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Hôpital et Hôtel Saint-Jean de Toulouse
A côté de l'église de Notre-Dame de la Dalbade s'élevait, dans les premières années du douzième siècle, un hôpital. C'est là que nous trouvons établis, tout d'abord, un lieutenant du prieur de Saint-Jean de Jérusalem, le lévite Gérard qui, avec quelques autres religieux, prodiguait ses soins aux pauvres malades et plus spécialement aux pèlerins. Depuis quand cette fondation existait-elle ? C'est ce que nous ne pouvons préciser. Est-ce au comte Bertrand, est-ce à Amélius, évêque de Toulouse, que les Hospitaliers durent leur premier établissement dans notre ville ? Aucun document ne vient éclaircir cette question. Profitant de la faveur dont ils jouissaient auprès de l'autorité épiscopale, ils s'étaient emparés de l'église de la Dalbade qui dépendait du prieuré bénédictin de la Daurade. Les auteurs du Gallia Christiana nous introduisent, en 1110, dans le cloître de Saint-Sernin, où était réuni le concile de Toulouse et où, en présence des nombreux prélats et abbés qui le composaient, Gérard, serviteur et ministre de l'hôpital Saint-Jean de Toulouse, restitue, d'après les conseils de l'évêque Amélius, l'église de Sainte-Marie de la Dalbade à Radulphe, prieur de la Daurade, assisté de Pons, abbé de Cluny, et d'Asquillin, abbé de Moissac (1).
1. Gallia Christiana, tome I.

Bientôt après, de nouvelles donations vinrent compenser, pour l'hôpital Saint-Jean, la perte que cette restitution leur avait fait éprouver. Plusieurs seigneurs du pays. Thoset, de Toulouse, dame Guilia, sa mère, dame Poncia, sa femme, Athon d'Adhémar, Pierre Garcin d'Auterive, se réunirent pour donner l'église de Saint-Rémy, voisine de la Dalbade, et le dîmaire qui en dépendait, à l'hôpital de Jérusalem, au lévite Gérard, qui en était le prieur, et aux autres frères de l'Ordre. Cet acte n'est pas daté, comme il arrive trop souvent à cette époque, mais il contient certaines indications qui vont nous permettre de suppléer à cette omission. Voici, en effet, la traduction de la fin de cette charte :
« Ces choses furent données devant Amélius, évêque de Toulouse, Arnaud Raymundi, prévôt, Aycard, archidiacre, Armand Raymond de Bédous.... Donation faite du temps de Louis, roi des Français, de Guillaume de Poitiers, comte de Toulouse, de la comtesse Phlippia, sa femme... Charte écrite la quatrième série du mois de mai par Vitalis (1). »
1. Pièces justificatives.

Or, nous savons que Guillaume IX d'Aquitaine, comte de Poitiers, se fondant sur les prétendus droits que sa femme tenait de son père Guillaume IV, ancien comte de Toulouse, sur des Etats que ce dernier avait vendus à son frère Raymond de Saint-Gilles, en dépouilla le jeune Alphonse-Jourdain, qui se retira en Provence en 1114, et qu'il resta paisible possesseur de son usurpation jusqu'en 1119, époque à laquelle les Toulousains se soulevèrent et rappelèrent le jeune comte (2). La date de l'acte que nous étudions se trouve donc comprise entre les années 1114 et 1119.
2. Dom Vaissette, livre XVI.

Deux circonstances, du reste, nous, permettent de la renfermer entre des limites moins éloignées. Nous voyons, en effet, en premier lieu que parmi les témoins de cette donation figure le prévôt Armand Raymundi. Or, le nécrologe de Saint-Etienne nous apprend que ce dernier décéda le douzième jour des kalendes de mai (12 avril) 1118. La donation ayant eu lieu dans le courant du mois de mai, n'a donc pu être faite avant l'année 1117. D'un autre côté, nous savons que la comtesse Philippia s'était retirée, selon toute apparence, en 1116 (3), au couvent de Lespinasse, qu'elle avait fondé près de Toulouse et où elle avait établi une succursale de Montrevault. Son nom se trouvant placé à côté de celui de son mari sur cet acte, elle ne devait pas encore avoir dit adieu au monde. Nous pouvons donc en conclure que la donation de l'église Saint-Rémy à l'hôpital de Saint-Jean eut lieu entre les années 1114 et 1116.
3. Dom Vaissette, livre XVI.

Amélius, évêque de Toulouse, que nous venons de voir présider à cette donation, et que quelques auteurs croient parent de Raymond du Puy, premier grand maître de l'Ordre, favorisait le nouvel établissement de tout son pouvoir et ne contribua pas peu à l'immense accroissement des possessions des Hospitaliers dans son diocèse. Le treizième jour des calendes d'octobre (19 septembre) de l'année 1121, il accorda à Gérard lévite, prieur de l'hôpital de Jérusalem dans la contrée et aux autres frères de la maison de Saint-Rémy, Bernard de Puysiuran, Raymond Humbert, Pierre d'Anduze, Pons de Montlaur, la faculté d'acquérir des fidèles de son diocèse tous les biens, tant ecclésiastiques que séculiers qui leur sembleraient utiles à la prospérité du nouvel établissement ; il exempta de plus, sauf dans quelques cas particuliers, tous les hommes habitant sur les terres de l'Ordre, des interdits épiscopaux ; il établit une communauté très-intime d'intérêts et de prières entre son clergé et les Hospitaliers. De son côté, Gérard donnait à l'évêque et à son église le meilleur homme dans chacune des salvetats de l'Ordre dans le diocèse et sur celle de Léguevin une rente annuelle de 7 sols payables à la Saint-Thomas. Dans cet acte, le prieur de Toulouse agit au nom de Gérard, l'ancien prieur de Jérusalem, qui avait terminé, à cette époque, sa sainte et utile existence, de Roger qui lui avait succédé et de Pierre, prieur de Barcelone. Preuve naïve et touchante de la vénération et de la reconnaissance inspirée à tous, que la pensée d'évoquer, dans cette charte, le souvenir du saint homme qui venait de mourir et dont la pensée était censée revivre après lui dans les actes du continuateur de son œuvre. Constatons aussi l'existence de Roger, le successeur de Gérard, dont la plupart des auteurs qui ont écrit l'histoire de Malte ont négligé de faire mention ; malgré le peu de renseignements que nous pouvons avoir sur ce Roger, l'œuvre qu'il contribua à consolider a trop d'importance pour qu'il ne mérite pas d'être inscrit sur la liste de ceux qui gouvernèrent l'Ordre de Saint-Jean pendant tout le cours de sa longue existence (1).
1. Pièces justificatives.

Dans la longue série des donations faites à la maison de l'hôpital de Toulouse, nous pouvons constater que la population tout entière l'entourait de sa bienveillance. Parmi les bienfaiteurs de l'Ordre de Toulouse, nous trouvons, à côté des personnages les plus illustres et les plus puissants, de pauvres artisans qui venaient apporter leur modeste offrande pour coopérer à l'œuvre dans ce temps-là si universellement populaire de la défense de la foi. Dans l'impossibilité d'énumérer toutes ces donations, nous nous bornerons à en signaler les plus importantes.
En 1146, nous voyons Alphonse-Jourdain, comte de Toulouse, donner à l'hôpital de Saint-Rémy et à Forton, hospitalier, une lande déserte de Blagnac qui servait de résidence à un ermite du nom de Bernard. Ce dernier accompagna cette donation à l'Ordre de celle de sa propre personne (1).
1. Archives de Toulouse, liasse II.

Enregistrons les donations que firent simultanément deux chevaliers issus des races les plus illustres du Midi, Pons de Villeneuve et Armand de Boville ; sans doute deux de ces amis comme le moyen âge en produisait souvent, liés par des serments solennels, inséparables dans la bonne comme dans la mauvaise fortune et qu'on désignait alors sous la poétique appellation de frères d'armes. Le même acte contient la cession de leurs biens à l'hôpital, et c'est en même temps que le prieur Bernard d'Azillan les reçut et leur accorda, selon la formule consacrée, l'eau, le pain, et l'humble habit de l'Ordre (2).
2. Archives de Toulouse, liasse II.

Les comtes de Toulouse continuèrent à marquer leur bienveillance à l'hôpital par de nouveaux bienfaits. C'est ainsi que nous voyons, en 1175, Raymond V donner à Pierre de Saint-André, prieur, et à tous les habitants de l'hôpital Saint-Jean, la faculté de faire bâtir un four dans leur fief, sans exiger aucune redevance de leur part. Cet acte fut passé en présence de Pierre de Toulouse, ministre de la milice du Temple, de Guillaume Silanus Viguier (3), d'ispaniol, sous-viguier, de Bernard Gavaldan, Pierre de Tréville, Pons du Verger, Armand de Cabanes, Bernard de Puysiuran, hospitaliers (4).
3. Les listes des viguiers de Toulouse publiées jusqu'à ce jour n'ont pas mentionné G. Silanus.
4. Archives de Toulouse, liasse X.


Deux ans après, Raymond V accordait, comme nouvelle faveur, à l'Ordre, le droit de pâturage pour leurs troupeaux dans toute l'étendue de ses domaines, exemptait les Hospitaliers de tout droit de péage et de leude dans ses Etats et autorisait toutes les acquisitions qu'ils pourraient faire à l'avenir (2).
2. Archives de Toulouse, liasse X.

Pour terminer la liste des témoignages de bienveillance donnés par ce comte à l'Ordre de Saint Jean, citons l'acte par lequel il exempta Raymond Garsie, prieur de Toulouse, de toutes les redevances qu'il lui devait pour le dîmage de Saint-Rémy, « à la condition de faire brûler un cierge d'une livre devant l'autel de leur chapelle la veille de la fête de Saint-Rémy et d'y faire chanter la messe de la Sainte-Trinité pour que Dieu, la Vierge Marie et les saints protègent le seigneur comte de tous les maux et lui donnent la victoire sur ses ennemis et la vie éternelle (septembre 1184) (3). »
3. Archives de Toulouse, liasse X.

Toutes ces donations successives avaient accru considérablement les possessions primitives de l'Ordre à Toulouse. Elles comprenaient, outre le moulon de Saint-Rémy, qui s'étendait de la rue de ce nom jusqu'à la Garonne, de nombreux fiefs au-delà de la porte Narbonnaise, au Pech David, au Faletra ; c'est dans ce dernier quartier que Pierre de Saint-André inféoda à Bernard de Gradac, prévôt du chapitre de Saint-Etienne, et à son couvent une terre pour y construire leur cour de l'officialité (1183) (4).
4. Archives de Toulouse, liasse XXI.

De nombreuses dépendances, situées dans la campagne environnante, étaient venues accroître l'importance de la maison de l'hôpital de Toulouse : Saint-Léotaire, Saint-Pierre-de-Salinières, Estaquebiau, La Devèze, Pibrac, Cornebarrieu, etc.
Avant de poursuivre plus loin cette étude, qu'on me permette de jeter un coup d'œil rapide sur les actes les plus importants relatifs à cette période que les archives nous ont conservés à côté des donations et des ventes. Nous signalerons, tout d'abord, une discussion qui s'éleva entre les Hospitaliers et les Templiers dont l'établissement s'élevait dans le voisinage immédiat de l'hôpital Saint-Jean et qui fut terminée par une transaction à l'amiable conclue vers 1150 entre Bernard d'Azillan, prieur de Saint-Rémy, et Guillaume de Verdun, maître du Temple de Toulouse (1).
1. Archives de Toulouse, liasse XLII.

Par reconnaissance pour les services signalés que la religion avait reçus de l'Ordre depuis sa fondation, les papes lui avaient concédé successivement un grand nombre de privilèges ecclésiastiques, qui lui donnaient une position presque indépendante de la juridiction épiscopale. Ces faveurs toutes particulières ne tardèrent pas à inspirer des prétentions exagérées aux Hospitaliers et de l'ombrage aux évêques et au clergé, qui ne voyaient pas sans déplaisir cette puissance à demi ecclésiastique prendre un accroissement continuel malgré leurs réclamations. Aussi la lutte ne larda-t-elle pas à éclater. Malgré la décision du concile de 1110 et la restitution que les Hospitaliers avaient faite alors de l'église de la Dalbade au prieur de la Daurade et grâce, sans doute, à la protection de l'évêque Amélius, il paraît que les Frères de Saint-Jean avaient renouvelé leur tentative d'usurpation. Mais après la mort de ce prélat, Guillaume, prieur de la Daurade, s'adressa à son successeur Raymond II de Lautrec, pour obtenir la fin de cet abus. Différentes tentatives furent faites dans ce but, puisque nous voyons Guiscard d'Aymeric, prieur de Saint-Gilles, ratifier, en 1140, une transaction conclue à ce sujet entre le prieur de la Daurade et frère Bernard, recteur de Saint-Rémy (2). Mais il ne paraît pas que cet arrangement ait eu un résultat définitif et les choses restèrent quelque temps encore dans le même état, lorsque le prieur Guillaume, voyant que l'évêque n'était pas assez puissant pour lui faire rendre justice, porta directement ses plaintes aux pieds du pape Adrien IV. Celui-ci remit l'affaire à l'arbitrage de l'évêque de Toulouse et de l'abbé de Saint-Sernin. Ces derniers rendirent, le 13 septembre 1158, leur sentence, d'après laquelle le prieur de Saint-Rémy dut remettre l'église contestée entre les mains de celui de la Daurade, en faisant quelques réserves en faveur des Hospitaliers. Les deux parties acceptèrent ce concordat et promirent de le faire approuver par leurs supérieurs et par le pape.
2. Gallia Christiana, tome XIV, preuves.

Deux ans après (13 avril 1160) l'évêque Raymond II, à la prière du pape Alexandre III et de Guiscard, prieur de Saint-Gilles, accorda au prieur de Saint-Rémy la permission d'avoir, près de son église, un cimetière destiné à la sépulture de tous ceux qui seraient vraiment frères de l'Ordre et porteraient la croix sur leurs vêtements ainsi qu'à leurs écuyers et leurs serviteurs ; mais il était défendu d'y enterrer des fidèles des quatre paroisses de la ville, savoir : Saint-Etienne, Notre-Dame de la Daurade, Saint-Sernin et Saint-Pierre-des-Cuisines (1).
1. Gallia Christiana.

La famille des Villeneuve avait, paraît-il, certains droits sur la portion de la ville où se trouvait l'hôpital Saint-Jean. Nous voyons, en effet, en 1165 Adalbert de Villeneuve, sénéchal de Toulouse, appelé à mettre fin à une discussion survenue entre Guiraud de Corneillan, prieur de Saint-Rémy, et Pons de Villeneuve, qui contestait la validité de la donation de Toset de Toulouse, mais dont les prétentions furent écartées par le tribunal (2).
2. Archives de Toulouse, liasse I.

Cette sentence mit fin à ces discussions et l'année suivante nous voyons le même Pons de Villeneuve et dame Mabriane sa femme, léguer par leur testament, à l'hôpital, un droit d'albergue pour six hommes et un sergent qu'ils avaient sur le dîmaire de Saint-Rémy (3).
3. Archives de Toulouse, liasse II.

Depuis cette époque, les membres de cette noble maison ne cessèrent d'être les protecteurs de l'Ordre de Saint-Jean, qui compte un de leurs descendants parmi ses plus illustres grands maîtres.
Les différends entre les hospitaliers et les bénédictins de la Daurade, apaisés pour un temps par la sentence de 1158, ne tardèrent pas à se renouveler sous une autre forme. Le prieur de la Daurade se plaignit de l'ensevelissement de plusieurs de ses paroissiens de la Dalbade dans le cimetière de Saint-Jean. L'affaire fut portée devant l'évêque de Toulouse, l'abbé de Saint-Sernin et le prieur de Saint-Pierre des Cuisines, qui donnèrent raison au plaignant et l'autorisèrent même à faire exhumer ceux qui, à l'avenir, y seraient indûment ensevelis. Ce fut, sans doute, pour se venger de cette sentence que le prieur de Saint-Rémy, Pierre d'Alsen, fil comparaître devant ces mêmes arbitres quelques Frères Hospitaliers et plusieurs autres témoins, qui affirmèrent sous la foi du serment que les nouveaux fondements de l'église de la Dalbade, dont on venait de poser la première pierre, étaient creusés, en partie, dans le terrain de l'hôpital (1). C'était une sorte de pierre d'attente pour toutes les discussions qui pourraient surgir dans la suite entre les deux puissances rivales.
1. Archives de Toulouse, liasse XLII.

Nous voici arrivés aux portes du treizième siècle, qui devait être pour notre pays une ère de calamités et qui après de longues et cruelles luttes devait voir tomber le comte de Toulouse, et cette puissante autonomie absorbée à son tour dans cette immense unité française que la royauté était en train de constituer. Quand, vaincu à la bataille de Muret, Raymond VI fut obligé d'abandonner, pour un temps, ses Etats qu'il ne pouvait plus défendre, et se retirer à l'étranger, Toulouse, devenue la proie des vainqueurs, fut traitée, malgré les promesses de Simon de Montfort, en ville conquise et eut à passer de longs et cruels moments pendant lesquels, livrée sans ressources au pillage et aux désordres de toutes sortes, elle devait sentir vivement et son malheur actuel et sa splendeur passée. Les archives du prieuré, quoique presque muettes sur ces quatre années de la domination étrangère (1213-1217), nous en racontent pourtant quelques épisodes, qui nous disent les désolations que Toulouse eut à subir alors. Nous trouvons, par exemple, un acte qui nous apprend que le troisième samedi de février de l'année 1217, une troupe de gens armés, commandée par Bernard-Raymond Affre, Pierre de Saint-Martin et Armand Aldebert, pénétra dans l'église Saint-Rémy et surprit les Frères qui ne purent s'opposer à son entreprise audacieuse. Après avoir forcé les portes, les assaillants se précipitèrent dans la sacristie, où étaient renfermées les archives, but de leur expédition ; là, sans être arrêtés par les protestations d'Armand de Cabanes, précepteur de l'hôpital, et des autres Frères qui invoquaient la protection de Dieu, de la Vierge Marie, de la sainte Eglise, du seigneur comte et des capitouls, ils enfoncèrent les portes des coffres où étaient entassées toutes les chartes de l'établissement, et, après en avoir enlevé le testament de Pons de Saint-Martin qu'ils devaient avoir intérêt à faire disparaître, ils se retirèrent avec leur prise. Cette agression est attestée par les Frères et plusieurs autres témoins oculaires (1).
1. Archives de Toulouse, liasse I.

Voici un second témoignage assez bizarre des troubles du temps que nous rencontrons dans les archives. La rédaction d'un acte de 1213 avait été confié à un certain Bernard de Puysiuran ; mais ce dernier, qui s'était compromis en faveur de Simon de Montfort, surpris par la rentrée du comte Raymond dans sa fidèle capitale en 1217, ne s'y crut pas en sûreté et prit le parti de s'enfuir, sans prendre le temps d'achever la phrase qu'il avait commencée à écrire (on voit que la fin en a été tracée par une autre main et avec une encre différente). Il fut déclaré, par les capitouls (2), ennemi du comte Raymond et de toute la ville de Toulouse et remplacé, pour la rédaction de la fin de l'acte, par un notaire de la cité, Guillaume de Saint-Pierre (3).
2. Ce document est encore précieux en ce qu'il nous donne les noms des dix-huit capitouls de la ville et du faubourg pour l'année 1218, liste qui manque dans nos annales capitulaires malgré les services que ces magistrats rendirent à leurs concitoyens ce sont : Pons de Castelnau, Arnaud de Villeneuve, fils de Jourdain , Oldric de Gameville, Pierre de Rouaix, Bernard-Raymond Barravi, Arn-Guillaume Pilet, Etienne Devèze, Pons de Morlas, Maître Bernard, Raymond d'Escalquens, Etienne de Courtesole, Raymond Bérenger, Embrin Bern, Raymond Aster, Bernard de Seignier, Pierre-Guilhem de l'Ort, Hugues Jehan, Armand Mancip.
3. Archives de Toulouse, liasse II.


Nous avons déjà fait observer, dans le chapitre, précédent que les Hospitaliers se montrèrent, pendant toute cette période, sympathiques à la cause des Toulousains.
Nous voyons, en effet, le comte Raymond conserver avec le religieux de l'hôpital Saint-Rémy des relations non interrompues. C'est vers eux qu'il se tournait dans les moments difficiles ; c'est de leur entremise qu'il se servait pour tâcher, par ses donations, de gagner la protection du ciel et de protester de la sincérité de sa foi.
Le 20 septembre 1209, en partant pour Rome, où il allait porter ses protestations et ses plaintes contre l'acharnement de ses ennemis, il avait légué, dans le cas où il ne reverrait pas ses Etats, aux Hospitaliers et aux Templiers tout le blé et tout le vin qui auraient été recueillis cette année-là sur ses domaines, pour être distribués aux pauvres par leur soin ; il donnait, de plus, comme gages de sa bienveillance, aux premiers, son jeune cheval, et aux seconds, son armure et son dextrier de bataille (1).
1. Dom Vaissette, livre XXI.

En 1218, pendant le siège de sa capitale, sentant le besoin d'implorer le secours d'en haut ; il fit, en présence de Bertrand comte de Comminges, de Dalmace de Creissel, de Roger-Bernard de Foix, de Raymond de Recalde, un nouveau testament par lequel il laissait tous ses Etats à son fils Raymond et faisait aux Templiers et aux Hospitaliers de Toulouse des legs analogues à ceux du testament précédent (29 mai 1218) (2).
2. Archives de Toulouse, liasse I.

Le 5 juillet de la même année, devant la porte de l'église Saint-Jean, se présentait le vieux comte entouré de ses plus fidèles vassaux. Dalinace de Creissel, P. de Recalde, Déodat d'Alaman, Aribert son chapelain, « touché à la vue des bienfaits que l'Ordre de l'hôpital répand dans le sein des pauvres et tremblant à la pensée du dernier jugement, Raymond se donne à Dieu, à la bienheureuse Marie sa mère, à saint Jean et à l'hôpital de Jérusalem, donation qu'il ne fait que renouveler, l'ayant déjà faite depuis longtemps, est-il dit dans l'acte ; il demande à Arnaud de Cabanes, précepteur de la maison de Toulouse, de le recevoir pour frère et de lui promettre une sépulture parmi eux après sa mort. Malgré l'excommunication lancée contre ce malheureux prince, le frère de Cabanes n'hésita pas à lui octroyer ses demandes au nom de Bertrand, prieur de Saint-Gilles, et le rendit participant de tous les biens spirituels et temporels de l'Ordre en deçà et au-delà des mers (3).
3. Catel, Histoire des comtes de Toulouse, preuves.

Quelques années après, en 1222, quand Raymond VI eut enfin vu des jours plus tranquilles et que, rentré dans sa capitale, il cherchait à lui faire oublier, par son gouvernement paternel, les maux de la guerre, une maladie subite vint le saisir, ne lui laissant pas même l'usage de la parole pour se réconcilier avec l'Eglise qui l'avait expulsé de son sein. Toutefois les Hospitaliers accoururent autour du lit d'agonie de celui qu'ils considéraient comme frère de leur Ordre ; ils le recouvrirent de l'humble habit de l'hôpital comme pour le défendre de l'accusation d'hérésie portée contre lui, et il expira dans leurs bras en baisant avec ferveur la croix blanche cousue sur son manteau d'Hospitalier. Ils emportèrent son corps dans leur hôpital de Saint-Rémy, suivant le vœu qu'il avait exprimé. Après que tous les efforts faits par Raymond VII pour obtenir à son père les honneurs de la sépulture ecclésiastique eurent échoué, les chevaliers de Saint-Jean n'oublièrent pas la bienveillance que ce prince leur avait toujours témoignée pendant sa vie, et donnèrent, au milieu d'eux, un asile à ces restes qui ne devaient pas reposer dans la terre bénite du cimetière.

Son fils, Raymond VII, continua la tradition paternelle à l'égard de l'Ordre de Saint-Jean. Après avoir confirmé, en 1222, à Emmanuel, grand prieur de Saint-Gilles, les privilèges accordés aux Hospitaliers par ses ancêtres (1), il fit octroyer par Bringuier de Prinilhac, viguier de Toulouse, au prieur Guillaume de Baréges et à frère Jacob, précepteur de l'hôpital Saint-Rémy, l'autorisation de démolir leur four, pour le reconstruire dans quelque endroit de leur fief qui leur serait plus favorable.
Cette charte fut concédée le 8 mai 1243, au Château Narbonnais, dans l'église Saint Michel, en présence de Bertrand, frère du comte Raymond, Sicard d'Alaman, Pierre de Toulouse, Armand d'Escalquens, etc. (2).
1. Archives de Toulouse, liasse X.
2. Archives de Toulouse, liasse IX.


Quoique moins fréquentes que dans le siècle précédent, des donations importantes venaient encore de temps à autre augmenter l'importance de l'hôpital Saint-Jean de Toulouse. Nous nous contenterons de mentionner les suivantes :
En 1240, Bertrand de Comminges, mari de dame Blanche d'Hunault de Lantar, demande, par son testament, d'être enterré parmi les Hospitaliers de Toulouse et leur lègue son cheval de bataille, l'armure de son corps et de son cheval, tout en fer qu'autrement comme il convient à un chevalier d'être armé pour être employé outremer au service de Jésus-Christ (3).
3. Dom Vaissette, livre XXV.

Quelques années plus tard, nous voyons Maucip de Toulouse et Pierre de Toulouse, son frère, Bernard de la Tour-de-Laurac, Raymond Barravi, Odon de Noé et plusieurs autres seigneurs faire cession à Pierre de Cayrane, prieur, à Bertrand de Fraxine, précepteur de Toulouse, d'un établissement de bains situé au port de la Dalbade, et allant de la route hors des murs de la ville jusqu'à la Garonne, 1246 (1).
1. Archives de Toulouse, liasse III.

Mais la donation la plus importante est celle que Guy de las Tours, chevalier, et dame Mabriane, sa femme, fille de Guillaume de Gameville, firent le 8 janvier 1261, à Dieu, à l'hôpital, à Pierre de Mont brun, vice-prieur de Toulouse, de leurs corps, de leurs âmes, de tous les biens qu'ils possédaient dans la ville ou les environs, à Cugnaux, à Léguevin, à Pibrac, de leur forteresse de Gameville, de leur fief de Saint-Etienne de Verfeil, avec leurs hommes, leurs femmes et tous les droits qui y étaient attachés (2).
2. Archives de Toulouse, liasse III.

Le trésor de l'hôpital de Saint-Rémy s'accroissant de jour en jour, ses précepteurs pouvaient employer une partie des revenus en acquisitions et tenaient à signaler leur gestion par l'augmentation des biens qui leur avaient été confiés. Parmi eux, il faut surtout mentionner le chevalier Pierre de Florence qui, après une administration d'une trentaine d'années, laissa la maison de Toulouse dans un état de prospérité très-remarquable par suite des nombreux achats et échanges qu'il avait faits. Un procès survenu en 1301 entre le précepteur et le chapitre de Saint-Etienne, au sujet de la procession de la Fête-Dieu, nous apprend, entre autre détails, que le curé de la Dalbade et son clergé devaient marcher sous la croix et l'étole du recteur de Saint-Jean dans les actions publiques et notamment dans les procession du patron de l'Ordre et du Corpus Dei et que l'église Saint-Jean était considérée alors comme la principale de la paroisse et comme la cinquième de la ville à cause, soit de son ancienneté, soit de la dignité prieurale (3).
3. Archives de Toulouse, liasse XLII.

Tel était l'état prospère de la maison de Toulouse lorsque la chute de l'Ordre du Temple et l'érection du Grand-Prieuré de Toulouse vint en accroître si notablement l'importance.
Le château-fort qui s'élevait auprès de l'église Saint-Rémy devint la résidence des grands prieurs quand ils étaient sur le continent et les dépendances de l'hôpital de Toulouse, augmentées de celles du Temple de cette ville, formèrent leur apanage primitif. La chambre prieurale de Toulouse se composa donc, dans le principe, de ce que les deux ordres possédaient dans la ville ou dans ses environs, à : Cugnaux, Larramet, Léguevin, Pibrac, Larmont, La Devèze, Pompertuzat, Verfeil, Fonsorbes, etc. Dans la suite, plusieurs modifications furent apportées dans l'étendue de cette circonscription de l'Ordre.

En poursuivant l'étude des archives de la maison de Saint-Jean de Toulouse, nous y rencontrons le récit d'un épisode assez singulier des troubles qui agitaient l'Europe et surtout la France au commencement du quinzième siècle. Un grand personnage de la ville, Etienne de Montigny (1), avait, paraît-il, des griefs personnels contre l'Ordre de Saint-Jean et, comme tant d'autres, profita de l'absence complète d'autorité où la guerre et la démence du roi Charles VI avaient réduit le royaume à cette époque, pour se livrer à son ressentiment. Sans tenir compte des anciens privilèges qui exemptaient les religieux de Saint-Jean de se rendre aux cérémonies publiques, il envoya, au mois d'avril 1408, son commissaire, maître Bernard Jehan, au prieuré, intimer au recteur, frère Gérard, et à tout le couvent, l'ordre de se rendre en procession, croix en tête, à l'église Saint-Etienne pour y ouïr la publication des lettres royaux de Charles VI, au sujet de la Neutralité (2).
1. Nous n'avons pu découvrir de quelles fonctions il était revêtu, il n'en est pas fait mention dans les archives et son nom ne figure dans aucune annale de l'époque.
2. Par l'acte de neutralité, Charles VI déclarait qu'on n'obéirait en France ni au pape de Rome ni à celui d'Avignon (mai 1408).


Le recteur, après avoir exposé ses privilèges, répondit qu'il en référerait au chapitre des Frères de la maison. Mais sans attendre leur réponse, le vendredi suivant maître Bernard Jehan revint à la charge, accompagné cette fois d'une douzaine de sergents, pénétra dans la maison, fondit sur le recteur, qu'il aperçut dans le cloître, auquel a cymetière et lieu de franchise et immunité, mist la main à luy injurieusement et s'efforça de le mener en prison et extraire de la maison. Effrayés de cette première attaque et n'ayant aucun secours à implorer, les Frères hospitaliers se rendirent auprès de leur ennemi et tâchèrent de l'apaiser en promettant de se rendre à Saint-Etienne, suivant ses ordres, ce qu'ils exécutèrent en effet ponctuellement. Mais cette soumission ne faisait pas le compte de Montigny, qui ne trouvait pas sa victoire assez grande ni l'humiliation des Hospitaliers suffisante ; sans chercher d'autres prétextes, il organisa une nouvelle expédition contre. Par son ordre, le lundi après la Toussaint, le sous-viguier de Toulouse revint au prieuré avec plusieurs sergents, ils trouvèrent le recteur debout sur la porte de son église. N'osant se rendre coupables d'un nouveau sacrilège en exerçant leurs violences dans l'enceinte sacré, « ils y entrèrent comme s'ils voulissent Dieu prier, et quand ils furent dedans icelle esglise vindrent par derrière le dict recteur et par force le boutèrent hors la dicte esglise, lui firent plusieurs griefz et oppressions et s'éforcèrent de le mener en prison. »
Pendant ce temps, Etienne de Montigny, à la tête d'une autre troupe de sergents, avait envahi le couvent par un autre côté ; il y fit arrêter tous ceux qu'il y trouva, trois Frères et cinq serviteurs ou donats ; il fit conduire ces religieux enchaînés entre deux files de sergents « depuis le prieuré de Saint-Jean jusqu'au lieu de la salle neufve (ou Palais de Justice), ou il y a grant distance et les fist emprisonner en dures et obscures prisons, ès quelles on a accoustumé métré les accusés de caz criminels. »
Ils y restèrent détenus pendant trente et un jours ; durant tout le temps de leur captivité, Montigny avait placé dix-huit sergents en garnison au prieuré qu'ils traitèrent tout à fait en pays conquis, enfonçant les coffres des Frères et pillant tout ce qui leur tombait sous la main, l'or, l'argent et jusqu'aux vases sacrés.

Le procès-verbal de cette agression fait remarquer que pendant l'emprisonnement des Hospitaliers « au grand vitupère de Dieu furent les portes de la dicte esglise tenues fermées, télément que personne ne y ala cependant faire oraison ne offrande, yci soit ce qu'il y ait grant pèlerinage en l'onneur de Mr Saint-Jehan... »

Après quoi Montigny fit « apeler à ban et bannir du Royaulme » le recteur et quatre autres religieux, sans aucune accusation pour motiver cette sentence et exigea que le trésorier payât comme rançon du prieuré 30 écus aux sergents qui l'occupaient.

A la nouvelle de ces actes inqualifiables, le grand prieur, Raymond de Lescure, réclama hautement justice et satisfaction « pour le grant esclande et lésion de justice et injures de la religion. »

Il obtint des lettres de Charles VI (9 mai 1406), qui enjoignaient aux sénéchaux de Toulouse et de Carcassonne, au viguier de Toulouse et à leurs lieutenants d'instruire secrètement cette affaire et de sommer ensuite « à haulle voix et à son de trompe » Etienne de Montigny et ses complices à comparaître devant « le présent parlement et qu'il leur soit faict un brief accomplissement de justice (1). »
1. Archives de Toulouse. Bulles, Lettres royaux.

Ce fut dans cette maison de Saint-Jean que le grand-prieur Bertrand d'Arpagon offrit, en 1440, l'hospitalité à son compatriote, Jean, vicomte de Lomagne, capitaine général pour le roi en Languedoc et en Aquitaine ; ce fut dans la salle d'honneur (2), située au centre du donjon des Hospitaliers, que ce seigneur convoqua, le 12 avril de cette année, Bertrand de Nogaret, juge-mage de Toulouse, Etienne de Nogaret, viguier, Guillaume de Flambard, sous-vignier, pour leur communiquer les lettres patentes par lesquelles Charles VII destituait de sa dignité de sénéchal Jacques de Chabannes, coupable d'avoir été l'un des chefs de la conspiration tramée contre lui par les princes du sang et le dauphin lui-même, et nommait à sa place Galaubias de Panassac (3).
2. In camera par amenti, quæ est in medio turris.
3. Dom Vaissette, livre XXXIV.


Des deux buts de l'Ordre, l'hospitalité envers les pèlerins et la guerre contre les infidèles, le premier avait été presque complètement absorbé par le second. Si les hospitaliers offraient encore leurs asiles aux pauvres malades, à défaut de pauvres pèlerins, c'était pour ne pas rompre complètement avec la tradition primitive ; mais leurs occupations guerrières leur laissaient peu de temps à consacrer aux soins de la charité chrétienne. Aussi l'hôpital Saint-Jean de Toulouse était-il, à cette époque, tombé déjà depuis longtemps dans un presque complet délaissement et ne jouait-il qu'un fort petit rôle dans une ville où pullulaient les établissements de ce genre. Mais, auprès de l'hôpital en décadence, nous pouvons signaler, vers la fin du quinzième siècle, l'existence d'une nouvelle institution établie depuis peu dans la maison prieurale de Toulouse. Du à la générosité de quelques-uns des grands prieurs, le collège de Saint-Jean, que nous voyons mentionné alors pour la première fois, devait fournir l'entretien et l'instruction pendant six années à quatre escholliers ou collégiats Ces derniers étaient soumis au choix des grands prieurs, qui décidaient de leur admission ou de leur exclusion (1).
1. Archives de Toulouse. Registres.

Outre l'église prieurale de Saint-Jean, il existait encore, adossé à l'établissement des chevaliers, une petite chapelle, ou plutôt un simple oratoire. Ce fut là que se passa, dans les dernières années du quinzième siècle, un événement étrange qui occupa pendant quelque temps l'opinion publique à Toulouse (2).
2. Les détails que je vais donner sont extraits d'un mémoire lu à l'Académie des sciences de Toulouse par M. Belhomme, ancien archiviste du département.

Dans les premiers jours du mois de juillet 1497, le bruit se répandit dans la ville qu'un miracle s'opérait dans cette chapelle, que le Christ placé sur l'autel suait et pleurait comme s'il était animé. Aussitôt la foule d'accourir, avide de contempler ce prodige. Il semblait, en effet, que des yeux de la sainte image s'échappassent d'abondantes larmes. A cette vue, la population est saisie d'un enthousiasme tout méridional, et l'enquête rapporte qu'on entendait de tous côtés des femmes s'écrier en levant les bras au ciel : « Garatz, garatz ! que lo sanct crucifix semble que ploure !... semble que clugne l'huel !... Senher Dieu ! miséricorde ! vos quets à la semblansa d'aquel ques laïsus ! (3) »
3. « Voyez ! Voyez ! Le saint crucifix ! Il semble qu'il pleure !... Il semble qu'il cligne l'œil. Seigneur Dieu ! Miséricorde, vous qui êtes à la ressemblance de celui qui est au ciel. »

L'archevêque de Toulouse, Hector de Bourbon, averti du prodige, envoya, pour le constater, l'official Antoine de Sabonière. L'enquête minutieuse faite par ce dernier amena la découverte de la cause naturelle du prétendu miracle. La chaleur du luminaire qui brûlait au pied de la croix avait fait fondre certaines substances résineuses qui avaient été employées dans la confection de la figure du Christ et qui, en découlant sous forme de gouttes le long du corps, avaient produit une illusion complète.
Après avoir expliqué au peuple les causes de la méprise, l'official, pour faire tomber la croyance à ce faux miracle, ordonna de couvrir le crucifix en question d'un voile et de fermer la chapelle jusqu'à nouvel ordre. Quelques jours après, devant l'attitude de la population, qui, peu convaincue par les explications du phénomène, croyait au miracle et s'était fait ouvrir les portes de la chapelle, l'official fit transporter le crucifix derrière le chœur dans l'église Saint-Etienne et décréta la fermeture définitive de l'oratoire, malgré les réclamations du recteur de Saint-Jean.

Pendant que le grand drame du siège de Rhodes se déroulait au-delà des mers, le prieuré de Toulouse continuait sa tranquille existence troublée de temps à autre par quelques tentatives des employés du fisc municipal pour prélever des tailles sur les biens des Hospitaliers. C'est surtout du maintien des privilèges de l'Ordre que nous voyons le plus généralement occupés les trésoriers ou les chapelains chargés de l'administration en l'absence des chevaliers. C'est ainsi qu'en 1525, lorsque la procession de la Dalbade, faite à l'occasion des prières publiques ordonnées pour la paix et pour le roi, se présenta pour passer dans la collégiale Saint-Jean, le recteur de cette église vint, au nom des privilèges de l'Ordre, en défendre l'entrée ; il fallut négocier sur place et ce ne fut que sur la promesse solennelle des paroissiens de ne plus recommencer et de respecter à l'avenir les exemptions accordées à cet établissement que le recteur fit ouvrir les portes et consentit à ne pas s'opposer, pour cette fois, à la station demandée (1).
1. Archives de Toulouse, liasse XLII.

Une discussion analogue se produisit encore quelque temps après. La reconstruction de l'église de la Dalbade venait d'être terminée et sa consécration devait être faite par messire Laurens Allemand, évêque de Grenoble et abbé de Saint-Sernin, en l'absence du cardinal de Chastillon, archevêque de Toulouse. Le jour de la cérémonie était fixé au 6 mai 1548. La veille, maître Jean Daigua, avocat général du roi et ouvrier (fabricien) de la Dalbade, vint requérir frère Dominique de Bigorre, recteur de Saint-Jean, d'autoriser l'évêque consécrateur à passer dans le terrain des Hospitaliers pour faire le tour extérieur de la nouvelle église, partie nécessaire de la cérémonie du lendemain. Le recteur ne céda qu'après de longs pourparlers et après avoir fait déclarer, par acte public, le maintien des exemptions de l'Ordre par rapport à la juridiction ecclésiastique (2).
2. Archives de Toulouse, liasse X.

Nous avons déjà constaté plus haut l'amoindrissement successif de l'hôpital Saint-Jean de Toulouse ; au commencement du seizième siècle il cessa d'exister. Frappés de l'inconvénient que pourrait présenter le nombre de ces établissements charitables répandus dans les différents quartiers de la ville, les capitouls obtinrent, le 25 février 1524, un arrêt prescrivant la réunion à l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques de la plupart de ces hôpitaux. Parmi ces derniers se trouvaient les hôpitaux du Temple et de Saint-Jean (1).
1. Catel, Histoire des comtes de Toulouse.

D'après les statuts, les grands prieurs devaient résider habituellement au siège de l'Ordre, où ils formaient le conseil du Grand-Maître. Mais, comme tant d'autres, cette prescription était souvent méconnue, surtout depuis que la guerre contre les infidèles s'était ralentie. Ces dignitaires quittaient fréquemment le rocher de Malte pour venir faire de longs séjours sur le continent. Ceux de Toulouse ne tardèrent pas à s'apercevoir que leur sombre demeure, dominée par son fier donjon, avait trop l'air d'une citadelle. Cet aspect guerrier, dépourvu de toute ornementation, qui allait si bien pour l'habitation des rudes chevaliers du moyen âge, n'avait plus alors sa raison d'être. Les chevaliers du dix-septième siècle trouvaient sans doute qu'ils étaient fort incommodément logés dans ces vastes salles voûtées, où le jour ne pénétrait qu'avec parcimonie ; ils se dirent qu'ils pourraient facilement se passer et du cloître pour se livrer à leurs méditations pieuses et de l'enceinte crénelée pour se défendre. Aussi les voyons-nous occupés, sans relâche, à détruire les anciens bâtiments pour élever à leur place un hôtel prieural bâti dans le goût de l'époque. Vers 1630, le grand-prieur Georges de Castellane d'Aluys avait dû commencer les restaurations de l'intérieur et notamment de la chapelle, sur le portail de laquelle ou pouvait voir naguère son écusson : de gueule, au château ouvert crénelé et sommé de trois tours d'or maçonnées de sable.

En 1668, un de ses successeurs, Antoine de Robin Granson, avait fait démolir tout l'ancien bâtiment qui s'élevait entre l'église de la Dalbade et celle de Saint-Jean. A la place occupée par le vieil édifice, l'habile architecte J.-P. Rivalz fut chargé d'élever l'hôtel prieural qui existe encore et dont les formes simples et élégantes son, sans contredit, un spécimen fort remarquable des constructions de cette époque. Mais cette entreprise ne fut pas menée à terme sans encombre. MM. les ouvriers de la grande table de l'œuvre de la Dalbade soulevèrent plusieurs fois des difficultés au sujet de questions de mitoyenneté. Un arrêt du grand conseil vint les trancher, en prescrivant, pour empêcher le renouvellement de contestations sans cesse renouvelées entre les deux parties, que « les ouvriers de la Dalbade seront tenus de donner chaque dimanche de l'année le pain bénit à l'église de Saint-Jean et que le prédicateur de la paroisse ira y prêcher le 27 décembre, jour de la fête du patron de l'Ordre (1)... »
1. Archives de Toulouse, liasse XL.

Cette construction fut terminée en 1685 par les soins de François-Paul de Béon qui avait succédé à Antoine de Robin. Ces deux prieurs avaient, du reste, généreusement contribué de leurs deniers à cette entreprise, ainsi que le constatent les rapports des commissaires nommés par les chapitres provinciaux pour vérifier les comptes du prieuré (2).
2. Archives de Toulouse, Registres.

En 1665 le grand-prieur de Granson s'était occupé à réformer le régime intérieur de l'hôtel prieural, pendant qu'il en reconstruisait les bâtiments. Il traita avec les collégiats, à l'entretien desquels les grands prieurs étaient obligés de pourvoir, et se déchargea de leur nourriture moyennant une rente de 184 livres, 12 pagelles de bois et 200 fagots. Il se débarrassait ainsi « de deux domestiques, savoir, d'un sommelier et d'un cuisinier, et d'une infinité de plaintes tant pour le peu d'assiduité que lesdicts officiers avaient à bien administrer la pitance qu'à cause du vin qui, la plupart du temps, était tourné ou moysi, ce qui produisait bien du chagrin de part et d'autre (3). »
3. Archives de Toulouse, Registre de visite.

Dans la suite, nous ne trouvons à noter que les discussions survenues entre les collégiats de Saint-Jean et les oratoriens de la Dalbade, au sujet de l'enterrement des chevaliers. Dans une transaction conclue entre eux, il fut arrêté que dans le cas où quelque membre de l'Ordre serait malade ou viendrait à mourir dans la maison de M. le grand-prieur, le curé de la Dalbade n'aurait rien à voir dans l'administration des sacrements ni dans l'enterrement qui se feront dans l'église Saint-Jean ; tandis que si l'Hospitalier venait à mourir hors de la maison prieurale, le clergé de la paroisse ferait la levée du corps, à laquelle assisteraient les prètres-collégiats sous leurs étoles, le conduirait à la porte de l'église Saint-Jean, où les chapelains de l'Ordre chanteraient l'office et feraient le reste de l'enterrement (1692) (1).
1. Archives départementales. Oratoriens.

Les grands prieurs de Toulouse et les principaux chevaliers étaient ensevelis, quand ils mouraient sur le continent, dans la chapelle Saint-Jean. Lors de la démolition de cette dernière, on a transporté au Musée ces tombes et ces pierres sépulcrales. Nous citerons, entre autres, un tombeau du treizième siècle très-orné, et où l'écusson chevronné à sept pièces n'a pas été suffisant pour nous indiquer le personnage à qui il fut destiné. On y voit aussi les pierres tombales de Charles de Roquefort-Marquein, général des galères de la religion et grand prieur de Toulouse, et de Joseph de Chalvel, commandeur de Rayssac et receveur du prieuré.

L'hôtel des grands prieurs a été depuis transformé en un vaste entrepôt de draps. Sa grande tour carrée, dont nous avons eu plusieurs fois l'occasion de parler dans le courant de cette étude, ce sombre donjon à quatre étages surmonté d'une double galerie de créneaux et d'un pinacle au-dessus duquel s'élevait une grande croix (2), fut démolie en 1813. L'église de Saint-Jean, la portion la plus ancienne de cet établissement, eut le même sort en 1839. Les propriétaires de l'hôtel firent hommage au musée de Toulouse de quelques portions remarquables de cet édifice entre autres du tympan de son portail avec son chrisme, élégant et sans inscription du treizième siècle.
2. Archives de Toulouse. Registres de visite.
En 1841, les chevaliers de Saint-Jean encore existant à Toulouse ont obtenu l'autorisation de recueillir les restes de leurs devanciers, disséminés au milieu des ruines et des tombes fracassées. Ils les ont fait ensevelir dans une chapelle de l'église de la Dalbade. Un monument en marbre placé au fond de chapelle porte l'inscription suivante, composée par M le marquis de Castellane, pour conserver le souvenir de cette translation :

D. O. M.
Ætemœ memoriæ
Equitum sacrœ domus hospitalis
Sancti Johann Hierosolymitani
Pietate, necnon et armis illustrium,
Defunctorum Tolosæ
Emeritos Christiane, venerare cineres,
Infelicitate temporum sepulcro orbatos,
Qui demum
Hinc in sanctâ Ecclesiâ
Deiparœ Virginis Mariœ Dealbatœ
Recepti
Tutissimum invenire præsidium
Equites qui supersunt
Et externi consanguinei invicem
Sacrœ Hierosolymitanœ sodalitatis
Milites
Rursus condi atque poni curaverunt
Præside et sacris perfuncto
D.D.P.Th. d'Astros
Archiepiscopo Tolosano
Anno Domini MDCCCXLI.

Pièces Justificatives

I. — Donation de l'église Saint-Rémy aux Hospitaliers vers 1115 (1).
1. Archives de Toulouse, liasse II.

II. — Charte d'Amélius, évêque de Toulouse, en faveur de l'hôpital Saint-Jean (1121) (1).
1. Archives de Toulouse, liasse X.
Antoine du BOURG, Membre résidant. Lire

Sources : Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, seconde série, tome XI, années 1874 à 1879. Toulouse 1880. - BNF

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