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Études réalisées sur les Templiers

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Les Templiers de Provence et le Procès

Le Transfère du Siège Papale à Avignon, et la destruction des Religieux Templiers
Apres la mort du Pape Benoît XI. le Saint Siege ayant vaqué environ un an, le Roy de France Philippe le Bel, voyant que les Cardinaux ne se pouvaient accorder pour l'élection d'un Pape, moyenna par adresse de faire venir en la ville de Lyon, tant les Cardinaux qui étaient en France, que ceux qui étoilent en Italie, et aux autres parties de la Chrétienté, où il se porta lui-même avec Charles Comte de Valois son frère, revenu d'Italie, et avec plusieurs autres grands Seigneurs de France : et fit tant par ses persuasions, que les Cardinaux tombèrent d'accord en l'élection de Bertrand d'Aguttis ou de Gotto, pour lors absent, Français, Gascon de nation, Archevêque de Bordeaux, qui prit le nom de Clément V, et vint incontinent à Lyon , pour y être reçue et couronné en l'Eglise Saint Jean, l'an 1305. Cérémonie qui se fit en grand trouble dans la même ville, et en danger de la personne du Pape. Car comme une grande quantité de peuple, était monté sur une vieille muraille, pour voir la magnificence de ce triomphe, le mur s'affaissa et accabla dans les ruines Jean Duc de Bretagne, et quelques autres Seigneurs, et grande multitude de peuple, blessa le Roy Philippe, et secoua tellement le Saint Père qu'il fut abattu de son cheval, et tombant à terre, il perdit un très-précieux escarboucle, qui étaie à sa Tiare, apprécié à plus de vingt mille florins.

C'est ce Pape, qui, ou pour faire plaisir au Roy Philippe le Bel, qui aurait beaucoup contribué à son Election ou pour les troubles qui étaient encore en Italie entre les Guelfes et les Gibelins, après s'être porté en quelques endroits de France, et y avoir mis son Siege, tantôt à Poitiers, tantôt à Bordeaux : Enfin après le Concile General tenu à Vienne, résolut de s'arrêter tout de bon dans la ville d'Avignon, et y établir son Siege, faisant venir à ce dessein, tant les Cardinaux qui étaient en Italie, que tous les Officiers de la Cour Romaine, laquelle s'arrêta puis après en cette contrée durant l'espace de soixante dix ans : ce qui a donné occasion aux Italiens de nommer cette transférante de Siege Papal à Avignon, la captivité de Babylone, qui avait aussi duré le même espace de 70 ans. Nôtre Roi Charles vint en France pour y voir le nouveau Pape Clément, et lui renouveler son hommage, et son serment de fidélité et d'obédience pour fon Royaume de Sicile, et s'arrêtant puis après quelque temps en Provence, il vint la même année 1305, la Principauté de Piedmont au Comté de Provence, en faveur d'un de ses fils nommé Raimond Bérenger, et lui en passa son investiture, à condition qu'il fournirait toutes les années l'entretien de dix Chevaliers, durant l'espace de trois mois à ses propres dépens. Mais ce Raymond étant décédé bientôt après, le Roi Charles remit cette même Principauté de Piedmont à Robert son autre fils, comme nous verrons tout maintenant.

L'année suivante 1306, le même Roi Charles étant à Brignole, expédia des lettres à François de Lecto pour être son Sénéchal de Provence et de Forcalquier, et en même temps il retrancha un grand nombre d'Officiers en Provence qui étaient inutiles, commettaient sur ses sujets de grandes vexations et violences.

Toutefois l'année suivante 1307, étant à Aix le 16 du mois de janvier, voyant que la Sénéchaussée de toutes les terres de Provence et de Forcalquier était trop grande : pour le soulagement des soins et des peines qu'un seul Sénéchal pouvait prendre en une si grande étendue de pays, au lieu d'un seul il en fit deux : à savoir, un pour les terres du Comté de Provence : et l'autre pour les terres de celui de Forcalquier, outre le Sénéchal pour les terres de Piémont, qui était alors un Raimond de Lecto. Il donna la Sénéchaussée de Provence au sus-allégué François de Lecto; et celle de Forcalquier à un Gérard de Santo Elpidio, aux gages et appointements de mille liards reforciades à celui-là, et de cinq cens liards à celui-ci, leur faisant de très-expresses inhibitions et défenses de n'entreprendre point sur les juridictions et charges des uns sur les autres.

Sous la Sénéchaussée de Provence étaient soumises les Vigueries de Marseille, d'Aix, d'Hyères, de Draguignan, de Grasse, de Nice : et les Baillages de Toulon, de Saint Maximin, de Brignole, du Comté de Vintimille, de Thonières, de Castellane, et de Moustier.

Sous la Sénéchaussée de Forcalquier étaient sujettes les Vigueries de Forcalquier, d'Avignon, de Tarascon, d'Arles : et les Baillages de la Vallée de Demont et de Val de Sture, de Digne, de Sisteron, d'Apt, de Pertuis, de la Mer ou des Trois Maries, de Reauville, et de la Val d'Olle vers le Comté de Grignan.

La même année 1307, les Religieux Templiers (de l'origine et institution desquels nous avons parlé ci-dessus, sur la fin de la vie de Raymond Bérengier premier du nom, l'an 1118.) ou soit qu'ils fussent mal affectionnez des plus hautes puissances de la terre : ou soit qu'ils fussent trop riches, afin qu'on peut profiter de leur débris : ou foit qu'ils fussent véritablement coupables de beaucoup d'énormes crimes dont ils étaient accusez; comme le sortilège de magie, adorant une Idole, en qui ils fondaient toutes leurs espérances; de Sodomie, estimant qu'elle fût licite : de reniement de la Divinité de Jésus Christ, faisant cracher trois fois à l'Image d'un Crucifix, au point de la réception de quelqu'un de leurs frères. Car les opinions des Ecrivains qui parlent d'eux sont différentes : par de secrètes intelligences entre le Pape Clément V, Philippe le Bel Roi de France, et nôtre Roi Charles, auxquels on peut encore ajouter les Rois d'Angleterre, de Castille, d'Aragon, de Portugal, de Hongrie, d'Ecosse, et plusieurs Princes d'Allemagne et d'Italie, furent entièrement détruits et abolis de la Chrétienté ; après avoir subsisté et avoir acquis par aumône de grandes richesses, cent quatre-vingts et douze ans. Ils furent saisis tous à un même jour en Provence, le 24 janvier, auquel jour commença le branle et le son d'autres Vêpres Siciliennes.

Le Roy Charles étant à Marseille dépêcha des lettres closes, et scellées de son petit Scel, à tous ses Officiers, juges, Viguiers et Lieutenants de Provence, du 13 janvier; leur commandant de tenir secrète une affaire, pour laquelle il envoyait d'autres lettres encore plus secrètes, qu'il leur défendit d'ouvrir, jusques avant la clarté du jour du 24 janvier: voire encore dans l'obscurité de la nuit du jour précèdent. C'est ainsi que les premières lettres disaient, adressées à ses Officiers d'Aix, et la même chose aux Officiers des autres villes. [Letre en latin du roi page 328]

Dans les autres Lettres closes et cachetées de son Scel le plus secret, il leur commande que, suivant l'exprès mandement qu'il avait eu de nôtre Saint-Père le pape, de faire saisir tous les Templiers, qui étaient en tous ses états, ils eussent à prendre, saisir et arrêter tous les Templiers qui seraient dans l'étendue de leurs juridictions; comme aussi de prendre tous leurs biens, meubles et immeubles, et de tout en faire bon et valable inventaire, et les déposer à des personnes de probité et de suffisance pour les régir et gouverner, et en rendre compte quand ils en seront requis.

Ensuite desquelles lettres Pierre Gantelme Chevalier et Viguier de la ville d'Aix, accompagné de Ponce Garnier juge de la même ville, et d'autres personnes de condition, se porta « circa horam Mrtutimarum », dit le Procès verbal de sa commission vers l'heure de matines, qui pouvait être beaucoup devant jour, sur les quatre ou cinq heures du matin au mois de janvier, en l'église Sainte Catherine, où les Templiers étaient logé, et en cette grande maison, qui est au devant la porte de la même église (où l'on voit encore quelques marques de leur demeure, comme des têtes d'Empereurs en relief, une montée et escalier, à la façon des cloître, et une chambre toute entièrement dépeinte, ayant à un côté la figure de l'adoration des Rois à la naissance de Jésus, et à l'autre l'image d'un Crucifix, ayant à la droite la figure de la Sainte Vierge, et à gauche celle de Saint-Jean, marques contraires à ce de quoi on les accusaient et faisait ouvrir les portes, il trouva dedans trois religieux Templiers (un quatrième ayant pris la fuite, comme il le conte dans le procès verbal) qui étaient encore couchés : et les ayant fait lever, il fit faire en leur présence un inventaire de tous les ornements de l'église, de tous les meubles, argent, bleds, farines, vins, huiles, et de toute autre sorte de meuble qui se trouvèrent en la cuisine, et en toutes les chambres de la maison, après les avoir arrêtés prisonniers, il se porta le même jour au lieu de Bailés, et à la Grange de la Galinière, qui dépendaient de la Maison du Temple d'Aix, pour se saisir de tous les Templiers qui se trouvaient en ces Maisons-là, et de tous les meubles, bestiaux et immeubles qui appartenaient à ces Maisons.

Et revenant deux jours après, le 26 janvier en la ville d'Aix, accompagné encore, par dessus les autres, de Pierre Raimundi Receveur, il fit saisir les bestiaux qui étaient aux étables et écuries des mêmes Templiers en grand nombres : à savoir trente Cavales, six grands chevaux, treize vaches, neuf taureaux et un autre cheval par dessus les six précédents, c'est ainsi que dit l'écrit :

Anno Domini 1307, die XXVI Junar. Nobiles et disceti viri d. Petrus Gantelmi Miles Vicarius, et Petrus Raimundi Clararius Aquensis Reccensuerunt Aquis in Domo Templi animalia equina Templi, et inuenerunt Equas XXX.
Item sex masculos ronsinos grossorum animalium, et pradicti Equabus quinque sunt Pulla Equina.
Item recensuerunt animalia Vacarum XVI grossarum.
Item nouem animalia Bonina masculina, quorum omnes sunt Vitulis prater unum qui est bos Lasciniens duorum annorum.
Item inuenerunt unum Ronsinum domesticum, quem apud Bailés miserant.

Et de ce grand nombre de bétail le collige que les Ecuries de ces Templiers ne pouvaient pas être tout joignant l'Eglise Sainte Catherine, d'autant que le lieu est trop petit, pour y faire des grandes écuries, mais qu'elles devaient être ce qui est à présent le Monastère des Religieuses de Sainte Claire, où sur l'entrée d'une des très grande porte murée, l'on voit encore aujourd'hui en la muraille deux grands Chevaux, avec un Chevaucheur en relief sur la pierre. Et ainsi l'estiment en quelques façon les Religieuses du même Monastère, qui avouent que leur Monastère était anciennement une Maison des Templiers d'Aix, et qu'elles ont succédées à beaucoup de leurs biens.

J'ai entendu dire par quelques-unes des plus anciennes de ce Monastère, qu'elles auraient autrefois vu au couvert de la Salle de leur Dortoir, des peintures qui représentaient, à leur dire, des figures, les unes moitié homme, moitié cheval : les autres moitié femme, moitié poisson; c'est-à-dire des Centaures et des Sirènes : ce qui ne pouvait avoir été fait que par les Templiers, qui étaient et Chevaliers et Voyageurs sur Mer. Ce qui est conforme à un article de ce Procès Verbal, qui décrivait toutes les appartenances de la Maison des Templiers d'Aix, les écuries éloignées de cette dite Maison, ainsi que de l'église.

Item inunerunt in Cinitate Aquensi Domum Templi cum sua Capella, seu Ecclesia et Cimeterio, et cum Curte, Aula et Cameriis suis, et cum uno Viridario, et cum Furno suo, et Stabulis, qua omnia infra septa ipsius Domus Templi exietunt, et omnia omnibus partefiunt.

Après avoir pris et saisi les meubles de toute sorte, l'on fit faire une criée publique, que quiconque aurait des biens meubles ou immeubles de quelle sorte ou manière qu'ils fussent, appartenant aux Templiers, ils eussent à les révéler sous de grandes peines : et procédant à la commission des immeubles l'on fit saisir au nom du roi les Maisons, Moulins, Terres, Vignes, Près, Cens, dîmes, Services de Bled et de Deniers, que ces Templiers avaient, non seulement au terroir de la ville d'Aix, mais encore ceux qu'ils avaient aux lieux :
De Saint-Paul-de-Durance,
De Vauvenargues,
De Venelles,
De Saint-Canadet,
Du Puech,
De Marigane,
De Saint-Etienne, et le tout sous de bons inventaires et dépôts.

Les Officiers de Pertuis en firent de même pour le lieu de Limaye, où ils trouvèrent quatre Templiers, qu'ils firent prisonniers et les menèrent à Aix, saisissant au nom du roi tous leurs biens meubles et immeubles qu'ils avaient en ce lieu, et entre autre vingt bêtes à laine et cinquante chèvres, de là ils vinrent à la Tour d'Aiguez, où ils firent semblables procédures sur les biens des Templiers. La même chose fut faite par tous les autres baillages de cette province, où il y avait des Maisons de Templiers ;
Dans le baillage de Brignolle, pour le lieu de Montfort ;
Dans le baillage de Sisteron pour les lieux :
De Sedaron et de Sainte-Colombe ;

Dans le baillage de Puget Tenier (qui était en ce temps dans les Etats de Provence), pour les lieux où il y avait des Maisons et des Biens appartenant aux mêmes Templiers, pour les lieux de Rigaud, de Tohet, de Tournefort, Villars, de la Pene, de Cuebris, de Colongue, de Rochete, du Puy Figete, de Ville-Vieille, de Glandeuez, d'Entrevaux, d'Anot, de Guillaumes, de Saint-Benoit, de Braux, de Puget, de Saint-Etienne, de Saint-Dalmas-le-Sauvage (ou Salvage), de Saint-Sauveur, et de Montalban; et vraissemblablement en tous les autres baillages de la province, comme de Digne, de Draguignan, de Grasse, de Colmars, de Seine, de Castellane, aussi bien qu'aux villes d'Arles, de Marseille et de Tarascon, quoi que les procès verbaux de toutes ces villes et de tous ces baillages, ne soient pas enregistrés dans les archives du roi de la ville d'Aix, comme sont ceux dont nous venons de parler.

Arrestation et emprisonnement des Templiers
Quant au nombre des Templiers qui furent fait prisonniers en cette province, j'en trouve jute le nombre de 48. Soigneusement gardés en deux différentes prisons ; à savoir 27, dans le château et la forteresse de Meirargues, et 21 dans la forteresse de Pertuis, dont voici les noms.

Nomina Fratrum Templi coptorum.
Haec sunt nomina Fratrum Templi coptorum, detentorumque in Fortalition Regio Castri de Meyranicis, Primo Videlet :
Fr Raimundus Benedicti, Camerarium Domus Templi Sancti Mauricii, Praceptorque Domus Templi de Bracchio.
Fr. Hugo de Sancto Ioanne, Capellanus Baiulia de Dignen (Digne)
Fr. Bertrandus Bartholomei, Baiulia Grassa (Grasse)
FR. Guillelmus de Signa Baiulia Sancti Mauricii (Saint-Maurice)
Fr. Hugolinus de Capite, Praeceptor Venciens (Vence)
Fr. Guillelmus de Bajolis.
Fr. Raimundus de Angulis, Praeceptor Domorum de Petra Saza et de Areis (Hyères)
Fr. Iacobus Duranti de Bajulia Rua.
Fr. Hugo de Roquofolio, Miles de Bajulia Sancti Mauricii (Saint-Maurice).
Fr. Pontius Aycardi, Camerarius Domus Templi de Rua, Baiulia Grassa (Grasse)
Fr. Petrus de Bregogni, dicta Baiulia.
Fr. Raimundus de Villano, dicta Baiulia.
Fr. Hugo de Brassio, dicta Baiulia.
Fr. Gaudfridus Mutonis ou Musonis, Baiulia Grassa (Grasse).
Fr. Guillelmus Carani, dicta Baiulia.
Fr. Guillelmus Pelegrini, qui aliter vocatur Fr. Guillelmus Gaillardus Baiulia Grassa (Gasse).
Fr. Petrus Ioannis de Monte Meyano, Baiulia Arcarum.
Fr. Fulco de Signa, Miles Domus de Brachio.
Fr. Raimundus Perdigoni de Baiulia Aquensi.
Fr. Ioannes Grangi de Baiulia Grassa (Grasse).
Fr. Guillelmus Bursani, dicta Baiulia.
Fr. Petrus Fillol.
Fr. Rostagnus Castelli, dicta Baiulia.
Fr. Bernardus Homodei Baiulia Grassa (Grasse).
Fr. Vincentius Golfandi.
Fr. Petrus Durandi, Baiulia Grassa (Grasse).
Item, Custoditur Aquis, de mandato Regio, Fr. Albertus Blaccacii Miles, Praeceptor Domorum Sancti Mauricii et Aquis.
Nomina Vero Fratrum Templariorum custoditorum in Fortalitio Regio Castri Pertusio, mandato Regio. Sunt haec, Primo
Fr. Raimundus Catabri miles de Villa Dei.
Fr. Raimundus de Carminiano miles Arelate.
Fr. Guillelmus Augeri ou Auzeri, Praeceptor de La Chau.
Fr. Pertrus Blatendi, Praeceptor Nauis de Massilia (Marseille).
Fr. Ioannes Roy, locumtenens Praeceptoria Arelatens ou Arclatens.
Fr. Ioannes Pubalati Camerarius Domus Arelaten ou Arclaten.
Fr. Petrus Pellipary Capellanus Domus Arcarum ou Arearum.
Fr. Ioannes Anbana ou Anhana Arelatis.
Fr. Petrus Bonizi de Fossis (Fos).
Fr. Raimundus Blancardus Camerarius de Limasia (Limaye).
Fr. Bertrandus de Thore de Limasia (Limaye).
Fr. Raimundus Saluator, ou Sannaire de Limasia (Limaye).
Fr. Guillelmus Cobrati de Limasia (Limaye).
Fr. Hugo Atizalli de Limasia (Limaye).
Fr. Petrus Monini de Auenione.
Fr. Guillelmus Michaël de Auenione.
Fr. Arnaudus de Bajulia ou Baiulia Arearum.
Fr. Guillelmus Berengary de Bajulia ou Baiulia Nissia.
Fr. Hugo Albergary de Nissia.
Fr. Guillelmus Gnignon Capellanus de Nissia.
Fr. Iacobus Viboni de Nissia.
Ego B. de Lanzola Notar publicus hac scripti et signo meo quo utor signani.

Quelle fut la fin de ces prisonniers Templiers de Provence
A savoir dire quelle fut la fin de ces prisonniers Templiers de Provence, certes ce serait à deviner, puisque nous n'en n'avons rien d'écrit dans les Registres anciens des sus-alléguées Archives du Roy. Et puisque cette grande affaire a duré cinq ou six ans par toute la France, et aux autres Royaumes de la Chrétienté, au rapport du sieur Dupuy, qui décrit merveilleusement bien l'Histoire des procédures qui furent faites dans Paris, devant la condamnation de cet Ordre au Concile gênerai de Vienne, l'an 1311, et que pendant ce temps plusieurs Templiers allaient librement par toute la France, on ne peut rien dire de certain pour ceux qui étaient détenus en Provence. Il est vrai qu'en quelques Provinces il en fut puni quelques-uns de quelques légères peines, que beaucoup dans Paris furent brûlez à diverses reprises : à une fois au nombre de 54, à une autre 59, et à la dernière fois le grand Maître de l'Ordre, et un nommé Guido frère du Dauphin de Viennois. Mais aussi est-il vrai que plusieurs en diverses Contrées de France, et mêmes dans Paris, furent absous et délivrés : beaucoup plus en Allemagne et en divers endroits d'Italie : qu'en quelques Royaumes d'Espagne ils furent faits prisonniers, et en d'autres ils furent déclarez innocents : et par tant, puisque nos mémoires anciens ne nous marquent pas quelle fut l'issue de la capture de ces prisonniers, nous n'en pouvons rien dire de certain : vu mêmes qu'il confie, qu'en quelques endroits de la France l'on en laissa vivre quelques-uns le reste de leurs jours, après la condamnation de leur Ordre et quoi que le sieur Dupuy rapporte de l'Histoire de Nostradamus, que les prisonniers Templiers des Comtés de Provence et de Forcalquier, furent tous condamnez à la mort et exécutés. Il y a de l'apparence que le Roi Robert, dit le Sage et le Bon, Comte de Provence, succédant au Roy Charles II son père, qui mourut en ce temps, disposant de leurs biens selon l'intention du Concile, usa de clémence envers leurs personnes. Et bien que dans une commission du Pape, pour informer sur le fait de ces Templiers, adressée aux évêques de Narbonne, de Bayeux, de Mende et de Limoges : et aux Archidiacres de Rouen, de Trente et de Maguelonne, il y soit fait aussi mention d'un « Guillelmo Argarino Praposito Aquensis », Commissaire député comme les autres et néanmoins il n'appert pas si cet « Aquensis est Aix », ou Acqs en Guyenne : et bien qu'il fut vrai que ce fût Aix en Provence, il conte évidement en deux et trois parts du procès, fait ensuite de cette bulle du pape, que ce Guillaume Agarin s'excusa de procéder en cette commission, qui se faisait dans Paris, et qu'il n'y voulut pas y assister : d'où l'on peut en quelque façon inférer, que la poursuite ne fut pas si grande en Provence comme dans les autres provinces de France.

Quant aux biens des Templiers, qui étaient immense en divers endroits de la Chrétienté, pour les meubles, l'on ne savait point quel compte, il en fut fait, et quelle destination en fut ordonnée. Pour les immeubles, cet Ordre étant supprimé par Ordonnance expresse du sus-allégué Concile de Vienne en Dauphiné, ils furent généralement affectés (avec toutes les grâces et tous les privilèges accordés aux Templiers par les souverains Pontifes, roi et autres Princes) aux religieux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, excepté les biens qu'ils auraient en Espagne, qui furent diversement appliqués : à savoir en Aragon pour l'érection de l'Ordre de Calatrava contre les Maures ; en Castille, aux Hôpitaux, mais le roi Ferdinand IV, les retint puis après pourvoit ; en Portugal pour l'institution de l'Ordre des Chevaliers du Christ.

Néanmoins parce qu'après la résolution du Concile de Vienne, affectant et unissant tous ces biens aux Hospitaliers de Saint-Jean, le Pape fit une Bulle, par laquelle il déclara, que faisant une telle union, il n'avait pas entendu que ce fût au préjudice des droits que les Rois, Princes, Barons et autres pourraient avoir sur les biens de ces Templiers au temps de leur capture, protestant que cette omission avait été faite par inadvertance, et par la faute de celui qui avait écrit cette Bulle : de là vient que plusieurs Princes et autres personnes étendant leurs droits, sans contredit, à leur avantage, ou se font usurper de tels biens, ou les ont affectés à d'autres personnes ou Communautés Religieuses. Et ainsi voyons-nous qu'en Provence tous les biens des Templiers n'ont pas été accordés aux précédents Hospitaliers de Saint-Jean : d'autant qu'il s'en trouve beaucoup aujourd'hui qui sont possédés par des gens laïques, et que quelques-uns ont été donnés a d'autres Communautés Religieuses, comme nous avons dit un peu auparavant, parlant du Monastère de Sainte Claire de la ville d'Aix.

Or si les accusations de ces Religieux étaient véritables, et les condamnations qui s'en sont suivies étaient jutes, les sentiments des Ecrivains sont différents : il n'est pas à nous d'interposer le nôtre ; il en faut laisser le jugement à Dieu, qui à raison de sa grande Sagesse et lumière ne se peut tromper, ni ne peut être trompé , comme bien souvent et l'homme, qui est obligé de juger selon l'extérieur, et les choses alléguées et prouvées.

J'ajouterais seulement, que cet Ordre avait régné et fleuri durant l'espace de 192 ans, depuis l'an 1118 jusques vers l'an 1310 sous la conduite de vingt-huit grands Maîtres, au témoignage du sieur de Boissieu, premier Président en la Chambre des Comptes du Dauphiné, en son premier imprimé des quatre merveilles du Dauphiné, de l'an 1638, lesquels noms ont été tirés par la curiosité très savante de Joseph Maria Suarez Evêque de Vaison, des Archives de la Chartreuse de Bompas, qui plus que vraisemblablement devait être auparavant de cet Ordre.

Catalogue des grands Maitres des templiers
1118. Hugo de Paganis.
1136. Robertus Burgundio.
1149. Ebrardus ou Eurardus.
1153. Bertrandus de Tramelay, ou Bertrandus de Trenellage.
1158. Bertrandus de Blanchefort.
1165. Andreas.
1168. Philippe de Neapoli.
1171. Otho, ou Odo de Sancto Amando.
1179. Arnaldus de Torrege, ou Troge.
1186. Gerardus de Ridefort.
1190. Gualterius.
1195. Robertus de Sabloil.
1196. Gilbertus Horal, ou Erailus.
1198. Pontius Rigaldus.
12... Philippus de Plessiez.
1210. Petrus Montacutus.
1216. Guillelmus Montredonius.
1218. Guillelmus de Carnoto.
1244. Hermanus Petracoricencis.
1250. Guillelmus Sonnat.
1264. Petrus de Belgiou.
1272. Robertus.
1285. Guifredus de Salvaing.
1288. Petrus de Belgiou, ou Bellivisus.
1291. Guillelmus de Belloioco.
1309. Jacobus Molay.

Les derniers jours du roi Charles
Le Roi Charles étant dans la même ville de Marseille le 15 du mois de Mars de la même année 1307, confirma les dons, biens et privilèges accordés au Monastère de l'Abbaye de Nôtre Dame du Toronet, par trois de ses tenanciers au Comté de Provence, à savoir Raimond Bérengier, Ildefonse Roi d'Aragon, et autre Raimond Bérengier, desquels privilèges j'ai parlé au-dessus en la vie des princes. La date de ces Patentes die, Datum Massitia per manus Baribolomai de Capua Militis Lozotbeta et Prothomotary Regi Sicilia, Anno Domini M. CCC. VII. die 15 mars 5 Indict regnorum nostrorum an 23.

Et quelque temps après en la même ville de Marseille il confirma aux Religieux Hospitaliers de Saint-Jean les donations de quelques places, que les anciens Comtes de Forcalquier leur avaient faites, dont nous avons parlé au discours des Comtes de Forcalquier.

L'année suivante 1308, étant à Aix, il remit à Bertrand de Baux Prince d'Orange, toute la part de la Principauté d'Orange, qu'il avait acquise des Religieux Hospitaliers de Saint-Jean, moyennant certaines conventions, qui furent accordées entre eux le 22 de Mars, rapportées par le sieur Dupuy au traite des Droits du Roy sur cette Principauté. Conventions qui prouvent clairement la Souveraineté que le Roy prétend sur cette Principauté, ce Bertrand s'étant déclaré vassal et homme lige du Roy Comte de Provence. La date de cette Charte dit ainsi; Actum Aquis in Hospitio Regio contiguo Monastierio Sororum B. Moria de Nazareth, etc.

Sept jours après, le 19. Mars étant en la même ville d'Aix, il fit don aux Religieux de Saint François de la ville de Marseille, de la somme de 50 livres reforciades, à prendre tous les ans sur les Leyde de la ville d'Hères, pour être employées à l'achat des vêtements pour ces Religieux.

Le mois d'Avril suivant, après avoir bien règle et policé l'Etat de Provence, il s'en retourna en son Royaume de Naples, où le 15 du mois de May de la même année 1308, se trouvant malade pour la grande agitation de la mer, en son Châteauneuf prés de la même ville de Naples, considérant la nécessaire condition de la vie humaine de faire tribut à la mort, pour prévenir les divisions qui pourraient arriver entre ses enfants, pour le partage de ses Etats, il fit son testament, par lequel il institua pour héritier universel en tous ses Etats de Sicile et de Provence son fils Robert, duc de Calabre, avec des clauses de substitutions venant à mourir sans enfants en faveur de ses frères : auxquels il assigna quelques Comtés et Principautés pour leur part et portion en son héritage : et fit de grands lègues en argent à ses filles, petites filles. Le tout particulièrement désigné dans son testament, rapporté presque tout au long par le sieur de Nostradamus.
Lire la totalité du chapitre à la page 327 dans le texte original.
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Sources : L'Histoire Chronologique de Provence, tome II depuis l'établissement de son comté jusqu'aujourd'hui le XVIIe siècle. Par le sieur Honoré Bouche docteur en théologie, A. p. D. S. L - Imprimé à Aix par Charles David imprimeur du Roi, du Clergé, et de la Ville d'Aix - M. DC. LXIV - 1664

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