champagne, prince de la maison comtale de Champagne, lequel fut plus tard le fondateur de l'ordre de Cîteaux. (Bulletin du college archéologique et héraldique de Fiance, par M. de Magny, 1843).
(2) Chasteté, obéissance et pauvreté.

Les Grands Maîtres

I. Hugues de Payens (de Paganis) 1118 — 1136.
Hugues de Payens, qui prit une si grande part à l'établissement de l'ordre, comme il vient d'être dit, et en fut le premier grand-maître, mourut en 1136, regretté de tout ce qu'il y avait de chrétiens zélés clans la Palestine.

André Duschesne nous apprend que le désespoir d'avoir perdu sa fiancée, Jourelaine de Cabanais et de Cofolant, l'avait conduit en Palestine.
L'année de sa mort est l'époque, suivant D. Vayssette, de la plus ancienne maison de l'ordre en Languedoc. Elle fut fondée dans un lieu appelé La Nougarede et, depuis, Ville-dieu, au comté de Foix, par le comte Roger III.

II. Robert de Craon, dit le Bourguignon. 1136-1147.
Robert, surnommé le Bourguignon, troisieme fils de Renaud II, seigneur de Craon, fut le successeur de Hugues dans le magistere du Temple. Il avait épousé Richeza, soeur unique de saint Anselme. Robert quitta sa femme l'an 1107 et partit pour la Terre Sainte.

En 1139, les chevaliers du Temple, réunis à l'armée de France, montée sur 70 vaisseaux, mirent le siege devant Lisbonne. Ils échouerent dans celte entreprise et furent mis en déroute. En 1146, commença en Espagne cette fameuse expédition contre les Maures, qui dura l'espace de dix ans.

Les chevaliers du Temple, ainsi que ceux de l'hôpital, y eurent une grande part.

Les premiers s'assemblerent à Paris, en 1147, pour les affaires de la Terre Sainte. Le roi Louis-le-Jeune honora cette assemblée de sa présence ; c'est tout ce qu'on en sait. Robert mourut la même année.

Guillaume de Tyr atteste qu'il ne fut pas moins illustre par la pureté de ses moeurs et sa bravoure, que par l'éclat de sa naissance.

III. Evrard des Barres. 1147-1149.
Evrard des Barres fut élu, par le chapitre de son ordre, pour succéder à Robert le Bourguignon. Il était Français et précepteur ou maître particulier de son ordre en France, des l'an 1143.

En 1148, Evrard, à la tête des siens, alla au-devant de Louis-le-Jeune, qui venait au secours de la Palestine. Il le joignit en Pamphylie. Louis avait besoin de ce renfort. Son armée, battue au mois de janvier et continuellement harcelée dans un labyrinthe de défilés qu'elle ne connaissait pas, courut risque d'être anéantie par les Turcs. Evrard la tira de tous ces dangers et lui servit de guide pour continuer sa route. Durant le séjour que le roi Louis fit en Syrie, les Templiers lui rendirent d'autres services importants. Les lettres qu'il écrivit de ce pays à Suger, son ministre, en font foi. Dans une de celles-ci, Evrard est expressément nommé grand maître du Temple.

En 1149, Evrard accompagna le roi de France à son retour. Etant venu à Clairvaux, il y embrassa la vie monastique, envoya son abdication en Palestine, et persévéra dans sa nouvelle vocation, malgré les instances que lui firent les Templiers pour l'engager à revenir.

IV. Bernard de Tremelay. 1149-1153.
Bernard de Tremelay, chevalier de la premiere noblesse de Bugey, fut substitué, sur la fin de 1149, au grand maître des Barres. L'an 1150 il marcha, à la tête de ses chevaliers, sous les ordres du roi Beaudoin, pour s'opposer aux progres de Noradin (Nur ed Din). S'étant présentés devant le château de Harenc, ils furent obligés de se retirer apres quelques jours d'attaque. En 1152, les chevaliers des deux ordres, secondés par les habitants de Jérusalem, repousserent les Musulmans qui s'étaient avancés jusqu'au mont des Olives. Ils se rendirent, en 1153, au siege d'Ascalon. Cette place, apres une longue résistance, capitula le 12 août de la même année, selon Pagi. Mais l'empressement des Templiers à vouloir y entrer par une breche faite au hasard leur coûta cher. De quarante qu'ils étaient, il n'en échappa aucun, pas même le grand-maître, à qui on trancha la tete comme aux autres.

V. Bertrand de Blanquefort. 1153-1168.
Bertrand de Blanquefort succéda dans le magistere à Bernard de Tremelay. Il était fils de Godefroy, seigneur de Blanquefort en Guyenne (1). Le 19 juin 1156, surpris dans un défilé par Noradin, il fut fait prisonnier avec quatre-vingt-sept des siens. Enflé de ce succes, le sultan alla faire le siege du château de Panéas ; mais les Templiers, conduits par le roi Beaudoin, l'obligerent à le lever. Trois ans apres, Bertrand recouvra la liberté avec ses compagnons prisonniers et six mille autres captifs, par les soins de l'empereur de Constantinople. Il mourut en 1168 avec la réputation d'un religieux édifiant et d'un capitaine tres versé dans le métier de la guerre. Sous le magistere de Bertrand vivait André de Montbard, oncle maternel de saint Bernard, que l'abbé Geoffroy qualifie maître du Temple et regarde comme le plus ferme appui du royaume de Jérusalem, dans la vie de ce saint.

(1) C'est cette maison de Blanquefort qui se confondit au commencement du XVe siecle avec celle de Roquefeuil.

VI. Philippe de Naplouse. 1168-1174.
Philippe, né à Naplouse, on Syrie, fut successeur immédiat du grand-maître Bertrand. Il était originaire de Picardie, fils ainé de Gui de Milli et de Stéphanie, dame flamande. Philippe fut d'abord seigneur de Naplouse et se trouva au-siege d'Edesse en 1144. Il avait été marié, et apres la mort de sa femme, dont il avait eu deux filles, il se fit Templier. La conduite qu'il tint dans l'ordre, lui en mérita la premiere place. Il ne la conserva que peu de temps, puisqu'il y avait déjà renoncé avant la Pâque de l'an 1171.

VII. Odon de Saint-Amand. 1171-1179.
Odon de Saint-Amand, chevalier français, né d'une famille distinguée, fut donné pour successeur à Philippe de Naplouse. En 1172, il eut le chagrin de voir apostasier le Templier Mélier ou Milon, frere du prince d'Arménie. Vers le même temps, Gautier du Ménil, chevalier du même ordre, massacra le député du prince des assassins, ce qui occasionna de fâcheuses altercations. L'an 1177, Saint-Amand se trouva avec quatre-vingts de ses chevaliers à la bataille de Ramlah contre Saladin. Les chrétiens la gagnerent ; le sultan eut sa revanche l'année suivante.

Tandis que les Templiers sont occupés à construire un fort pres de Panéas, il vient les attaquer. Le roi Beaudoin vole inutilement à leur secours. Les Francs sont battus. Le grand-maître et plusieurs de ses chevaliers sont pris dans la mêlée. On envoya les plus distingués a Damas, les autres furent sciés par le milieu du corps sur le champ de bataille. On proposa à Saint-Amand un échange de sa personne contre un émir, prisonnier de l'ordre. Il eut la générosité de le refuser. « Je ne veux point, dit-il, autoriser par mon exemple la lâcheté de ceux de mes religieux qui se laisseraient prendre, dans la vue d'être rachetés. Un Templier doit vaincre ou mourir, et ne peut donner pour sa rançon que son poignard ou sa ceinture (1) ». II mourut dans les fers apres quelques mois de captivité, c'est-à-dire en 1179.

(1) C'était une coutume établie chez cet ordre de ne point racheter ceux qui se rendaient prisonniers de guerre et de les regarder comme morts.

VIII. Alan ou Arnaud de Toroge (de Turri-Bubra). 1179-1184.
Alan de Toroge, apres avoir rempli les premieres places de l'ordre en deçà des mers, fut élu pour succéder au grand-maître Saint-Amand. L'an 1180, Alan et le grand-maître des Hospitaliers signerent, par contrainte, une paix déshonorante avec Saladin. Ils s'embarquerent l'un et l'autre, en 1184, avec le patriarche Héraclius pour aller chercher du secours en Occident. Ayant abordé sur les côtes d'Italie, ils se rendirent à Vérone, où le pape était en conférence avec l'empereur. Alan mourut en cette ville et non pas a Paris, comme quelques-uns l'ont prétendu.

IX. Terric (Terricus). 1184-1188.
Terric ou Thierry, dont le pays et la famille sont inconnus, fut élevé à la dignité de grand-maître apres la mort d'Alan de Toroge.

L'an 1187, de concert avec le grand-maître de l'Hôpital, il attaqua le prince Afdhal, fils de Saladin, au retour d'une course qu'il avait faite sur les terres des Francs. La partie n'était pas égale. Cinq cents chrétiens combattirent contre cinq mille musulmans. Presque tous les chevaliers périrent dans le combat, apres avoir fait des prodiges de valeur. On admira surtout la bravoure de Jacquelin de Maillé, que les musulmans prirent pour saint Georges, patron des armées chrétiennes.

Cette action est du 1er mai. Le 5 juillet suivant se donna la fameuse bataille de la Tibériade qui dura trois jours.

Les Templiers descendirent les premiers dans la plaine, et chargerent les Infideles avec leur valeur ordinaire ; ils pousserent d'abord et culbuterent tout ce qui se présenta devant eux. Jamais, disent les historiens, ces braves guerriers n'avaient fait paraître tant de courage el d'intrépidité. Mais le traître Raymond, comte de Tripoli, qui commandait le corps qui les devait soutenir les abandonna lâchement et s'enfuit de concert avec Saladin qui le laissa échapper.
Les Templiers, demeurés seuls, furent accablés par la multitude des ennemis, et tous furent tués ou demeurerent prisonniers. Le reste de l'armée se retira en désordre ; Saladin la poursuivit el l'écrasa ; ce fut moins un combat qu'une boucherie.

Saladin fit dire aux chevaliers prisonniers de guerre qu'il leur accorderait la vie s'ils consentaient à renier Jésus-Christ ; mais ces intrépides guerriers repousserent cette proposition avec horreur: ils furent tous égorgés. Le grand-maître seul fut réservé.

La perte de cette bataille fut suivie de celle de toutes les places de la Syrie et de Jérusalem elle-même qui, quatre-vingt-huit ans apres la conquête qu'en avaient faite les premiers croisés, tomba au pouvoir de Saladin.

Quelques mois apres cet événement, Terric obtint sa liberté ; mais obligé par le serment qu'il avait fait à Saladin de ne jamais porter les armes contre lui, il donna sa démission, se regardant comme incapable par cet engagement de continuer à gouverner l'ordre.

X. Gérard de Ridefort. 1188-1189.
Gérard de Riderfort ou de Réderfort (il y avait en Flandre et en Angleterre plusieurs familles de l'un et de l'autre nom), successeur du grand-maître Terric, commanda le corps de réserve à la bataille qui se donna, le 4 octobre 1189, contre Saladin. L'aile droite des ennemis fut culbutée au premier choc ; mais tandis que les Francs s'amusent au pillage, Saladin revient sur eux et en eût fait un horrible carnage sans la brave résistance des Templiers. Le grand-maître périt dans l'action avec plusieurs des siens, heureux, dit un contemporain, de terminer tant de beaux exploits par une mort aussi glorieuse !

L'histoire ne parle point des autres actions où ce grand capitaine se signala. Corneille Zanfliel place la mort de Riderfort dans une autre circonstance. Ce fut, selon cet historien, au siege d'Acre (1191) qu'il fut tué.
Apres sa mort, le magistere vaqua pendant dix-huit mois. Durant cette vacance, le roi d'Angleterre s'étant rendu maître de l'île de Chypre l'engagea aux Templiers pour vingt-cinq mille marcs d'argent.

XI. Robert de Sablé. 1191-1196.
Robert de Sablé ou de Sabloil fut élu grand-maître du Temple apres l'arrivée du roi d'Angleterre en Palestine. Il avait commandé la flotte qui avait amené ce prince, et s'était fait Templier à son arrivée devant Acre. Les grands exploits où il s'était distingué en Espagne, en Sicile et ailleurs, lui tinrent lieu de probation. A peine eut-il été admis, qu'il se vit à la tête de l'ordre. L'an 1191, les Templiers, sous la conduite du roi d'Angleterre, gagnerent, au mois de juillet, une bataille contre Saladin dans la plaine d'Arsoph. A la faveur de cette victoire, ils se trouverent en état de réparer les places maritimes, objet auquel ils donnerent tous leurs soins.

L'an 1192, le grand-maître remit au roi d'Angleterre l'île de Chypre, sur les difficultés que l'ordre éprouvait à conserver ce dépôt.

Les deux ordres du Temple et de l'Hôpital furent battus en Espagne par le Miramolin d'Afrique, en 1194. Deux ans apres au plus tard (1196), Robert de Sablé finit ses jours. Au commencement de son magistere ou sur la fin du précédent, on vit naître en Palestine un nouvel ordre militaire, celui des chevaliers Teutoniques, qui subsiste encore de nos jours dans le nord.

XII. Gilbert Horal ou Hérail. 1196-1200.
Gilbert Horal, précepteur de France, était pourvu du magistere en 1196.
L'an 1197, les chevaliers de Palestine refuserent de joindre leurs armes à celles des impériaux contre les musulmans. L'honneur et la religion du serment furent cause de ce refus. Ils avaient signé et juré la trêve conclue par le roi d'Angleterre avec l'ennemi. L'an 1199, grande querelle entre les Templiers et les Hospitaliers. On en vint aux mains. Terric, ci-devant grand-maître du Temple, et Villeplane, son confrere, furent députés au pape Innocent III sur ce démêlé. Le pape, apres avoir blâmé les deux partis, renvoya l'affaire aux évêques d'Orient qui condamnerent les Templiers. On ignore l'année de la mort du grand-maître Horal ; mais il ne passa pas l'année 1201.

XIII. Philippe de Plessiez. 1201-1217.
Philippe du Plessiez, né d'une famille illustre d'Anjou, était en possession du magistere, selon Ducange, en 1201. La même année, le roi d'Arménie enleva aux Templiers le fort Gaston, situé dans ses Etats. L'an 1202, le grand-maître fit déployer le Beausiant pour obliger ce prince à restituer la place. On convint ensuite d'une suspension d'armes jusqu'à l'arrivée des légats ; cette convention était l'effet d'une impuissance réciproque. Le roi, dans l'intervalle, chassa tous les Templiers de son royaume et fit saisir tous les biens qu'ils y possédaient. Ce démêlé fut terminé en 1213 à l'avantage de l'ordre.

L'an 1208, lettre du pape Innocent III aux Templiers sur leur désobéissance envers les évêques et même les légats. Les grandes richesses de l'ordre avaient produit cet esprit d'indocilité. Elles augmenterent dans la suite et ne rendirent pas ces chevaliers plus souples.

En 1210, le roi d'Aragon fit donation aux Templiers du fort d'Azuda et de la ville de Tortose.

En 1213, fameuse victoire d'Ubéda, remportée sur les Maures d'Espagne. Entre les Templiers qui s'y distinguerent, on remarque Gomez Ramirez, précepteur de Castille, qu'on a fait mal à propos grand-maître de l'ordre.

L'an 1217, prise d'Alcazar et autre bataille gagnée sur les Maures. On fut redevable, en partie, de ces avantages à la valeur des chevaliers. Du Plessiez mourut cette année.

XIV. Guillaume de Chartes. 1217-1219.
Guillaume de Chartres, issu de l'ancienne maison des comtes de Blois, fut le vrai successeur du grand-maître du Plessiez. On le confond mal à propos avec Guillaume de Montredon. Ces deux personnages sont différents, et le dernier ne parvint point à la dignité de grand-maître.

Les Templiers commençaient alors à construire le fameux château des pelerins sur la pointe d'un rocher, pres de la mer, entreprise tres-dispendieuse mais également utile. Ce fort seul causa plus de mal aux Infideles que toute une armée en campagne.
En 1218, il fut vainement insulté par l'ennemi, durant l'absence des chevaliers occupés au siege de Damiette. Guillaume de Chartres mourut, en 1219, devant cette derniere place d'une maladie épidémique causée par l'inondation du Nil.

XV. Pierre de Montaigu. 1219-1233.
Pierre de Montaigu, d'une famille répandue par toute la France, fut donné pour successeur, devant Damiette, à Guillaume de Chartres. La bravoure et l'habileté qu'il fit paraître à ce siege (1) l'ont fait comparer à Gédéon.

L'an 1224, les Castillans, secondés par les chevaliers du Temple, emporterent de grands avantages sur les Maures. Les forteresses de l'ordre en Aragon servirent d'asile, en 1225, au jeune roi, don Jayme, que l'ambitieux Moncade avait entrepris de détrôner.

L'an 1227, l'empereur Frédéric les maltraite en Sicile, pour s'être déclarés en faveur du pape, dans ses démêlés avec ce prince. L'année suivante, malgré ce sujet de mécontentement, ils vont au-devant de Frédéric à son arrivée en Palestine, et lui rendent tous les honneurs dus à la majesté impériale. Frédéric veut les obliger à marcher avec lui contre l'ennemi. Le grand-maître le refuse, alléguant la défense du pape qui ne lui permet pas de prendre les ordres d'un prince excommunié. L'an 1229, à l'exemple du patriarche de Jérusalem, il ne veut point souscrire le traité que Frédéric avait fait avec le sultan d'Egypte: nouveau sujet de brouillerie.

L'empereur charge d'injures le grand-maître en quittant la Palestine. De retour en Europe, Frédéric continue de vexer les Templiers en Sicile.

Dans le cours de la même année, ceux d'Aragon font la conquête des îles Baléares, sous les ordres du roi don Jayme. L'an 1233, ce prince ayant déclaré Alfonse, son fils, héritier de ses Etats, lui désigne, pour gouverneurs, les maîtres du Temple et de l'Hôpital en Aragon. Montaigu n'était plus grand-maître, ou du moins cessa de l'être cette année par mort ou par démission.

(1) Ce siege eut lieu pendant la cinquieme Croisade, entreprise en 1217. Cette fois les chrétiens voulurent porter la guerre au coeur des états de l'ennemi, et ils assiégerent Damiette. Les Templiers y montrerent leur bravoure accoutumée et la place fut emportée ; mais la présomption du légat, qui s'ingérait du soin de diriger l'entreprise, compromit bientôt ce triomphe.
L'armée s'étant imprudemment avancée, par son ordre, dans l'Egypte, se trouva bientôt dans la plus cruelle position. Elle restitua Damiette et se retira.

Apres cette époque, la Terre Sainte ne fut plus guere défendue que par les deux ordres guerriers.

XVI. Armand ou Herman de Périgord. 1233-1234.
Armand de Périgord (1), de l'ancienne maison, à ce qu'on croit, des comtes de Périgord, remplaça, l'an 1233, au plus tard, le grand-maître Montaigu. Armand avait été auparavant précepteur de Calabre et de Sicile. En 1237, vainqueur des Sarrazins dans une affaire pres d'Alep, il essuya, peu de temps apres, un échec d'où il n'échappa que lui neuvieme.

Les affaires des chrétiens étaient alors dans le plus mauvais état en Orient. Pour mettre le comble aux désastres de cet infortuné pays, une race inconnue et plus féroce que toutes celles qui l'avaient précédée, les Corasmins se répandirent tout-à-coup sur les bords de l'Euphrate et du Jourdain, vers l'année 1243.

Les historiens ne parlent qu'avec effroi de ces hommes de carnage et de sang qui, le fer et la flamme à la main, détruisaient et massacraient tout ce qui ne pouvait éviter leur approche. Les chrétiens réunirent leurs forces dont les Templiers étaient la principale.

Les deux armées se rencontrerent pres de Gaza dans le courant de cette fatale année 1243. Le choc fut épouvantable. La bataille dura deux jours. Les chevaliers des deux ordres y firent des prodiges de valeur ; mais enfin, accablés par le nombre, presque tous les chevaliers furent tués. Le Temple seul perdit 312 chevaliers et 324 servants d'armes (2). Les deux grands-maîtres périrent à la tête de leurs troupes.

En attendant qu'on choisît un successeur à celui du Temple, le chapitre général constitua vice-gérant Guillaume de Roquefort.

(1) Quelques historiens le font succéder à un Armand de Peyragrossa que les savants auteurs de l'Art de vérifier les dates regardent comme le même personnage.

(2) Trente-deux Templiers seulement et vingt-six Hospitaliers échapperent à ce désastre.

XVII. Guillaume de Sonnac. 1247-1250.
L'ordre paraissait enseveli dans les champs qu'ensanglanta la fatale journée de Gaza. Les relations qui passerent en Europe font une peinture déchirante des malheurs de la Terre Sainte et de l'héroïque valeur des chevaliers dignes d'un meilleur sort.

Mais la gloire dont se couvraient les Templiers était une semence féconde qui réparait bientôt leurs pertes. On ne tarda pas à les voir reprendre leurs postes dans les sieges et les combats.

Ce fut dans ces conjonctures que saint Louis entreprit de venir relever les affaires des Chrétiens, et que Guillaume de Sonnac, d'une famille distinguée du Rouergue, fut élu, en 1247, pour remplir la dignité de grand-maître. C'était, au rapport de Mathieu-Paris, un vieux chevalier, tres versé dans l'art de la guerre et renommé par son courage, sa piété et sa prudence.

Le roi arriva en Chypre, le 28 septembre 1248, suivi de plusieurs Templiers français. Sonnac alla joindre ce prince devant Damiette et se distingua au siege de cette place qui fut emportée par les Croisés.

Saint Louis se mit ensuite en devoir de passer le Nil pour continuer sa marche vers la Palestine, et confia l'avant-garde de son armée aux Templiers, avec ordre à Robert, comte d'Artois, son frere, de les suivre avec le corps de bataille et de ne rien entreprendre sans sa permission.

Le passage s'effectua sans de grandes difficultés (1250). Robert culbuta les ennemis sur le rivage, les poursuivit jusques dans leur camp, força les retranchements et fit main basse sur tout ce qui s'y rencontra. On était pres de la Massoure. La vue de cette ville ouverte et abandonnée tenta le comte, jeune homme avide de gloire et vif jusqu'à l'emportement. En vain Sonnac lui fit de sages représentations pour arrêter son imprudent courage. Tout fut inutile. Robert se précipita vers la Massoure à la tête de son armée qui ne trouvant pas de résistance se livra au pillage. Mais pendant ce temps, les Infideles ralliés sous leur chef Bencdocdar, officier plein de valeur, vinrent fondre sur les Français et en firent un horrible carnage. Le comte d'Artois et la plupart des chevaliers périrent dans cette funeste journée. Il n'en échappa presque que le grand-maître Sonnac qui, apres avoir perdu un oeil et tout couvert de blessures parvint à regagner le camp.

Trois jours apres il fut tué dans une nouvelle action qui entraîna la ruine de l'armée et la captivité du saint roi.

XVIII. Renaud de Vichiers. 1250-1256.
Renaud de Vichiers, grand maréchal de l'ordre et auparavant précepteur de France, champenois de naissance, fut élu, apres le retour des chevaliers en Palestine, pour succéder au grand-maître Sonnac. Ce fut lui qui, par ses remontrances, engagea saint Louis à prolonger son séjour en Syrie. Peu de temps apres son élection, il apprit la nouvelle de la mort de l'empereur Frédéric II et du testament par lequel il ordonnait la restitution des biens qu'il avait enlevés aux Templiers. De Vichiers mourut en 1256.

XIX. Thomas Béraut ou Bérail. 1256-1273.
Thomas Béraut fut investi de la suprême dignité de l'ordre en 1256. Quatre ans apres, en 1260, tandis que les Templiers de Castille étaient aux prises avec les Maures d'Andalousie, ceux de Palestine étaient battus et dispersés ou faits prisonniers par Bondochar, sultan d'Egypte.

L'an 1264, le pape Urbain IV, indisposé contre Etienne de Sissi, maréchal de l'ordre, le priva de sa charge, entreprise inouïe jusqu'alors. De Sissi fit à ce sujet des remontrances au pape qui, pour toute réponse, l'excommunia. L'ordre prit le parti du maréchal. Urbain mourut sur ces entrefaites. Clément IV, son successeur, leva l'excommunication, apres avoir réprimandé ses supérieurs.

Les Templiers étaient maîtres d'une forteresse appelée Sephet. Bondochar y mit le siege en 1266, et, apres une longue défense, le prieur du Temple, qui en était gouverneur, voyant tous ses ouvrages ruinés, fut obligé de capituler.

Il était convenu que les débris de la garnison se retireraient sans être inquiétés. Mais le sultan ne se vit pas plutôt maître de Sephet qu'il fit tous les chrétiens prisonniers et ne leur donna que quelques heures pour se résoudre à mourir ou se faire mahométans. Le prieur du Temple, assisté de deux franciscains, passa, la nuit à exhorter la garnison et les habitants au martyre. Dieu bénit les efforts de son zele. De trois mille qu'ils étaient, huit seulement renierent le nom chrétien. Tous les autres furent égorgés, et le sultan irrité de la fermeté du prieur le fit écorcher tout vif.

L'an 1268, Bondochar enleva aux Templiers le château de Beaufort et la plupart des places qu'ils avaient sur les confins de l'Arménie. Les succes étonnants de ce prince occasionnerent, en 1270, une nouvelle Croisade ; mais malgré de nombreux renforts, la Terre Sainte se trouvait l'année suivante sans autres secours que celui des chevaliers.

Suivant Bernard le Trésorier, le grand-maître Béraut mourut le 25 mars 1273. Il est qualifié de sage dans une lettre des Orientaux au roi de Navarre. On a prétendu que ce fut sous son magistere que de funestes erreurs commencerent à se répandre dans l'ordre du Temple.

XX. Guillaume de Beaujeu. 1273-1294.
Guillaume de Beaujeu, Bourguignon de naissance, d'une famille illustre, commandeur de La Pouille, fut élu grand-maître en son absence, le 1 3 mai 1273, suivant Bernard le Trésorier. Le nouveau grand-maître assista l'année suivante au concile de Lyon et arriva, le 28 septembre, dans la Palestine qu'il trouva désolée. Les chevaliers, harcelés par les Infideles, étaient retranchés sur les montagnes avec le roi Hugues de Lusignan.

L'an 1 276, don Pédre de Moncade, précepteur d'Aragon, qualifié mal à propos grand-maître des Hospitaliers, fut fait prisonnier par les Maures.

L'an 1278, Beaujeu, poussé à bout par Boémond VI, prince d'Antioche, chercha à se venger des affronts que lui et son ordre en avaient reçu ; mais sa flotte périt dans un naufrage.

L'année suivante, les Templiers se brouillerent avec Alfonse roi de Portugal, et ce prince les dépouilla d'une partie des biens que ses ancêtres leur avaient donnés. L'ordre en porta ses plaintes au pape qui excommunia le roi.
En 1283, mêmes démêlés des chevaliers avec le roi de Chypre, et même traitement de sa part. Le pape intervint encore dans ce différend et réussit à mettre d'accord les parties.

L'issue de tant de guerres et de dissensions fut la perte de toutes les places que les chrétiens avaient encore dans la Palestine. En 1289, il ne restait aux Templiers que Sayette ou Sidon avec le château des pelerins. Les Francs eux-mêmes, depuis la perte du fort de Laodicée, n'avaient plus que Tyr, Acre et Baruth. Le roi de Chypre et les chevaliers demanderent en vain la paix: ils ne purent obtenir qu'une trêve de deux ans ; elle ne dura pas même ce temps. Des aventuriers, nouvellement débarqués au port d'Acre, la violerent l'année suivante de la maniere la plus perfide. Le sultan Kalil irrité sortit alors du Caire, dans la résolution d'exterminer tout ce qui restait de chrétiens en Syrie. Acre fut attaquée par terre, le 5 avril 1291, par le Soudan d'Egypte qui en forma le siege avec une puissante armée. La plupart des habitants abandonnerent la ville et s'éloignerent sur des navires. Il ne resta dans la place qu'une troupe d'élite qui tirait sa plus grande force des Templiers et des Hospitaliers. Beaujeu fut élu gouverneur de la place. Atteint sous l'aisselle d'une fleche empoisonnée, il périt bientôt apres avoir vu succomber le plus grand nombre des siens dans les assauts furieux que livraient les Infideles.

XXI. Thiébaud Guydin ou le moine Gaudini. 1291-1298.
Dans ce moment critique, on jeta les yeux sur le moine Gaudini, l'un des plus vaillants de l'ordre. Il remplaça aussitôt Guillaume de Beaujeu, et son inauguration a lieu sur un champ de carnage. Le 18 mai, l'ennemi emporte la ville. Ce qui restait d'Hospitaliers gagne les rivages de la mer et parvient à se sauver sur des embarcations. Trois cents Templiers qui avaient échappé à la fureur des assaillants se jettent avec le grand-maître dans la tour du Temple, résolus de s'y ensevelir. Ils s'y défendent tout le jour suivant, et le lendemain cette tour minée par l'ennemi croule avec un fracas épouvantable et ensevelit dans ses ruines ses généreux défenseurs.

De plus de cinq cents Templiers qui avaient soutenu si courageusement le siege d'Acre, dix seulement, et encore tout mutilés, parvinrent à quitter ces funestes rivages. Gaudini fut du nombre. Il s'embarqua le 20 mai avec les trésors de l'ordre et passa en Chypre ainsi que le grand-maître de l'Hôpital. L'un et l'autre établirent le chef-lieu de leur ordre dans la ville de Limisso, sous la protection du roi Henri II. Gaudini mourut dans cette retraite l'an 1298 au plus tard.

Telle fut l'issue de ces guerres sacrées qui pendant deux siecles attirerent en Orient toutes les forces de l'Europe chrétienne.

On peut dire que tant qu'avait duré la domination des chrétiens en Palestine, l'épée des chevaliers n'avait pas un instant reposé. Et comment les Latins, mus sans doute par un grand courage mais sans expérience guerriere, et perdus, pour ainsi dire, dans la foule des Infideles qui les bloquaient de toutes parts, auraient-ils pu faire face et soutenir une lutte si inégale, sans l'assistance de cette milice active qui se multipliait avec le danger et semblait être à la fois sur tous les endroits menacés ?

Les Templiers, dans ces temps difficiles, étaient presque tous la proie des combats. Outre ce qu'on a déjà vu dans les actions les plus remarquables, rien ne prouve mieux combien ces généreux soldats étaient prodigues de leur vie, que le sort des grands-maîtres, périssant presque tous, les armes à la main, des suites de leurs blessures ou dans les fers de l'ennemi.

Qu'on juge de l'estime et de l'admiration qui environnaient ces guerriers dans un siecle surtout dont la gloire militaire était l'idole ; le monde chrétien retentissait de leurs exploits ; les princes et les souverains briguaient l'honneur de porter l'habit de l'ordre ou d'en mourir revêtus.

L'histoire des Templiers pendant leur séjour en Palestine nous a peint leur grandeur et ce haut période de gloire où ils s'étaient élevés ; dans ce qui va suivre on les verra en butte aux traits les plus cruels de la fortune et terminer leur existence sous la plus épouvantable des catastrophes.

XXII. Jacques de Molay. 1298-1314.
Jacques de Molay paraît pour la premiere fois, en 1298, en qualité de grand-maître. Il était d'une famille distinguée du comté de Bourgogne. Molay est une terre du doyenné de Neublant au diocese de Besançon. Jacques de Molay s'était fait connaître à la cour de France, où il avait eu l'honneur de tenir sur les fonds de baptême un des enfants du roi Philippe-le-Bel.

En 1299, le fameux Casan, roi des Tartares Mogols, étant accouru au secours des Arméniens, les Templiers se joignirent à lui, contribuerent à la défaite des Musulmans, et reprirent plusieurs places, entre autres Jérusalem où ils resterent en garnison ; mais ce ne fut pas pour longtemps. L'année suivante, la Ville Sainte retomba sous la domination des Musulmans, qui acheverent d'en raser les fortifications.

L'an 1301, le grand-maître, retiré dans l'île d'Orade, les incommoda au point d'obliger le gouverneur de Phénicie à demander du secours pour le repousser. Un émir étant venu l'attaquer en 1302, la victoire se déclara pour les Infideles. 120 chevaliers furent faits prisonniers et conduits au Caire.

Malgré ces revers, les chevaliers disputaient le terrain pied à pied et faisaient de suprêmes efforts pour ressaisir leur ancienne conquête. L'an 1303, les troupes du Temple et de l'Hôpital réunies pour la seconde fois à celles de Casan, firent de nouvelles tentatives contre les Musulmans ; mais elles furent si maltraitées en deux rencontres, que les chevaliers prirent le parti de retourner en Chypre. En 1306, le grand-maître, mandé par le pape, se rendit à la cour d'Avignon avec soixante de ses chevaliers.

Ici commence le drame final qui précéda la destruction de l'ordre.
Sources: Justin-Hippolyte de Barrau: Ordres Equestres — Documents sur les Ordres du Temple et de Saint-Jean de Jérusalem en Rouergue — Rodez, 1861.

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