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Etudes sur les Ordres des Hospitaliers, Malte et Rhodes
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Saint-Jean près de Lectoure

Département: Gers, Arrondissement: Condom, Canton: Lectoure, Commune: Ramounas - 32

Domus Hospitalis Saint-Jean près Lectoure
Domus Hospitalis Saint-Jean près Lectoure

Une ferme lectouroise à la veille de la Révolution
Deux gros terriers de l'Ordre de Malte (1), reliés de cuir, illustrés de plans en couleurs, calligraphiés avec un art très sûr (plus sûr que l'orthographe) attirent tout de suite le chercheur qui s'initie à l'étude des riches archives de Lectoure.
La ferme actuelle de Saint Jean que son propriétaire, M. Sentis, nous a fait visiter avec cette grâce gasconne de l'hospitalité qui est vraiment incomparable, trouve dans ces livres monumentaux ses titres de noblesse. A la veille de la Révolution, chef-lieu d'un membre du dimaire de l'Ordre de Malte, elle relevait directement du Commandeur de La Cavalerie. Cette suzeraineté ecclésiastique s'étendait au-delà des possessions de la métairie : « sur la maison et métairie dite de l'Hôpital, appartenant à Noble de Marcous, les hameaux de Norou et de Ramounas, la métairie de Cailhava, appartenant à Noble de Lafont, les métairies de Ricarde et de la Forgue, appartenant au Sieur de Marcous, l'ancien moulin et tour de Lamothe, appartenant à M. le marquis d'Esclignac, la métairie de Fourcès appartenant au Sieur Dumay, de Lectoure et finalement la métairie du Rectou, appartenant à la cure du Saint Esprit » (2).

Des bornes « d'une bonne et belle qualité de pierre dure », « marquées sur une des faces d'une croix de Malte et sur la face opposée du mot : dîme »
(3) ceignaient l'étendue du dimaire de Saint-Jean de Sommeville. L'une d'elles, dont les inscriptions ont été enlevées au ciseau, sans doute pendant la période révolutionnaire, soutient aujourd'hui, et fort prosaïquement, avec quelques pierres anonymes une cage à poules sur l'un des côtés de la cour.

La métairie de Saint-Jean au jour de la Translation, 26 novembre 1780 - BNF

En 1780, la suzeraineté de Saint-Jean se traduisait par un droit de dîme, confirmé par arrêt du Grand Conseil du 10 septembre 1779 (4). Les grosses dîmes consistaient en « froment, seigle, méture, orge, bailharge et en toutes autres sortes et espèces de grains généralement qui se lient en gerbe » (4), leur côte était « de dix-huit, deux, autrement de neuf, un » (4). La côte n'était que du dixième pour « les menues et vertes dîmes : jarousses, mongètes, arbeilhes, poids, fèves, lentilles, gros millet » (4), ainsi que pour la vendange, le chanvre et le lin (4).
Le Seigneur Commandeur de La Cavalerie prélevait la totalité de la dîme du lin et du chanvre, mais se contentait de la moitié des autres (4).
L'Evêque de Lectoure et le Curé du Saint-Esprit se partageaient par portions égales l'autre moitié (4). Pourquoi cette métairie avait-elle le privilège d'être le chef d'un membre de l'Ordre ?
Le plan (5), dressé à la suite du bornage du 12 février 1787 fait apparaître « une petite sommité sur laquelle sont encore les vestiges des fondements d'une ancienne chapelle » (6). Celle-ci était desservie au XVe siècle puisque la légende du plan mentionne « un acte d'inféodation du dernier février 1451 fait par Frère Jean de Combes qualifié prêtre et commandeur d'Abrin être dédié à l'honneur de Saint-Jean » (5).
Cette chapelle n'était elle-même qu'un élément de ce chapelet d'églises et d'hospices qui s'égrenaient sur le chemin du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.
Encore au XVIIIe siècle, le sanctuaire ibérique attirait des pélerins lectourois, tel ce Jean Parran, joueur de violon à « Paulhac, dans le Comté de Gaure » qui « étant en parfaite santé et en son bons sens... a dict qu'il est résollu de s'en aller faire voyage et pélerinage à Saint-Jacques en la Gallice » (7).
En labourant le tertre, non loin de l'emplacement de la vieille chapelle, il est fréquent de dégager du sillon des ossements humains ; ils témoignent sans doute de l'existence d'un vieux cimetière (8).

Les plans à l'échelle, les descriptions du terrier, enfin l'observation des lieux actuels et des bâtiments d'exploitation nous permettent d'avoir une idée très précise de la métairie au XVIIIe siècle.

Cadastre avant 1780 d'après les plans du bornage - BNF

D'une superficie modeste : 13 à 14 concades, elle comprenait, en plus des bâtiments d'exploitation :
1° — Une grande pièce (9), limitée au nord par le chemin de Larroque à Lectoure (qui disparaîtra en 1785) à l'est par celui de Marsolan au moulin de Lamothe (« le chemin Moliau »).
A l'ouest la frontière de la propriété qui coïncide avec celle du dimaire suit les possessions de M. Odet de Broqua « procureur du Roy et son avocat au sénéchal d'Armagnac », au sud, celle de la métairie de Nine qui relevait du Comte Corneillan. Le tiers de la pièce était en labours, « d'une bonne qualité et nature de fonds », (10) le reste en prés sauf au sud-est ou s'étendait une petite vigne qui était perdue en 1780, lors du bornage du 2 décembre. Le sol en était fort ingrat ; les ceps ausaient dû être arrachés pour permettre un autre complantement.

2° — La pièce de Caillava (11) ou de la Gravère s'étalait au nord du chemin de Larroque, entre le chemin du Moulin et la route de Lectoure à Lagarde. Aux deux angles méridionaux suintaient les eaux de deux fontaines et en bordure du chemin de Larroque une « gravère » était exploitée. La grande pièce et le Caillava couvraient 11 concades, 13 sols.

3° — A l'ouest, en bordure du chemin de Lagarde, enclavée dans les terres de Jouncassa, possessions d'Odet de Broqua, la parcelle de Cazalas ou de Bordeneuve était une dépendance de Saint-Jean. Elle comptait une concade, un sol, neuf deniers « d'une médiocre qualité de fonds, y ayant une partie en friche » (12).

4° — Enfin, au sud-ouest, confrontant à la Peyrigne, un pré quadrangulaire de 1 concade, 35 sols, 7 deniers, constituait au préjudice de la métairie de Ricarde, des appartenances de M. de Marcous, officié d'infanterie, une autre dépendance de Saint-Jean (13).

En 1780, les bâtiments d'exploitation de la métairie étaient en piètre état (14). Toutefois « une vaste grange de 15 pieds de large sur 60 de long bâtie en parois, couverte d'une belle charpente dont la toiture est en tuile canal remplaçait une cabane en feuillages » (10) que le Seigneur Commandeur de Montazet avait trouvé son avènement (16).
En 1785, le Commandeur fit démolir ces masures et même la grange neuve ; il fit élever, au sud-ouest à quelque distance des bâtiments primitif, une ferme modèle dont la structure d'ensemble n'a guère été remaniée depuis lors. Il aurait certainement modernisé plutôt l'habitat, si l'Ordre, dont il sert avec zèle les intérêts (17), n'avait pas été victime d'une usurpation de propriété. En 1780 « la majeure partie du bâtiment de la métairie de Saint-Jean de Sommeville était habitée par deux familles dites Despiteau et Bascou qui avaient même étendu leurs possessions sur une portion de terre autour de ladite métairie de la contenance de 4 sols, le tout encadastré à folios 263 et 264 du cadastre de 1682 et folios 159 et 160 du livre de décharge de la ville de Lectoure, et antérieurement encore au cadastre de 1638 » (18).

Les métayers de Saint-Jean, refoulés par les intrus, devaient se contenter d'une seule chambre (19). Tant que cette hypothèque n'était pas levée, il n'était pas possible de moderniser l'exploitation et jusqu'en 1780, les « améliorissements » (20) se limitèrent à la partie libre de l'immeuble : adjonction d'un four et d'une volière, construction de la grange neuve.

Incontestablement ces deux familles paysannes avaient usurpé les droits de l'Ordre : les terres de la métairie étaient des biens nobles qui ne pouvaient pas être, en droit, encadastrées (22) ; de nombreuses usurpations avaient eu lieu dans le passé, notamment au XVIe siècle. Le Commandeur de Montazé découvrir en effet aux archives du grand Prieuré de Toulouse les pièces d'un long procès que l'Ordre avait intenté et gagné le 4 mars 1554 devant le Parlement de Toulouse contre des emphytéotes des terres de Saint-Jean. Il acquit ainsi la certitude « qu'une partie des terres du membre de Sommeville avaient été anciennement données et à diverses époques par différents commandeurs et notamment par le Commandeur d'Esparbès en 1511 au tiers des fruits pour, 3, 6 et 9 années et qu'il en avait affermé d'autres pour la même espace de tems sous une simple redevance des fruits et d'argent. A l'expiration desquels beaux les usufruitiers, faute d'être recherchés, s'étaient maintenus dans une procession qui avait dégénéré dans la du tems dans des prétentions de propriétay » (23).
Le cas des Bascou et des Despiteau devaient être en tous points semblables à ceux de ces colons partiaires que le Commandeur de Baulac fit expulser en 1554. Encore fallait-il des preuves formelles, des présomptions ne suffisaient pas. Le procès en déguerpissement intenté par le Commandeur de Raousset le 13 juillet 1761 devant le sénéchal de Lectoure maintint les possesseurs sur leur terre, l'appel de René de Leaumont, receveur du grand Prieuré devant le Parlement de Toulouse ne fut pas plus heureux. Même la découverte de trois preuves formelles sur documents authentiques : la minute d'un bail à ferme du 26 mai 1717 (24) et deux autres contrats de baux du 18 décembre 1684 (25), consentis les uns et les autres à la famille Despiteau par la Cavalerie, n'amena pas la fin de l'usurpation. Seule, une solution amiable était sage : une transaction eut lieu. Nous avons dans le « Verbal de bornage » le texte intégral de celle-ci.

Plan des bâtiments de Saint-Jean 1785 et 1949 - BNF

Dans un préambule, les parties rappellent le processus d'usurpation :
1° — La famille Despiteau, à la faveur d'un déguerpissement de bordier, s'était installée, telle la belette de la fable, dans la métairie provisoirement abandonnée.
2° — Ne pouvant la chasser, un Commandeur consentit à l'y laisser, à titre de colon.
3° — Mais Despiteau ayant « eu l'adresse de se faire charger de ladite maison, jardin et des terres qu'il jouissait au tiers des fruits » sur le cadastre de la ville, un fermier du membre de St-Jean ne put ensuite lui faire vider les lieux.

Despiteau et Bascou reconnaissent explicitement qu'ils ne possèdent rien en pleine propriété, que « ladite métairie ou maison, jardin, patus, circonstances et dépendances appartiennent en propre à la Commanderie. » Mais ils invoquent leur misère, implorent la charité du Commandeur et obtiennent de lui contre déguerpissement 4 sols de terrain à rente perpétuelle à prendre au confin méridional du dimaire et 550 livres d'argent afin d'y « faire construire une petite maison pour se mettre à l'abry des injures du tems » (26). L'acte prévoit un cens annuel de « 4 sols, monoye courante, valant 48 deniers de fief payable à la Toussaint ; avec autant d'acaptes et arrière acaptes » ; réservé à l'Ordre, selon la coutume des censives « tous droits de lodz, ventes, échanges, engagements, droits de prélation, acaptes et arrière acaptes. » Les vassaux « s'obligent... le long des possessions de l'Ordre et à l'aspect du Nord du fond cédé... de faire un fossé de 5 pieds de largeur et de 4 pieds de profondeur sur 18 pouces de solle » ; « ... ils seront tenus de payer annuellement les charges et impositions qui seront faites par la Communauté d'icelle ville sur les 4 sols de terrain à eux cédés, parce que les biens qu'ils ont forcément abandonnés et par justice ne pourront être imposés, les biens de la Commanderie étant nobles de leur nature suivant le privilège de l'Ordre de Malthe » Le membre de Somrneville s'engage à consentir à leur profit la servitude des eaux de la fontaine orientale, à charge de participer par moitié au frais de récurement et de n'utiliser à l'aller et au retour que la voie publique du « chemin Moliau »

Ce long procès qui traduit bien les résistances des juges bourgeois, nourris de droit romain, aux prétentions d'imprescritibilité des propriétés nobiliaires, trouvait son épilogue dans un compromis tout à l'avantage du Commandeur : aux dépens d'une vigne perdue, sur un sol quasi-stérile, l'hypothèque plus que centenaire de l'usurpation du chef d'exploitation était levée. En droit, c'était peut-être une capitulation que colorait le pieux prétexte de la charité ecclésiastique, en fait l'enclave étrangère disparaissait et il était possible de moderniser l'habitat.

Les nouveaux corps de bâtiment s'élevèrent au Sud-Est des anciens, sur le penchant d'un tertre, en un lieu moins humide, mais plus éloigné de la fontaine, abreuvoir et lavoir (27). Leur plan géométrique qui exprime une pensée logique s'oppose à l'aspect bâtard des vieilles constructions dont la complexité même et la difformité traduisaient sur la carte les vicissitudes de leur histoire. (28).
Trois corps de bâtisses principales circonscrivent au levant, face au « chemin Moliau » une cour qu'ombrageaient deux ormeaux (29). Le corps principal qui tourne le dos aux vents pluvieux de l'ouest s'ouvre sur un hangar qui sert de vestibule. Au fond de celui-ci, le chauffoir ; à droite, en entrant, le chai, à gauche, la chambre de l'homme d'affaires. Un petit escalier droit permettait d'accéder au grenier.

L'usage de l'auvent, aujourd'hui, n'est pas fréquent dans le Lectourois, alors qu'il est de règle dans la région montalbanaise. S'agit-il d'un emprunt à quelque mode architectural étranger ? Ce n'est pas bien sûr ; au XVIe siècle, l'auvent (occitan « auban ») était commun dans nos régions (30), et ce hangar traduit plutôt un archaïsme qu'un pastiche.
Au fond du chauffoir, face à la porte que facilitait son tirage, la vaste cheminée que prolongeait hors les murs le four et que flanquait l'évier. Il était, d'après M. Sentis, formé d'une seule pierre, peut être en quartzite ou en grès, creusée au ciseau ; il s'encastrait dans l'épaisseur de la muraille sous une niche en plein cintre, aux claveaux soigneusement taillés. Au-dessus de la pierre d'évier, deux impostes de pierre supportaient une étagère. Dans les ruines de la tour de Lamothe qui a souffert des injures du temps et du vandalisme des spéculateurs, un évier identique accroché au haut des murs a peut être servi de modèle au maçon.

Deux lits, en face de la cheminée encadraient la porte. Du chauffoir on accédait à droite à la chambre des métayers, à gauche à l'étable aux brebis dont l'entrée était creusée sur la façade au nord. Dans cette bergerie, un lit était prévu pour le pâtre. La cuisine devait être sombre ; la porte qui donnait sous l'auvent et l'unique petite fenêtre qui perçait le mur, au couchant, y laissaient pénétrer une lumière avare. Par contre l'éclat du midi égayait la chambre.
L'homme d'affaires du Commandeur, sans doute chargé d'administrer le membre de Sommeville et de percevoir la dîme avait à sa disposition une pièce particulière, tout à fait indépendante du logement des métayers. Une cheminé, un fourneau à charbon de bois, un évier d'angle, deux lits le dispensaient de toute servitude. De sa fenêtre il pouvait surveiller aisément l'écurie aux chevaux et le garde pile qu'emplissait le blé de la dîme.
Un parc à cochons, une étable aux oies formaient deux petites ailes au corps principal du chef d'exploitation. Séparé de celui-ci, une autre étable aux brebis faisait pendant à l'écurie. L'édifice bas et trapu, coiffé d'un toit de tuiles à quatre rampants, construit entièrement de pierres de taille très finement assemblées aux cornières des angles, donne une impression remarquable de solidité cossue. Point de cloisons, des murs, épais de 80 cm, qui constituent d'excellents isolants. Du devant de porte, au loin, la silhouette de Lectoure se détache.

Tout est agencé pour la commodité du labeur quotidien. La cour qu'on appelle l'aire ou le sol, commande les divers secteurs d'activité : étables, écurie, porcherie. Du chauffoir où dort le chef de famille, on entendrait tout bruit suspect dans la bergerie ou dans le grenier. Sans doute, les étables sont-elles petites, obscures.

La grande étable aux brebis n'est percée que d'une fenêtre ; on a peine à imaginer cinq chevaux dans l'écurie. Le voisinage des porcs et des oies devait être puant aux jours étouffants de l'été. On est toujours tenté quand on étudie l'habitat rural du passé de juger avec nos préoccupations actuelles ; on n'avait pas au XVIIe siècle, le culte du soleil et de l'air pur, on redoutait surtout l'humidité et les grands écarts de température.
Bêtes et gens vivaient dehors, la ferme, close de murs, couverte d'un toit n'était qu'un abri. Les soucis de confort sont accessoires, la structure de l'édifice répond aux impératifs du travail. La métairie lectouroise au XVIIIe siècle est véritablement la cellule économique et sociale du pays ; l'habitat trahit d'abord la volonté d'autarchie. Garde pile, grenier, four, étable aux oies, autant de signes d'un régime agraire qui repose sur la céréaliculture. Etables et chai, d'un régime qui répudie la monoculture des « bleds. » Mais ce parc aux cochons, cette écurie aux chevaux, ces deux bergeries ne témoignent-ils pas de l'importance de l'élevage ? Sur ces terres, assez médiocres dans l'ensemble, sur ces jachères, sur toutes les friches du dimaire la brebis trouvait libéralement sa pâture. Aujourd'hui, l'assolement triennal, la bonification des sols, la mise en valeur des « vacants » ont éliminé les moutons de Saint-Jean. Dans l'étable de M. Sentis, des génisses de race pure ont pris leur place. La grande bergerie n'a pu les contenir, le chai a été sacrifié ; sur la façade occidentale elle a poussé une protubérance qui compromet l'harmonie de la construction mais manifeste l'importance que prend l'élevage bovin. Les prairies engraissées transgressent sur les emblavures. Sans répudier la polyculture traditionnelle, le propriétaire averti s'aventure de plus en plus vers des formes d'exploitation plus savantes et spéculatives.

L'équilibre entre la céréale, le pré, la vigne et le fruitier est rompu au bénéfice de la prairie, malgré la sécheresse des étés, grâce aux facilités de transport et aux demandes grandissantes de viande de boucherie.

Mais cette vocation pastorale, le Commandeur de Montazé n'en avait-il pas eu l'intuition ? Au XVIIIe siècle, l'élevage extensif de la brebis porte-laine, au XXe siècle, l'élevage intensif pour la viande.

Dès la fin du XVIIIe siècle, le pré grignote les terres de labour. En 1786, le Commandeur a, « mis en pred une parcelle de la Gravère, au Nord-Est du dimaire (31) ; l'année précédente, au Nord de la métairie il avait substitué une prairie artificielle à une prairie naturelle (32).

Aujourd'hui, le long des fossés que fit creuser le Commandeur dégénèrent quelques vieux pruniers à demi-sauvages et quelques saules, tout ce qui reste d'une tentative intéressante qui a échoué.

En 1785, le Seigneur de Montazé avait fait planter 176 arbres : aubiers et fruitiers. Le plan les représente conventionnellement, mais à leur place exacte : 15 figuiers dont 7 « au midy du garde pile », les autres « aux murailles de la métairie, levant et couchant » (Il n'en reste plus aucun) 1 noyer, 1 poirier, 60 cerisiers, 51 pruniers.

Peut-être, comme à Mouret, au XIXe siècle faisait-on sécher les prunes sur des claies, puis au four. On pense à l'imitation possible des procédés agenais ; ce n'est pas très sûr. Je ne crois pas que le Lectourois ait eu le mépris de l'arbre. Tous les baux de métayage du XVIe au XIXe siècle imposent aux preneurs des plantations souvent importantes (33), il faut croire que les conditions géographiques n'y étaient pas irréductiblement hostiles. Certaines exploitations actuelles (34) montrent clairement que lorsque les expositions s'y prêtent, l'arboriculture fruitière peut tenir dans l'économie agricole une place plus qu'honorable. Le Commandeur de La Cavalerie a-t-il eu le sens prophétique !

L'élévation du niveau de vie, les progrès de l'hygiène, le goût naissant du confort expliquent aussi certains aménagements locatifs : le chauffoir devenu un ample couloir sur lequel s'ouvrent les deux chambres et une cuisine moderne avec évier de céramique, fourneau à gaz, a pris la place du hangar. Le parc aux cochons, le parc aux oies vont disparaître, un hangar extérieur adossé à l'étable flanque la façade du Nord. Devant la porte un puits évite les corvées d'eau. Le courant électrique apporte les derniers perfectionnements de la technique et en préparent d'autres ; l'évolution s'accélère.

L'agriculture lectouroise ankylosée pendant des siècles dans les formes traditionnelles de la polyculture vivrière à base céréalière a évolué depuis le XVIIIe siècle ; elle a assoupli son travail, modernisé son habitat, essayé avec prudence des modes nouveaux d'exploitation agraire.
La métairie de Saint-Jean de Sommeville est un témoignage.
Sources : Féral Pierre. Bulletin de la Société archéologique, historique littéraire et scientifique du Gers, 2e trimestre. Auch 1949 - BNF

Notes 1. — a « Bornage des dimaires de La Cavalerie. »
1. — b « Verbal de bornage de la Commanderie de La Cavalerie. »
2. — « Ouverture du Procès-verbal de bornage du dimaire de Saint-Jean de Sommeville (1 a. page 186).
3. — « Les dites bornes étant toutes d'une bonne et belle qualité de pierre dure ayant à peu près un pied carré chacune sur 3 pieds ou environ de longueur chacune et ont été plantées de manière qu'elles n'ont qu'environ 18 pouces au-dessus du niveau du terrain, bien et proprement taillées et marquées sur une des faces d'une croix de Malte et sur la face opposée du mot dîme. » (1 a. page 189).
4. — Imprimé du texte intégral de l'arrêt du Conseil. (1 a. p. 397).
5. — Plan n° 26 (1 b.)
6. — 1 b. p. 402.
7. — Minutes notariales d'Agasson, 1660, 21 février, folio 25. Testament de Jean Parran « joueur de violon. »
8. — Témoignage de M. Sentis, propriétaire à Saint-Jean.
9. — Arpentement du 2 décembre 1780 (1 b. p. 401).
10. — Arpentement du 2 décembre 1780 (1 b. p. 401).
11. — Arpentement du 2 décembre 1780 (1 b. p. 402).
12. — 1 b. pp. 405-406.
13. — 1 b. p. 406.
14. — « Au levant desquelles possessions et le long dudit chemin (le chemin de Lamothe à Marsolan) sont les bâtiments de ladite métairie très délabrés consistant en un corps de bâtisse en pierre, de forme de carré long, avec un four autour de laquelle bâtisse sont trois petits jardins, l'un au levant, l'autre au couchant et l'autre au Nord, tous bien garnis d'arbres fruitiers. » (1 b. p. 401).
15. — 1 b. p. 412.
16. — Nommé commandeur du Nomdieu ou Cavalerie d'Armagnac le 23 juillet 1767 ; il prendra possession le 6 janvier 1769. (« La Commanderie du Nomdieu »
J. Benaben, Imprimerie Cl. Isaure, Toulouse, 1914, p. 203).
17.— « Il passe presque tout son temps au château du Nomdieu, faisant valoir devant toutes les juridictions les droits, qu'il connait bien, de sa commanderie ou des commandeurs de ses collègues, toujours prêt à se porter partout où il peut servir les intérêts de son Ordre. » (« La Commanderie de Nomdieu » - J. Benaben, p. 204).
18. — 1 b. p. 412.
19. — Cf. plan 26.
20. — Organisation des Commanderies, Cf. 17 (p. 19).
22. — « Le cadastre ne pouvait porter sur les possessions de l'Ordre, attendu qu'elles sont nobles. » - (Transaction du 26 novembre 1780 - 1 b. p. 415).
23. — « Déclaration du Commandeur », 1 b. p. 414.
24. — « Bail à ferme, consenty le 26 may 1717, par le Commandeur de Cays en faveur des nommés Pierre Despiteau et Antoine Bascou, leurs auteurs, retenu par Martin, notaire de Laplume à folio 287 de l'expédition de son terrier qui est aux archives de Toulouse. » (Déclaration du Commandeur, 1 b, p. 412).
25. — Le Commandeur de Montazé « découvrit un petit terrier du membre de Sommeville reçu originairement par Mouchet, notaire de Lectoure, expédié le 28 janvier 1696 par Gras, notaire de Castelsarrazin qui se dit détenteur de l'original ; à folios 16 et 17 de laquelle expédiiton sont deux beaux à ferme du 18 décembre 1684 par lesquels le Commandeur de Cardaillac d'Auzon, avoit affermé aux dits Jean Despiteau et Bertrand Riquau les mêmes biens énoncés dans le contrat de ferme de 1717. »
26. — « Le Petit Saint Jean », bourdette étroite et longue, du plan cadastral de Lectoure, levé en 1828, doit son origine et sa structure à la transaction du 26 novembre 1780. Elle est aujourd'hui partie intégrante du domaine de Saint Jean. De la date gravée sur le mur, il ne reste que le chiffre 8 (1781 semble être la date de sa fondation).
27. — Le puits de Saint Jean, devant la façade est de creusement tout récent.
28. — On peut comparer sur la carte du dimaire :
— le plan du vieux St-Jean avant la transaction de 1780).
— le plan du nouveau St-Jean ; et sur le plan cadastral de 1828.
— la métairie de St-Jean et celle du Petit St-Jean.
29. — L'un vit encore.
30. — Minutes notariales de Pierre Bégué, 1590-1594, folio 245. Vente par Jean et Pey Bonnet, brassiers de Ligardes faisant pour eux et pour Johan Bonnet, leur frère à François Marrant, bourgeois de Lectoure une : « mestterye bastie de pierre couverte de tuile canal consistant en ung caufado, une fornière, une chambre en enban, avec les agriaulx d'icelle appelée à Mailhoc » Au prix de 43 escus 1/3.
31. — Plan n° 26 (1 b.). « Terre labourable mise en pred en 1786. »
32. — Plan n° 26 (1 b.). « Ancien pred semé en foin en 1785. »
33. — Les exemples sont innombrables. J'en choisis un seul relatif au bail à ferme de la métairie du Recto la plus proche voisine de St-Jean et enclavée dans le dimaire : Minutes notariales de Trélaigne, 1587 - 6 août : « Bernard Garos, marchand de Lectoure... lequel de son bon gré et franche volonté, confesse tenir en afferme et arrentement de M. Johan Castanet, chanoine en l'Eglise cathédrale St-Gervais de Lectoure.... une métairie... avec ses appartenances et dépendances du laborage d'une père de bœufs ou environ consistant en terres labourables et preds assise en la juridiction dudit Lectoure, lieu appelé au Recto, que ledit Sieur de Castanet et confessé prendre au décimaire de St-Jehan, Saind-Adrien, et Luciat. »
Parmi les obligations du preneur: « 70 sacs de bled froment et 15 sacs seigle brive » « planter 50 arbres, la première année. »
34. — M. R. Duclos, instituteur à Tané, près de Lectoure, dans sa « monographie de Lectoure » cite les vergers de « M. Auransan, dans la boucle même de la côte de Lectoure, à flanc de colline, et celui de M. Monge, à Larroque, « Ce dernier comptait en 1945, 6.000 arbres fruitiers. En ce moment, cet arboriculteur a donné une grande extension à son domaine. Nous devons dire qu'une partie importante du terrain de M. Monge est formée par seulement 30 à 40 cm, de terre arable. Ensuite, c'est le rocher... La réussite est venue consacrer les efforts intelligents d'un homme qui n'a planté que des porte-greffes bien choisis ; il n'a pas procédé à la légère. »
Sources : Féral Pierre. Bulletin de la Société archéologique, historique littéraire et scientifique du Gers, 2e trimestre. Auch 1949 - BNF

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