Saint-Paul
Domus hospitalis Saint-Paul
Domus hospitalis Lapalud
Domus hospitalis Lapalud
Ce dernier sans doute. En tout cas l'acte nous révèle-t-il une ancienne famille dont le patronyme est Saint-Paul. Y avait-elle pris la première place dans les temps troublés où les évêchés de Saint-Paul et d'Orange furent réunis ?
Avoués de l'église, avaient-ils usurpé les doits de l'évêque ?
Comment possédait-elle, sans cela, le baptistère et le palais, sans doute le palais épiscopal attenant, édifices voisins, comme partout ailleurs, de la cathédrale et dont il faut bien espérer qu'on trouvera un jour les fondements ?
Boyer parle du quartier Saint-Jean « où l'on voit les arcades et les précieux restes d'une église et d'une maison magnifique », mais il voit toujours grandiose. Cette famille de Saint Paul alors en décadence, a été étudiée par M. de Ripert-Monclar (1). Nous nous bornerons à compléter ce qu'il en dit en mentionnant un Geoffroy et un Guillaume de Saint-Paul, précepteur de Roaix en 1182, et en 1202 un Pierre de Saint Paul, chevalier. Depuis nous n'avons plus trouvé trace de cette famille. Quant aux Donzère, Pierre de Donzère est frère de Guillaume de Saint-Paul. Nous n'ajouterons à ce qu'il en dit que le nom de Bertrand de Donzère, chanoine de Saint-Paul en 1222 et de Raimont mentionné à côté de Guillaume Gros et Rostaing Artauld.
Une charte de 1172 (122) se rapporte à cette donation et nous donne la solution d'un conflit sur l'étendue des droits cédés en 1136. Pierre Artaud, Bertrand Viader, Pierre de Donzère, Pons, fils de Bertrand Viader reconnaissent – ils s'y étaient donc refusés – que les places qui sont autour de la maison de Saint-Jean, et la maison elle-même appartiennent bien au Temple comme leurs anciens Pérégrine, mère de Pierre de Donzère et de Guillaume de Saint-Paul l'avaient réglé ; parmi les témoins se trouve Adalard (Allard) gardien de la maison de Saint-Jean. En 1222 (2) un arbitrage entre les habitants de Saint-Paul et l'évêque au sujet de maisons (staribus, estarts) et autres biens, mentionne encore l'échange fait par Guillaume de Saint-Paul ; mais il n'est pas sûr qu'il s'agisse des biens des Templiers.
Quant à la « domuncula » au-dessous de Saint-Paul, dont la ferme de St-Vincent, au quartier de ce nom, garde le souvenir, nous ne savons qui la donna au Temple. Ils y établirent ou y trouvèrent une maison, avec chapelle, dont il est quelquefois question après eux (3). Un hommage de Rambaud Alziari à l'évêque en 1304 (4) met les maisons de Richerenches et de St-Vincent sur le même pied. Ripert-Monclar a eu tort de la confondre avec l'église, aujourd'hui à moitié ruinée, de Saint Vincent près de Valréas. (N· 230).
Il commet une autre erreur quand, rencontrant les mots « mons Cameli », il les traduit par Monchamp et attribue aux Templiers des vignes à Monchamp (!) Le « mons Cameli » des chartes 122, 227, 245, 246 n'est pas plus Monchamp que Chalmays, qui est explicitement placé à Montjoyer. Il s'agit de Charnier, Chamié, la bastide ou maison forte de Champmeier, Chammier, souvent nommée dans l'histoire de Saint-Paul.
En 1172 (123) Bertrand Viader et son fils Pons donnent au Temple un « quarton » de vignes, cultivé par Pierre Brunicard, près du « mons Cameli ». En 1180 (227) Pons et sa femme Raimonde donnent toutes leurs vignes « in territorio » (et non plus monte) « Cameli » et une terre à « la crosa ». Les frères la leur paient deux sous qui leur servent à racheter les hypothèques que le chapitre avait sur leurs vignes, et un cheval valant trois cent sous « melgoriens ». Ces dons furent complétés par deux autres en 1181. Guillaume Ripert, donna ses droits sur le « castrum quod dicitur Torres » (la place des Tours) et ce qu'il avait au bois de Pansier et à Chamier. Ce bois Pansier était du côté de Clansayes (252). Il le donna lui-même avec sa maison de St-Paul « versus superiorem partem civitatis ». Guillemette Dohoresse - était-elle apparentée aux Do de Chamaret ? -- vendit pour 18 sous tous les droits qu'elle avait sur les vignes de Pons Viader. Un an avant, Guillaume Granet, des Granet de Grignan, chanoine de Saint-Paul, avec Jebelin et Pierre Granet, donna une maison à Saint-Paul, confrontant d'une part le mur nouveau, d'autre part le vieux mur de la ville, la maison que Pons Chauvière avait donnée au Temple et les cloaques du Temple. Toutefois, nous croyons que l'origine des biens du Temple à Charnier doit être cherchée dans la donation que le jeudi saint 1136, firent les frères Guillaume et Jourdan de Pierrelatte, de leurs « eissinis », et que complétèrent, le même jour, les quatre frères Raimond. Pierre, Pons et Guillaume de Saint-Pasteur, en abandonnant ce qu'ils avaient « in his eissinis ». Nous ne connaissons pas d'ailleurs le sens précis de ce mot.
Un passage de Reybaud (5) nous apprend qu'en 1215, Bertrand de Pierrelatte, était commandeur de Charnier ; c'est le seul renseignement précis que nous ayons rencontré sur cette bastide.
Domus hospitalis Pierrelatte
Domus hospitalis Pierrelatte
Ces possessions (qui a terre à guerre) ne laissaient pas d'être l'occasion de différends entre les Templiers et l'évêque. « En 1203, écrit Boyer, les Frères refusèrent de payer les dîmes, les oblations, la dépouille des morts et le droit des Novales, de la maison de St-Vincent, à présent ruinée et démolie de fond en comble ». Un procès allait se plaider quand il se fit un accommodement sur les bases suivantes :
1· les Frères paieraient la dîme au quinzième pour tout ce qu'ils possédaient dans le territoire de St-Paul ;
2· toutes les offrandes faites dans l'église de St-Vincent, sauf celles d'ornements, reviendraient à l'évêque ;
3· l'église de St-Paul recevrait la quarte funéraire de tous ceux qui seraient enterrés à St-Vincent, le familiers de la maison exceptés ;
4· les Frères ne paieraient pas la dîme des aliments nécessaires à leurs bestiaux et garderaient les cierges qui leur seraient donnés pour les Vigiles.
Le document le plus curieux concernant les Templiers à Saint-Paul, et plus encore Saint-Paul lui-même, est l'inventaire en langue vulgaire qu'ils firent, dans quel but exactement ? Nous ne savons, des biens d'un « Raimun » Gras (90). Ce nom ne figure qu'ici au Cartulaire : mais on y voit ailleurs ceux de Géraud et Pierre Gras et surtout un Guillaume Gras de Saint-Paul que Ripert-Monclar rattache avec raison à la famille de ce nom et qui n'est sans doute que le Guillaume de Saint-Paul dont nous avons parlé. Nous laisserons ce qui concerne cette fortune pour nous en tenir à ce qu'il nous apprend des habitants et du territoire. Il contient, en effet, la liste incomplète, mais la plus ancienne que nous ayons des habitants de Saint-Paul. Ce sont : Rostang de l'Ecole (de l'Escola), Lambert Rollan, Peiron de Bedos, Guillaume Barnaut, Peiron de Vallaurie, Peiron Aimart, Peyron Elias, les Fabre, Peiron Rollan, Giraut Gontier, Pouzon Didier, Durant Geuzana, Peiron Salvestre, Peiron, Chauvière, Giraut, Grua, Guillaume, Gontier, Garnier Coiro, Giraut, Blanc, Antelme, Jebelin, Lambert, le Meunier, Lambert Gautier, Peiron Laugier, Jean Gaudesenna. Le traité d'association entre l'évêque et le comte de Toulouse, en 1202 (6) contient aussi une liste d'habitants. Un certain nombre, y compris celui du notaire Elias – est-ce la même famille que l'évêque d'Orange de ce nom ? – permet de penser qu'elles sont à peu près contemporaines et de dater cet inventaire.
Quant au territoire, nous y voyons le domaine de « Boulossan », près de « Chanabaze », la terre de Vénterol, la Cros, ailleurs la « Croza », vers l'étang ; les combes, traversées par le chemin qui va à Pierrelatte en traversant le chemin royal, l'ancienne voie romaine de Bollène au Logis de Berre ; la Rocha Pedollosa (pouilleuse ?) la Cros de « Na Béringuièra » ; Sainte Marie à la « Crotz », sans doute ancienne chapelle aujourd'hui complètement oubliée ; la « Greza » de Saint-Vincent ; le « claus sotz » Tuella, clos sous Saint Just (la première mention que nous connaissions de la chapelle est de 1324) ; la Vallette ; Argentan ; les « lônes » « qu'on om va à Chaumier » (il existe encore une ferme des Lônes). Malpertus, le Montillet, les Fouzières Coni ; Bouidon ; le bois de Chanabasset ! « L'Ouche », ou jardin de la Font ; et le « Champ de Battalier ». Ce dernier nom est à rapprocher de « Chanmeier », le Champ des Battailler, le Champ des Meier, « campus Mederius » des textes (7). En 1239 (8), il y a un bois Meyer à Saint-Restitut. En 1235, le Commandeur du Temple voulut refuser à l'évêque les procurations auxquelles il avait droit à Chamier ; l'évêque d'Orange, arbitre, régla que le Commandeur serait tenu d'y recevoir une fois l'an, l'évêque, avec tout le respect dû à sa dignité, et lui donnerait à souper et à dîner, à lui et à toute sa suite (9).
Que devint Chamier quand les Hospitaliers l'eurent remis à la Chambre Apostolique ?
Au fait, elle n'avait que faire d'une bastide isolée du reste du Comtat ; la remit-elle à l'évêque ?
En tout cas, en 1328 (10) Hugues Adhémar donne sauvegarde et franchises aux frères de Saint-Saturnin du Port, dans sa maison « Cami Medii », de Chamié. Mais le 31 décembre 1329, à St-Restitut, devant l'évêque, intervenait un échange entre l'Hôpital et Agout de Baux. Agout cédait à l'Hôpital ses droits à Dieulefit, et l'Hôpital lui cédait Chamier avec son contenu marqué par de vieux actes ; il la possédait, dit-il, « francam et liberam ». Mais l'évêque se ravisa et Pierre Jauserti (?) notaire de Bollène, présenta à Agout un mémoire où l'évêque faisait valoir ses droits sur Chamier. Qui avait raison ?
En tout cas, Agout s'inclina, sauf à l'évêque à lui prouver ses droits. Il faut croire qu'il le fit, car en 1417, 1464, 1548, 1585, il s'en fit rendre hommage par les possesseurs. En 1477, il permettait de construire un four « in sua grangia de Champieri » (11). Un compte des décimes de Trois-Châteaux, de 1363, cite pour mémoire deux maisons de l'Hôpital qu'il ne nomme pas explicitement, car l'Ordre est exempt de cette imposition (12).
Mentionnons enfin parmi les biens des Templiers à Saint-Paul le pré de Selles, au quartier de ce nom, ou pré du Pape (13) Boyer pense qu'en 1436, les biens sur lesquels le Pape chargea ses commissaires d'enquêter étaient « ceux des chevaliers du Temple qui relevaient du fief de l'évêché et que les officiers du Pape et les Chevaliers de Malte s'étaient appropriés en vertu de la donation qui leur en avait été faite, sans considérer qu'elle était nulle, puisqu'elle était contre les droits des évêques... (14). Il semble dit-il ; nous n'en savons rien ».
Sources : M. l'Abbé E. Malbois - Bulletin de la Société d'Archéologie et de Statistique de la Drome. Année 1929 (juillet)
Notes
1. P XCIII de son Cartulaire.
2. Gallia Christiana novissirna, N· 131.
3. Boyer, p. 136.
4. Gallia Christiana novissirna, N· 242.
5. Histoire des Grands Prieurs de Saint-Gilles, II, 120.
6. Gallia Christiana novissirna, N· 99.
7. Chamier dérive-t-il de Camp... Mederii, Meyer, Mier ? Il y avait aussi a Saint-Restitut, un bois Meyer dont Nicole, veuve de Rostaing de Grignan vendit le quart aux habitants.
8. Gallia Christiana novissirna, N· 147.
9. Boyer, p. 88.
10. Rejeste Dauphinois, n· 24055.
11. Gallia Christiana novissirna, N· 291, 647, 653, 661.
12. Clouzot, Pouillès, des provinces d'Aix, Arles et Embrun, p. 225.
13. Boyer, p 145.
14. Boyer, p 170.
Sources : M. l'Abbé E. Malbois - Bulletin de la Société d'Archéologie et de Statistique de la Drome. Année 1929 (juillet)