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Commanderies de l'Ordre de Malte
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Commanderie de Trinquetaille

Département: Bouches-du-Rhône, Arrondissement et Cantons: Arles - 13

Hospitalis de Trinquetaille
Domus Hospitalis de Trinquetaille

La ville d'Arles est pleine de vieux souvenirs. Il n'est presque pas de rue qui ne renferme au moins une maison remarquable, ou par son architecture, ou par son ancienneté, ou même par son histoire. L'hôtel du Grand Prieuré que l'on rencontre dans une des rues avoisinant le Rhône, près de l'ancien palais Constantin, mérite encore d'attirer le regard. Il a été la demeure, pendant plusieurs siècles, d'un haut dignitaire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, cet ordre fameux auquel les principales familles d'Arles se faisaient gloire de donner un ou plusieurs de leurs membres.

Enfin il comprenait, dans ses dépendances, une chapelle, simple dans son architecture mais riche dans son ornementation, et où l'on enterrait les membres de l'ordre de Malte qui mouraient à Arles.
Raconter les origines et la formation de cette maison, parlé des évènements dont elle a été le témoin, saluer, en passant, les religieux qui l'ont habitée et qui y dormaient leur dernier sommeil, tel est l'objet de cette étude.

« Le comte Raymond Bérenger 1er avait, dès 1112, manifesté l'intention de fonder une maison d'Hospitaliers, mais c'est l'archevêque Atton qui, en 1147, du consentement de ses chanoines, donna à ces religieux une église à Trinquetaille, dédiée à Saint-Thomas, apôtre, sous la condition de ne point percevoir de dîme dans le diocèse, de ne pas ensevelir d'étrangers dans leur cimetière et de rendre révérence et fidélité à l'Eglise d'Arles. Cette donation fut confirmée en 1129 par Bernard, qui, en présence des évêques d'Avignon et d'Orange, imposa un cens de 25 sous melgoriens à payer au chapitre, chaque veille de Noël. Raymond, en 1144, ajouta l'obligation de passer gratis dans la barque de la commanderie les clercs de l'Eglise d'Arles « avec leur besace et tout le nécessaire. » (1).
« En 1144, le comte de Provence Raymond Bérenger, mort des blessures reçues au combat naval de Melgueil, livré aux Génois qui soutenaient les seigneurs des Baux, fut enseveli dans l'Eglise Saint-Thomas » (2).
1. 2. M. Constantin. Les Paroisses du diocèse d'Aix : Saint-Pierre de Trinquetaille, page 13, 14.

« En août 1192, Hugues de Baux... se présentait sous le porche de l'église Saint-Thomas, suppliant le commandeur Bertrand de Millau de l'admettre dans l'ordre de Saint-Jean, comme confrère pendant la vie, et comme frère à l'article de la mort, avec part aux mérites des religieux. Sa demande fut accueillie et Hugues signa un acte dans lequel il promettait à la communauté une saumée de blé chaque année, et élisait sépulture en son cimetière » (3).
3. Constantin : Saint-Pierre de Trinquetaille, page 15-10.

Dans la suite, les Hospitaliers de Trinquetaille reçurent plusieurs privilèges des comtes de Provence et ensuite des rois de France. Ils parvinrent peu à peu à posséder de grands biens. Ils excitèrent contre eux la haine populaire. En 1248, à la faveur des troubles du moment, la foule se précipita vers l'église St-Thomas de Trinquetaille et la livra au pillage ; plusieurs religieux qui s'y étaient réfugiés furent massacrés au pied de l'autel. Pourtant l'église se releva de ses ruines, et nous voyons, en 1326, le grand maître des Hospitaliers, Hélion de Villeneuve, ordonné à ses frères d'Arles de prendre soin des pauvres de l'hôpital de Saint-Thomas de Trinquetaille. Tous les dimanches le prieur visiterait les malades accompagné de ses prêtres et observerait si chacun remplissait son devoir envers les pauvres. Les Hospitaliers s'acquittèrent pendant longtemps et avec exactitude de ce qui leur avait été prescrit.

En 1357 leur maison subit le sort de beaucoup d'autres. Pour se défendre contre les bandes d'Arnaud de Servole, aventurier gascon, les Arlésiens détruisirent tous les bâtiments considérables des faubourgs de la ville (1). L'église et l'hôpital de St-Thomas de Trinquetaille ne furent pas épargnés. Frère Raymond de Plainchamp, qui en était commandeur, acheta le 20 janvier 1338 de Jacques Pujade une maison dans la ville, à la paroisse de Saint-Pierre de Pessol, (unie à présent à celle de Saint-Julien), et située le long du Rhône, et le 13 avril 1361, il en acheta une autre qui joignait la première, de Jeanne Laget, épouse de Jean d'Aramon, coseigneur de ce lieu, et qui aboutissait à la porte de la Trouille, nommée depuis la porte de Saint-Jean (2). Le commandeur (3) de Saint-Thomas fixa sa demeure et celle de ses successeurs dans ces deux maisons dont il ne fit qu'une (4).
1. Pierre Véran. — Recherches pour servir à l'histoire ecclésiastique d'Arles, tomes 1 et 2, passim. Manuscrits aux archives municipales d'Arles.
2. Cette porte a été démolie en 1805.
3. « Les commandeurs étaient, les titulaires des simples commanderies ; dans les premiers temps, une commanderie était, en quelque sorte un couvent renfermant un hôpital pour les pèlerins et les pauvres et un nombre suffisant de frères religieux et servants dont le chef avait le titre de præceptor ; mais dans la suite cet état de choses se modifia entièrement, et dans les derniers temps les commanderies n'étaient plus que des agrégations de biens, des revenus desquels les commandeurs avaient la jouissance, déduction faite des charges, taxes, contributions et autres redevances qui leur étaient imposées, soit par la Langue, soit enfin par l'Ordre »
Comte Emmanuel-Ferdinand de Grasset. — Essai sur le Grand-Prieuré de Saint-Gilles, de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, page 8-9. 4. Citation de Raybaud rapportée par Trichaud. — Histoire de la sainte Eglise d'Arles, 111, 241, 242.


Non loin de là se trouvait la commanderie de Sainte-Luce, formée avec les biens des Templiers supprimés, comme on le sait, en 1312, par bulle de Clément V. La maison des Templiers à Arles, une des premières de cet ordre de chevalerie fondé pour la protection des pèlerins qui allaient visiter la Palestine, était primitivement située près d'une porte de la ville qui depuis s'est appelée la Cavalerie. Ainsi qu'il a été rapporté plus haut, en 1357, les faubourgs de la ville furent dévastés et l'église et la maison du Temple furent alors démolies. Quelque temps après, vers 1370, frère lsnard de Villemurs, commandeur de Sainte-Luce, acheta dans la ville d'Arles une maison à Saint-Pierre de Pesulo dans les environs de la paroisse actuelle de Saint-Julien, à noble Jean Gantelmi pour lui servir de logement ainsi qu'à ses successeurs. Il en acheta une autre le 29 septembre 1873 pour agrandir la précédente. Ces maisons avaient leur entrée dans la rue du Grand-Prieuré, en regard de l'Hôtel de Saint-Gilles. Au midi était la chapelle, sous le titre de Sainte-Luce. (1).
1. Notes de M. Gibert, ancien bibliothécaire de la ville d'Arles. Les dépendances de la commanderie de Sainte-Luce sont aujourd'hui la propriété de Monsieur Bizalion, négociant d'Arles (1903).

En 1471, le 6 mars, se tint dans la maison de la commanderie du Temple à laquelle on donna peu de temps après le nom de Sainte-Luce une réunion ou chapitre des chevaliers de la région. Le commandeur Melchior Cossa et plusieurs chevaliers offrirent d'aller à Rhodes qui devait être assiégée l'année suivante. Le pape, à la recommandation du roi René, avait donné en 1475 à Melchior Cossa la commanderie de Trinquetaille pour récompenser les nombreux services qu'il avait rendus à ce prince.
En 1484, dit Bonnemant dans ses Annales de la ville d'Arles (2), permission fut donnée au commandeur Cossa de couvrir un coin de sa maison: « Die 4 aprilis... Et premierament, car Monsenhor le commandadour de sant Thoumas de Trencatalha, Monsenhor Melchion Cossa, a demandat licencia de poder cubrir ung petit canton, que es touchant sa meson, sur le portalh de la Truelha ; et car segon la relation de messenhors les consols, et aultres del present conselh, lo dich quanton non es en prejudice ni domage de la villa, per tant lo présent conselh es content que lo puesca bastir et cubrir, reservat que en cas de guerra ou altra necessitat, la ville sen puesca ajudar. »
2. Manuscrit à la bibliothèque communale d'Arles.

Le commandeur frère Melchior Cossa fit bâtir en 1503 la chapelle du grand prieuré où il fut enseveli ; on peut donc lui attribuer, en grande partie, la construction de ce vaste édifice si agréable par la beauté et la variété des points de vue qu'il présente. Le tombeau du commandeur Cossa était dans une chapelle qui fait face à la porte extérieure. « Il est représenté, nous dit le chevalier de Gaillard (3), étendu sur son sépulcre, le corps nud, les reins entourés d'une draperie, le tout en plâtre, assez grossièrement peint, et passablement exécuté pour le temps. Le mausolée est fermé par une grille de fer, qui occupe toute la face où il est placé, et au fond de laquelle on lit ce qui suit en caractères dorés :
« Quidve boni malive in isto condiderim orbe,
« Omnia mors claudit et cunctis ultima res est ;
« Melchior ex stirpe Cossa fraterque vocabar :
« Nunc me terra tenet et saxo claudor in isto.
« Vixi annos LXXVIII, Mens. VII. D. XVI (4) »
3. Première lettre du chevalier de Gaillard, commandeur de Poët-Laval, à « mon cher Biran » écrite de Montélimar le 21 juillet 1764, reproduite dans le « Recueil d'Antiquités, formé par M. Laurent Bonnemant », manuscrit à la bibliothèque communale d'Arles.
4. Cette inscription latine manque à la copie de l'abbé Boinnemant ; nous l'empruntons aux « Etudes archéologiques et statistiques sur Arles » par J.-J. Estrangin.


Le chevalier de Gaillard nous apprend aussi que son père, Jean, originaire du royaume de Naples, possesseur de grands biens, en avait été privé à cause de son attachement pour le roi René qu'il servait avec fidélité. Le roi l'en dédommagea en le nommant grand sénéchal de Provence et en lui accordant diverses seigneuries. Il employa le fils Melchior dans diverses commissions importantes et dans plusieurs ambassades, ce qui atteste son mérite et la considération dont il devait jouir à Arles. Il fut aussi conseiller et chambellan ordinaire de Louis XII.

En 1504, il reçut dans notre ville Emeric d'Amboise, frère du cardinal de ce nom, qui avait été élu, l'année précédente, grand-maître de Rhodes. Parti de Paris au commencement de mai, il arriva à Arles le 6 juin. Pendant son séjour, il vénéra les reliques de Saint Antoine, puis il se rendit à Marseille, où il s'embarqua pour aller prendre la direction de l'ordre de Malte.

Quelques années après, en 1509, se tint, dans la maison d'Arles, le premier chapitre des Hospitaliers. Il fut présidé par le grand-prieur de Saint-Gilles, Charles Aleman de Rochechinard. Il avait fait faire quinze grandes médailles d'or représentant « les quinze joyes » de la Sainte Vierge, elles pesaient mille ducats chacune. Il manifesta à l'assemblée le dessein qu'il avait d'en faire don à l'église de Rhodes ; elles furent portées, en effet, en 1511, au chef-lieu de l'Ordre. Melchior Cossa était présent à cette réunion. (1).
1. Raybaud : L'histoire des grands prieurs et du prieuré de Saint-Gilles. Nous avons fait beaucoup d'emprunts à ce manuscrit et nous devons un merci tout particulier à M. le chanoine C. Nicolas, curé-doyen de Saint-Gilles, qui en possède une copie, mise obligeamment à notre disposition.

Il mourut peu de mois après. La maison était inachevée, les consuls d'Arles s'en émurent, comme le prouvent leurs délibérations de l'année 1513 : « Die 14 augusti... item, venu à la notice du présent conseilh que Mgr le Grand Maistre de Roddes vient icy, pourtant ha ordonné le présent conseilh que Messieurs les Consuls et Assesseur, en compagnie de beaucoup de notables personnes de la présente cité, luy ailhent au devant, en luy offrant les biens de la ville, et ce faict, ha ordonné luy estre bailhé une pipe de vin blanc et une de rouge, et le acompaigner jusques à la Tour du Boulevard.

« Item si est cas que led. Mgr le Grant Maistre ne vienne icy, ha esleu le présent conseilh , pour luy aller fere la révérence, comme dessus, et lui notiffier la maison de saint Jehan estre imparfaicte à l'ocaison de la murailhe de la presente cité, et luy supplier que son bon plaisir soit de la fere réparer, et le édiffice commencé achever pour la fortification de la présente cité, ces nobles et honorables messieurs les consuls Anthoine Romyeu et Tropheme Bernard (2). »
2. Bonnemant. — Annales de la ville d'Arles.

Ce grand maître était Guy de Blanchefort. Il avait été élu, étant grand prieur d'Auvergne, en 1512. A son départ pour Rhodes, il s'embarqua sur le Rhône à Lyon, au commencement d'août 1513, dut s'arrêter à Arles et se rendit ensuite par mer à Marseille.
C'est un Arlésien, frère Robert Albe, de Roquemartine, qui termina la maison de Saint-Jean. Il était fils de Jean Albe, seigneur de Roquemartine, et d'Alix d'Oraison. Dès 1515, il avait été pourvu de la commanderie d'Avignon ; en 1521, il eut celle de Saint-Thomas de Trinquetaille. Jusqu'à cette époque, il avait résidé à Rhodes, où il avait servi sur les galères de son Ordre ; en 1523, ayant été nommé receveur du prieuré de Saint-Gilles, il vint demeurer au siège de sa commanderie de Trinquetaille, situé dans Arles. C'est sans doute à ce moment qu'il termina l'embellissement de sa demeure. Plus tard, le 30 décembre 1545, il devint grand prieur de Saint-Gilles. Il se rendit à Malte, devenu la propriété des Hospitaliers, en 1548, au mois de mai, pour assister au chapitre général. Il y fut nommé ambassadeur auprès du roi Henri II, pour le féliciter, au nom de la religion, de son avènement à la couronne, et lui demander la confirmation des privilèges de son Ordre. A son retour, il s'arrêta à Arles, puis alla à Paris et, de concert avec le prince Charles de Lorraine, grand prieur de France, il obtint, au mois de juillet 1549, la confirmation des privilèges de l'Ordre. Il mourut à Paris, le 5 octobre de la même année, à l'âge de 70 ans, et il fut enseveli dans le chœur de l'église prieurale du Temple (1).
1. Généalogie de la famille d'Albe ou Aube de Roquemartine. Manuscrit de la bibliothèque communale d'Arles.

Nous ne résistons pas au désir de donner l'épitaphe qui se se lisait sur son tombeau : « Frater Robertus Daube, vulgo Rupe martina cognominatus, in nobili ad Rhodanum oppido Arelate insigni familia natus, per omnes hospitalis militiæ gradus inter suos multa cum laude evectus, ad magnam tandem sancti Ægidii præfecturam devenit, in provincia Narbonensi, demum per universam Galliam promagister creatus (honos a magno militum magistro secundus) ad regem publica nomine legatus, rem sæpe tentatam, peneque desperatam, sua prudentia perfecit, ordini suo scilicet a priscis quodam regibus irrogatorum privilegiorum specialem modo confirmationem, novorumque concessionem ab Henrico nunc rege consecutus, quum vero multis et gravibus exantlatis laboribus ad quietem se temporariam pararet, vocatus est ad æternam Vixit ann. LXX. militavit XL. præfuit ann. IV. Obiit in legatione Lutetiæ in ædibus templi, die sabbati V octobris, anno Christi MDXLIX. Commilitones et amici fratres defuncto posuerunt (1). »
1. Selectæ christiani orbis Deliciæ ex urbibus, templis, bibliothecis, et aliunde per Franciscum Swertium. Cologne 1608.

La superbe résidence de l'ordre de Malte, sur le bord du Rhône, si bien préparée par les derniers commandeurs de Trinquetaille, va devenir le siège du grand prieuré de Saint-Gilles, à la suite des guerres de religion.
Le dimanche 27 novembre 1562 eut lieu la grande bataille de Saint-Gilles entre catholiques et protestants, où plus de 1000 hommes périrent, entre autres deux Arlésiens, Giraud de la Tour (dit Cogolin), et Jacques de la Tour (dit lo Brau). Après ce combat, les soldats huguenots pillèrent l'église de Saint-Jean, démolirent les autels, brisèrent les tombeaux et enlevèrent toutes les richesses de la maison prieurale. Heureusement, un autre Arlésien, le chevalier de Saint-Andiol, avait fait porter à Arles, au mois de mai précédent, les vases sacrés de l'église prieurale et les archives. La maison de Saint-Gilles détruite, les grands prieurs se réfugièrent à Arles. Déjà, cette même année, le 23 mars 1562, le chapitre au lieu de se tenir à Montpellier s'était réuni dans la maison d'Arles, à cause des dangers d'un séjour à Saint-Gilles, ville, à ce moment-là, profondément troublée.

De même, en 1569, Claude de Glandevès, nommé grand prieur de Saint-Gilles, vint de Malte et prit possession de Saint-Jean d'Arles, le 6 septembre. Il était fils de Hélion de Glandevès, seigneur de Gréoux, et de Jeanne de Justas. Il mourut au Mas-Thibert, qui dépendait de la commanderie de Trinquetaille, le 6 janvier 1573, fut porté dans notre ville et inhumé dans la chapelle de Saint-Jean (2).
2. Tous les détails qui précèdent sont empruntés au manuscrit déjà cité de Jean Raybaud sur le prieuré de Saint-Gilles.

A partir de cette époque date la tenue du chapitre dans Arles. En 1577, les commandeurs dépendant du prieuré s'abstinrent de paraître à la réunion annuelle, de crainte d'être pris et tués par les gens de guerre. Il n'y assista que frère François du Broc, commandeur de Sainte-Luce, Charles de Grasse Briançon, commandeur de Salliers, et le chevalier de Barras.

En 1581, il est vrai, le chapitre se tint à Tarascon, le 24 juin, dans le réfectoire des Cordeliers, mais le 28 novembre 1583, il eut ses assises, de nouveau, dans notre ville. Le chevalier Gaspard de Barras, représentant du grand prieur absent, y promulgua les ordonnances rendues au chapitre général de Malte, au mois de juillet précédent. Celui de 1586 eut une certaine importance pour la maison d'Arles. Le bailli de Manosque, Charles de Grasse Briançon, qui le présidait comme lieutenant du grand prieur François de Panisse empêché, représenta que les troubles dont le royaume était agité étaient cause que la plupart des titres des commanderies du prieuré de Saint-Gilles avaient été pillés ou brûlés, faute d'avoir un lieu exprès pour les y tenir, que le grand maître et le Conseil en ayant été informés lui avaient donné commission de faire construire un lieu propre pour cet usage. En conséquence, on prit la délibération de faire bâtir des archives sur la chapelle de la maison prieurale, mais ce vœu n'eut pas alors son plein effet. Il fallut le renouveler au chapitre de 1603, tenu le 25 mai, et présidé par le grand prieur lui-même, Pierre d'Esparbès Lussan, qui se chargea de lui donner une réalisation. Les archives furent placées, ainsi qu'on l'avait décidé, au-dessus de la chapelle ; l'appartement qui les renfermait était voûté et on y pénétrait par une porte en fer (1).
1. Procès-verbal de visite de 1743.

Pendant les troubles de la Ligue, la maison de Saint-Jean fut le théâtre de plusieurs événements. Le duc de Savoie était à Arles en 1592, sous le prétexte de maintenir cette cité dans la foi catholique. Il avait été très bien reçu par les consuls et, comme il devait s'absenter, il leur avait demandé la permission de loger quatre compagnies de cent Espagnols chacune, sous les ordres du commandant de Rides, dans la maison de Saint-Jean, afin d'éviter des frais aux habitants. Le Conseil lui avait accordé cette faveur et il était parti. Cette petite troupe était entrée dans la ville vers la fin février ; elle prit son cantonnement dans les maisons de Saint-Jean, de Sainte-Luce et de Salliers (1). Elle ne fut pas très bien vue par la population.
1. La maison de Salliers était la demeure du commandeur de ce lieu. Elle joignait la maison de Saint-Jean à l'est. Elle avait été achetée par Bertrand Monachi, commandeur de Salliers, le 2 décembre 1382. C'est aujourd'hui le Musée Réattu.

« Durant le séjour que les compagnies firent dans la ville n'arborèrent jamais les enseignes et tinrent toujours les portes de leur logis fermées ; quelquefois la nuict, lorsque les rondes passoient, demandèrent le mot des fenestres de la maison de Sainct-Jehan ; personne ne vouleut leur rendre cet hommage. Ils étoient haïs et ombragés et n'estoient fréquentés que de fort peu de gents (2). »
2. Mémoires d'Etienne de Chiavari Cabassole, Musée, 1878, page 82.

Le bruit courait que le consul la Rivière voulait livrer la ville au duc de Savoie ; il fut massacré à la porte de la Cavalerie, ainsi que le commandant de la troupe espagnole, de Rides, le dimanche au soir, 13 mars 1592.
A la suite de ce double meurtre, toute la ville prit les armes et se porta à la maison de Saint-Jean pour massacrer les Espagnols. On chercha le consul du Port qui se cachait ; il vint enfin.
Les capitaines de la petite troupe lui demandèrent de les laisser sortir, il le leur permit, et, le lendemain, les Espagnols quittèrent la ville par la porte Marquanou, sans armes, excepté leurs capitaines qui avaient une épée. Ils passèrent au milieu de la foule sans recevoir aucune injure. Les consuls leur firent porter leurs armes et bagages jusque près du cimetière Saint-Honorat (3).
3. Mémoire de Louis Romany, Musée, 1875, page 11.

L'année suivante (1593) la maison servit de corps de garde à quelques soldats de la ville ; le premier consul Quiqueran de Ventabren pensa même s'y établir pendant cette période agitée, mais il dut renoncer à son projet après un essai infructueux (Mémoires de Chiavari).

En 1603 mourut à Arles le bailli de Manosque, Charles de Grasse Briançon. Il avait signé avec d'autres commandeurs et chevaliers de Malte la fameuse promesse du 10 avril 1579, par laquelle un certain nombre d'Arlésiens jurèrent de rester fidèles à leur roi, à leur foi et de se défendre des protestants (1).
1. Trichaud. — Histoire de la Sainte Eglise d'Arles, tome IV, pages 115-116.

Après l'abjuration du roi Henri IV, il fut député, en 1594, pour aller lui porter la soumission des commandeurs du grand prieuré de Saint-Gilles.
Depuis sa nomination comme grand prieur, Esparbès de Lussan résidait à Arles. Il présida le chapitre de 1607, il exposa la perte que l'Ordre venait de faire de deux galères près des côtes de Tunis, des suites d'un naufrage (avril 1607). Les commandeurs présents s'empressèrent de souscrire avec beaucoup de générosité pour réparer ce malheur.

Esparbès de Lussan ne dédaignait pas de prendre part aux fêtes de la ville d'Arles. Il assista le 28 février 1609, dans la rue du Saint-Esprit, à une course de bague, amusement fort en honneur à cette époque, et donnée par Mlle de Beynes. Le grand-prieur fut un des juges, plusieurs chevaliers de Malte étaient présents ; la bague fut gagnée par le cadet de Beaujeu (2).
2. Musée, 1875, page 185 et suivantes.

Depuis quelque temps déjà les grands prieurs habitaient Arles. Le 15 janvier 1615 parut le décret de l'Ordre, qui sanctionnait cet état de choses (3).
3. D'après ce même décret, après la mort d'Esparbès-Lussan le nouveau commandeur de Trinquetaille devait acheter dans Arles une maison pour servir de logement à lui et à ses successeurs. C'est la raison pour laquelle le 15 janvier 1627, François de Vintimille Ollioule, nouveau commandeur de Trinquetaille, acheta, sur l'ancienne paroisse Sainte-Anne, la maison d'Armentaire Barracan, à l'angle de la rue des Jésuites (rue Balze) et de la rue du Collège, actuellement (1903) maison Canton.

La maison de la commanderie de Trinquetaille, assise sur les bords du Rhône, dans Arles, fut unie avec tous ses meubles au grand prieuré ; elle devint la demeure propre des grands prieurs. Néanmoins, Esparbès de Lussan avait fait rebâtir l'église prieurale de Saint-Gilles, profanée depuis 1562. La réconciliation fut faite par l'évêque de Nîmes, Pierre de Valernod, le 10 février 1609, assisté de l'archevêque d'Arles, Gaspard du Laurens. Il avait même fait reconstruire la maison prieurale. Mais on jugea qu'il était plus convenable à la dignité de grand prieur d'habiter Arles, une des villes les plus considérables. Esparbès de Lussan n'avait eu toute sa vie en vue que le bien de son Ordre. Il s'était distingué comme guerrier, il avait même reçu plusieurs blessures au siège de Malte, en 1665 ; il voulut donner un nouveau témoignage de son affection à l'Ordre auquel il tenait beaucoup.
Le 7 octobre 1615 il fonda l'entretien du corps d'une galère qui devait être refaite tous les cinq ans et donna, dans ce but, 60.000 livres. Il mourut à Arles le 5 novembre 1621 ; on le porta à Saint-Gilles et on l'ensevelit dans le sanctuaire de l'église de Saint-Jean, du côté de l'épître (1).
1. Raybaud, dans son Histoire manuscrite, rapporte l'inscription qui se lisait sur son tombeau.

Deux ans auparavant, le grand prieur de Toulouse, Jean de Massadel Vaqueyras, était mort dans la maison de la commanderie de Sainte-Luce, 17 août 1619.
Les guerres de religion se continuaient dans le Languedoc. Une seconde fois le couvent et l'église prieurale de Saint-Gilles avaient été abattus par les calvinistes (1622). A partir de cette date, les grands prieurs qui ne resteront pas à Malte viendront tenir résidence dans la maison de Saint-Jean d'Arles (2).
2. Il serait intéressant de connaître le nom des grands-prieurs de Saint-Gilles depuis ce moment. Le chanoine C. Nicolas a donné la liste complète de ces dignitaires jusqu'en 1750, à la lin de sa plaquette : Le Manuscrit de Jean Raybaud à Aix. Nîmes, Chastanier, 1903. Nous y renvoyons le lecteur. Nous ne parlons ici que des grands prieurs qui ont habité la maison d'Arles ou qui y sont inhumés.

Ainsi le décret de 1615 avait son accomplissement : le Grand Prieuré, tel est le nom que prendra désormais l'hôtel de l'ordre de Malte. Balthazar d'Agout Moriès, d'une famille provençale, obtint le Grand Prieuré en 1623 ; il ne le garda pas longtemps, il résigna au bout de quelques mois pour venir habiter le château de Saint-Jurs (Basses-Alpes).
Il mourut cependant à Arles le 8 juillet 1625.
Depuis sa démission, Jean-Jacques de Mauléon, fils d'un seigneur de La Bastide, près de Lombez, l'avait remplacé. Il quitta Malte en 1627 et vint résider au Grand Prieuré. Il y tint le chapitre de cette année. Il fut décidé qu'à l'avenir l'assemblée provinciale aurait ses assises le lundi après le premier dimanche de novembre.

La peste se déclara dans la ville d'Arles en 1629 et 1630, le grand prieur la fuit et alla demeurer à Saint-Gilles. De là il écrivit à frère François de Boniface la Môle, le plus ancien commandeur de Provence, de tenir une assemblée à l'endroit le plus opportun. François de Boniface la convoqua pour le 18 janvier 1630, à Draguignan, au couvent des Cordeliers. Le grand prieur, accablé d'infirmités, ne vécut pas longtemps. Il mourut à Arles le 13 août 1631 et fut enseveli dans la chapelle prieurale de Saint-Jean.

Claude d'Urre Venterol prit sa succession. Il était fils de Georges, seigneur de Venterol, et d'Anne de Brotin. Il donna en plusieurs circonstances des marques de son courage, principalement en 1603, à la prise de Lépante et de Patras sur les Turcs. Il fut capitaine de galères. Il résigna le grand prieuré à Honoré de Quiqueran de Beaujeu et vint habiter Arles, où il mourut le 27 juillet 1637. Son corps fut porté à Saint-Gilles, comme il l'avait ordonné. Son neveu, noble Laurent d'Urre de Brotin, lui fit un magnifique tombeau sur lequel on lisait une pompeuse épitaphe. Son testament contenait plusieurs dispositions pieuses, entre autres, la fondation d'une grande messe annuelle, dans la chapelle prieurale d'Arles, le lundi après le premier dimanche de mai, jour de la tenue du chapitre.

Le Grand Prieuré appartenait donc depuis quelque temps à Honoré de Quiqueran de Beaujeu, de la ville d'Arles. Il était fils de Robert de Quiqueran et d'Alix de Meyran. Il fut reçu chevalier de Malte le 15 janvier 1583. Le Grand Maître Aloys de Wignacourt en fit son maître d'hôtel et lui donna en 1613 la commanderie de Condat, puis, quelque temps après, celle de Salliers. Il vint en France en 1617 pour régir ses commanderies. Nous le trouvons en 1627 à Toulon, occupé des intérêts de son Ordre ; mais la peste ayant décimé la ville, il retourna à Arles. Il ne tarda pas à être appelé auprès du Grand Maître, Antoine de Paule, qui l'aimait beaucoup, et lui confia un haut emploi. Il était à Malte quand il fut pourvu définitivement du grand prieuré. Il partit le 5 décembre 1637 pour revenir en France. Une tempête obligea le vaisseau qui le portait à débarquer en Sicile (1).
1. En reconnaissance de ce qu'il avait échappé au naufrage, il fit le vœu de fonder une chapelle dans sa ville natale.

Il passa à Messine les premiers mois de 1638, puis s'embarqua pour Marseille, où il arriva le 25 avril ; trois jours après il était à Arles. Les plus estimés gentilshommes de la ville allèrent à sa rencontre, montés à cheval. François de Quiqueran, son frère, qui était consul cette année, le reçut en chaperon à la porte de la ville (2).
2. Mentionnons, en passant, une assemblée de la Langue de Provence, tenue le 29 novembre 1639 et présidée par le commandeur de Sainte-Luce. On y décida d'enregistrer les listes des familles de race judaïque cotisées en 1512 par le roi Louis XII et qu'à l'avenir on ne recevrait dans l'ordre aucun sujet descendant de ces familles. On eut bientôt à mettre à exécution cette délibération.

Il mourut après quatre ans de séjour, le 25 avril 1642, à minuit. Il avait fait réparer l'église prieurale de Saint-Gilles, presque détruite par les Calvinistes en 1622. Il laissa une partie de ses biens à Pierre de Quiqueran, son neveu. Il avait déclaré dans son testament qu'il voulait être enseveli dans l'église des Pères Augustins d'Arles, dans la chapelle de Saint-Nicolas, où il avait fondé une messe quotidienne et où il avait fait édifier son tombeau avec épitaphe ; mais Frère Jean Bertrand de Luppé Guarrané, receveur du grand prieuré, et les autres commandeurs qui se trouvaient à Arles lors de la mort d'Honoré de Quiqueran, ne voulurent point exécuter sa volonté, et inhumèrent son corps dans la chapelle de Saint-Jean. Ils consentirent pourtant à ce qu'on mit son cœur dans le tombeau qu'il s'était préparé à l'église des Augustins.

Cette même année 1642 le Grand Prieuré reçut un personnage célèbre. Le cardinal duc de Richelieu, revenant malade du siège de Perpignan, après avoir pris la mer, avait remonté le petit Rhône. Il avait logé d'abord au mas de Liviers, puis avait couché à la Motte (en face d'Albaron) le 8 juin. Il arriva à Fourques le lendemain. Mais le gouverneur de Provence, venu à Arles pour le recevoir, afin qu'il fût mieux soigné, le pria de rentrer dans la ville. Les consuls allèrent à son devant ; il passa par la porte Saint-Jean et fut porté au Grand Prieuré, où il demeura deux jours (1).
1. CC. 660. Comptes de la ville, aux Archives communales.

Paul-Albert de Forbin Bonneval devint grand prieur en 1644. Il était fils de Bertrand de Forbin, seigneur de Bonneval, commissaire général de la marine du Levant, et de Jeanne d'Ivray. Il est connu par ses actions de guerre. Il se signala notamment au combat livré aux Anglais par la flotte française en 1621 devant l'île de Ré. Son mérite le fit nommer, en 1638, ambassadeur extraordinaire auprès du roi Louis XIII, pour le complimenter, au nom de l'Ordre, sur la naissance du Dauphin. Un cadeau qu'il fit à la reine d'une relique de Sainte-Anne lui valut le portrait du roi, enrichi de diamants. C'est lui qui présida le chapitre de 1640, tenu à Marseille, à cause de la peste qui sévissait dans Arles. En 1653 il céda le commandement des galères dont il était pourvu et se retira au château de Valbonette, près de Lambesc, qui appartenait à un membre de sa famille. Il y mourut le 12 juillet 1661 ; on le porta à Arles, et il fut inhumé dans la chapelle de Saint-Jean.

Quelques mois auparavant, l'hôtel du Grand Prieuré avait reçu un autre grand personnage. Louis XIV, la reine-mère et plusieurs seigneurs de la cour arrivèrent à Arles le 13 janvier 1660. Le cardinal Mazarin, premier ministre, qui avait accompagné son souverain, fut reçu au Grand Prieuré. Il n'y était sans doute pas étranger, ayant suivi le cardinal Richelieu, en 1642, à son retour du siège de Perpignan. Comme lui, il dut être logé dans la maison de Malte. Cette fois il y demeura jusqu'au départ du roi, qui eut lieu le 16 janvier (2).
2. La Lauzière, Abrégé chronologique de l'histoire d'Arles, page 478.

Jean de Luppé de Guarrané occupa le grand prieuré après de Forbin. Il était né au mois de septembre 1586, de Carbonnel de Lussan et de Jeanne de Vezins, comme il nous l'apprend lui-même dans ses Mémoires (3).
3. Mémoires et Caravanes de J.-B. de Guarrrané, chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem, grand prieur de Saint-Gilles, par le comte de Luppé, in-8°, Paris, Auguste Aubri, 1865.

Reçu chevalier de Malte, il occupa divers emplois importants, entre autres, la place d'intendant-lieutenant de la galère « la Réale » jusqu'en 1635. Ce n'est que dans un âge fort avancé qu'il fut gratifié du « prieurat » de Saint-Gilles.

Voici en quels termes il se disposait à venir prendre possession de sa charge : « Dieu me fasse ceste grace de pouvoir bien uzer du bénéfice qu'il luy plaira que ian retyre et que ie serve ma relligion avec l'amour et l'affection que ie suys obligé, et avec les mesmes tendresses que i'ay tousiours eues pour elles despuys soxante troys ans qu'il y a que ie la professe. »
Il vint demeurer en son Hôtel de la ville d'Arles, mais il n'y resta pas longtemps. Etant tombé malade, il mourut le 10 juin 1664, à deux heures trois quarts de l'après-midi, après avoir reçu, avec dévotion et toute sa connaissance, les derniers sacrements qui lui furent administrés par son frère l'abbé Tristan de Guarrané, par permission de M. du Molin, grand vicaire de l'archevêque d'Arles.
Il fut enterré le lendemain dans la chapelle de Saint-Jean du Grand Prieuré.

« La nouvelle de la mort de mon bienfaiteur, dit son petit neveu dans ses Mémoires (1), arriva bientôt à Malte, et je fus si fort étourdi à ce funeste coup, que je fus un tems sans pouvoir me reconnaître, mais enfin étant revenu à moi, je commençai à supporter mon malheur sans désespoir. »
1. J.-B. de Larrocan d'Aiguebère, commandeur de Bordères. Ses Mémoires ont été publiés avec ceux de son oncle dans le même ouvrage.

Un mois avant sa mort, le 4 mai, il avait tenu le chapitre. On s'y occupa de la réception, comme chevalier, de Louis de Renaud, fils d'André de Renaud, seigneur d'Alleins et de Thérèse de Cadenet-Tamerlet, mais parce que sa mère était issue de Thomas ou de Philibert de Cadenet qui sont nommés dans la liste des néophytes de 1512, il ne fut point reçu, suivant ce qui fut prescrit le 29 novembre 1639. On délibéra en outre d'inscrire cette liste dans les registres du chapitre.

La vie de Luppé de Guarrané avait été remarquable par son innocence et son désintéressement (2).
2. Voir ses Mémoires cités plus haut.

Jean d'Arpajon qui lui succéda demeurait auprès de son frère à Sévérac, dans le Rouergue. Les annales de J.-Didier Véran nous apprennent cependant que le 30 avril 1666 il fit son entrée dans la maison de Saint-Jean. Il mourut des suites d'un accident, près de Millau. Il fut porté à Sévérac et enseveli dans le tombeau de sa famille. C'était le 10 août 1677.

Quelques mois auparavant, le 12 septembre 1675, était mort dans la maison de Salliers, joignant le grand prieuré, le bailli Balthazar de Demandols. « Il réunit en sa personne, dit Reybaud, toutes les vertus qui font un parfait chevalier. »
L'histoire de l'Ordre rappelle les belles actions qu'il accomplit pendant les deux différentes fois qu'il exerça la charge de général des galères ; mais ce qui le rendit plus recommandable, c'est le grand zèle qu'il eut pour les intérêts de son Ordre qu'il soutint avec un ardeur incroyable.

Le service de la chapelle était assuré par des prêtres qui jouissaient de certains avantages : le grand prieur notamment devait les recevoir à sa table. Mentionnons une réception de ce genre, celle faite le 3 mai 1678 de deux frères, Jean-Baptiste et Michel Bougerel, nés à Aix, sur la paroisse Sainte-Madeleine, et admis en qualité de chapelains conventuels (1).
1. Rance. — Histoire de l'Académie d'Arles, tome 1, page 418.

Jacques d'Ancezune Caderousse obtint le Grand Prieuré en 1684 (2). Il était fils de Jean-Vincent d'Ancezune et de Diane de Crussol. Il servit le duc de Savoie qui le fit maître de camp du régiment de la Croix-Blanche dont tous les officiers étaient chevaliers de Malte. Il fut plus tard colonel du régiment de Conti Cavalerie, et ensuite d'un autre régiment d'infanterie qui prit le nom d'Ancezune. Le roi Louis XIV en avait fait un gouverneur de Carcassonne. Il mourut à Arles le 24 juillet 1692.
2. Comme on peut le remarquer par cette date, nous ne parlons pas de tous les grands prieurs de Saint-Gilles.

Pendant qu'il était grand prieur, se passa un événement, à Arles, auquel un chevalier de Malte de notre ville avait eu la meilleure part. En 1685 Joseph de Cays se trouvait dans les eaux de la Grèce, sur une galère de Malte pour racheter des esclaves. Au lieu de Coron, son équipage embarqua un jeune grec de 12 à 13 ans. M. de Cays étant revenu à Arles, l'année suivante, emmena avec lui le jeune grec. Il le tint sur les fonts baptismaux de Saint-Trophime, le 6 novembre 1686, avec sa mère Françoise de Castillon. Il l'appela de son nom et de celui de son pays Joseph Coron ; en même temps il lui fit un don magnifique et lui fit apprendre un métier (1).
1. Musée, 1874, page 26.
La famille de Cays compta d'autres chevaliers de Malte. Signalons François de Cays qui vivait au siècle suivant. Les hospices d'Arles ont connu ses libéralités. Voici la lettre écrite par lui aux Administrateurs de la Charité qui l'avaient remercié d'un don de huit cents livres fait à cette maison :
« Messieurs, la reconnaissance que vous me témoignez marque mieux votre zèle pour la maison que vous gouvernez, que l'importance de la charité que je viens de faire ; si mes souhaits sont jamais exaucés, j'aurai encore quelque occasion de déposer dans d'aussi bonnes mains que les vôtres les biens dont le Seigneur me fait part jusqu'à cet heureux moment. Ne perdez pas la mémoire, je vous en supplie, que j'ai l'honneur d'être avec un sincère et très respectueux attachement, Messieurs, Votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Le chevalier de CAYS, commandeur de Condat.
A Bordeaux, le 21 février 1728. »
(Archives hospitaliers d'Arles. Délibérations de la Charité. Volume coté : V. E. 4.)


Vers cette même époque, Honoré de la Valette, commandeur de Montpellier, fit une donation profitable à la Maison d'Arles. En 1692 il donna à l'église prieurale de Saint Gilles « une chapelle composée d'une croix, six chandeliers, deux bras pour soutenir un flambeau, à condition que le sacristain la porterait à Arles à tous les chapitres et aux fêtes qui se feraient dans la chapelle prieurale. »

François de Morges-Ventavon qui succéda à Jacques d'Ancezune, était fils de Jacques, seigneur de Ventavon, et de Suzanne Mouzaïas. Il est connu pour ses faits de guerre. Ainsi, en 1664, il combattit pour le roi de France sur les côtes d'Afrique. La mort le surprit à Arles le 22 février 1699 et il fut enseveli dans la nef de Saint-Jean. Un personnage arlésien, Jean de Quiqueran de Ventabren, fils de Trophime et de Pierrette de Cyrille, commandeur de la Vernède, mourait quelques années auparavant à l'Hôtel prieural où il demeurait, à l'âge de 60 ans, en octobre 1684.
(Mémoires domestiques de François de Quiqueran de Ventabren, à l'Hôpital d'Arles).

Sous Christophe de Baroncelly Javon, qui fut Grand Prieur de 1699 à 1714, on enterra dans la chapelle de Saint-Jean plusieurs chevaliers dont il est bon de retenir les noms :
Melchior de Varadier, fils de Louis de Varadier et de Marguerite de Seitres, mort le 28 octobre 1708 sur la paroisse Sainte-Croix et enseveli le lendemain à 3 heures du soir. A ses obsèques assistèrent le clergé de sa paroisse et treize autres prêtres.

Le 15 octobre 1709 décéda, à 7 heures du soir, sur la même paroisse, Pierre Joseph de l'Estang de Parade. Comme son corps était gangrené et exhalait une puanteur si horrible qu'on ne pouvait l'aborder, on le porta secrètement et sans aucune solennité dans l'église de Saint-Jean, accompagné seulement de trois prêtres de la paroisse. M. de l'Estang de Parade, son neveu, conseiller au Parlement de Provence fut son héritier.

Voici quel était le cérémonial en usage lors de la mort d'un religieux de l'Ordre dans la ville d'Arles. Il est assez curieux pour être rapporté.
« Lorsqu'un commandeur ou chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem vient à mourir, le curé de la paroisse est appelé pour faire l'enterrement, et à l'heure assignée dans le jour il part de son église, accompagné de son clergé avec les solennités ordinaires, et s'en va à la maison où est le défunt, où ayant fait la prière réglée, il s'en va en droiture suivi du convoi jusqu'à la porte de Saint-Jean, où étant arrivé il s'arrête avec son clergé, et le corps étant placé au milieu de la rue, on fait l'absoute, laquelle finie on partage les cierges ou flambeaux, et M. le curé en prend la moitié, après quoi il se retire et les Messieurs qui desservent la dite église de Saint-Jean y entrent, et achèvent la cérémonie. »

Ce règlement fut observé à la mort de M. Louis Jouvène, prêtre de l'Ordre de Malte, décédé sur la paroisse aujourd'hui disparue de Saint-Martin, le 5 février 1728. Mais on y contrevint à la mort de Jacques Grossy, prêtre conventuel, archiviste du Grand Prieuré, décédé le 19 mars 1729 dans l'hôtel Saint-Jean. Son enterrement fut l'occasion d'un incident digne d'être relaté parce qu'il donne une idée des mœurs de l'époque.

Ses obsèques furent célébrées le lendemain. Le bailli Jean-Charles de Romieu, commandeur de Saint-Félix ; Charles d'Aiguières Frignan, commandeur de la Selve ; François Louis de Varadier Saint-Andiol, commandeur de Millan ; Jacques de Viguier, chevalier ; Marc-Antoine Blanc, commandeur de Joucas ; et Jean-Augarde, prêtres religieux conventuels, les honoraient de leur présence.

Dans le temps que le convoi funèbre sortait de l'hôtel pour entrer à la chapelle de Saint-Jean qui est attenante, survint Me Jean, « prestre secondaire de l'église paroissiale Saint-Julien, se disant promoteur du diocèse. » Il protesta de la part de l'Archevêque de ce qu'on était sorti processionnellement dans la rue pour ensevelir le corps de M. Grossy et qu'on eût ainsi empiété sur sa juridiction. Cette intervention, dans un moment si grave, produisit, il n'est pas difficile de le croire, un grand bruit parmi le peuple présent. Il faut supposer qu'elle n'eut pas de conséquence fâcheuse. En tout cas cette affaire avait eu un commencement.

Le commandeur d'Oppède, receveur au Grand Prieuré de Saint-Gilles mais habitant la ville d'Aix, mis au courant de la maladie de M. Grossy, s'était plaint de ce qu'on eût appelé le Curé de la paroisse pour lui administrer les sacrements, un prêtre de la maison aurait pu facilement le suppléer. De plus, en cas de mort, il avait donné des ordres pour qu'aucun prêtre séculier de la ville n'assistât aux obsèques, se basant sur une transaction de 1225 entre l'Archevêque et les religieux hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Elle permettait à ces derniers d'ensevelir dans leurs églises les laïques qui y élisaient leur sépulture et d'aller chercher leur corps, la croix levée, sans aucun empêchement (1).
1. Bounemant. — Paroisses, églises et chapelles séculières de la ville d'Arles.

Deux ans plus tard, le 10 janvier 1731, mourait à Arles le bailli de Manosque, Jean-Augustin de Grille. L'abbé Féraud, dans son Histoire de Manosque, nous apprend qu'il donna aux habitants des Martigues une partie du bras gauche du Bienheureux Gérard. Les restes du fondateur des Hospitaliers avaient été transportés à Manosque lorsqu'ils furent contraints de quitter Rhodes en 1522. Cet abandon eut lieu en 1728. Les habitants de l'Ile reçurent la précieuse relique processionnellement au milieu de la joie et des acclamations publiques (1). On n'ignore pas que le Bienheureux était originaire de cette petite ville de Provence.
1. De Haitze. — Histoire de la vie et dit culte du B. Gérard Tenque, Aix, 1730.

Signalons le passage au Grand Prieuré du duc de Villars, le vainqueur de Denain. Il fit son entrée dans la ville d'Arles, comme Gouverneur de Provence, le 14 septembre 1738. De belles fêtes furent données en son honneur : courses diverses sur la Lice et sur la place du Marché, festins, bals, etc. Il fut logé à l'hôtel prieural. (Notes de MM. Paris.)

Les années suivantes furent marquées par plusieurs décès de chevaliers de Malte, dans la ville d'Arles.
Le 12 février 1741, c'est Ignace Louis de Grimaldy, commandeur de Salliers qui rend son âme à Dieu.
Le 29 avril de la même année, c'est François-Louis de Saint-Andiol, âgé de 72 ans : il meurt bailli de Manosque, sur l'ancienne paroisse de Sainte-Anne.
Le 18 mai 1742 c'est un prêtre de l'Ordre, Jean Augarde ; le 24 mars 1742, c'est Charles d'Aiguières, grand prieur de Toulouse. Tous ces personnages furent inhumés dans la chapelle du Grand Prieuré.
Parmi eux Félix de Grimaldy et Jean Augarde moururent au Grand Prieuré ; le curé de Saint-Julien leur paroisse, M. Simon, ne fut point appelé à l'enterrement, c'est lui-même qui nous l'apprend, preuve que l'ancienne querelle d'usurpation de pouvoir n'était pas apaisée. Pourtant elle ne dut pas se prolonger car le 30 janvier 1747 le même curé ou son homonyme enterre Jean-François Reybaud, prêtre conventuel de Malte après lui avoir administré le Saint-Viatique et l'Extrême-Onction.
Sources : M. CHAILAN. Bulletin de la Société des amis du vieil Arles, Aix janvier 1904, pages 108 à 128. – BNF

Lire le cartulaire de Trinquetaille

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