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Commanderies de l'Ordre de Malte
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Commanderie de Saint-Jean de Toulouse

§ I. — Toulouse. Chambre Prieurale (1)
A côté de l'église de Notre-Dame de la Dalbade s'élevait, dans les premières années du XIIe siècle, un hôpital. C'est là que nous trouvons établi tout d'abord un lieutenant du Prieur de Saint-Jean de Jérusalem, le lévite Gérard, qui, avec quelques autres religieux, prodiguait des soins aux pauvres malades et plus spécialement aux pèlerins. Depuis quand cette fondation existait-elle ? C'est ce que nous ne pouvons préciser. Est-ce au comte Bertrand, est-ce à Amélius, évêque de Toulouse, que les Hospitaliers durent leur premier établissement dans notre ville ? Aucun document ne vient éclaircir cette question. Grâce à la faveur dont ils jouissaient auprès de l'autorité épiscopale, ils s'étaient même emparés de l'église de la Dalbade, qui dépendait du prieuré de la Daurade. Les auteurs du Gallia Christiana nous introduisent en 1110 dans le cloître de Saint-Sernin, où était réuni le Concile de Toulouse, et où, en présence des nombreux prélats et abbés qui le composaient, Gérard, serviteur et ministre de l'hôpital Saint-Jean de Toulouse, restitue, d'après les conseils de l'évêque Amélius, l'église de Sainte-Marie de la Dalbade à Radulphe, prieur de la Daurade, assisté de Pons, abbé de Cluny, et d'Asquillin, abbé de Moissac (2).
1. Nous nous conformerons dans cette étude à la disposition des différentes commanderies telle qu'elle existait on 1790.
2. Gallia Christiana, livre XIII.


Bientôt après, de nouvelles donations vinrent compenser pour l'hôpital Saint-Jean la perte que cette restitution leur avait fait éprouver. Plusieurs seigneurs du pays, Toset de Toulouse, dame Guilia, sa mère, dame Poncia, sa femme, Athon d'Adhémar, Pierre Garcin d'Auterive, se réunirent pour donner l'église de Saint-Remy, voisine de la Dalbade, et le dîmaire, qui en dépendait, à l'hôpital de Jérusalem, au lévite Gérard, qui en était le Prieur, et aux autres frères de l'Ordre. Cet acte n'est pas daté, comme il arrive trop souvent à cette époque ; mais il contient certaines indications qui vont nous permettre de suppléer à cette omission. Voici, en effet, la traduction de la fin de cette charte :
« ... Ces choses furent données devant Amélius, évêque de Toulouse, Arnaud Raymundi, prévôt, Aycard, archidiacre, Arnaud Raymond de Bèdous... Donation faite du temps de Louis, roi des Français, de Guillaume de Poitiers, comte de Toulouse, de la comtesse Filippia, sa femme. »
« Charte écrite la quatrième férié du mois de mai par Vitalis (3). »
3. Pièces justificat n° III.

Or, nous savons que Guillaume IX d'Aquitaine, comte de Poitiers, se fondant sur les prétendus droits que sa femme tenait de son père Guillaume IV, ancien comte de Toulouse, sur des états que ce dernier avait vendu à son frère Raymond, de Saint-Gilles en dépouilla le jeune Alphonse Jourdain, qui se retira en Provence en 1114 ; et qu'il resta paisible possesseur de son usurpation jusqu'en 1119, époque à laquelle les Toulousains se soulevèrent et rappelèrent le jeune comte (4).
4. Dom Vaissette, livre XVI.

La date de l'acte que nous étudions se trouve donc comprise entre les années 1114 et 1119. Deux circonstances du reste nous permettent de la renfermer entre des limites moins éloignées. Nous voyons, en effet, en premier lieu, que parmi les témoins de cette donation figure le prévôt Arnaud Raymundi. Or, le nécrologe de Saint-Etienne nous apprend que ce dernier décéda le 12e jour des kalendes de mai (12 avril 1118). La donation, ayant eu lieu dans le courant du mois de mai, n'a pu donc être faite ayant l'année 1117. D'un autre côté, nous savons que la comtesse Philippia s'était retirée selon toute apparence, en 1116 (5), au couvent de Lespinasse, qu'elle avait fondé près de Toulouse et où elle avait établi une succursale de Fontevrault. Son nom se trouvant placé à côté de celui de son mari sur cet acte, elle ne devait pas encore avoir dit adieu au monde. Nous pouvons donc en conclure que la donation de l'église Saint-Remy à l'hôpital Saint-Jean eut lieu entre les années 1114 et 1116.
5. Dom Vaissette, Livre XVI.

Amélius, évêque de Toulouse, que nous venons de voir présider à cette donation et que quelques auteurs croient parent de Raymond du Puy, premier Grand-Maître de l'Ordre, favorisait le nouvel établissement de tout son pouvoir et ne contribua pas peu à l'immense accroissement des possessions des Hospitaliers dans son diocèse. Le treizième jour des kalendes d'octobre (19 septembre) de l'année 1121, il accorda à Gérard, lévite, prieur de l'hôpital de Jérusalem de la contrée et aux autres frères de la maison de Saint-Remy, Bernard de Puysicuran, Raymond Humbert, Pierre d'Anduze, Pons de Montlaur, la faculté d'acquérir des fidèles de son diocèse tous les biens tant ecclésiastiques que séculiers qui leur sembleraient utiles à la prospérité du nouvel établissement ; il exempta de plus, sauf dans quelques cas particuliers, tous les hommes habitant sur les terres de l'Ordre des interdits épiscopaux ; il établit une communauté très intime d'intérêts et de prières entre son clergé et les Hospitaliers. De son côté, Gérard donnait à l'évêque et à son Eglise le meilleur homme dans chacune des Salvetat de l'Ordre dans le diocèse et sur celle de Léguevin une rente annuelle de 7 sols, payables à la Saint-Thomas. Dans cet acte, le Prieur de Toulouse agit au nom de Gérard, l'ancien Prieur de Jérusalem, qui avait terminé à cette époque sa sainte et utile existence, de Roger qui lui avait succédé, et de Pierre, Prieur de Barcelone. Preuve naïve et touchante de la vénération et de la reconnaissance inspirée à tous, que la pensée d'évoquer dans cette charte le souvenir du saint homme qui venait de mourir et dont la pensée était censée revivre après lui dans les actes des continuateurs de son œuvre. Constatons enfin l'existence de Roger, le successeur de Gérard, dont la plupart des auteurs qui ont écrit l'histoire de Malte ont négligé de faire mention ; malgré le peu de renseignements que nous pouvons avoir sur ce Roger, l'œuvre qu'il contribua à consolider a trop d'importance pour qu'il ne mérite pas d'être inscrit sur la liste de ceux qui gouvernèrent l'Ordre de Saint-Jean pendant tout le cours de sa longue existence (6).
6. Pièces justificatives, n° IV.

Dans la longue série des donations faites à la maison de l'Hôpital de Toulouse, nous pouvons constater que la population tout entière l'entourait de sa bienveillance. Parmi les bienfaiteurs de l'Ordre à Toulouse, nous trouvons, à côté de personnages les plus illustres et les plus puissants, de pauvres artisans qui venaient apporter leur modeste offrande pour coopérer à l'œuvre dans ce temps-là, si universellement populaire, de la défense de la foi. Dans l'impossibilité d'énumérer toutes ces donations, nous nous bornerons à signaler les plus importantes.

En 1146, nous voyons Alphonse Jourdain, comte de Toulouse, donner à l'hôpital Saint-Remy et à Forton hospitalier, une lande déserte de Blagnac qui servait de résidence à un ermite du nom de Bernard ; ce dernier accompagna cette donation à l'Ordre, de celle de sa propre personne (7).
7. Pièces justificatives n° V.

Enregistrons les donations que firent simultanément deux chevaliers issus des races les plus illustres du Midi, Pons de Villeneuve et Arnaud de Boville ; sans doute deux de ces amis comme le moyen-âge en produisait souvent, liés par des serments solennels, inséparables dans la bonne comme dans la mauvaise fortune et qu'on désignait alors sous la poétique appellation de frères d'armes. Le même acte contient la cession de leurs biens à l'hôpital et c'est en même temps que le Prieur Bernard d'Azillain les reçut et leur accorda, selon la formule consacrée l'eau, le pain et l'humble habit de l'ordre (8).
8. Archives de Toulouse, L. II.

Les comtes de Toulouse continuèrent à marquer leur bienveillance à l'hôpital par de nouveaux bienfaits. C'est ainsi que nous voyons en 1175 Raymond V donner à Pierre de Saint-André, Prieur, et à tous les habitants de l'hôpital Saint-Jean la faculté de faire bâtir un four dans leur fief, sans exiger aucune redevance de leur part. Cet acte fut passé en présence de Pierre de Toulouse, ministre de la milice du Temple, de Guillaume Silanus, viguier (9) ; d'Ispaniol, sous-viguier, de Bernard Gavaldan, Pierre de Tréville, Pons du Verger, Arnaud de Cabanes, Bernard de Puysiuran, hospitaliers (10).
9. G. Silanus ne figure pas sur les listes des viguiers de Toulouse qui ont été publiées jusqu'ici.
10. Pièces justificatives, n° VI.


Deux ans après, Raymond V accordait, comme nouvelle faveur à l'Ordre, le droit de pâturage pour leurs troupeaux dans toute l'étendue de ses domaines, exemptait les Hospitaliers de tout droit de péage et de leude dans ses états et autorisait toutes les acquisitions qu'ils pourraient faire à l'avenir (11). Pour terminer la liste des témoignages de bienveillance donnés par ce comte à l'ordre de Saint-Jean, citons l'acte par lequel il exempta Raymond Garin, prieur de Toulouse, de toutes les redevances qu'il lui devait pour le dimâge de Saint-Remy, « à la condition de faire brûler un cierge d'une livre devant l'autel de leur chapelle la veille de la fête de Saint-Remy et d'y faire chanter la messe de la Sainte-Trinité pour que Dieu, la Vierge-Marie et les saints protègent le seigneur Comte de tous maux, lui donnent la victoire sur ses ennemis et la vie éternelle (septembre 1184) (12). »
11. Pièces justificatives, n° VII.
12. Pièces justificatives, n° VIII.


Toutes ces donations successives avaient accru considérablement les possessions primitives de l'Ordre à Toulouse. Elles comprenaient outre le moulon de Saint-Remy qui s'étendait de la rue de ce nom jusqu'à la Garonne, de nombreux fiefs au-delà de la Porte-Narbonnaise, au Pech-David, au Faletrar. Comme nous le verrons dans la suite, de nombreuses dépendances situées dans la campagne environnante étaient venues accroître l'importance de la maison de l'Hôpital de Toulouse : Saint-Léotaire, Saint-Pierre-de-Salinières, Estaquebiau, la Devèze, Pibrac, Cornebarrieu, etc.

Avant de poursuivre plus loin cette étude qu'on me permette de jeter un coup d'œil rapide sur les actes les plus importants relatifs à cette période que les archives nous ont conservés à côté des donations et des ventes. Nous signalerons tout d'abord une discussion qui s'éleva entre les Hospitaliers et les Templiers dont l'établissement s'élevait dans le voisinage immédiat de l'hôpital Saint-Jean, et qui fut terminée par une transaction conclue à l'amiable (vers 1150), entre Bernard d'Azillan, prieur de Saint-Remy et Guillaume de Verdun, maître du Temple de Toulouse (13).
13. Archives Toulouse, L.XLII.

Par reconnaissance pour les services signalés que la Religion avait reçus de l'Ordre depuis sa fondation, les papes lui avaient concédé successivement un grand nombre de privilèges ecclésiastiques, qui lui donnaient une position presque indépendante de la juridiction épiscopale. Ces faveurs toutes particulières ne tardèrent pas à inspirer des prétentions exagérées aux Hospitaliers et de l'ombrage aux Evêques et au clergé qui ne voyaient pas sans déplaisir cette puissance à demi ecclésiastique prendre un accroissement continuel, malgré leurs réclamations. Aussi la lutte ne tarda-t-elle pas à éclater.

Malgré la décision du concile de 1110 et la restitution que les Hospitaliers avaient faite alors de l'église de la Dalbade au prieur de la Daurade, et grâce sans doute à la protection de l'Evêque Amélius, il paraît que les frères de Saint-Jean avaient renouvelé leur tentative d'usurpation. Mais, après la mort de ce prélat, Guillaume prieur de la Daurade, s'adressa à son successeur, Raymond II de Lautrec, pour obtenir la fin de cet abus. Différentes tentatives furent faites dans ce but, puisque nous voyons Guiscard d'Aymeric, prieur de Saint-Gilles, ratifier en 1140 une transaction conclue à ce sujet entre le prieur de la Daurade et frère Bernard, recteur de Saint-Rémy (14). Mais il ne parait pas que cet arrangement ait eu un résultat définitif et les choses restèrent quelque temps encore dans le même état, lorsque le prieur Guillaume, voyant que l'Evêque n'était pas assez puissant pour lui faire rendre justice, porta directement ses plaintes aux pieds du pape Adrien IV. Celui-ci remit l'affaire à l'arbitrage de l'Evêque de Toulouse et de l'abbé de Saint-Sernin ; ces derniers rendirent, le 13 septembre 1158, leur sentence, d'après laquelle le prieur de Saint-Rémy dût remettre l'église contestée entre les mains de celui de la Daurade, en faisant quelques réserves en faveur des Hospitaliers. Les deux parties acceptèrent ce concordat et promirent de le faire approuver par leur supérieur et par le Pape.
14. Gallia Christiana, tome XIV ; preuves.

Deux ans après (1er avril 1160) l'Evêque Raymond II, à la prière du pape Alexandre III et de Guiscard, prieur de Saint-Gilles, accorda au prieur de Saint-Rémy la permission d'avoir près de son église un cimetière destiné à la sépulture de tous ceux qui seraient vraiment frères de l'Ordre et porteraient la croix sur leurs vêtements, ainsi que de leurs écuyers et leurs serviteurs, mais il était défendu d'y enterrer des fidèles des quatre paroisses de la ville, savoir : Saint-Etienne, Notre-Dame-de-la-Daurade, Saint-Sernin et Saint-Pierre-des-Cuisines (15).
15. Gallia Christiana, tome XIV ; preuves.

La famille des Villeneuve avait parait-il, certains droits sur la portion de la ville où se trouvait l'hôpital de Saint-Jean. Nous voyons en effet en 1165 Adalbert de Villeneuve, sénéchal de Toulouse, appelé à mettre fin à une discussion survenue entre Guiraud de Corneillan, prieur de Saint-Rémy et Pons de Villeneuve qui contestait la validité de la donation de Toset de Toulouse, mais dont les prétentions furent écartées par le tribunal (16). Cette sentence mit fin à ces discussions et l'année suivante nous voyons le même Pons de Villeneuve et dame Mabriane sa femme, léguer par leur testament à l'hôpital un droit d'albergue pour 6 hommes et un sergent, qu'ils avaient sur le dîmaire de Saint-Rémy (17). Depuis cette époque les membres de cette noble maison ne cessèrent d'être les protecteurs de l'Ordre de Saint-Jean qui compte un de leurs descendants parmi ses plus illustres Grands-Maîtres.
16. Archives de Toulouse, L. II.
17. Archives de Toulouse, L. II.


Les différends entre les Hospitaliers et les Bénédictins de la Daurade, apaisés pour un temps par la sentence de 1158, ne tardèrent pas à se renouveler sous une autre forme. Le prieur de la Daurade se plaignit de l'ensevelissement de plusieurs de ses paroissiens de la Dalbade dans le cimetière de Saint-Jean. L'affaire fut portée devant l'Evêque de Toulouse, l'abbé de Saint-Sernin et le Prieur de Saint-Pierre-des-Cuisines, qui donnèrent raison au plaignant et l'autorisèrent même à faire exhumer ceux qui à l'avenir y seraient indûment ensevelis. Ce fut sans-doute pour se venger de cette sentence que le Prieur de Saint-Rémy, Pierre d'Alsen, fit comparaître devant ces mêmes arbitres quelques frères Hospitaliers et plusieurs autres témoins, qui affirmèrent sous la foi du serment que les nouveaux fondements de l'église de la Dalbade dont on venait de poser la première pierre, étaient creusés en partie dans le terrain de l'Hôpital (18). C'était une sorte de pierre d'attente pour toutes les discussions qui pourraient surgir dans la suite entre les deux puissances rivales.
18. Archives de Toulouse, L. XLII.

Nous voici arrivés aux portes du XIIIe siècle, qui devait être pour notre pays une ère de calamités et qui, après de longues et cruelles luttes, devait voir tomber le comté de Toulouse, et cette puissante autonomie absorbée à son tour dans cette immense unité française que la royauté était en train de constituer. Quand, vaincu à la bataille de Muret, Raymond VI fut obligé d'abandonner pour un temps ses états qu'il ne pouvait plus défendre et de se retirer à l'étranger, Toulouse, devenue la proie des vainqueurs, fut traitée, malgré les promesses de Simon de Montfort, en ville conquise et eut à passer de longs et cruels moments pendant lesquels, livrée sans ressources au pillage et aux désordres de toutes sortes, elle devait sentir vivement et son malheur actuel et sa splendeur passée. Les archives du Prieuré, quoique presque muettes sur ces quatre années de la domination étrangère, (1213-1217), nous en racontent pourtant quelques épisodes qui nous disent les désolations que Toulouse eut à subir alors. Nous trouvons, par exemple, un acte qui nous apprend que le troisième samedi de février de l'année 1217, une troupe de gens armés, commandés par Bernard-Raymond Affre, Pierre de Saint-Martin et Arnaud Aldebert, pénétra dans l'église Saint-Rémy et surprit les frères qui ne purent s'opposer à son entreprise audacieuse. Après avoir forcé les portes, les assaillants se précipitèrent dans la sacristie, où étaient renfermées les archives, but de leur expédition ; là, sans être arrêtés par les protestations d'Arnaud de Cabanes, précepteur de l'hôpital et des autres frères qui invoquaient la protection de Dieu, de la Vierge Marie, de la sainte Eglise, du seigneur Comte et des Capitouls, ils enfoncèrent les portes des coffres où étaient entassées toutes les chartes de l'établissement, et, après en avoir enlevé le testament de Pons de Saint-Martin qu'ils devaient avoir intérêt à faire disparaître, ils se retirèrent avec leur prise. Cette agression est attestée par les frères et par plusieurs autres témoins oculaires (19).
19. Archives de Toulouse, L. I.

Voici un second témoignage, assez bizarre, des troubles du temps que nous rencontrons dans les archives. La rédaction d'un acte de 1213 avait été confiée à un certain Bernard de Puysiuran, mais ce dernier, qui s'était compromis en faveur de Simon de Montfort, surpris par la rentrée du comte Raymond dans sa fidèle capitale en 1217, ne s'y crut pas en sûreté et prit le parti de s'enfuir, sans prendre le temps d'achever la phrase qu'il avait commencé à écrire (on voit que la fin en a été tracée par une autre main et avec une encre différente). Il fut déclaré par les Capitouls (20) ennemi du comte Raymond et de toute la ville de Toulouse et remplacé pour la rédaction de la fin de l'acte par un notaire de la cité, Guillaume de Saint-Pierre (21).
20. Ce document est encore précieux en ce qu'il nous donne les noms des dix-huit Capitouls de la ville et du faubourg pour l'année 1218, liste qui manque dans nos annales capitulaires, malgré les services que ces magistrats rendirent à leurs concitoyens ; ce sont : Pons de Castelnau, Arnaud de Villeneuve fils de Jourdain, Oldric de Gameville, Pierre de Roaix, Bernard-Raymond Borrens, Arnaud-Guillaume Pilet, Etienne do Devèze, Pons de Morlas, maître Bernard-Raymond d'Escalquens, Etienne de Courtesole, Raymond Bérenger, Embrin, Bernard-Raymond Aster, Bernard Signarii, Pierre-Guillaume de l'Ort, Hugues Jehan, Arnaud Mancip.
21. Archives de Toulouse, L. II.


Nous avons déjà fait observer dans le chapitre précédent que les Hospitaliers se montrèrent pendant toute cette période, sympathiques à la cause des Toulousains. Nous voyons en effet le comte Raymond conserver avec les religieux de l'hôpital Saint-Rémy des relations non interrompues. C'est vers eux qu'il se tournait dans les moments difficiles ; c'est de leur entremise qu'il se servait pour tâcher par des donations de gagner la protection du ciel et de protester de la sincérité de sa foi.

Le 20 septembre 1209, en partant pour Rome, où il allait porter ses protestations et ses plaintes contre l'acharnement de ses ennemis, il avait légué, dans le cas où il ne reverrait pas ses états, aux Hospitaliers et aux Templiers tout le blé et tout le vin qui auraient été recueillis cette année-là sur ses domaines, pour être distribués aux pauvres par leurs soins, il donnait de plus, comme gages de sa bienveillance, aux premiers son jeune cheval et aux seconds son armure et son dextrier de bataille (22).
22. Dom Vaissette, L. XXI.

En 1218, pendant le siège de sa capitale, sentant le besoin d'implorer le secours d'en haut, il fit, en présence de Bertrand comte de Comminges, de Dalmace de Creissel, de Roger-Bernard (de Foix), de Raymond de Recalde, un nouveau testament par lequel il laissait tous ses états à son fils Raymond et faisait aux Templiers et aux Hospitaliers de Toulouse des legs analogues à ceux du testament précédent (29 mai 1218) (23)
23. Pièces justificatives, n° IX.

Le 5 juillet de la même année, devant la porte de l'église Saint-Jean, se présentait le vieux comte, entouré de ses plus fidèles vassaux, Dalmace de Creissel, P. de Recalde, Déodat d'Alaman, Aribert son chapelain : — «... Touché à la vue des bienfaits que l'Ordre de l'Hôpital répand dans le sein des pauvres et tremblant à la pensée du dernier jugement ; » Raymond se donne à Dieu, à la bienheureuse Marie sa mère, à saint Jean et à l'hôpital de Jérusalem, donation qu'il ne fait que renouveler l'ayant déjà faite depuis longtemps, est-il dit dans l'acte ; il demande à Arnaud de Cabanes précepteur de la maison de Toulouse, de le recevoir pour frère et de lui promettre une sépulture parmi eux après sa mort. Malgré l'excommunication lancée contre ce malheureux prince, le frère de Cabanes n'hésita pas à lui octroyer ses demandes, au nom de Bertrand, prieur de Saint-Gilles et le rendit participant de tous les biens spirituels et temporels de l'Ordre en-deçà et au-delà des mers (24).
24. Pièces justificatives, n° X.

Quelques années après, en 1222, quand Raymond VI eût enfin vu des jours plus tranquilles et que, retiré dans sa capitale, il cherchait à lui faire oublier par son gouvernement paternel les maux de la guerre, une maladie subite vint le saisir, ne lui laissant pas même l'usage de la parole pour se réconcilier avec l'Eglise qui l'avait expulsé de son sein. Toutefois les Hospitaliers accoururent autour du lit d'agonie de celui qu'ils considéraient comme frère de leur Ordre ; ils le recouvrirent de l'humble habit de l'hôpital, comme pour le défendre de l'accusation d'hérésie portée contre lui ; et il expira en baisant avec ferveur la croix blanche cousue sur son manteau d'Hospitalier. Ils emportèrent son corps dans leur hôpital de Saint-Rémy, suivant le vœu qu'il avait exprimé. Après que tous les efforts faits par Raymond VII pour obtenir à son père les honneurs de la sépulture ecclésiastique eurent échoué, les chevaliers de Saint-Jean n'oublièrent pas la bienveillance que ce prince leur avait toujours témoignée pendant sa vie, et donnèrent au milieu d'eux un asile à ces restes qui ne devaient pas reposer dans la terre bénite d'un cimetière.

Son fils Raymond VII continua la tradition paternelle à l'égard de l'Ordre de Saint-Jean. Après avoir confirmé en 1222 à Emmanuel, Grand-Prieur de Saint-Gilles les privilèges accordés aux Hospitaliers par ses ancêtres (25), il fit octroyer par Bringuier de Prinilhac, viguier de Toulouse, au prieur Guillaume de Barèges et à frère Jacob, précepteur de l'hôpital Saint-Rémy, l'autorisation de démolir leur four, pour le reconstruire dans quelque endroit de leur fief qui leur serait plus favorable. Cette charte fut concédée le 8 mai 1243, au château Narbonnais, dans l'église Saint-Michel, en présence de Bertrand, frère du comte Raymond, Sicard d'Alaman, Pierre de Toulouse, Arnaud d'Escalquens, etc. (26).
25. Pièces justificatives, n° XI.
26. Archives de Toulouse, L. IX.


Quoique moins fréquentes que dans le siècle précédent, des donations importantes venaient encore de temps à autre augmenter l'importance de l'hôpital Saint-Jean de Toulouse. Nous nous contenterons de mentionner les suivantes.
1240, Bertrand de Comminges, mari de dame Blanche d'Hunault de Lautar, demande par son testament à être enterré parmi les Hospitaliers de Toulouse et leur lègue son cheval de bataille, l'armure de son corps et de son cheval, tant en fer qu'autrement, comme il convient à un chevalier d'être armé pour être employé outremer au service de Jésus-Christ (27).
27. Dom Vaissette, livrre XXV.

Quelques années plus tard nous voyons Mancip de Toulouse et Pierre de Toulouse son frère, Bernard de la Tour de Laurac, Raymond Barravi, Odon de Noé et plusieurs autres seigneurs faire cession à Pierre de Cayrane, prieur, à Bertrand de Fraxine, précepteur de Toulouse, d'un établissement de bains, situé au port de la Dalbade et allant de la route hors des murs de la ville jusqu'à la Garonne (1246) (28).
28. Archives de Toulouse, L, III.

Mais la donation la plus importante est celle que Gui de las Tours, chevalier, et dame Mabriane, sa femme, fille de Guillaume de Gameville, firent, le 8 janvier 1261, à Dieu, à l'hôpital, à Pierre de Montbrun, vice-prieur de Toulouse, de leurs corps, de leurs âmes, de tous les biens qu'ils possédaient dans la ville ou les environs, à Cugnaux, à Léguevin, à Pibrac, de leur forteresse de Gameville, de leur fief de Saint-Etienne de Verfeil, avec leurs hommes, leurs femmes et tous les droits qui y étaient attachés (29).
29. Archives de Toulouse, L. III.

Un procès survenu en 1301, entre le précepteur et le chapitre de Saint-Etienne au sujet de la procession de la Fête-Dieu, nous apprend, entre autres détails, que le curé de la Dalbade et son clergé devaient marcher sous la croix et l'étole du recteur de Saint-Jean, dans les actions publiques et notamment dans les processions du patron de l'Ordre et du Corpus Dei et que l'église de Saint-Jean était considérée alors comme la principale de la paroisse et comme la cinquième de la ville, à cause, soit de son ancienneté, soit de sa dignité prieurale (30).
30. Archives de Toulouse, L. XLVI.

Tel était l'état prospère de la maison de Toulouse lorsque la chute de l'ordre du Temple et l'érection du Grand-Prieuré de Toulouse vint en accroître si notablement l'importance. Le château-fort qui s'élevait auprès de l'église de Saint-Rémy devint la résidence des Grands-Prieurs quand ils étaient sur le continent, et les dépendances de l'hôpital de Toulouse, augmentées de celles du Temple de cette ville, formèrent leur apanage primitif. La chambre prieurale de Toulouse se composa donc dans le principe de ce que les deux Ordres possédaient dans la ville ou dans les environs.
A Cugnaux, Larramet, Léguevin, Pibrac, Larmont, La Devèze, Pompertuzat, Verfeil, Fonsorbes, etc. Dans la suite plusieurs modifications, que nous aurons l'occasion de signaler, dans le courant de cette étude, furent apportées dans l'étendue de cette circonscription de l'ordre.

En poursuivant l'étude des archives de la maison de Saint-Jean de Toulouse, nous rencontrons le récit d'un épisode assez singulier des troubles qui agitaient l'Europe et surtout la France au commencement du XVe siècle. Un grand personnage de la ville, Etienne de Montigny (31), avait, paraît-il, des griefs personnels contre l'Ordre de Saint-Jean et, comme tant d'autres, profita de l'absence complète d'autorité où la guerre et la démence du roi Charles VI avaient réduit le royaume à cette époque, pour se livrer à son ressentiment.
31. Nous n'avons pu découvrir de quelles fonctions il était revêtu ; il n'en est pas fait mention dans les archives et son nom ne figure dans aucune annale de l'époque.

Sans tenir compte des anciens privilèges qui exemptaient les religieux de Saint-Jean de se rendre aux cérémonies publiques, il envoya, au mois d'août 1408, son commissaire, maistre Bernard Jehan, au Prieuré, intimer au recteur frère Gérart, et à tout le couvent l'ordre de se rendre en procession, croix en tête, à l'église Saint-Etienne, pour y ouïr la publication des lettres royaux de Charles VI au sujet de la neutralité (32).
32. Par l'acte de neutralité Charles VI déclarait qu'on n'obéirait en France ni au Pape de Rome, ni à celui d'Avignon (mai 1408).

Le recteur, après avoir exposé ses privilèges, répondit qu'il en réfèrerait au chapitre des Frères de la maison. Mais sans attendre leur réponse, le vendredi suivant, maistre Bernard Jehan revint à la charge, accompagné cette fois d'une douzaine de sergents, pénétra dans la maison, fondit sur le recteur qu'il aperçut dans le cloître, ouquel a cymetière et lieu de franchise et immunité, mist la main à luy injurieusement et s'efforça de le mener en prison et extraire de la maison. Effrayés de cette première attaque et n'ayant aucun secours à implorer, les Hospitaliers se rendirent auprès de leur ennemi et tâchèrent de l'appaiser en promettant de se rendre à Saint-Etienne suivant ses ordres, ce qu'ils exécutèrent en effet ponctuellement. Mais cette soumission ne faisait pas le compte de Montigny qui ne trouvait pas sa victoire assez grande, ni l'humiliation des Hospitaliers suffisante ; sans chercher d'autres prétextes, il organisa une nouvelle expédition contre eux. Par son ordre, le lundi après la Toussaint, le sous-viguier de Toulouse revint au Prieuré avec plusieurs sergents, ils trouvèrent le recteur debout sur la porte de son église. N'osant se rendre coupables d'un nouveau sacrilège en exerçant leurs violences dans l'enceinte sacrée, — « ils y entrèrent comme s'ils voulsissent Dieu prier, et quant ils furent dedans icelle esglise vindrent par derrière le dict recteur et par force le boutèrent hors de la dicte esglise, lui firent plusieurs griefs et oppressions et s'efforcèrent de le mener en prison... » Pendant ce temps, Etienne de Montigny, à la tête d'une autre troupe de sergents avait envahi le couvent par un autre côté, il y fit arrêter tous ceux qu'il y trouva, trois frères et cinq serviteurs ou donnats ; il fit conduire ces religieux enchaînés entre deux files de sergents, depuis le Prieuré de Saint-Jean jusqu'au lieu « de la salle Neuve (au Palais de Justice), où il y a grant distance et les fist emprisonner en dures et obscures prisons, ès quelles on a accoustume metre les accusés des caz criminelz. » Ils y restèrent détenus pendant 31 jours ; durant tout le temps de leur captivité, Montigny avait placé 18 sergents en garnison au Prieuré qu'ils traitèrent tout à fait en pays conquis, enfonçant les coffres des frères et pillant tout ce qui leur tombait sous la main, l'or, l'argent et jusqu'aux vases sacrés. Le procès-verbal de cette agression fait remarquer que, pendant l'emprisonnement des Hospitaliers, « ou grant vitupère de Dieu furent les portes de la dicte esglise tenues fermées. telement que personne ne y ala cependant faire oraison ne offrande, jà soit ce qu'il y ait grant pèlerinage en l'onneur de monseigneur Saint-Jehan... » Après quoi Montigny fit « apeler à ban et bannir du royaulme... » Le recteur et quatre autres religieux, sans aucune accusation pour motiver cette sentence, et exigea que le trésorier payât comme rançon du Prieuré 30 écus aux sergents qui l'occupaient.

A la nouvelle de ces actes inqualifiables, le Grand-Prieur, Raymond de Lescure, réclama hautement justice et satisfaction « pour le grand esclande et lésion de justice et injures de la religion. » Il obtint des lettres de Charles VI (9 mai 1409), qui enjoignait aux sénéchaux de Toulouse et de Carcassonne, au viguier de Toulouse et à leurs lieutenants d'instruire secrètement cette affaire et de sommer ensuite « à haulte voix et à son de troupe » Etienne de Montigny et ses complices à comparaître devant « le présent parlement et qu'il leur soit faict un bon et brief accomplissement de justice » (33).
33. Archives Toulouse, Documents généraux.

Ce fut dans cette maison de Saint-Jean que le Grand-Prieur Bertrand d'Arpajon offrit, en 1440, l'hospitalité à son compatriote Jean, vicomte de Lomagne, capitaine général pour le roi en Languedoc et en Aquitaine ; ce fut aussi dans la salle d'honneur (34), située au centre du donjon des Hospitaliers, que ce seigneur convoqua le 12 avril de cette année, Bertrand de Nogaret, juge-mage de Toulouse, étienne Nogaret, viguier, Guillaume de Flambard, sous-viguier, pour leur communiquer les lettres patentes par lesquelles Charles VII destituait de sa dignité de sénéchal Jacques de Chabanes, coupable d'avoir été l'un des chefs de la conspiration tramée contre lui par les princes du sang et le Dauphin lui-même, et nommait à sa place Galaubias de Panassac (35).
34. In camerâ paramenti quæ est in medio turris.
35. Dom Vaissette, livre XXXIV.


Des deux buts de l'Ordre, l'hospitalité envers les pèlerins et la guerre contre les infidèles, le premier avait été complètement absorbé par le second. Si les Hospitaliers offraient encore leurs asiles aux pauvres malades, à défaut de pauvres pèlerins, c'était pour ne pas rompre complètement avec la tradition primitive ; mais leurs occupations guerrières leur laissaient peu de temps à consacrer aux soins de la charité chrétienne. Aussi l'hôpital Saint-Jean de Toulouse était-il à cette époque tombé déjà depuis longtemps dans un presque complet délaissement et ne jouait-il qu'un fort petit rôle dans une ville où pullullaient les établissements de ce genre. Mais auprès de l'hôpital en décadence, nous pouvons signaler vers la fin du XVe siècle l'existence d'une nouvelle institution, établie depuis peu dans la maison prieurale de Toulouse. Dû à la générosité de quelques-uns des Grands-Prieurs, le collège de Saint-Jean, que nous voyons mentionné alors pour la première fois, devait fournir l'entretien et l'instruction pendant 6 années à 4 escholliers ou collégiats. Ces derniers étaient soumis au choix des Grands-Prieurs, qui décidaient de leur admission ou de leur exclusion (36).
36. Archives de Toulouse. Registres.

Outre l'église prieurale de Saint-Jean, il existait encore, adossée à l'établissement des chevaliers, une petite chapelle ou plutôt un simple oratoire. Ce fut là que se passa, dans les dernières années du XVe siècle, un évènement étrange qui occupa pendant quelque temps l'opinion publique de Toulouse (37).
37. Les détails que je vais donner sont extraits d'un mémoire lu à l'Académie des sciences de Toulouse, par M. Bellhomme, ancien archiviste du département.

Dans les premiers jours du mois de juillet 1497, le bruit se répandit dans la ville qu'un miracle s'opérait dans cette chapelle, que le Christ placé sur l'autel suait et pleurait comme s'il était animé. Aussitôt la foule d'accourir, avide de contempler ce prodige. Il semblait, en effet, que, des yeux de la sainte image s'échappassent d'abondantes larmes. A cette vue, la population est saisie d'un enthousiasme tout méridional et l'enquête rapporte qu'on entendait de tous côtés des femmes s'écrier en levant les bras au ciel : « Garatz ! garatz ! que lo sanct crucifix semble que ploure !... Semble que clugne l'huel !... Senlier Dieu !... miséricorde ! vos ques a la semblansa d'aquel ques laïsus ! » (38).
38. Voyez ! Voyez ! Le saint crucifix ! Il semble qu'il pleure ! Il semble qu'il cligne l'oeil. Saigneur Dieu ! Miséricorde, vous qui êtes à la ressemblance de celui qui est au ciel !

L'archevêque de Toulouse, Hector de Bourbon, averti du prodige, envoya pour le constater l'official, Antoine de Sabonière. L'enquête minutieuse faite par ce dernier amena la découverte de la cause naturelle du prétendu miracle. La chaleur du luminaire qui brûlait aux pieds de la croix avait fait fondre certaines substances résineuses qui avaient été employées dans la confection de la figure du Christ et qui en découlant sous formes de gouttes le long du corps avaient produit une illusion complète. Après avoir expliqué au peuple les causes de sa méprise, l'official, pour faire tomber la croyance à ce faux miracle, ordonna de couvrir le crucifix en question d'un voile et de fermer la chapelle jusqu'à nouvel ordre. Quelques jours après, devant l'attitude de la population qui, peu convaincue par les explications du phénomène, croyait au miracle et s'était fait ouvrir les portes de la chapelle, l'official fit transporter le crucifix derrière le chœur, dans l'église Saint-Etienne, et décréta la fermeture définitive de l'Oratoire, malgré les réclamations du recteur de Saint-Jean.

Pendant que le grand drame du siège de Rhodes se déroulait au-delà des mers, le Prieuré de Toulouse continuait sa tranquille existence troublée de temps à autres par quelques tentatives des employés du fisc municipal pour prélever des tailles sur les biens des Hospitaliers. C'est surtout du maintien des privilèges de l'Ordre que nous voyons le plus généralement occupés les trésoriers ou les chapelains chargés de l'administration en l'absence des chevaliers. C'est ainsi qu'en 1525, lorsque la procession de la Dalbade faite à l'occasion des prières publiques ordonnées pour la paix et pour le roi, se présenta pour passer dans la collégiale Saint-Jean, le recteur de cette église vint, au nom des privilèges de l'Ordre, en défendre l'entrée ; il fallut négocier sur place et ce ne fut que sur la promesse solennelle des paroissiens de ne plus recommencer et de respecter à l'avenir les exemptions accordées à cet établissement, que le recteur fit ouvrir les portes et consentit à ne pas s'opposer pour cette fois à la station demandée (39).
39. Archives de Toulouse, L. XLII.

Une discussion analogue se produisit encore quelque temps après. La reconstruction de l'église de la Dalbade venait d'être terminée et sa consécration devait être faite par Messire Laurens Allemand, évêque de Grenoble et abbé de Saint-Sernin, en l'absence du Cardinal de Chastillon archevêque de Toulouse. Le jour de la cérémonie était fixé au 6 mai 1548. La veille, Maître Jean Daigua, avocat-général du roi et ouvrier (fabricien) de la Dalbade vingt requérir frère Dominique de Bigorre, recteur de Saint-Jean, d'autoriser l'évêque consécrateur à passer dans le terrain des Hospitaliers pour faire le tour extérieur de la nouvelle église, partie nécessaire de la cérémonie du lendemain. Le recteur ne céda qu'après de longs pourparlers et après avoir fait déclarer par acte public le maintien des exemptions de l'Ordre par rapport à la juridiction ecclésiastique (40).
40. Archives de Toulouse, L. X.

Nous avons déjà constaté plus haut l'amoindrissement successif de l'Hôpital Saint-Jean de Toulouse ; au commencement du XVIe siècle, il cessa d'exister. Frappés de l'inconvénient que pourrait présenter le nombre de ces établissements charitables répandus dans les différents quartiers de la ville, les Capitouls obtinrent le 25 février 1524, un arrêt prescrivant la réunion à l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques, de la plupart de ces hôpitaux. Parmi ces derniers, se trouvaient ceux du Temple et de Saint-Jean (41).
41. Catel.

D'après les statuts, les Grands-Prieurs devaient résider habituellement au siège de l'Ordre, où ils formaient le conseil du Grand-Maître. Mais comme tant d'autres, cette prescription était souvent méconnue, surtout depuis que la guerre contre les infidèles s'était ralentie. Ces dignitaires quittaient fréquemment le rocher de Malte pour venir faire de longs séjours sur le continent. Ceux de Toulouse ne tardèrent pas à s'apercevoir que leur sombre demeure, dominée par son fier donjon, avait trop l'air d'une citadelle. Cet aspect guerrier, dépourvu de toute ornementation, qui allait si bien pour l'habitation des rudes chevaliers du moyen-âge, n'avait plus alors sa raison d'être. Les chevaliers du XVIIe siècle trouvaient, sans doute, qu'ils étaient fort incommodément logés dans ces vastes salles voûtées, où le jour ne pénétrait qu'avec parcimonie ; ils se dirent qu'ils pourraient facilement se passer, et du cloître pour se livrer à leurs méditations pieuses, et de l'enceinte crénelée pour se défendre. Aussi les voyons-nous occupés sans relâche à détruire les anciens bâtiments pour élever à leur place un hôtel prieural bâti dans le goût de l'époque.

Vers 1630, le Grand-Prieur, Georges de Castellane d'Aluys, avait dû commencer les restaurations de l'intérieur, et notamment de la chapelle, sur le portail de laquelle on pouvait voir naguère son écusson de gueules au château ouvert crénelé et sommé de trois tours d'or, maçonnées de sable.
En 1668, un de ses successeurs, Antoine de Robin-Granson, avait fait démolir tout l'ancien bâtiment qui s'étendait entre l'église de la Dalbade et celle de Saint-Jean. A la place occupée par le vieil édifice, l'habile architecte J.-P. Rivalz fut chargé d'élever l'hôtel prieural qui existe encore et dont les formes simples et élégantes sont sans contredit un spécimen fort remarquable des constructions de cette époque. Mais cette entreprise ne fut pas menée à terme sans encombre. MM. les ouvriers de la grande table de l'Œuvre de la Dalbade soulevèrent plusieurs fois des difficultés sur des questions de mitoyenneté. Un arrêt du Grand-Conseil vint les trancher, en prescrivant, pour empêcher le renouvellement de contestations entre les deux parties, que « les ouvriers de la Dalbade seront tenus de donner chaque dimanche de l'année le pain bénit à l'église de Saint-Jean et que le prédicateur de la paroisse ira y prêcher le 27 décembre, jour de la fête du patron de l'Ordre (42). »
42. Archives de Toulouse, L. XL.

Cette construction fut terminée en 1685, par les soins de François-Paul de Béon, qui avait succédé à Antoine de Robin. Ces deux prieurs avaient, du reste, généreusement contribué de leurs deniers à cette entreprise, ainsi que le constatent les rapports des commissaires nommés par les chapitres provinciaux pour vérifier les comptes du Prieuré (43).
43. Archives de Toulouse. Registres.

En 1663, le Grand-Prieur de Granson s'était occupé à réformer le régime intérieur de l'hôtel prieural, pendant qu'il en reconstruisait les bâtiments. Il traita avec les collegiats, à l'entretien desquels les Grands-Prieurs étaient obligés de pourvoir, et se déchargea de leur nourriture, moyennant une rente de 184 livres, 12 pagelles de bois et 200 fagots. Il se débarrassait ainsi « de deux domestiques, savoir : d'un sommelier et d'un cuisinier et d'une infinité de plaintes, tant pour le peu d'assiduité que les dicts officiers avaient à bien administrer la pitance, qu'à cause du vin qui la plupart du temps était tourné ou moysi, ce qui produisait bien du chagrin de part et d'autre (44). »
44. Archives de Toulouse ; registre de visite.

Dans la suite nous ne trouvons à noter que les discussions survenues entre les Collegiats de Saint-Jean et les Oratoriens de la Dalbade, au sujet de l'enterrement des chevaliers ; une transaction fut conclue entre eux ; on arrêta que, lorsqu'un membre de l'Ordre serait malade ou viendrait à mourir dans la maison de M. le Grand-Prieur, le curé de la Dalbade n'aurait rien à voir dans l'administration des sacrements, ni dans l'enterrement qui se ferait dans l'église Saint-Jean ; tandis que, si l'Hospitalier venait à mourir hors de la maison prieurale, le clergé de la paroisse ferait la levée du corps, à laquelle assisteraient les prêtres Collegiats sans leurs étoles, le conduirait à la porte de l'église Saint-Jean, où les chapelains de l'Ordre chanteraient l'office et feraient le reste de l'enterrement (1692) (45).
45. Archives départementales de Toulouse ; Oratoriens.

Les Grands-Prieurs de Toulouse et les principaux chevaliers étaient ensevelis, quand ils mouraient sur le continent, dans la chapelle Saint-Jean. Lors de la démolition de cette dernière, on a transporté au Musée ces tombes et ces pierres sépulcrales. Nous citerons entre autres un tombeau du XIIIe siècle bien orné, et où l'écusson chevroné à 7 pièces n'a pas été suffisant pour nous indiquer le personnage à qui il fut destiné. On y voit aussi les pierres tombales de Charles de Roquefort-Marquein, général des galères de la religion et Grand-Prieur de Toulouse, et de Joseph de Chalvet, commandeur de Rayssac et receveur du Prieuré.

L'hôtel des Grands-Prieurs a été depuis transformé en un vaste entrepôt de draps. Sa grande tour carrée, dont nous avons eu plusieurs fois l'occasion de parler dans le courant de cette étude, sombre donjon à quatre étages, surmonté d'une double galerie de créneaux et d'un pinacle au-dessus duquel s'élevait une grande croix (46) fut démolie en 1813.
46. Archives de Toulouse ; registre de visite.

L'église de Saint-Jean, partie la plus ancienne de cet établissement, eut le même sort en 1839. Les propriétaires de l'hôtel firent hommage au Musée de Toulouse de quelques portions remarquables de cet édifice, entre autres du tympan de son portail avec son chrisme élégant et son inscription du XIIe siècle.

En 1841, les chevaliers de Saint-Jean, qui existaient encore à Toulouse, ont obtenu l'autorisation de recueillir les restes de leurs devanciers, disséminés au milieu des ruines et des tombes fracassées. Ils les ont fait ensevelir dans une chapelle de l'église de la Dalbade. Un monument en marbre, placé au fond de la chapelle, porte l'inscription suivante composée par M. le marquis de Castellane, pour conserver le souvenir de cette translation.

D. O. M.
ÆTERNÆ MEMORISÆ
EQUITUM SACRÆ DOMUS HOSPITALIS
SANCTI JOHANIS HIEROSOLYMITANI
PIETATE NECNON ET ARMIS ILLUSTRIUM
DEFUNCTORUM TOLOSÆ
EMERITOS, CHRISTIANE, VENERARE CINERES
INFELICITATE TEMPORUM SEPULCRO ORBATOS,
QUI DEMUM,
HINC IN SANCTA ECCLESIA
DEIPARE VIRGINIS MARIÆ DEALBATÆ
RECEPTI
TUTISSIMUM INVENERE PRÆSIDIUM.

EQUITES QUI SUPERSUNT
ET EXTERNI CONSANGUINEI INVICEM,
SACRÆ HIEROSOLYMIANE SODALITATUS
MILITES

RURSUS CONDI ATQUE PONI CURAVERUNT,
PRESIDE ET SACRIS PERFUNCTO DD. P. TH. D'ASTROS.
ARCHIEPISCOPO TOLOSANO
ANNO DOMINI MDCCCXLI.

De nos jours l'ancien établissement des chevaliers a reçu une affectation plus en rapport avec sa destination primitive. Monseigneur le Cardinal Desprez l'a acheté pour y établir les cours des différentes facultés de l'Université Catholique de Toulouse et la résidence du recteur de cette dernière. Dans notre siècle, ce n'est plus seulement le Saint-Sépulcre que l'ennemi du Christ veut arracher à la chrétienté. C'est son existence même qu'il menace, c'est sa mission divine d'enseignement qu'il veut anéantir. Comme les Pontifes du moyen âge, nos Evêques se sont levés pour dénoncer le péril et prêcher cette nouvelle et formidable croisade. Ils sont bien les dignes successeurs des chevaliers, ceux qui ont déclaré la guerre sans trêve ni merci à la révolution doctrinaire et triomphante. Ils lui disputent pied à pied les âmes de nos enfants, dont on voudrait chasser Dieu pour les asservir ensuite sans obstacle.

§ 2. Laramet (T)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Toulouse, Canton: Villemur-sur-Tarn, Commune: Saint-Rustice - 31

La Ramée, Laramet, La Ramette
Domus Hospitalis La Ramée, Laramet, La Ramette

C'est dans ce petit village de La Ramée, situé aux environs de Toulouse, que vinrent s'établir les Templiers bientôt après la fondation de leur ordre. Un mercredi du mois de septembre de l'année 1134, dans l'église Saint-Jacques de Toulouse, l'évêque Amélius accompagné d'Aycart, prévôt de Saint-Etienne, donnait, au nom du chapitre, à Dieu et à la milice du Temple, représentée par Gérard de Nocura, lieutenant d'Hugues de Payens, la chapellenie de Sainte-Marie-de-Laramet et la dîme de toute la terre comprise en ce lieu entre le Touch et l'Aussonnelle ; il ajoutait à cette donation certains privilèges ecclésiastiques, notamment l'exemption des excommunications diocésaines. A son exemple, tous les seigneurs qui possédaient des droits sur ce territoire, Guillaume, archevêque d'Auch, Vital de Iscio, son frère, Bernard-Jourdain de l'Isle, Wilhelme sa femme et leurs enfants, Gérard Engelbert, Raymond Sarrasin, Raymond Ratier, Bernard de la Tour et B. de Campian, prieur de Saint-Michel-del-Castel, s'empressèrent de se dessaisir en faveur de la nouvelle maison, entre les mains de l'évêque Amélius, de leurs parts du dimage de cette église (1).
1. Pièces justificatives, n° XII.

En prévision de la bastide que les Templiers avaient l'intention de bâtir sur leur nouveau fief, ces seigneurs ajoutèrent le privilège suivant qui nous donne des indications intéressantes sur les usages féodaux de nos contrées : ils accordent que, si un de leurs hommes se réfugie dans la nouvelle ville, il pourra y être reçu à la condition d'en avertir son ancien seigneur et de lui payer une redevance, faute de quoi, il devra être jeté hors de l'enceinte, lui et son argent, pour revenir à son ancienne condition. C'était l'abandon ou du moins un adoucissement très-grand du droit de chasse, par lequel les seigneurs pouvaient poursuivre leurs vassaux fugitifs et dont ils devaient se dessaisir avec grande peine en présence de l'empressement que mettaient partout les habitants des campagnes à aller chercher derrière les murailles des bastides la sécurité et l'allégement de leurs charges (2).
2. Pièces justificatives n° XIII.

Quelques jours après, au mois d'octobre 1134, nous voyons Raymond de Saysse et Baron de Quaterpech donner l'un après l'autre 46 casals, de 4 perches chacun, aux chevaliers du Temple de Salomon, pour y construire la ville appelée le Ramed. Raymond, Prieur de Sainte-Marie de la Daurade, faisait en même temps cession de tous les droits que son couvent avait sur ce fief ; chacun de ces donateurs se réservait de plus dans l'intérieur de la nouvelle ville, quatre maisons, pour lesquelles il promettait de payer, comme les autres habitants, quatre deniers de cense annuelle, la dîme, les droits de justice, etc. (3).
3. Pièces justificatives, n° XIV.

Quelques années plus tard, la ville de Laramet existait déjà, puisque nous trouvons en 1142 la reconnaissance faite aux chevaliers du Temple par un certain Guillaume, pour la maison, dont il venait d'achever la construction dans l'enceinte de Laramet (4).
4. Archives de Laramet, L. III.

Bientôt après, le Temple de Laramet fut réuni à celui de Toulouse, dont la fondation eût lieu presqu'à la même époque, comme nous le verrons tout à l'heure. Des donations postérieures vinrent augmenter la prospérité de la maison de Laramet. Un vendredi du mois de mars de l'année 1188 (1189) Babot de Saysse se rendit à l'église de Sainte-Marie de Laramet, où il céda à Oalric maître du Temple de Toulouse, à Jean de Nougayrol, précepteur de Laramet, tous les droits qu'il avait conservés sur ce fief et leur donna de plus la faculté de dépaissance pour leurs troupeaux dans son territoire de Quint (5).
5. Archives de Laramet, L. I.

Les Templiers furent successivement troublés dans leur tranquille possession des biens de Laramet par les Bénédictins de la Daurade et par les chanoines de Saint-Etienne. La discussion avec les premiers, portée devant le pape Honorius III, fut renvoyée par lui au jugement de l'archevêque de Narbonne (1216) (6) ; celui-ci, après avoir fait faire une enquête par l'abbé de Saint-Sernin et le prévôt de Saint-Etienne, rendit un arrêt favorable aux Templiers (7). Une transaction à l'amiable rétablit le 19 avril 1234, la paix entre Martin de Nesse, maître du Temple de Toulouse, et Pierre de Gazenches, par la grâce de Dieu, prévôt de Saint-Etienne (8).
6. Archives de Toulouse, bulles.
7. Archives de Toulouse, L. XV.
8. Archives de Laramet, L. III.


Vers la fin du XIIIe siècle, les consuls de la Bastide-de-Plaisance, voulurent s'emparer du droit de pâturage dans les bois de Laramet qui appartenaient aux Templiers. Ceux-ci portèrent leurs réclamations au Sénéchal de Toulouse. Les habitants de Plaisance vinrent déposer qu'Eustache de Beaumarchais en 1286, le jour où il avait planté son pal au milieu de l'emplacement de la future ville, avait accordé aux habitants, le droit de mener paître leurs troupeaux dans les territoires voisins aussi loin qu'ils pourraient aller dans un jour, en revenant le soir à Plaisance. Selon les consuls, c'était une coutume généralement adoptée pour les bastides du Toulousain et de la Gascogne ; ils citaient à l'appui de leurs dires l'exemple de la Bastide-de-Beaumont fondée en 1275. Mais l'arrêt du Sénéchal G. de Villeneuve, rendu en 1296, écartant les prétentions des consuls de Plaisance vint consacrer les droits du Temple de Laramet (9).
9. Archives de Laramet, L. I.

Après la réunion des biens du Temple à ceux de l'hôpital, la maison de Laramet devint tout naturellement un membre ou dépendance de la commanderie Saint-Jean de Toulouse. Ainsi que nous aurons souvent l'occasion de le constater pour les membres des autre commanderies, Laramet fut administré de temps à autre par des religieux ne jouissant pas de toutes les prérogatives des autres précepteurs, mais qui en prenaient néanmoins le titre ; nous les ferons figurer dans les listes que nous donnons à la fin de chaque chapitre.

Les biens dépendant de la maison de Laramet consistant surtout en bois, les chevaliers de Saint-Jean, dans le but d'en retirer un plus grand revenu, formèrent le dessein d'en défricher une portion. Pour réaliser ce projet, dans la première partie du XVIIe siècle, ils en détachèrent une partie qu'ils cédèrent au chevalier Annibal de Blacas de la Redorte, sa vie durant. Ce dernier pour être plus à même de faire exécuter les améliorations agricoles projetées, fit construire un château qu'on appela le Marquisat de Laramet et qui revint à l'Ordre à sa mort (10).
10. Registres visites.

§ 3. — Pibrac (H)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement et Cantons: Toulouse - 31

Domus Hospitalis Pibrac
Domus Hospitalis Pibrac

Parmi les possessions de l'Ordre de Saint-Jean dans les environs de Toulouse, nous trouvons une partie du territoire de Pibrac, village jadis à peu près inconnu et illustré aujourd'hui par le tombeau d'une humble bergère que l'église a naguère placée sur ses autels. Le 9 janvier de l'année 1216, le seigneur Arnaud Raymond, léguait par son testament à l'Ordre de l'Hôpital toutes ses possessions situées à Pibrac et dans les contrées voisines (1).
1. Archives de Pibrac, L. I.

Cette donation fut même assez considérable pour obliger les Hospitaliers à créer dans Pibrac un établissement destiné à la surveillance et à l'exploitation de leurs nouveaux domaines. Nous voyons en effet Raymond de Pibrac et dame Vierne, sa sœur, inféoder, en 1241, à Guillaume de Barèges prieur de Saint-Jean de Toulouse, un emplacement dans l'intérieur de la ville pour y construire une maison (2).
2. Archives de Pibrac, L. I.

§ 4. — Léguevin (H)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement et Cantons: Toulouse - 31

Domus Hospitalis Léguevin
Domus Hospitalis Léguevin

En l'année 1108, Amélius évêque de Toulouse, accompagné d'Arnaud Raymond, Prévôt de son chapitre, du chevalier Bernard de Marestang et de plusieurs autres personnages marquants, assistait à une donation importante faite à l'Ordre de Saint-Jean. Baron de Quaterpech et ses soeurs donnaient en franc alleu, à l'hôpital de Jérusalem et au prieur Gérard, le fief qu'ils possédaient dans le territoire de Léguevin, entre les deux ruisseaux (le Courbet et son affluent de Brax) ; en même temps d'autres seigneurs du voisinage W. de S., Fort Anerii, son frère, Hugues de la Forge, ajoutaient à cette donation celle de 50 perches de terre qu'ils avaient des deux côtés de la route vers Toulouse au-delà du ruisseau (1).
1. Pièces justificatives, n° XVI.

Un peu plus tard, différents privilèges, concessions de droits, de justice, de seigneurie et d'usages, furent octroyés à la maison de Léguevin, par ce même Baron de Quaterpech et par Bernard-Jourdain de l'isle (1140). Nous n'avons que la mention de cette libéralité dans la confirmation qu'en fit un siècle plus tard, un des descendants du dernier donateur, noble Jourdain de l'Isle (1240) (2).
2. Archives Léguevin, L. I.

Ici ne se termine pas du reste la liste des marques de faveur, accordées aux Hospitaliers par l'illustre famille de l'Isle. Jourdain V, leur concéda en 1299, la faculté de couper dans sa forêt de Bouconne les bois nécessaires à leurs constructions, et chargea son bailli de Mondonville de l'exécution de sa volonté à cet égard (3).
3. Archives Léguevin, L. I.

Nous avons vu dans l'étude sur la maison Saint-Jean de Toulouse, qu'en 1261 elle avait reçu du seigneur Guy de las Tours d'importantes donations, parmi lesquelles figurait une portion du territoire de Saint-Etienne située entre Léguevin et Pibrac. Au commencement du siècle suivant, nous trouvons les Hospitaliers occupés à partager ce territoire, avec les filles de Jourdain de l'Isle et de dame Vacquière de Monteil-Adhémar, dame Jehane femme du noble Amalric par la grâce de Dieu, vicomte de Narbonne, dame Gausserande femme de noble Etienne Colonna et dame Titburge femme de noble Gauthier du Fossat seigneur de Barousse (4) (1306) (5).
4. Leur frère Bertrand de l'Isle étant mort à cette époque, elles étaient les seules héritières de cette partie des domaines paternels.
5. Archives Léguevin, L. II.


Quoique nous ne puissions préciser l'époque de sa fondation, la commanderie de Léguevin était fort ancienne et remontait, tout au moins, au commencement du XIIIe siècle. Grâce à toutes les libéralités que nous avons mentionnées plus haut, l'hôpital de Léguevin prenait de jour en jour une plus grande importance. Ce qui fit naturellement germer dans l'esprit de ses précepteurs le projet d'en profiter pour remplacer leur ancienne ville peu habitée, et sans doute dépourvue de fortifications, pour une belle bastide entourée de solides murailles. Ils entrèrent en arrangement à ce sujet avec Jourdain de l'Isle et, après la mort de ce dernier, avec son fils Bernard Jourdain. Celui-ci consentit à se charger de la construction de la ville projetée, dont il devait avoir la haute juridiction. Mais au moment de se mettre à l'œuvre, pour remplir ses engagements, le seigneur Jourdain se dit qu'une bastide dont il aurait, à lui seul, l'entière possession, lui serait bien plus avantageuse, et il résolut de prendre les moyens pour n'avoir pas à partager dans la suite son autorité avec les chevaliers de Saint-Jean. Dans ce but, il alla planter son pal et jeter les fondements de la future ville à Saint-Martin, au-delà du ruisseau qui servait de limite au dîmaire de Saint-Jean de Léguevin et par suite, aux possessions de l'hôpital. A la vue du danger qui les menaçait, les Hospitaliers firent appel à la bonne foi du comte, en lui montrant l'engagement qu'il avait pris vis-à-vis d'eux. Mais celui-ci paraissait inébranlable dans ses desseins, lorsque des amis communs parvinrent à lui persuader d'en suspendre pendant quelque temps l'exécution. Instruit de ce qui se passait, Aymeric de Thurey, précepteur de Puysiuran et lieutenant de Draconet de Montdragon, Grand-Prieur de Saint-Gilles, chargea frère Bernard de Gironde, précepteur de Léguevin, de s'opposer à tout prix à la construction de la bastide de Saint-Martin, qui, non seulement ne leur rapporterait pas les avantages qu'ils s'en étaient promis, mais leur enlèverait infailliblement une notable partie de leurs propres vassaux. Muni de ses pleins pouvoirs, après bien des pourparlers, le frère de Gironde signa une transaction avec Bernard de Goffas, damoiseau, sénéchal et procureur de Bernard-Jourdain, transaction dans laquelle les Hospitaliers furent obligés de faire d'énormes sacrifices à la partie adverse. Le sénéchal de l'Isle s'engagea à faire transporter le pal de son maître et construire la ville dans le dîmaire de Saint-Jean, du côté du château de Léguevin ; les Hospitaliers devaient fournir l'emplacement, ils cédaient toutes les oblies qu'ils retiraient des habitants de tout leur territoire, le four, la forge et la messeguerie (6) ; ils se contentaient de se réserver quelques privilèges : ainsi il leur était permis de faire aiguiser gratuitement leurs instruments aratoires à la forge de la future ville ; et de faire construire un four chez eux à l'usage de leur maison et de tous leurs gens ; leurs animaux étaient exempts de tout droit de garde etc. (28 novembre 1309) (7). Ils comptaient, avec juste raison, être dédommagés plus tard de tous leurs sacrifices par l'augmentation du nombre des habitants de Léguevin, dont ils avaient toujours la seigneurie spirituelle, et par l'accroissement des dîmes qu'ils retireraient du pays mieux cultivé.
6. Droit de garde des moissons et amendes qui en étaient le produit.
7. Pièces justificatives n° XVII.


Le Seigneur Jourdain ne mît il pas beaucoup d'empressement dans l'exécution de la promesse donnée en son nom par son lieutenant, ou bien le besoin d'agrandir les murailles de la bastide se fit il bientôt sentir, soit à cause d'un accroissement inespéré de population, soit à cause de la terreur inspirée par les invasions anglaises ; toujours est-il qu'au milieu du XIVe siècle, on travaillait encore aux fortifications de la ville. Nous voyons en effet noble Pierre de Gajac, viguier et châtelain du château de l'Isle, procureur du magnifique et puissant Jourdain, par la grâce de Dieu, comte de l'Isle, en vertu de la commission à lui donnée par illustres et puissants Arnaud, par la grâce de Dieu, vicomte de Caraman et Jourdain de l'Isle seigneur de Clermont, gouverneurs généraux de la terre du seigneur comte, se transporter à Léguevin, pour inféoder aux habitants certains terrains vacants dans l'intérieur de la nouvelle enceinte du fort (30 octobre 1363) (8).
8. Archives de Léguevin, L. I.

Au commencement du XVe siècle, Léguevin cessa de former une commanderie séparée et fut réunie à celle de Renneville, dont elle constitua un des membres les plus importants jusque vers le milieu du siècle suivant. Un des commandeurs de Renneville, Philippe du Broc, eut à soutenir à Léguevin des luttes assez vives pour le maintien des privilèges de son Ordre. Le roi François Ier avait convoqué le ban et l'arrière ban de la noblesse du royaume pour le servir dans sa guerre contre Charles-Quint et avait ordonné de saisir les biens de ceux qui seraient defailhants aux monstres : Le commandeur, se fiant aux exemptions accordées aux chevaliers de Saint-Jean et à sa qualité de membre du clergé, ne s'était pas rendu à l'appel du sénéchal d'Armagnac, qui, d'après les ordres reçus, fit saisir les biens nobles de la maison de Léguevin. Le commandeur de Renneville envoya le 7 décembre 1588, au château de l'Isle en Lomagne, son procureur frère George de Manas, recteur de Montréal et de Gimbrède, qui remit au sénéchal une requête du chevalier contre cette violation des immunités de l'Ordre et une protestation contre la façon brutale et irrégulière dont la saisie avait été opérée par le lieutenant, — « Maistre Guy de Nogueyrolles, qui ayant conceu grosse hayne et malice contre ledist suppliant et taschant luy nuire et donner fascherie par moyens exquis et réprouvés, a faist saisir toutes les pièces nobles appartenant à la juridiction de Léguevin, sans avoir appelé le procureur du Roy ny le représentant du commandeur. » Le sénéchal, se fondant sur les instructions du roi qui n'admettaient d'exception pour personne, refusa d'entendre la requête et d'ordonner la main-levée des biens de Léguevin, que le commandeur dut obtenir dans la suite en adressant ses réclamations au Roi lui-même, protecteur zélé de l'ordre de l'Hôpipital (9).
9. Archives de Léguevin, L. I.

L'année suivante, des difficultés étant survenues au sujet des limites du territoire de Léguevin et de celui de Pibrac qui dépendait de la maison de Toulouse, le Grand-Prieur, Pierre de Grasse, et le commandeur, Philippe du Broc, conclurent un arrangement par lequel le premier cédait au second Fonsorbes, en échange de Léguevin qui devint ainsi membre de la Chambre Prieurale de Toulouse (1539). Cette mutation fut confirmée par une bulle du Grand-Maître, Jean de Homedès (11 septembre 1540) (10).
10. Archives de Léguevin, L. I.

§ 5. Estaquebiou (H)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Toulouse, Canton: Pechbonnieu, Commune: Rouffiac-Tolosan - 31

Domus Hospitalis Estaquebiou
Domus Hospitalis Estaquebiou

Les Hospitaliers possédaient aux environs de Toulouse un assez important territoire appelé Estaquebiou et situé dans la paroisse de Saint-Jean de Kyrie Eleison, aujourd'hui de l'Union. Au mois de juillet de l'année 1138, Arnald Adalbert fit donation à l'Hôpital, à Arnaud de Gardouch, à Raymond Humbert et aux autres frères de Saint-Jean, de son fief d'Estaquebiou (1). Quelques années plus tard, Etienne Caraborde et son fils Oalric ajoutaient à ce premier fief celui de Bolenes, situé au-delà de l'Ers (jour des Kalendes de juillet 1141) (2).
1. Pièces justificatives, n° XVIII.
2. Pièces justificatives n° XIX.


Ces différentes donations furent complétées par la cession que firent de leurs droits sur ces deux fiefs, leurs seigneurs Arnaud et Bernard de las Tours (1236) (3).
3. Archives Estaquebiou, L. I.

§ 6. Verfeil (H)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Toulouse, Canton: Pechbonnieu - 31

Domus Hospitalis Verfeil
Domus Hospitalis Verfeil

Vers le milieu du XIIe siècle, nous trouvons les Hospitaliers établis dans le voisinage de Verfeil. Une donation dont l'acte n'est pas conservé dans les archives, avait ajouté aux domaines de l'Ordre l'église et le dimaire de Saint-Symphorien, dont il ne reste plus de traces aujourd'hui, et qui étaient situés jadis dans le territoire de Verfeil. En 1168 nous trouvons la donation faite par Guillaume des Bruguières, de sa terre de la Cardonède, à l'hôpital de Jérusalem de Saint-Symphorien, près Verfeil (1).
1. Archives Verfeil, L. I.

Un peu plus tard, une noble dame, Flandine du Fossat et ses enfants, Raymond, Adhémar et Naalde donnaient à ce même hôpital toutes les terres qu'ils possédaient dans le voisinage de l'église de Saint-Symphorien (1177) (2).
2. Archives Verfeil, L. I.

Comme nous ne trouvons plus de mention de cette possession de l'Ordre à partir du XIVe siècle, il est à supposer qu'il dut être aliéné vers cette époque ou du moins échangée contre quelque autre fief plus à la convenance des Hospitaliers.

§ 7. La Devèze (H)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement et Cantons: Toulouse, Commune: Montaudran - 31

Domus Hospitalis La Devèze
Domus Hospitalis La Devèze

Non loin de Toulouse, dans la baronnie de Balma, Wilhelm Petit donna en 1172 à l'hôpital de Saint-Rémy le territoire de la Devèze situé dans l'Albarède Episcopale (1). Peu de temps après, Bernard Manadier, ce bourgeois de Toulouse, qui signala sa bienfaisance par la fondation de l'hôpital appelé de la Mainadière, donna à Pierre d'Alsen Prieur de l'hôpital de Toulouse, tous les droits sur les dimes de Ramerville, paroisse voisine de la Devèze 1176 (2). Cette donation fut suivie d'un accord conclu entre Bertrand abbé de Moyssac et Raymond Garsia Prieur de l'hôpital de Toulouse ; au mois de juin de l'année 1185, en présence de Guillaume abbé de Lézat, du Prieur de la Daurade, de celui de Saint-Pierre des Cuisines ; le Bénédictin céda au chevalier de l'hôpital, tous les droits qu'il avait sur les fiefs donnés en 1176 par Manadier et en reçut en échange les droits que la maison de Saint-Rémy avait sur l'hôpital construit près de la porte Lascrozes et donné à l'église de la Daurade (3). Mais, si ce traité affranchissait les Hospitaliers de la juridiction des Bénédictins sur leurs fiefs de la Devèze et de Ramerville, ils relevaient toujours de la seigneurie des Evêques de Toulouse, barons de Balma depuis la croisade des Albigeois. Ce qui amena plus d'une fois dans la suite des discussions entre les deux autorités, tantôt pour les redevances à payer, tantôt pour un hommage féodal en retard. 1. Archives de La Devèze.
2. Archives La Devèze, L. I.
3. Archives La Devèze, L. I.


§ 8 Pechabou (T) Pompertuzat (H)
Département: Haute-Garonne, Arrondissement: Toulouse, Canton: Escalquens - 31

Domus Hospitalis Pompertuzat
Domus Hospitalis Pompertuzat

L'établissement des Hospitaliers à Pompertuzat remonte à la fin du XIIe siècle, tandis que celui des Templiers à Pechabou ne date que du milieu du siècle suivant. Après la suppression de l'Ordre du Temple ces deux domaines réunis composèrent une dépendance assez importante de la maison de Toulouse.

Liste des Précepteurs de l'Hôpîtal Saint-Jean de Toulouse.
1121. Bernard de Puysiuran.
1145. Arnaud de Puysiuran.
1160. Pierre de Gardouch.
1166. Benoist.
1167. Raymond de Nugol.
1174-1185. Bernard de Gavaldan.
1185-1186. Guillaume-Raymond.
1186-1194. Roger de Rivière.
1198-1207. Pons Chapelain.
1212-1215. Athon de Vacquiers.
1208-1219. Arnaud de Cabanes.
1219-1225. Arnaud de Bouziac.
1225-1227. Gérard de Saint-André.
1227-1243. Jacob.
1246-1248. Bertrand de Fraxines.
1248-1251. Raymond de Pailhès.
1251-1254. Jacob, (2e fois).
1254-1256. Raymond Tolosan.
1256-1260. Pierre de Villemur.
1260-1561. Bernard de Gardouch.
1261-1263. Bernard de Caminières.
1264-1267. Albert de Roset.
1267-1278. B. de Caminières, (2e fois).
1278-1280. Jean d'Astarac.
1280-1282. Guillaume Arnaldi.
1282-1309. Pierre de Florence.
1309-1310. Bernard de Maurin.
1310-1311. Aymeric de Tarin.
1311-1313. Pierre de Caylus.
1313-1315. Bernard de Gironde.

Liste des Précepteurs du Temple de Laramet.
1172-1173. Jean de Nogayrol.
1177-1193. Bernard Abauzit.
1194-1197. J. de Nogayrol, (2e fois)
1198-1203. B. Abauzit, (2e fois)
1203-1239. Boson.
1239-1240. Raymond.
1345. Arn-Guillaume de Bios.
1244. Raymond de Recalde.
1252. Pierre d'Orte.

Liste des Précepteurs du membre de Pibrac.
1319-1325. Guillaume Gille, prêtre.
1322. Bernard de Gironde.
1459. Bernard Alvergne.
1477. Antoine de Montlezun.

Liste des Précepteurs de Léguevin.
1236. Arnaud Ispani.
1240-1242. Hélye.
1306-1307. Jean de Tortarel.
1309. Bernard de Gironde.
1388. Bernard Vignes.
1503. Pons de Prunet.

Liste des Précepteurs du membre d'Estaquebiou.
1448. Pierre Chavassy.
1474-1475. Bérald Boysse.

Liste des Précepteurs du membre de la Devèze.
1494-1500. Raymond Gélade.
1533. Géraud de Massas.
Sources : Du Bourg, Antoine. Histoire du grand prieuré de Toulouse et des diverses possessions de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem dans le sud-ouest de la France. Toulouse 1883 - BNF

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