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Commanderies de l'Ordre de Malte
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Commanderie de Biais

Les Biais
Domus Hospitalis Les Biais

La fondation de la Commanderie des Biais semble remonter au temps de Hugues de Payens, premier Grand-Maître des Templiers. Les biens qui en dépendaient durent lui être donnés, au cours du voyage qu’il entreprit en Occident, en 1127, et après la confirmation qu’il obtint de son Institut en 1128, au concile de Troyes. Il parcourut alors une partie de la France pour y recueillir des aumônes, et retourna en Terre sainte, où il mourut en 1136.

Une charte de Conan III, duc de Bretagne, publiée en 1140, confirma aux Templiers la possession des biens qu’ils avaient acquis dans cette province. C’est ainsi que la terre des Biais, autrefois Biaërs ou Bietz, fut acquise par les Chevaliers de la milice du Temple de Jérusalem, Ordre religieux et militaire, qui la possédèrent pendant cent soixante-douze ans, de 1140 à 1312.

Après la suppression de l’Ordre, le duc de Bretagne concéda la Commanderie aux Chevaliers de saint Jean de Jérusalem, appelés ensuite Chevaliers de Rhodes, puis enfin Chevaliers de Malte, à partir de 1530, lorsque Charles-Quint les mit en possession de l’île dont ils prirent le nom.

A la date du 26 novembre 1440, il existe une sentence du Chapitre général de l’Ordre de saint Jean de Jérusalem, tenu à Rhodes, qui déclare la Commanderie des Biais dépendante de celle de Coudrie, au diocèse de Poitiers, et non de celle de saint Jean de Nantes qui la réclamait.

L’époque précise de la prise de possession de la Commanderie des Biais par les Chevaliers de saint Jean de Jérusalem nous est inconnue ; la plupart des titres concernant les Templiers de Bretagne et d’Aquitaine, leurs biens, et la remise de ces derniers aux Chevaliers de Malte ont disparu. Toutefois, il demeure établi que la Commanderie des Biais fut fondée en 1140, et qu’après avoir appartenu aux Templiers, elle passa avec tous ses biens en la possession des Chevaliers de Malte.

Le domaine réservé de la Commanderie n’avait pas une grande étendue, quatre-vingt-dix hectares à peine. Mais son fief atteignait un grand nombre de paroisses de l’ancien duché de Rays, St-Père-en-Retz, Sainte-Opportune-en-Retz, Chauvé, Frossay, Arthon, Saint-Hilaire-de-Chaléons, Les Moustiers, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Viellevigne ; le tout était tenu en franche aumône par ancienne fondation des Ducs de Bretagne.
Des terres et des rentes en Bouin, Bourgneuf, Corcoué, Fresnay, la Limouzinière, Machecoul, Pornic, Port-St-Père, relevaient du Temple de Coudrie, très probablement comme dépendances de la Commanderie des Biais.

Les Templiers avaient aussi une maison à St-Père-en-Retz. Un titre de 1468 mentionne un chemin qui conduit du Temple à Veuz. D’autres titres parlent d’un grand chemin de l’église au Temple, d’un chemin du Temple au Presbytère (1506), d’un autre de la maison du Temple au Pont-Moiron (1624), et enfin d’un quatrième de la maison du Temple au Bois-Roul (1626).

Leur résidence aux Biais était simple, plutôt pauvre que luxueuse, telle qu’elle convenait à des hommes à la fois religieux et soldats. Une maison qui existe encore aujourd’hui, couverte en tuiles, sans style, sans ornement, que rien ne distingue des habitations ordinaires, sauf l’aménagement intérieur qui révèle sa première destination ; un jardin de modeste dimension, bordé de haies vives, une cour assez vaste, au fond de laquelle, à gauche, s’élevait une chapelle. Les anciens de St-Père-en-Retz l’ont connue et visitée ; aujourd’hui il n’en reste plus vestige.
C’est dans ce sanctuaire que la Relique était exposée à la vénération des chrétiens.

Pendant plusieurs siècles, et jusqu’à la Révolution française, elle attirait des foules considérables. Dès l’an 1406, et bien longtemps avant, la Commanderie des Biais était devenue le rendez-vous de pieux pèlerins qui arrivaient de toutes parts, même des Marches de l’Anjou et du Poitou.

Ainsi donc, la Commanderie des Biais fut fondée en 1140 ; elle possédait une Relique de la Vraie Croix ; cette Relique était l’objet d’un culte public et solennel.
Il est vrai que nous n’avons pas l’authentique qui établit sa première origine.

Mais ce triple fait ne constitue-t-il pas une preuve suffisante d’authenticité ? Comment admettre, en effet, que les Templiers, et après eux les Chevaliers de Malte, eussent gardé, vénéré, et exposé à l’adoration des fidèles une relique sur laquelle ils auraient eu le moindre doute ?

D’abord, c’eut été de leur part une idolâtrie aussi ridicule que monstrueuse ; ensuite, les évêques et les pasteurs chargés de l’administration spirituelle et temporelle du diocèse et des paroisses, n’auraient pas manqué de réprimer, dès son apparition, un élan provoqué par la supercherie.

Dom Chamard à qui nous demandons s’il était possible de retrouver la totalité des archives de la Commanderie, nous écrivait le 8 décembre 1888 : « Je n’ai malheureusement aucun renseignement à vous donner sur la Relique de la paroisse de St-Père-en-Retz. Mais puisqu’elle était honorée dans une Commanderie de l’Ordre de Malte, son authenticité ne peut être douteuse. » L’opinion du savant Bénédictin nous dispense d’insister davantage.

Toutefois, si la première origine de la Relique reste obscure, le fait de sa présence dans une Commanderie de Templiers, dès l’an 1140, et son histoire, à partir du dix-septième siècle, la dégagent tout-à-coup des ténèbres, et mettent son authenticité en pleine lumière. C’est cette histoire que nous raconterons sans rien omettre, chaque détail apportant une preuve de plus à l’appui de notre thèse.

IV — La Relique et son culte au XVIIe siècle

En 1664, Messire François Petit de la Guerche. Chevalier de Malte, exerçait son autorité sur les Commanderies de Coudry, de Lande blanche, et principalement sur la Commanderie des Biais où il résidait. Il avait pour procureur fiscal Maître Noël Avril, et pour sénéchal Maître Jean Jégo, seigneur de la Troquardière. Messire Jean Gouraud, prêtre, desservait la chapelle.

A la date du 28 décembre de la même année, le recteur de St-Père-en-Retz était Messire Pierre Doyle. Messire Jean Gouraud ne desservait plus la chapelle ; il vivait retiré à St-Père-en-Retz. Son successeur était Messire François Cosson.
Comment Gouraud, fut-il dépossédé de son titre de desservant ?
Comment fut-il obligé de quitter la Commanderie ? Avait-il commis quelque faute grave ?
Ou bien s’était-il élevé des contestations entre Gui et le Commandeur, à propos du gouvernement de la chapelle ? Nous l’ignorons.

Ce qui est certain, c’est qu’en quittant son poste, il emporta avec lui les ornements sacerdotaux de la chapelle et la Relique. Le Commandeur, justement irrité, réclama près de son ancien desservant. Il essaya d’abord de le persuader par la douceur. Ses ménagements furent inutiles ; bientôt il fut obligé d’en venir aux menaces. Gouraud résista opiniâtrement ; il ne devait céder qu’à la force.

Messire François Petit de la Guerche chargea alors Maître Noël Avril, son procureur fiscal, de l’assigner devant l’Officialité de Nantes. C’était, d’après la jurisprudence de ce temps-là, à ce tribunal purement ecclésiastique, qu’il appartenait de juger un conflit, dans lequel une des deux parties engagées relevait de l’évêque de Nantes.

L’assignation fut rédigée par Gosson, résidant à Frossay, exerçant les fonctions d’huissier ; il avait pour témoins Julien Bourmaud et Fleury Giablier. Cosson remit lui-même entre les mains de Gouraud, à son domicile à St-Père-en-Retz, et en présence des deux témoins, l’assignation, contre laquelle ce dernier n’éleva aucune réclamation.
Nous la donnons telle que les archives de la Commanderie l’ont conservée.

Assignation donnée à la requête du Commandeur des Biais, à Messire Jean Gouraud, prêtre, pour l’obliger à réintégrer dans la chapelle de cette Commanderie, les ornements et notamment une Relique de la Vraie Croix, qu’il avait emportés dans sa maison.

A la requête de Messire François Petit de la Guerche, Commandeur des Commanderies de Coudry, Pyraveau, Lande-blanche, les Habittes et les Biers, etc.,
etc., soit ajourné, Messire Jean Gouraud, prêtre défendeur, à comparoir à la prochaine audience de l’Officialité de Nantes, qui se tiendra au dit Nantes, à l’endroit accoutumé, au huitième jour de février prochain venant, et pour, au dit jour, voir par le dit Seigneur Commandeur, maintenir que ci-devant le dit défendeur, ayant servi la chapelle de ladite Commanderie des Biais, et ayant en main tous les ornements d’icelle, et les saintes Reliques de la Vraie Croix de Notre Seigneur, enchâssées en une croix d’argent, et qui y est de tout temps immémorial, s’est icelui défendeur ingéré, par une irrévérence profane, d’ôter et enlever de la dite Chapelle, les dites saintes Reliques, et icelles emporter où bon lui a semblé, qui est un sacrilège, et les garder, ce dit-on, dans sa maison, comme une chose privée, qui est profaner les choses si saintes, et qui se doivent conserver et garder avec tant de soin, honneur et révérence, et toujours en lieu bénit et saint, et non content de ce, le dit Gouraud s’est vanté d’avoir ouvert la dite Croix, et ôté les dites saintes Reliques, qui est un crime capital, et tout à fait d’un homme plus barbare et athée que chrétien. Par le moyen duquel enlief, profanation et irrévérence, ledit Seigneur Commandeur est notablement intéressé, pour l’honneur de Dieu et la dévotion des peuples, qui venaient de toutes contrées en grande abondance à l’adoration de la dite sainte Croix et relique. C’est pourquoi le dit Seigneur Commandeur conclut à ce que le dit défendeur soit condamné, et par toutes voyes et rigueur de justice, contraint même par corps, attendu le fait dont est question, et nonobstant opposition et appellation quelconque, et sans préjudice d’icelle, de rendre et remettre au dit lieu et Chapelle des Biais, la dite Croix et sainte Relique, par devant trois prêtres dont les parties conviendront, autrement en sera pris et nommés d’offices, qui en feront leur rapport, devant le sieur sénéchal de la dite Commanderie des Biais, le tout aux frais du dit Gouraud, lequel sera en outre condamné pour la faute par lui commise, en la somme de cinq cents livres d’amende applicables à l’augmentation de la dite Chapelle, et outre, condamné de rendre et restituer tous les ornements qu’il retient, servant à la dite Chapelle, et qu’il sera pareillement condamné à faire les réparations de couverture de la dite Chapelle, ainsi qu’il est obligé. Fait savoir au dit défendeur, parlant à sa personne, à sa demeure ordinaire, qu’il fait dans la ville de St-Père-en-Retz, auquel j’ai baillé copie du présent mon exploit et rapport.

Présents : Julien Bourmaud et Fleury Gablier, mes témoins, demeurant à Frossay, qui ne signent.
Le vingt-huitième jour de décembre mil six cent soixante-quatre.
Signé COSSON, résidant à Frossay.
Il résulte de cette assignation, pour nous borner à ce qui intéresse l’histoire de la Relique, que trois chefs d’accusation étaient relevés contre Gouraud.
On lui reprochait :
1° D’avoir enlevé de la Chapelle, les ornements et les saintes Reliques de la Vraie Croix.
2° De les avoir transportés à son domicile et gardés en un lieu profane.
3° De s’être vanté d’avoir ouvert la croix et d’en avoir extrait une partie.

Ce qui nous frappe surtout, c’est le ton irrité de l’assignation. On sent que le Commandeur est blessé au vif. Sans trop se soucier des ornements sacerdotaux qu’il sera toujours facile de remplacer, il ne peut se résigner à la perte de la Relique, trésor incomparable dont nulle somme d’argent ne lui rendra jamais la valeur ; il s’indigne pour Dieu que ce prêtre déshonore, pour les fidèles dont la piété aura tant à souffrir. Dans la conduite de l’ancien desservant, il voit tout à la fois une irrévérence coupable, un sacrilège, un crime capital que seul un homme barbare et athée pouvait commettre, puisque non content de dérober la sainte Relique, il la garde chez lui comme une chose profane, et se permet de porter sur elle une main spoliatrice.
Voilà pourquoi il ne craint pas de requérir les peines les plus sévères.
D’abord, il rendra tout ce qu’il a pris, et principalement la Relique de la Vraie Croix, puis il paiera une amende de cinq cents livres, enfin il fera à la chapelle de la Commanderie, les réparations nécessaires et les frais du procès seront à sa charge.
En présence de cette assignation fortement motivée à laquelle il ne pouvait se soustraire, Gouraud fut effrayé. Plutôt que de comparaître devant l’Officialité de l’évêque de Nantes, il préféra reconnaître ses torts et offrit de les réparer.

En effet, l’assignation lui fut notifiée le 28 décembre, et l’appelait à comparaître le 8 février suivant. Or, un procès-verbal nous apprend que le 6 février, c’est-à-dire deux jours avant la date fixée pour la comparution, Gouraud vint au presbytère de St-Père-en-Retz avec les ornements et la Relique.
Une commission s’y était réunie. Conformément aux termes de l’assignation, et d’accord avec les parties, elle se composait de trois prêtres, Messires Pierre Doyle, recteur de St-Père-en-Retz, Jean Verron, demeurant à Frossay, François Cosson, successeur de Gouraud et desservant la chapelle, et du sieur Jean Jégo de la Trocquardière, sénéchal de la Commanderie.
Hervé la présidait, assisté d’un autre notaire appelé Loquien. Séance tenante, Hervé rédigea le procès-verbal suivant :
Procès-verbal de la visite de la Vraie Croix le 6 février 1665

Devant nous, Notaires des juridictions de Tharon, Limur et Bougon, à St-Père-en-Retz, ont comparu en leur personne. Maître Noël Avril, procureur fiscal de la Commanderie des Biais, et Messire Jean Gouraud, prêtre, faisant ci-devant le service de la Commanderie. Lequel Avril, en conséquence de la sommation qu’il a fait faire au dit sieur Gouraud, au nom de Messire François Petit de la Guerche, Commandeur de Coudry et des Biais, de lui délivrer et mettre en mains les reliques de la Vraie Croix, dont il est saisi, et qui est de la dite Commanderie, afin d’être rapportées à la Chapelle du dit lieu des Biais, et que enfin, procès-verbal en soit fait, devant Monsieur le Sénéchal de la dite Commanderie, et telles autres personnes que besoin sera, a requis que le dit sieur Gouraud représente présentement la dite sainte Relique. A quoi le sieur Gouraud a dit n’avoir à débattre. Et de fait, étant au lieu, et maison presbytérale de St-Père-en-Retz, en présence de Noble et Discret Messire Pierre Doyle, recteur du dit lieu, et de Messire Jean Verron, prêtre, demeurant à Frossay, de Messire François Cosson, à présent servant la dite Commanderie des Biais, et de noble homme Jean Jégo, sieur de la Trocquardière, sénéchal d’icelle Commanderie, a icelui Gouraud représenté la dite sainte Relique, qui est une petite Croix couverte dessus et dessous de feuilles d’argent, contenant un demi-pied ou environ, en tous lieux ayant sur le dessus un vitrail aussi en croix, et sous lequel est écrit, Vera Crux Christi La dite couverture d’argent, attachée au bois qui compose la dite Croix, avec des petits clous d’argent, lesquels, les plus proches de la dite croisée, sont ôtés, et en trois autres endroits, il y a des épingles mises au lieu des clous qui y étaient. Et paraît la dite sainte Relique de ladite Croix, au travers, de ladite vitre, dans l’étendue de la plus longue croisée, être, en quatre endroits, comme sciée, et une petite pièce enlevée, les autres creusées, et le bout d’un des dits bras non entier, comme celui qui est à l`opposite, et que les vitres sont fendues en deux endroits. Laquelle Croix on l’état qu’elle est, ledit sieur Gouraud a dit l’avoir trouvée, lorsqu’il entra au service de ladite Chapelle, après Messire François Fournier, et nie avoir commis faute. Laquelle Croix, de la manière visitée par les dits sieurs, et recteur de St-Père-en-Retz, et Verron, et le dit sieur de la Trocquardière, ils disent qu’il y a, à, leur croyance, longtemps qu’elle est en cet état. De tout quoi, les dits sieurs Gouraud et Avril ont requis acte, et néanmoins la dite sainte Croix et Relique demeurera aux mains du sieur Gouraud, en attendant le dit sieur Avril, avoir conféré au dit sieur Commandeur, pour icelui sieur Gouraud représenter la dite sainte Croix, lorsqu’il en sera requis.
Et ont les à tous signé ce vendredi sixième jour de février mil six cent soixante-cinq.

Ont signé, registre : Pierre DOYLE, recteur de St-Père-en-Retz ; Jean VERRON, prêtre ; Jean GOURAUD, prêtre ; Jean JéGO ; AVRIL, procureur fiscal ; sans préjudice des autres droits du dit sieur Commandeur.
LOQUIEN, notaire ; et HERVé, notaire, qui a ledit registre. Signé HERVé.
Par le seul fait de sa comparution Gouraud avouait sa faute, et reconnaissait que les ornements et la Relique appartenaient à la Commanderie.

Disons à sa décharge qu’il n’avait pas cru mal faire, lui-même l’affirme, et qu’entre le Commandeur et lui, il n’y avait eu qu’un conflit d’autorité. Personne du reste ne lui imputait de mauvaises intentions, au fond on le tenait pour un honnête homme, aussi la Commission décida-t-elle qu’il garderait la relique, jusqu’à ce que le Commandeur la fît prendre à son domicile. Toutefois, il devait la rendre dès qu’il en serait requis.
De même, il ne fut ni contraint de donner une indemnité équivalente à l’amende, ni obligé de faire à ses frais les réparations de la chapelle. Tout cet ensemble nous prouve que, si Gouraud avait commis un acte répréhensible, il n’avait pas agi avec méchanceté, et que seul le zèle indigné du Commandeur lui a dicté les termes violents, même injurieux de l’assignation.

Quoi qu’il en soit, le rôle de la Commission ne consistait pas seulement à obtenir de Gouraud la restitution justement exigée par le Commandeur. Elle avait une autre mission plus importante ; il s’agissait de constater si réellement Gouraud avait, comme il s’en était vanté, enlevé des parcelles de la Relique.

Tel est le point capital, on pourrait dire exclusif, sur lequel le procès-verbal concentre toutes ses observations. Négligeant la question secondaire des ornements, il s’occupe surtout de la sainte Relique.

Les Commissaires la reçoivent des mains de Gouraud, l’examinent avec la plus religieuse attention, et la décrivent dans ses moindres détails : c’est une petite croix couverte dessus et dessous de feuilles d’argent. Le verre, l’inscription, les clous d’argent, les épingles mises à la place des clous disparus, les détériorations survenues au cours des siècles, rien n’est oublié, pas même la cassure du verre en deux endroits. Gouraud affirme qu’elle était en cet état, à son entrée au service de la chapelle. Les Commissaires déclarent à leur tour, qu’en vérité il n’y a pas de changement, et qu’ils la retrouvent telle qu’ils l’ont connue et vue de tout temps.

Alors Gouraud et Avril, c’est-à-dire les deux parties intéressées, requièrent qu’acte soit dressé, le premier pour dégager complètement sa responsabilité, et mettre à néant l’accusation portée contre lui, le second pour sauvegarder la parfaite intégrité de la Relique.

Mais ce qui nous intéresse le plus en tout ceci, c’est moins l’assignation elle-même, et le procès-verbal qui en fut la conséquence, que la constatation du culte rendu à la Relique, et de l’importance qu’on attachait à sa possession.

Assurément, la disparition du titre qui fixe sa première origine est un fait déplorable. Ce document, apporté autrefois par les Templiers avec la Relique elle-même, introuvable aujourd’hui, devait exister au dix-septième siècle. L’histoire et l’archéologie sacrée font là une perte à peu près irréparable. Si un jour ce document se retrouve, nos preuves s’évanouiront devant l’évidence.
Mais la lumière sera-t-elle plus vive et notre conviction plus profonde ? Croirons-nous davantage à l’authenticité de notre sainte Relique ?
Ne peut-on pas dire qu’elle la porte imprimée sur elle-même, et les procès-verbaux cités plus haut, spécialement celui du 8 février 1665, ne l’affirment-ils pas invinciblement ?
Le procureur fiscal et le Commandeur auraient-ils attaché tant d’importance à une relique fausse ou d’une origine douteuse ? Auraient-ils réuni une commission, et pris une délibération sur un objet sans valeur ?
Auraient-ils, en un mot, commencé de bonne foi une pareille procédure ?
Matériellement parlant, les ornements enlevés avaient mille fois plus de prix, et cependant la Commission ne s’en occupe pas. Son but est atteint, dès qu’elle a constaté qu’il n’y a pas de changement dans la sainte Relique, et que le ravisseur consent à la rendre.
Que faut-il davantage pour affermir notre croyance ?

Conformément à la décision prise par la Commission, la Relique, après être restée quelque temps au domicile de Gouraud, fut replacée dans la chapelle des Biais, où elle continua d’être l’objet d’un culte public, comme en fait foi un troisième procès-verbal rédigé vingt-et-un-ans plus tard, le 6 avril 1686. Ce procès-verbal jette une nouvelle lumière sur la valeur de la Relique.

Procès-verbal de Visite d’une Relique de la Vraie Croix dans la Chapelle de la Commanderie des Biais, le six avril mil six cent quatre-vingt-six.
Lan mil six cent quatre-vingt-six, sixième jour d’avril, environ les dix heures du matin, devant nous Jacques Jarnioux, seigneur de la Calnais, sénéchal de St-Viaud, exerçant la juridiction ès Commanderie des Biais, ayant avec moi pour adjoint, Julien Loquain, greffier d’icelle, étant au dit lieu des Biais, en la Chapelle de ladite Commanderie, et Messire Jacques Foucaud, prêtre, faisant encore présentement le service de la dite Chapelle, lequel nous aurait requis de vouloir faire procès-verbal et description d’une Croix d’argent, dans laquelle on dit y avoir du bois de la Vraie Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, exposée par le dit Foucaud, sur le petit autel de la dite Chapelle de la Commanderie des Biais, ce jour sixième avril, mardi de Pâques, ce que nous lui aurions accordé.
Et ayant vu et adoré ladite Croix, nous avons remarqué qu’elle est dans son entier, à la réserve du vitrage d’un des bras qui est cassé en partie, et la bordure et la garniture du même endroit, détachée de deux petits clous. Et après que l’adoration de la Vraie Croix aurait été faite par le peuple, qui était au dit lieu des Biais, environ les deux ou trois heures de l’après-midi, le sieur Foucaud aurait remis ladite Vraie Croix, dans un étui, dans lequel on la met, et mise dans une armoire, étant dans la chapelle du côté Nord, laquelle armoire le sieur Foucaud aurait fermé de clef, et icelle retenue.
De tout quoi, le dit sieur procureur d’office nous a requis le présent procès-verbal, que nous avons fait et rédigé, pour valoir et servir où besoin sera, le dit jour et an que dessus.
Signé : JARNIOUX, HERBERT, procureur d’office, et LOQUAIN, greffier.

Ainsi qu’il ressort de ce procès-verbal, il s’était produit une légère détérioration dans l’état de la Relique. Dès qu’il s’en aperçut, Foucaud, successeur de Cosson, comme desservant de la chapelle, prévint Jarnioux, seigneur de la Calnais, sénéchal de Saint-Viaud. Il exige qu’il vienne lui-même, sur les lieux. La Relique était intacte quand il la reçut de son prédécesseur, il voulait qu’avant de la transmettre à son successeur, on constatât les changements survenus. Le seigneur de la Gainais accéda sans peine au désir du desservant ; il se rendit donc à la Commanderie. On avait choisi pour la visite le mardi de Pâques, un des jours de pèlerinage.

A dix heures du matin, Foucaud expose la Relique sur l’autel. Le Commandeur s’approche, adore la Croix et procède aux constatations. Le procès-verbal les fait connaître. Foucaud remit ensuite la Relique dans son étui ordinaire, qui fut placé lui-même dans une armoire, située du côté Nord de la Chapelle, et dont il garda la clef.

Toujours le même respect, la même vénération, les mêmes soins minutieux et empressés. Un des bras de la Croix s’est cassé, deux petits clous se sont détachés, et tout aussitôt, le desservant justement alarmé, ne se donne pas de repos qu’il n’ait à son tour dégagé sa responsabilité.
En vérité, on ne se conduit pas autrement à l’égard du trésor le plus précieux.

L’intérêt qu’inspire notre sainte Relique, le culte persistant dont elle est l’objet, ne la recommandent-ils pas de plus en plus à notre dévotion ?
Honorés depuis des siècles par d’innombrables multitudes, elle exerce d’âge en âge cette attraction puissante, qui est un des privilèges de ce bois sacré. Les fidèles accourent de tous côtés, des lieux circonvoisins, mais aussi des extrémités les plus reculées de nos provinces. C’est sa gloire, mais en même temps la preuve de son importance, et de la place qu’elle tient dans les préoccupations des Chevaliers de Malte et des peuples chrétiens.

Quel édifiant spectacle s’offre à notre regard, quand nous lisons le procès-verbal de 1686 ! Nous sera-t-il donné d’en voir le renouvellement ?
Nous l’appelons de tous nos vœux.

Un grand nombre de pèlerins se trouvaient réunis aux Biais, en ce mardi de Pâques 1686 et telle était l’affluence, que l’adoration de la Croix ne fut terminée que vers deux ou trois heures de l’après-midi. Pendant cinq heures, les chrétiens défilèrent devant la Relique exposée sur l’autel, heureux de manifester leur foi et de satisfaire leur dévotion. Jamais le, moindre doute ne s’élève sur son authenticité. Commandeurs, desservants, prêtres et fidèles, tous s’unissent à l’envi et exaltent le Bois sacré de la Rédemption.
Ce ne sont pas des personnalités isolées, si remarquables qu’elles soient, ni seulement les membres de la Commanderie, ni même les paroissiens de St-Père-en-Retz, mais des pèlerins des contrées les plus éloignées ; attirés par le renom de la Relique, ils accourent et se prosternent.

Magnifique et irrécusable témoignage, il ravit notre adhésion, autorise notre culte, et provoque, en notre âme le besoin de l’affirmer encore dès maintenant, en attendant que plus tard, bientôt peut-être, au milieu des foules convoquées par Dieu lui-même, nous pourrons reprendre les traditions du passé, et rendre à la Relique un culte digne d’elle !
Sources : Bouyer, Jules. Notice sur une parcelle de la vraie croix, vénérée dans l’église de St-Père-en-Retz. 1898 Paimboeuf. BNF

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