Histoire de la ville de Malaucène
Malaucène et lenclave des PapesDépartement : Vaucluse, Arrondissement : Carpentras, Canton : Malaucène - 84
Wikipedia
Clément V
La grande préoccupation du pontife dans sa retraite fut, avec les ennuis, suscités par le roi de France, la convocation du concile de Vienne où devait être traitée la grave question de la suppression de lordre des Templiers.
Le 15 septembre 1311, le pape, accompagné de plusieurs cardinaux, partit de Malaucène pour se rendre à Vienne où devait se réunir le concile général. Il fit lui-même louverture de cette grande assemblée, le 16 octobre suivant, la présida en personne et la clôtura le 6 mai 1312.
La bulle contre les Templiers fut donnée à Vienne (Datum Viennae, VIe nonas maii, pontificatus nostri anno VIIe) et non point à Malaucène comme le veulent certaines personnes induites en erreur par un savant travail inséré dans le journal Le Monde.
Ces articles, rédigés daprès la Civita Cattolica et la Correspondance de Rome, parlent bien de Malaucène, à propos de la suppression de lordre des chevaliers du Temple (Apud Malaucenam, Vacionis dioeceseos ?, mais ceci est dit simplement des enquêtes ordonnées et nullement de la bulle.
De retour dans le Comtat, Clément soccupa de rédiger lui-même les constitutions du concile de Vienne. Il les mit en ordre dans sa chère solitude, voulant en faire un septième livre des Décrétales, comme Boniface VIII avait fait le sixième, connu en droit canon sous le nom de Sexte Il fit publier devant lui ces constitutions du concile, dans un consistoire tenu à Monteux, pays quil affectionnait beaucoup et dont il avait fait acheter la seigneurie par un de ses neveux. Ce travail ne fut pourtant terminé et promulgué par son successeur Jean XXII, quen 1317, sous le nom de Clémentines.
Jean XXII (1316-1334)
Clément V avait décidé (1) que les biens des Templiers seraient dévolus et transmis aux chevaliers de Saint-Jean ou Hospitaliers. Cette mesure rencontra des obstacles énergiques, en France, de la part de Philippe-le-Bel. Dans le Venaissin, au contraire, les choses se passèrent comme lavait voulu le souverain Pontife, et les Hospitaliers entrèrent en possession de la dépouille des Templiers.
Ces derniers ne tardèrent pourtant pas a sen dessaisir en faveur de Jean XXII, auquel ils voulaient faire la cour, dit Fornéry, en laidant à arrondir le petit état pontifical (3).
Lacte de donation est du 25 novembre 1320. Il comprend lénumération des dix-huit localités du Comtat, dans lesquelles les chevaliers supprimés avaient soit des commanderies, soit des maisons, soit des terres : Malaucène figure dans cette liste au dix-septième et avant-dernier article (4).
Ne pouvant citer lacte lui-même puisquil nous a été impossible de le retrouver, nous transcrivons ce que dit Fornéry, dans son Histoire du Comté Venaiasin, Tome I, livre V, chapitre IV.
« Les chevaliers de lordre de Saint-Jean-de-Jérusalem qui avaient succédé aux biens des Templiers dans le Comté Venaissin, considérant que ces biens leur étaient de peu de profit, à cause des dépenses considérables quils étaient obligés de faire pour lentretien et la garde des forteresses et pour les réparations des maisons et voulant faire leur cour au Pape qui parut les souhaiter, firent donation au Saint-Siège de tous ces biens dont voilà la liste, linstrument de cette donation en date du 25 novembre de lan 1320. »
En historiens consciencieux et désireux de prouver par des pièces authentiques les faits que nous énonçons, nous devons déclarer que nos recherches ayant pour but détablir dune manière incontestable que les Templiers possédaient une commanderie à Malaucène, nont pas abouti.
Cest vainement que nous avons fouillé dans les archives de Malaucène, dans celles de la préfecture des Bouches-du-Rhône, où nous pensions à bon droit trouver quelques documents (5), et dans celles de la préfecture de Vaucluse (6). Cest vainement encore que nous avons fait faire des recherches aux Archives Nationales et à celles des départements de lIsère et de la Drôme, indiquées comme pouvant nous fournir des indications.
Nous serons donc forcés de faire les plus grandes réserves au sujet de ce que Guinier nous en dit. Nous ne prétendons pas nier absolument ce quil prétend, mais nous déclarons, dans tous les cas, ne rien accepter les yeux fermés et lui laisser lentière responsabilité de ce quil avance.
Daprès lhistorien de Malaucène, la principale propriété des Templiers, à Malaucène, consistait en un couvent situé sur la colline de Clairier, au nord-ouest, en un lieu doù lon découvre le village du Barroux.
La chapelle dédiée à saint Martin avait une forme assez insolite, car elle était à deux nefs. Chaque nef avait son autel.
1 — Cayrane, avec son église et sa forteresse.
2 — Montaigu, proche Valréas, dont la plus grande partie leur appartenait en propre avec la justice haute, moyenne et basse.
3 — Boisson, avec sa forteresse.
4 — La 12e partie de Valréas qui avait appartenu aux Templiers avec les maisons, four, moulin, fief, propriétés, etc., comme aussi ce qui appartenait en propre à lordre de Saint-Jean-de-Jérusalem.
5 — Richerenches, leurs maisons avec les terres, bois, prés, vignes, etc.
6 — Barbotan, près Richerenches, avec léglise, la cure, la maison, etc.
7 — Solericau, tous les biens quils y possédaient.
8 — La maison quils avaient dans Saint-Paul-Trois-Châteaux, hors du Comtat, avec la chapelle, pré, vigne, moulin, etc.
9 — Pierrelate, tout ce quils y possédaient avec le château.
10 — Lapalud, diocèse de Saint-Paul, tout ce quils y possédaient.
11 — Saint-Romain-de-Malegarde, les parties quils y avaient.
12 — Ville-Dieu, leur maison.
13 — Sainte-Cécile, avec léglise.
14 — La Garde-Paréal, avec ses appartenances.
15 — Mornas, tous les biens quils y avaient, et qui avaient appartenu a Guillaume Girard.
16 — Bompas, avec la grange de Donneto.
17 — Malaucène, tout ce quils y possédaient.
18 — Pernes, leur maison et tout ce quils y avaient.
On remarquera que, en ce qui concerne Malaucène, Fornéry se maintient dans des généralités, et ne cite ni maison, ni église, ni chapelle, ni même une grange.
Que conclure de cela sinon que les propriétés des Templiers se composaient exclusivement de terras diverses, disséminées dans le territoire ?
« Lédifice mesurait, dit Guinier (7), sept cannes de long sur cinq de large. Après la disparition des chevaliers du Temple, la chapelle cessa dêtre entretenue et sa voûte finit par sabimer (8). »
Jusquà ce moment, cest-à-dire jusquà la fin du XVIe siècle, ce petit sanctuaire servit de lieu de pèlerinage annuel pour les gens du pays. Ceux-ci, le jour de la fête de saint Martin, évêque de Tours (11 novembre), sy rendaient en procession et assistaient à la messe célébrée par le curé de la paroisse.
Sous la chapelle il existait encore, vers le milieu du XVIIIe siècle, un souterrain voûté dans lequel Guinier pense que lon ensevelissait les religieux-chevaliers. « Une personne qui y était descendue massura, dit cet auteur, y avoir vu plusieurs bancs de pierre disposés autour de lappartement, ainsi quune table de pierre, au milieu, soutenue par un pilier sculpté. »
« Cette salle, de la manière dont elle était disposée et placée, nétait pas ouverte à tout le monde on ne pouvait y pénétrer que par une trappe, de forme carrée, recouverte dune pierre qui, lorsque elle était, en place, ne laissait pas soupçonner lexistence dun souterrain. »
« A côté de la chapelle de Saint-Martin, lon voyait encore de jolies et épaisses murailles en pierres de taille une vaste a cour environnée darcades, au nombre de douze, et qui servait de cloître aux religieux plusieurs salles voutées avec nervures, etc. »
« On a découvert en cet endroit quantité de pierres de taille, ciselées ou sculptées, que lon a employées pour la plupart aux murailles des terres voisines. De tout temps on a trouvé à Clayrié des pièces dargent ou de métal de toutes les formes et de toutes les qualités, dont plusieurs ont passé par mes mains, sans compter le sceau de lordre qui mest resté. Cest une pièce de métal, en ovale, aboutissant en pointe des deux côtés, comme un agnus pascal, grossi au milieu, avec la devise Sigillum ordinis. Il y a par derrière une petite anse pour le tenir. »
Ces dernières sont formées dune nef unique, à plein cintre, munies de contreforts, si bien bâties et tellement solides quelles sont de force à affronter encore les atteintes de plusieurs siècles.
« Jai un parchemin daté du monastère de Saint-Martin, près de Malaucène. (Monasterium sancti Martini, prope Malaucenam, diocesis Vasionis.) Cest une transaction entre les cheavaliers du Temple, de Malaucène, et le seigneur Guillaume Albaruffa (du Barroux). On voit figurer sur cette transaction le nom de dix religieux :
« Guillaume de Valforte, supérieur; Johannes du Puy, assistant; - Suprémont de Cathérie; - Bollerd dEntrechaux; - Bernardi Isnard; - Stuad de Mellauret; - Julien Fontini; - Dragonet de Maubec; - Petre Rostagni; - et Cachou Plantini. »
« Cet acte est du XII des calendes daoût (21 juillet) 1245 (9). »
Lauteur de lHistoire manuscrite de Malaucène parle ensuite de la source communément appelée la font du Pertuis et à laquelle la tradition, si nous en croyons certaines personnes, aurait conservé le nom de Fontaine des Templier.
Elle coule sur les flancs de Clairier, et du côté nord-est, au-dessous de la ferme dite Tabardon. Il est facile de la retrouver elle est à peu de distance de lancienne voie romaine et sur le sentier qui conduit de la source de Charombel à lEscours de Boucher.
En creusant le sol près de cette source, « dont le cours a été coupé », suivant Guinier, on trouva de fort grosses pierres de taille, dont plusieurs mesuraient une « canne. » On exhuma également une grande pierre de moulin et dautres débris qui indiquaient dune façon indubitable lexistence dun moulin.
« Jen parle savamment, dit Guinier, puisque jai acheté une partie de ces pierres de taille pour ma maison, dont la porte principale fut faite et posée les 17 et 18 du mois de mars de lannée 1695. »
Or, toutes ces pierres avaient été extraites du sol en 1692, lors de la construction de la ferme de Tabardon.
Jean XXII et ses successeurs ne partagèrent point laffection de Clément V pour la solitude du Groseau, mais on y vit plusieurs cardinaux et, entre autres surtout, Bertrand de Montfavet, neveu et créature de Jean XXII.
Bertrand avait acheté dans la ville et le territoire de Malaucène de nombreux immeubles maisons, vignes, prés, chènevières, etc. Linventaire du Pont et de et lOeuvre sainct Benoit (ou Bénézet) (10), mentionne une bulle de Clément VI par laquelle ce pape mande au recteur du Comtat de donner linvestiture de tous les biens du cardinal (11) à ses héritiers et autres ayant-cause faisant payer une seule fois le droit de lods. Ce manuscrit nindique pas la date du document apostolique mais cette clause de ne faire payer les droits quune seule fois donne facilement à entendre que ces biens nouvellement acquis par les héritiers avaient déjà passé en dautres mains.
Sources : Histoire de la ville de Malaucène et de son territoire. Tome 1, par Ferdinand Saurel et Alfred Saurel. Avignon 1882. BNF
Notes
1. Labbé Ross, auteur des Etudes historiques et religieuses sur le XIVe siècle, parlant de la prospérité de nos pays durant le séjour des papes, dit (page 8) que Vaison (eut) une résidence papale. Il confond Malaucène avec Vaison.
2. Bulle : Ad providam.
3. Fornéry, livre V, page 378.
4. Linstrument de cette donation serait, daprès Fornéry, aux Archives de la Préfecture (Chambre Apostolique).
5. Inventaire du grand prieuré de Saint-Gilles, par M. de Grasset.
6. Chambre Apostolique.
7. Chapitre XVII.
8. Rien de tout cela ne milite en faveur de la construction de lédifice par les Templiers. Il reste assez déglises réellement levées par ces personnages dans les Bouches-du-Rhône et dans le Vaucluse même pour voir quil nexiste aucune ressemblance entre Saint-Martin de Clairier, de Guinier, et les églises des Templiers.
9. Laffirmation de Guinier est très nette; mais nous nous expliquons difficilement comment, en lannée 1210 et le 15 février, un nommé Arbert Martel donnait à la maison des Templiers de Roaix, plutôt quà la maison de Malaucène, une partie de ses propriétés, bien quil fit son dernier testament dans sa propre maison de Malaucène. Ne semble-t-il pas étrange que ce mourant allât chercher loin de sa commune des Templiers, lorsquil en avait sous la main, dans son propre pays, à Malaucène même, à moins, toutefois, que lon ne place la fondation de la Commanderie, entre les années 1210 et 1245 ?
Voici un extrait de cet acte de donation (Cartulaire des Templiers et des Hospitaliers par labbé Chevalier, page 130) :
« Notum sit quod ego Arbertus Martelli donc Deo et Beate Marie de Roais et fratribus présent, et fut, in ea domo servientibus. pro remissione anime mee et antecessorum meorum, omne jus et omnem dominicaturam quam emeram a W et R de Roeaz in Castro de Boissona, intus et foris in toto tenemonto suo, scilicet quartam partem et hoc donum facio in ultimo testamento meo, in propria domo mea ad Malaucenam, et volo quod valeat jure testamenti, si non qualicumque racioni ultime voluntatis, etc. »
10. Manuscrit in-folio de la bibliothèque de M. labbé Correnson dAvignon.
11. Décédé en 1343.
Sources : Histoire de la ville de Malaucène et de son territoire. Tome 1, par Ferdinand Saurel et Alfred Saurel. Avignon 1882. BNF
Retour Etudes