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Cartulaires des commanderies Templières

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    Richerenches et Bourbouton

    Au pluriel, car elles furent deux : Les vieilles, « bornées au levant par « le territoire de Valréas, au nord, par celui de Grillon, au couchant, par le bois et les autres Richerenches qui sont terre du Pape, au sud par le territoire de Valréas, avec la Coronne au milieu » ; les autres (on ne trouve pas les neuves) entre la Coronne, la route de Grillon et l’Olière ; territorium Richerenchiarum, ou ne trouve que le pluriel. C’est sur ces dernières que fut bâtie la Commanderie. Quant au territoire de la Commune actuel, c’est celui des deux Richerenches, doublé par celui de Bourbouton, sur lequel se trouvait la très ancienne église, aujourd’hui chapelle de Saint-Alban.

    Que signifie ce nom de Richerenches qui n’a pas tournure latine et doit être antérieur à la conquête romaine ? En tout cas faut-il une fois pour toutes rejeter la sottise, car ce n’est même pas une légende, de la Riche Renche Y eut-il même, pendant des siècles, un seul habitant, avant la fondation de Saint Alban et celle du prieuré des Vieilles Richerenches ? Celles-ci furent sans doute les premières peuplées, nous ne savons quand, ni comment ; en tout cas, c’est au Xe siècle qu’y fut établi un prieuré de l’ordre de Cluny, dépendant du Prieuré de Saint Saturnin du Port, (le Pont-Saint-Esprit), qui le fonda après avoir lui-même été donné à Cluny en 954. De ce vieux prieuré prioratus Beate Marioe de Richarenchiis veteribus, le cartulaire de la Commanderie ne parle jamais. Le plus ancien document qui le mentionne est de 1253. Alphonse de Poitiers en prenant possession du Venaissin, prie ses agents de s’informer de quel seigneur, a quo tenentur dépendaient les Vieilles Richerenches. En 1268, le prieuré de Saint Saturnin du Port, fit faire par les agents même du comte de Poitiers son enquête sur ses possessions dans le marquisat de Provence : Tulette, Colonzelle, Saint Pantaléon, Saint Turquaud, Rousset, Croc ut les Vieilles Richerenches. L’enquête établit que les Prieurs de Saint Pantaléon, étaient seigneurs des Vieilles Richerenches pour les Prieurs de Saint Saturnin.
    En 1414, une quittance donnée au prieur de Colouzelle, Jean Jaquetau, par l’évêque de Saint Paul, affirme que le doyen y lève dîmes et redevances pour l’évêque depuis 14 ans, et que le prieuré depuis très longtemps appartenait à la mense épiscopale. A cette époque, l’église qu’y avaient dû bâtir les Clunisiens existait-elle encore, et depuis quand et dans quelles conditions avait-elle été abandonnée ? En tout cas en 1460, l’évêque Genevès qui s’appliquait à reconstituer sa mense, revendiquait la propriété détenue par Jean Alard de Valréas (1).
    1. Gallia Christiana novissima, Tome IV, n° 566.

    L’acte nous affirme qu’il appartient depuis longtemps au spirituel et au temporel à l’évêque : qu’en 1437, par acte reçu Jean Doux, Hugues de Theyssiac, administrateur du diocèse de Saint Paul, avait réduit du douzième au dix-huitième, la dîme d’un territoire peu fertile et ravagé par les guerres et la peste : que cette dîme que les laboratores apportaient à Valréas, était affermée par Jean Alard, après son père, Antoine. Cet à cet acte que nous avons emprunté les limités du territoire qu’il qualifie d’assez grand, mais peu cultivé. Il n’est pas question d’église ; une liste des curés présents au synode de 1569 à Saint Paul, mentionne le Recteur des Vieilles Richerenches et le recteur des autres Richerenches. La carte de Cassini marque, entre deux fermes quelle appelle le Bousquet et Chapuis, Notre-Dame de Vieille : au milieu du XVIIIe siècle le souvenir n’en donc était pas perdu. Il ne reste aujourd’hui ni ruines, ni souvenir.

    II
    Ce Cartulaire de la Commanderie de Richerenches nous fait connaître quelques noms anciens du territoire ; l’étang de Granouillet au quartier de ce nom ; les rivières de l’Olière, du Rieusec et de la Coronne qui à cette époque s’appelait l’Elson, Auzon ou Lauson : le Tolobre les Cellares aurei, celliers d’or, ou est aujourd’hui le moulin (1), le campus rotondus, ou chamron (il y avait dans le voisinage Chamlong et Chamlas) ; il chairon, lou queiroun, de quelque grosse pierre isolée servant de repère ; la garriga mala ; (Malbosquet ?) Le pré du moine (prieur de Saint-Amans), au nord de la Coronne vers le Lez ; la condamine de Joncquières dont le nom sent le marécage ; la condamine de Richerenches entre la terre des Chabres ou Chabrier (2) à l’est de la garrigue ; au nord, le quartier de l’Urtidez, ou Urtize, nom d’un ruisseau ou fossé entre le chemin de Valréas à Saint-Paul, au nord celui de Visan à Grillon, au levant, la Coronne au sud, la terre des Chabriers, au couchant (aujourd’hui le Bosquet du Teule ?)
    1. Gallia Christiana, novissima, IV. 882.
    2. Archives Nationales J. 1021.


    Ce territoire était traversé par les routes de Saint-Alban à Colonzelle, de Saint-Alban à Bourbouton et Valréas, de Visan à Grillon, qui passait au Gros-chêne, de Valréas à Saint-Paul, qui existent toujours.

    Aucun personnage ne porte le nom de Richerenches ; les propriétaires sur son territoire que nous fait connaitre le cartulaire sont tous des environs. Nous en pouvons conclure que, sauf peut-être les Cellares aurei, en 1136, le territoire actuel de Richerenches était inhabité et n’avait, pas de seigneur, mais seulement des propriétaires.

    En 1118, se fonda l’ordre des Templiers, la milice du temple de Salomon et de Jérusalem. En 1128, le Concile de Troyes prescrit l’envoi de chevaliers ou frères dans toute la chrétienté, à charge de solliciter des dons. En 1136, ils vinrent à Saint-Paul. Grâce aux donations de l’évêque Pons de Grillon qui leur donna le baptistère de Saint Jean Baptiste attenant à la cathédrale, des familles Viader, de Pierrelatte, de Saint-Pasteur, Vieil, Carbonel, ils y fondèrent un premier établissement. Mais ils avaient besoin d’un vaste territoire pour cultiver et faire de l’élevage et ravitailler ainsi les frères qui combattaient. Pons connaissait le territoire de Richerenches et de Bourbouton et leurs divers propriétaires. Sur son conseil, ils décidèrent de donner au Temple de quoi s’établir aux Richerenches et à Bourbouton. Le cartulaire de la commanderie de Richerenches, c’est à dire la collection, incomplète d’ailleurs, des actes ou chartes d’acquisition par les Templiers de leurs biens territoriaux est arrivé jusqu’à nous. En 1907 le marquis de Ripert Monclar l’a publié. Les 265 actes dont il se compose sont une mine presque inépuisable de renseignements sur la commanderie de Richerenches, sur les pays voisins, de 1136 à 1214. Nous en extrairons ce qui concerne l’histoire de la commune.

    C’est dans l’acte I de 1136 que fut faite la première donation au Temple. Hugues de Bourbouton, et son neveu Bertrand, Ripert Fouras, Guillaume Maleman, Hugues Boïc et ses frères. Pierre d’Hugues de Visan et Guillaume d’Hugues son frère, Pierre de Mirabel et Géraud son frère, Géraud de Tournefort et Hugues son frère. Pons d’Humbert, Etienne d’Arman, Guillaume de Roussillon et son frère Hugues, Pierre Barbarin et Guillaume son frère, Pierre de Papard son neveu et sa mère Paparde, donnent pour toujours en franc-alleu, à Dieu et aux Chevaliers du Temple, pour que Dieu soit propice à leurs péchés et à ceux de leurs parents, tout le territoire borné au levant et au nord par des croix, au sud par la borne, au couchant par l’émissaire de l’étang de Granonillet. C’est le territoire des vieilles Richerenches. Le don était fait à Arnaud de Bedos, Hugues de Panas et Guichard. Les donataires étaient tous parents de Hugues de Bourbouton. Hugues avait un fils Nicolas et une fille qui n’est pas nommée : sa femme s’appelait Marquise ; elle entra plus tard en religion, peut-être à Bouchet qui se fondait à cette époque, en 1138, quand son mari, de son côté, entra dans le temple ou il devait devenir commandeur de Richerenches, dont il est, avec Pons, le vrai fondateur. Ainsi finissait en donnant ses biens à l’église, cette famille de Bourbouton qui, un siècle auparavant, les avait plus ou moins justement acquis d’elle. La charte qui ouvre le Cartulaire de la Commanderie est l’acte de naissance de Richerenches qui lui a succédé.

    Nous n’avons pas à dire, comment pendant trois quarts de siècle les Templiers reçurent en don et surtout acquirent, car ils les paient, les différentes terres que les firent possesseurs de tout le territoire de Richerenches, de Bourbouton et d’une partie du Brento territoire de Visan, au sud du Tolobre, où l’on croit qu’ils bâtirent plus tard la Bastide, dont nous n’avons aucune mention dans leur cartulaire. Ce territoire si vaste était alors à peu près inculte, n’étant que garrigues, hermes, étangs ou marais. Ils eurent à le défricher et ce sont eux qui lui ont donné la valeur qu’il a aujourd’hui ; seuls d’ailleurs, en ce temps, ils étaient, par leur capital d’hommes et d’argent, capables de le faire.

    En possession du territoire des Vieilles Richerenches, les Templiers commencèrent à bâtir la Commanderie on maison de Notre Dame des Richerenches, Domus Beatre Marie de Richerenchiis En 1143, ils travaillaient à la maison même : domus quœ œdificatur : l’église était achevée en 1147, ou un acte est passé devant les portes de l’église, et un autre sur l’autel de l’église ; (N° 31-60) avant cette date il n’est pas question d’elle, et il l’est sans cesse après.

    La vie de la Commanderie jusqu’au commencement du XIVe siècle fut celle de toute commanderie ; vie de prière et de travail selon la règle du Temple ; on y fait de l’élevage, cheval et mouton, on y vend de la laine et du blé de qualité. Le personnel est celui de toute commanderie : à la tête est le Commandeur ou Précepteur. Voici les noms de ceux qui nous sont connus :
    Arnauld de Bedos.
    Hugues de Panas.
    Hugues de Bourbouton.
    Déodat ou Do de l’Estang, peut-être de la famille de Chamaret.
    Pierre de la Rouvière.
    Hugues de Barcelonne.
    Foulque de Braz.
    Pierre Itier.
    Hugolen.
    Bremoud.
    Deodat de Brusiac.
    Bertrand de la Roche.
    Rostaing de Comps.
    Ramond Segnier.
    Raimond Chambarut.
    André Mathias.
    Guillaume Hugolin.
    Rambaud Alziari.

    Il y avait des frères ecclésiastiques, Capellani prêtres, diacres ou clercs, des frères proprement chevaliers, milites, des écuyers, armigeri, des sergents ou domestiques, les sergents d’armes, les autres de culture ou de métier : enfin les donats qui vivaient auprès de la commanderie comme auprès d’une maison de retraite. Ainsi Guillaume Pelestort de Taulignan mort eu 1179, et après lui sa veuve Marie de Valréas, se donnèrent tous deux au Temple et leur apportèrent en compensation la moitié de Saint-Marcellin.

    Le 24 décembre 1229, Lamy, évêque d’Orange, rendit une sentence arbitrale qui mit fin à un différend entre les Prieurs de Saint Saturnin du Port de Pont Saint-Esprit), et la Commanderie de Richerenches, au sujet des droits du doyen de Colonzelles sur une partie du territoire de Richerenches, située entre les terres cultivées de la Commanderie et le Rieussec, bornée par des bornes marquées de croix que son prédécesseur Hugues Morent avait fait, poser.

    Il régla :
    1° — Que pour toute cette terre que la Commanderie tiendrait au nom du doyen, elle paierait à la fête du milieu d’Août une cense de 5 sous viennois.
    2° — Que pour la terre qui était entre l’Olière vieille et l’Olière neuve, depuis Grillon jusqu’au moulin de Richerenches, et qui était bornée au nord par le Rieusec, au sud (au vent) par les terres cultivées par la Commanderie, celle-ci paierait le vingt cinquième des grains pris sur l’aire, après déduction des dépenses de la moisson.
    3° — Que la terre qui est entre l’Olière neuve en dessous du moulin jusqu’au bois de Bellon, et qui est bornée, au levant par ce bois qui confine lui-même aux Richerenches vieilles, au couchant par le bois de l’Olière vieille, au nord par le Rieusec, au sud par les terres cultivées de la Commanderie, ne serait soumise qu’aux mêmes servitudes.

    Cette sentence le 8 Décembre, 1232, après avoir été ratifiée par les moines de Saint Saturnin, fut entérinée par les frères, de Richerenches qui étaient à cette date 18 présents. Voici leurs noms :
    Berenger de Bourdeaux.
    Pons Bellon.
    Hugues Sabatier.
    Guillaume Olivier.
    Vinar (?).
    Bourgoin.
    Pierre Nègre.
    Guillaume Damnas.
    Pierre Rostaing.
    André.
    Raymond de la Roche.
    Guillaume de ....
    Pierre Brun.
    Frère Pierre, Chapelain de Richerenches.
    Guillaume de Solérieu (?).
    Pierre Brun.
    Guillaume Chauvet.
    Et le percepteur dont le nom nous est inconnu.
    Le Cartulaire de 1136 à 1214, nous fait connaître les noms de deux cent cinquante-six frères et vingt donats.

    A la fin du XIIIe siècle la commanderie semble avoir perdu de son importance : si elle est aussi riche, elle est moins peuplée sans doute en 1296. Humbert l’afferme à Hugues de Peyraud, grand maître du Temple, le revenu de Visan ; mais en 1290, selon Pithon-Curt, Guigne Adhemar, précepteur de Provence, fait hommage au Pape pour Richerenches (les autres sans doute ; celles qu’on appelle en 1460 les Richerenches du Pape)

    En 1304, R. Alziari, commandeur, fait hommage à Guillaume d’Aubenas, évêque de Saint Paul, de tout ce que le Temple possède à Richerenches, nonobstant les hommages qu’il aurait fait à d’autres seigneurs (serait-ce là l’origine des droits que nous verrons plus tard les évêques réclamer à Richerenches (1) ? Si, en 1310, les biens de la Commanderie sont aux mains de deux curateurs apostoliques, les archevêques d’Arles, et Embrun, dont le procureur Olivier de Laye, administrateur des biens du Temple de Provence, donne à ferme à Amaury Bertrand de Grillon, la maison du Temple à Grillon pour 3 ans, au prix de 100 livres, c’est que l’heure approche ou le Temple va être supprimé.
    1. Cartulaire de Richerenches. 244.

    Nous n’avons à raconter ni à juger l’affaire des Templiers.
    Le 22 mars 1312, Clément V sans se prononcer sur le fond ni laisser juger le concile de Vienne, supprima l’ordre du Temple, et déclara que, sauf le grand maître et trois autres dont il se réservait le jugement, les membres en seraient jugés par les conciles provinciaux. Leurs biens, donnés pour la défense de la Terre Sainte, furent attribués aux Hospitaliers qui avaient le même but.

    C’était la fin de la commanderie. Que devinrent les frères ? Un hommage de 1304, à l’évêque de Saint Paul, nomme le Commandeur Alziari, (un Valréassien ?) et trois frères, Bertrand Arnaud, Pierre Bigarra et Guigne Laugier.
    Bertrand Arnaud, de Valréas, sergent et non chevalier, fut jugé à Alais où il était emprisonné, vers 1310 ; il déclare qu’il avait été reçu sergent par Rd. Chambarut, vers 1280, et cite parmi les frères qui furent alors présents, André de Crugières, Pons Fouquier, Guignes de Chapeliers et quelques autres. (2) Nous ne dirons rien de son interrogatoire pas plus que de celui de Raimond de Caromb, percepteur de Chypre, en 1307, qui déclara avoir été reçu à Richerenches à la Pentecôte, vers 1265, par Roncelin de Fos, percepteur de Provence en présence de son oncle évêque de Carpentras. (3) Nous n’avons rien trouvé sur lus autres : il semble ressortir qu’à cette époque la Commanderie n’était guère peuplée.
    2. Gallia Christiana, novissima, IV. 243.
    3. Bibliothèque Nationale, fonds Baluze 396.


    Quant aux biens de la Commanderie, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en furent constitués séquestres et administrateurs. Les archives de la Commune de Grillon nous ont conservé un acte du 26 Novembre 1316, où à ce titre, rectores et administratores domus et bailive de Richerenches, ils donnent aux représentants de la Communauté de Grillon, en emphytéose perpétuelle une maison où l’on doit faire une place. Ces biens étaient pour eux un embarras ; aussi ne les gardèrent-ils pas longtemps.
    Le 21 Juin 1317, ils donnaient à l’Eglise Romaine, ceux qui étaient au sud de l’Eygues : (2) nous n’avons pas la donation en ce qui concerne Richerenches, qui eut certainement le même sort.
    2. Michelet, Jules, Procès des Templiers, Tome II, page 374
    Item frater Raymbaudus de Caron miles dicti ordinis, preceptor Chipri, etatis sexaginta annorum, ut dixit, vel circa, juratus eodem modo de se et aliis in causa fidei dicere veritatem, et interrogatus de tempore et modo sue recepcionis, dixit per juramentum suum quod fuit receptus in domo de Richerenches in comitatu de Venicio, quadraginta tres anni erunt in instanti festo Penthecostes, per fratrem Rocelinum de Forz tunc preceptorem Provincie, militem dicti ordinis.


    Le 5 novembre 1320, le grand maître de l’Hôpital, Hélion de Villeneuve, confirma la donation. Ils passèrent alors sous le domaine de la Chambre Apostolique qui administrait les biens de l’Eglise.

    Les registres de la Chambre apostolique, dits Collectoria aux Archives du Vatican {volume 260, folio 1 à 28), qui concernent les Biens des Hospitaliers, renferment peut-être des instructions sur ce sujet, pour l’année 1318, en nous faisant connaître à qui on le bailla en emphytéoses. Nous n’avons pu le consulter.

    En 1326, fut fondé le prieuré séculier ou paroisse de Richerenches. Le Pape donna aux anciennes églises des Templiers, à Roaix et Richerenches, les dîmes des revenus de leur territoire, et les enleva à la juridiction de l’Hôpital.

    En 1317, il avait donné à Arnaud Arnaud, déjà prébende à Viviers, Apt, archiprêtre d’Avignon et prieur de Notre-Dame de Breveriis, le prieuré, de Richerenches qui était encore sans charge d’âme ; en 1329, Richard de Sault, devint curé des paroisses réunies de Richerenches et de Bourbouton, et est ainsi le premier curé de Richerenches.

    En enlevant Richerenches à la juridiction de l’Hôpital, le Pape le remettait sous celle de l’évêque de Trois-Châteaux. L’évêque d’ailleurs prétendait même avoir des droits temporels sur les Richerenches-vieilles qui, avant même 1269, devaient avoir un régime spécial, puisque Al. de Poitiers, si précis, fait rechercher quel est le seigneur qui tient les Richerenches Vieilles. L’évêché ne le laissa pas prescrire.
    En 1464, le doyen de Colonzelles déclare que depuis 1450, il lève, au nom de l’évêché, les dîmes et terrages des Vieilles Richerenches, qui depuis un temps long et même très long, appartiennent à l’Evêque.
    En 1460, Jean Alard de Valréas, fils d’Antoine et frère de Pierre, fait au profit de l’Evêque, les déclarations suivantes : Les vieilles Richerenches, au temporel et au spirituel, dépendent de l’Evêque. La dîme s’y payait au douzième ; mais à cause de la guerre, des épidémies, de la rareté des habitants et de la stérilité du territoire, Hugues de Theyssiac, administrateur de l’évêché, la réduit et en 1337 an dix-huitième ; elle se lève sur les grains, le vin, les agneaux, le foin et le chanvre. Les habitants devaient la transporter à leurs frais à Valréas, le 4 février ; l’acte avait été dressé par Doux, notaire. Personne, dans le territoire des vieilles Richerenches n’a de droit que l’Evêque ; toutefois les gens de Valréas ainsi que ceux de Notre-Dame des autres Richerenches, ont le droit d’y faire paître leurs troupeaux (1).
    1. Cl. Faure. Essai sur l’Administration du Comtat. Pièces justificatives.

    Un prieuré avait donc été fondé dans l’église Notre-Dame de Richerenches en 1326. Mais autour de lui se forma-t-il un village ? Nous l’ignorons ; c’est peu probable, tant les temps étaient peu favorables. Nous ne savons pourquoi ni par qui fut envahi le Haut-Comtat, un peu avant 1335. On texte de 1336, nous parle de Guichard de Poitiers et de Hugues Adhemar. En tout cas, Richerenches eut le plus à en souffrir. Nous le savons par un ordre de Benoît XII, à l’évêque d’Orange, Recteur du Comtat, lui commandant de continuer les procédures commencées sous Jean XXII contre ceux qui ont envahi et pillé le Haut-Comtat. Un grand nombre d’hommes armés, dit-il, tant clercs que laïcs, des diocèses de Die, Vaison, Trois-Châteaux et autres, au nombre d’environ 5,000, cavaliers ou fantassins, ont envahi le Haut-Comtat, bannières déployées ; ils ont pris d’assaut Valréas, Montaigu, Grillon, Richerenches (Visan appartenant encore au Dauphin.) Ils ont dévasté moulins, maisons, terres, détruit, emporté ce qu’ils n’ont pas détruit, n’épargnant ni l’âge ni le sexe. A Richerenches tout particulièrement, ils ont brisé les portes de l’église, enlevé les vases sacrés et les reliques. La population s’était sans doute enfermée dans l’église ainsi que dans le bâtiment fortifié de la Commanderie, au nord, pour mieux résister (1).
    1. Gallia Christiana, novissima IV. 566-8.

    Après une pareille dévastation et dans les temps troublés qui suivirent, au milieu de incursions des routiers et des Compagnies du Comte de Turenne et du Comte d’Armagnac (1386-1394), quand, en 1361, Montagu était détruit, il n’y a pas à s’étonner si Richerenches ne se peuplait pas.
    Eu 1376, quand Grégoire XI, en échange de la moitié de Malaucène accordée à la femme du Comte de Turenne, donnait à son frère, le marquis de Beaufort, les revenus de Visan, Grillon, Bourbouton et Richerenches, il ne lui donnait pas, surtout avec les trois derniers, grand-chose. (2).
    2. Daumet. Benoit XII. Lettres closes. N° 58.

    En 1390, tandis que les revenus généraux de Bourbouton trouvaient un fermier dans Gilbert Mauvoisin, ceux de Richerenches ne pouvaient être affermés, sans doute parce qu’ils étaient nuls, Forneri nous apprend qu’en 1411, la place de Richerenches était si faible qu’on renonçait à compter sur elle pour le moindre système de défense, et qu’on se proposait de détruire les remparts.

    En 1418, Richerenches à cause des guerres et de la mortalité qui l’avaient si longtemps dévasté, était totalement détruit et ses maisons renversées, tant il y avait longtemps qu’elles étaient inhabitées. « Le prieur de Visan demanda que Richerenches lui fut donné en commande pour vingt ans. » « Il se proposait d’y reconstruire le moulin et ce travail devait durer au moins trois ans. Le vicaire général, prescrivit au Recteur de s’informer si cette commande serait utile au Comtat, et de l’accorder pour neuf ans. D’autre part les habitants de Valréas avait supplié le Cardinal de Thury, de leur accorder l’autorisation de prendre les pierres des maisons écroulées et depuis longtemps inhabitées, et de s’en servir pour réparer leurs murailles. Ils demandèrent aussi le droit de pâture sur le territoire. Le Cardinal avait accordé cette autorisation, mais ces ordres n’avaient pas été exécutés. Après sa mort. Frère de Conzié manda à son trésorier de s’assurer si les pierres demandées appartenaient au Pape et non à des particuliers : dans les premiers cas les habitants de Valréas pourraient les prendre ; mais ils devraient s’en servir seulement pour réparer et fortifier les murs de clôture de leur ville (1) »
    1. Cl. Faure opus laud, page 111.

    Richerenches se releva-t-il un peu de ses malheurs ? En tout cas, en 1440, Nicolas V, l’inféodait à un personnage important de la région, Gab. de Bernés, seigneur de Beaumes, châtelain de Visan : inféodation approuvée par Calixte III en 1457, révoquée par Pie II, en 1461, renouvelée eu 1472, à Barthel, Marquès ou de Bernès.

    La chronique d’Etienne de Governe nous apprend que au commencement d’Août 1476, Barthélémy de Bernés vendit à la ville d’Avignon, et à ses consuls, pour mille écus aussitôt quittancés, ses droits sur Richerenches et Bourbouton ; mais le Cardinal de la Rovère intervint, fit aussitôt payer les droits de mutation, et le 24 Août, la ville, devenue propriétaire, lui vendit par acte passé par P. Lambert, tous ses droits pour mille écus d’or. (Archives de Vaucluse, D, 263-9, et Annales d’Avignon 1913, page 52). Les documents ne nous font pas connaître pourquoi le Cardinal n’acheta pas ou ne put acheter directement Richerenches et Bourbouton à B. de Bernés.
    Le même jour, il les donna au collège du Roure qu’il fondait à Avignon.

    Le 13 Août 1477, une Bulle de Sixte IV approuvait la vente : et le 1er Décembre 1489, le Collège en était investi. Mais c’eut été maigre profit pour lui, si ce vaste territoire fut resté avec ses deux habitants. Le 22 Avril 1502, le collège passe un acte d’habitation semblable à celui qu’avait passé, en 1443, l’abbaye d’Aiguebelle, à propos de Bouchet. Cet acte établissait les conditions auxquelles de nouveaux habitants pourraient venir s’établir à Richerenches et à Bourbouton ; en réalité, il n’eût aucun effet à l’égard de Bourbouton, sans église ni château, et définitivement abandonné, mais il est l’acte de naissance du nouveau Richerenches et sa charte municipale. Le Collège y donnait, à tous ceux qui voudraient le droit de s’établir à Richerenches et d’y occuper autant de terrains qu’ils voudraient.

    Il se réservait seulement la juridiction, l’institution et la révocation des officiers ; les droits dus par les habitants de Valréas et de Visan à titre de forains : les droits de lods : le douzième des fruits ; un denier de cens par an pour chaque salmée (1) de terre défrichée : une livre trois sous pour chaque feu ou maison nouvelle ; une salmée de blé pour droit de four, interdisant d’en construire hors du village ; les nouveaux habitants seraient tenus de construire l’église et le presbytère, de meubler l’église et d’entourer le village de murs avant 25 ans. (Archives Vaucluse D 269). Les conditions étaient avantageuses, les temps meilleurs ; de nouveaux habitants vinrent s’ajouter aux deux anciens.
    1. Salmée : Ancienne mesure, usitée dans le Midi.
    Le beau blé qui ne valait que quinze livres en vaut vingt et une la salmée?; on l’appelle ainsi [à Uzès], et cette mesure contient environ dix minots ou un peu plus.


    Des reconnaissances passées an collège, nous en donnent la liste : Claude Benoit, de Beaumes ; Cath., Poyet ; Et., Galmar, de Beaumes ; Jean Dujardin, de Montségur ; P., Lambert, de Grillon ; Ant. Flachaire de Grillon ; P. Roux, de Colonzelles ; Conil Fernand, de Montségur ; Ant. et Dim. Sernand, de Montségur ; P. Benoit, de Beaumes ; Lionet Vigouroux, de Beaumes ; P. Faure, de Montségur ; CL Brotin, de Montségur ; Blaise Charransol, de Valréas : André Monnier, de Richerenches ; Ant. Julian, de Grillon ; Guil. Vigouroux| de Montségur ; Cl. Barthélémy, de Chamaret ; Cl. P. Bernard, et Jean Richard, de Grillon ; Jean Roche.

    Nous savons en quels quartiers ils étaient propriétaire. D’autres reconnaissances de 1525-1526, avec une liste d’étrangers, nomment pour habitants à Richerenches : Jac. Juvin, Désiré Blanc. Ant. Chavanel (Charrasol ? les noms ayant été souvent mal transcrits par l’auteur de l’Inventaire des Archives) Ant Cornet, Pierre Taulier, Fe Genton, Jean Champonas (?) ; Georges Perben, Pons Françon, Pons et Désiré Blanc, Rostaing et Gonet Granet, (Archives Vaucluse D. 269). Nous arrêtons ici une histoire qui montre que la fondation Richerenches est liée, pour la Commanderie, à Pons de Grillon et Hugues de Bourbouton, pour le village, au collège du Roure.
    Du vieux Richerenches tout n’a pas péri.

    Le mur d’enceinte du village ne peut qu’être postérieur à 1502. Mais il a sans doute suivi la trace d’un ancien mur d’enceinte de la Commanderie qu’il a remplacé. Sauf au nord et à l’est, il est aujourd’hui caché par les maisons qui sont venues s’y appuyer. Ses dimensions sont de 74 mètres au nord, 81 au sud, 58 à l’Est et 55 à l’ouest. Primitivement il n’eut qu’une porte, celle de l’ouest ; celle du sud est plus récente, Sur la tour qui surmonte la porte, écrit Courtet, aux deux angles extérieurs un peu au-dessous de la corniche, sont deux têtes ou masques grossièrement sculptés ; c’est peut-être un souvenir du dieu ou génie androgyne des Templiers, peut-être n’est pas de trop, et l’imagination est une belle chose. Les armes effacées sont celles du collège du Roure vers 1660. Est-ce parce que cette unique porte obligeait souvent à faire tout le tour de l’enceinte avant d’y pouvoir pénétrer que vient le surnom de Bouco aqui, l’entrée ou bouche est ici, que la malignité populaire a donné et maintenu aux habitants de Richerenches ?

    De l’église de la Commanderie, il reste l’abside. Il est facile de la distinguer des constructions qui la surmontent. C’est, comme celle de Bouchet et de Roaix, un cul de four avec une seule fenêtre au fond. La toiture en était portée par des modillons. Comme Roaix, elle n’avait pas d’absidioles ; utiles à Bouchet, elles étaient inutiles à Roaix et Richerenches. C’est sans doute sur ses anciennes fondations que fut élevée l’église actuelle, qui nous donne ainsi les dimensions de l’ancienne. Celle-là ne contient d’intéressant qu’un vieux tableau sur toile représentant Saint Jean-Baptiste et Saint Sébastien. Rien d’intéressant non plus à Notre-Dame de Bon Rencontre et Saint Alban.

    De la Commanderie bâtie vers 1140, il ne subsiste qu’un seul bâtiment, le plus important et le plus beau ; le « Temple » comme on l’appelle encore. Il est au nord de l’église dont il est séparé par quatre à cinq mètres et orienté comme elle. C’est une magnifique construction en pierres dorées par le soleil, comme l’abbaye de Bouchet. Elle est entourée d’énormes contreforts, reliés au sommet par des arcades laissant entre elles et le mur un intervalle formant autant de machicoulis, comme on voit à Saponnay (Aisne), Cruas, Avignon. Elle constitue ainsi un véritable donjon rendant un mur d’enceinte moins utile. La toiture en terrasse, et peut-être entourée de créneaux, aidait encore à la défense. Quant à la distribution intérieure, elle a aujourd’hui disparue. Sans doute comprenait-elle au moins deux étages : réfectoire au rez-de-chaussée, dortoir au-dessus. A leur place, on voit des greniers aux planchers chargés de foin. Les ouvertures, nulles au nord, étaient petites et rares au sud. L’ensemble forme encore une magnifique nef, de trente-deux mètres sur onze. Une partie, sans doute depuis le collège du Roure, est occupée par des chambres oui constituent aujourd’hui le presbytère. Y avait-il de l’autre côté de l’église un bâtiment parallèle ? Pas plus qu’à Bouchet, croyons-nous, contre l’avis d’Aubenas ; le reste de la commanderie devrait être occupé par des bâtiments d’exploitation agricole ou industrielle, qui ont fait place aux maisons du village. Il est regrettable qu’un si beau bâtiment et l’abside de l’église ne soient pas classés.

    Bourbouton
    Les pièces 89 et 187 du Cartulaire de la Commanderie du Temple du Temple de Notre-Dame de Richerenches, nous donnent les limites du territoire de Bourbouton. Au nord, il suit la Coronne, on disait, au XIIe siècle, l’Elson ou l’Auson, jusqu’à sa rencontre avec celui de Valréas ; au sud il est borné par le territoire de Visan, depuis les Molars, jusqu’au Tolobre qu’il suit jusqu’au territoire de Beaumes. Ses limites d’avec ce dernier vont du Tolobre à la Croix Pastorisse, de la croix Pastorisse à Pierre Brune, de Pierre Brune jusqu’au gué de l’Amaugier sur le Lez qui le sépare, jusqu’à la Coronne, du territoire de Montségur. Ce territoire devait être en partie inculte et comprenait l’Etang de Bourbouton, dont le nom sert sans doute de patronyme au Commandeur Deusdet de l’Etang 1151.

    Ce territoire semble lui-même avoir été formé de celui de Bourbouton et de celui, ou villa, de Très Campi, Longchamps, lou Pla, la partie au levant où s’élève aujourd’hui la chapelle de Saint Alban. Une pièce très curieuse publiée par M. Duhamel, nous permet de connaître quelque chose de la famille qui fit son fief de Bourbouton, y établit son castrum et en prit son patronyme. Voici la teneur de cette pièce, d’ailleurs obscure (1).
    1. Cl. Faure, opus laud, page 116. Le droit de pâture demandé ne concernant pas les Richerenches vieilles.

    Vers l’an 1000, ces deux territoires appartenaient à l’église de Saint-Paul qui à cette époque était unie à celle d’Orange sous l’évêque Udalric. Trois hommes, trois frères sans doute, Pons, Giraud, Laugier, personnages importants, se présentent à lui, et lui demandent de leurs donner, en précaire, l’église de Saint Alban, située sur le territoire, villa, de Tres Campi, et le territoire de Bourbouton, avec les dîmes et les droits ecclésiastiques, presbyteratos A leur mort, le tout reviendra à la mense épiscopale. En échange, ils donnent un mansus ou mas, qu’ils ont à Baumes, exploité par Ansaud, fils de Volbert, et une mesure de pain et de vin par an, à la fête de Saint Restitut. Ces territoires sont limités par deux anciens chemins, Caminos antiquos, (ceux de Beaumes à Richerenches et de Visan à Grillon) et par un ruisseau, le Tolobre, qui n’a d’eau qu’au temps de pluies. Comme tant d’autres biens d’église donnés alors en précaire, ces territoires ne furent pas rendus, car en 1136, ils sont encore dans la même maison ; et quand Hugues de Bourbouton, les donna ou les fit donner au Temple, ce ne fut, à son insu ou non, qu’une restitution.

    Le Cartulaire de Richerenches qui contient toutes les donations ou ventes qui ont été faites à la Commanderie du territoire de Bourbouton, nous montre ce qu’étaient devenues les terres que, 150 ans auparavant, les trois frères avaient reçues en précaire. Les pièces 89 et 189 nous font connaître ce qui concerne la seigneurie ; et d’autres, les autres propriétaires.

    Dans la première, 1138, le véritable fondateur de la Commanderie de Richerenches nous fait un résumé des donations de Bourbouton qui l’ont fondée, et délimite bien exactement ses possessions de celles d’un voisin dangereux, le prieur de Saint Amans de Montségur. La deuxième, plus développée contient aussi ses recommandations à ses successeurs et quelques détails de plus qui tiennent à la différence de dates. En voici le résumé.

    En commençant, Hugues rappelle que, pour le salut de son âme et la rémission de ses péchés et de ceux de sa race, il s’est donné lui-même et avec lui tous ses biens au Temple, sur le conseil de Giraud, évêque de Saint Paul, de ses prêtres et de ses parents et amis :
    Ces parents sont : Bertrand de Bourbouton, Ripert Foiras, Giraud de Montségur et son frère, Giraud de Tornafort et Hugues son frère, Pierre d’Hugues de Visan et Guillaume son frère ; Guillaume Arnoux de Mirabel ; Guillaume Malamas ; Hugues Bérenger et Guillaume, son frère.

    Avant de mourir, il veut, d’après ses souvenirs et ceux de son père, délimiter le territoire de Bourbouton, et pour couper court à toutes disputes, dire quels possesseurs se le partagent. Il dut mourir vers 1161 : sa femme, Marquise de son côté, avait pris l’habit religieux, sans doute à Bouchet tout récemment fondé.

    Il divise le territoire de Bourbouton en deux moitiés, La première a toujours appartenu, fond et dîmes, en franc alleu, à Bertrand, son père, dont il la tient, à Giraud de Bourbouton, son oncle et ses fils, Audoin, de Montségur et Odon. Son père la tenait de son grand-père et celui-ci de son bisaïeul, fils de Laugier, sans doute le Laugier de la précaire ; celui-ci avait-il seul survécu et hérité de ses deux frères ou acquis leur part ? A la mort de Giraud de Bourbouton, son oncle, son cousin Bertrand non-seulement a approuvé sa donation, mais s’est encore lui-même donné au Temple avec tous ses biens. Ripert Folras, un autre de ses cousins, fut d’abord en procès avec lui ; et il lui abandonna le dixième du moulin de Bourbouton, dit Malros, de la tasque et de la dîme ; depuis il a donné tous ses biens au Temple et promis de ne jamais réclamer de dîmes sur les terres de Bourbouton qu’exploite la Commanderie. Quant aux biens du prieuré de Saint Amans, à Bourbouton, ils consistent : en un jiré le long de la Coronne, en la tasque de la terre que mènent les Guittard de Beaumes, à l’ouest de Saint Amans ; en la tasque de la jaisse, ou bande de terre que mène Ermembert de Beaumes ; en la tasque du champ Lautier, au nord du Granouillet, dont on tire 6 écus quand il y a du blé d’hiver ; en la tasque que travaille Bernard de Richard, que son père lui donna pour répondre des quinze sous d’or qu’il avait empruntés. Hugues de Bourbonton possédait encore la tasque de la terre de Guillaume Mauroux ; la tasque de la terre d’Etienne de Montségur, qu’avait engagée Giraud, son oncle ; la tasque d’une autre terre de Guillaume Mauroux ; la tasque de Nicolas, Capellan, sans doute le curé de Beaumes, qui faisait par an trois sous de rente...

    Le Temple possédait en outre à Bourbouton deux condamines : qu’il louait à Guillaume de Beaumes ; l’une, au gros chêne, dont il avait la dîme ; l’autre, à la Croix Pastorisse, dont il avait la dîme et la tasque. Les frères laisseront ces condamines à Guillaume Mauroux, s’il vit en bon ami avec eux, sinon ils les reprendront. C’est que celle du gros chêne a été donnée par bail emphytéotique à Raoul Laugier, père de Guillaume, malgré l’opposition formelle de la mère de Hugues, et qu’il ne tient celle de la Croix Pastorisse qu’en dépit des véritables maîtres, et qu’il n’a pas observé les conventions que leur baile, Bernard Richier, avait passées avec lui pour eux.

    Les fils d’Audoin de Montségur, P. de Mirabel et de Giraud de Montségur, ont donné au Temple tout ce qu’ils avaient à Bourbouton. Quant au fils d’Oton, Giraud de Tornafort, il a vendu sa part pour un bon cheval. Pierre d’Hugues de Visan a donné tout ce qu’il avait à Bourbouton et au Granouillet pour 130 sous melgoriens neufs. Longtemps il a cherché querelle au Temple ; il a promis enfin de vivre en paix.

    En somme, cette première moitié, au temps de H. de Bourbouton, avait été subdivisée en six parts.

    La première, celle de Bérenger Bauchas, père de Hugues et donnée par lui au Temple (34, 35, 89, etc.), puis par son petit-fils Nicolas, qui, en 1147. (n° 7) ajouta ce qu’il lui en restait.

    La seconde celle de Giraud, frère de Bauchas, donnée par son fils Bertrand qui se donne au Temple (3 etc.).

    La troisième, celle d’Audoin de Montségur, dont les fils portent les patronymes de Montségur et de Mirabel qui donnèrent leur part en 1138 (n° 55, 66 etc.)

    La quatrième celle d’Othon, frère d’Audoin donnée en 1144. par Giraud de Tornafort (n° 12, 74 et 75)

    La cinquième, celle de Ripert Folras, qui la donna en 1136, avec ses enfants, Ripert Giraud et Blanche (n° 1, 3. etc.)

    La sixième, celle de Pierre d’Hugues, allié sans doute aux Bourbonton : (n° 1. etc.)

    La seconde moitié, était bien plus subdivisée, entre deux groupes, avant un quart de la Seigneurie chacun.

    Le 1er de ces deux quarts est aux Solérieu. Bertrand de Solérieu s’est donné lui-même et tous ses biens au Temple, 56 ; sa femme, Lucie, a pris l’habit religieux. Ripert et Lagier leurs fils, du conseil de leur oncle Bernard approuvent la donation. Le Temple leur donne en fief une chenevière et d’autres terres hors de Bourbonton, 40 sous de Valence, un poulain de deux ans et 15 livres de laines. En 1177, Rostang de Solérieu et son père, Raimond complètent la donation (n° 137).

    Le second, appartenait aux Jocundas, illi de Jocundatio et était divisé en trois parts. La première appartenait aux Valréas, illi de Valeriaco, c’est-à-dire Bellon et ses enfants, Pagan ou Payan, Antevena, femme de Bertrand Faucon, Nicole fille de Guillaume de Roussas, qui donnèrent leur part pour 300 sous Valentinois en 1147 (60).
    La seconde était divisée en trois, celle d’Ysarn et de son frère, Guillaume d’Ysarn, donnée en 1146 (n° 53), celle de Raymond de Jocundas et de son fils Bertrand, donnée en 1147 (n° 54), et une troisième subdivisée entre divers héritiers : Raymond de Bistorres, Galburge et leurs enfants, Guillaume Raimond, Bertrand Raimond et Isnard. - Bertrans Guillaume de Jocundas, sa femme Aiméruz et leur fils Guillaume de Podio Calvo - Blismoda, femme de Richau et leur fils Richau - Rixende, femme de Laugier : qui tous, par l’entremise de Tiburge d’Orange, donnèrent leurs parts au Temple en 1143 (n° 58) (1)
    1. Gallia Christiana, Novissima VI. Orange. 47

    Hugues ne nous nomme pus un Guillaume Aldebert qui, de l’aveu de sa mère et de son père Leger, donna sa part de Bourbouton au Temple (n° 40). On croirait, à voir les termes de la donation que de fait il ne possédait rien ; ni Renaud Fraticese ou François qui par donation et déguerpissement (n° 51. 52) avec son fils François, abandonnent toutes leurs prétentions à Bourbouton. Ces François, issus de la dynastie des anciens comtes de Valence prétendaient en posséder le haut domaine.

    Les seniores Bolbotoni ne sont pas les seuls propriétaires au territoire de Bourbouton, Guillaume de Châteauneuf du Rhône, Saraman et Trabuc son frère y possèdent des terres près de la Sylva, la Seuvo aujourd’hui (page 73). Guillaume Niels, Guillemmette, sa femme et leur fils Pons, vendent en 1171, au Temple, pour II setiers de blé valant 32 sous viennois, une terre au chemin de la Sylva à Beaumes, voisine de la condamine de Pierre Guillelmi de Baumes ; (n° 126) Bélissens et ses filles Benaias et Stephana vendent la même année pour 40 sous viennois et un setier de blé une terre au sud du chemin de Saint Alban à Bourbouton, confrontant une terre de Gautier de Montségur, au couchant, une terre de Gautier Mauroux, au levant ; la vente est approuvée par son autre fille Pétronille. (n° 124) En 1164, avec sa sœur Marthe, femme de Pons Gros, elle donne sa part qui est devant le pré du Château de Bourbouton (n° 192). Pierre Coza ou Cocza, Pétronille, sa femme et leur fils, Bertrand, vendent en 1172, pour deux setiers de blé valant 10 sous melgoriens leurs terres patrimoniales de Bourbouton, dont les unes confinent P. Guilelmi de Beaumes et Guillaume Richerii, (126). Aimeline et ses fils, Pierre et Etienne, Guillaume et Giraud, ses frères, et Pierre Richier, fils de Guillaume R, vendent, en 1156, pour sept sous valentinois, leur terre confrontant celle de Hugues de Bourbouton et de son neveu Bertrand et au sud la Sylva, appelée Saletas les Sallettes, (n° 151). Ce Guillaume Richier se désista de la plainte qu’il avait portée contre le Temple au sujet des terres que ses sœurs avaient données au Temple, l’une à Saint Alban, l’autre, celle des Salettes, la troisième dans Bourbouton, in castro Bolbotonis, près du pré de Hugues de B., et au sujet d’une autre terre, le long du chemin de Bourbouton, confrontant au levant celle des Guitard de Baumes et au couchant celle de Bernard Laugier, que le Temple avait achetée pour 4 salmées de blé (n° 150).
    En 1174, Marie Richier approuvée par Marcel son mari, et sa sœur Guillemette, fille de Giraud Richier, vendent, pour 15 sous viennois, une terre confrontant, au levant celle de Daumas de Baumes et au nord celle de son oncle Guillaume Richier (n° 202).
    En 1157, Bernard Richier, père de Guillaume et de Giraud, était, baile des seigneurs de Bourbouton.
    En 1157, deux sœurs, Ursa et Agnès, filles de Guillaume Guintrand (page 13b6) et nièces de Giraud de Montségur, vendent pour 18 sous tout ce qu’elles ont à Bourbouton et qui est grevé d’une hypothèque de 9 sous. (n° 145)
    Après 1145, Bertrand Ermembert donne une terre située el Pla de Borboto, le long de la fascia, bande de terre ou faïsso, de Daumas Cornabroc de Baumes, en présence de ses deux filles, Lucie et Elizabeth, femmes de Giraud de l’Ort et de Pierre del Pla (n° 157)
    En 1160, Richau, fils de Guillaume Richau et de Blismoda, frère de Elzear Galiana, Sibilia, Auglina et Ema donnent tout ce qu’ils ont à Bourbouton (n° 162)
    En 1162, Hugues de Vallaurie, frère de Ripert de Grillon et de Guillaume de Vallaurie, vendent pour 40 sous viennois tout ce qu’ils ont à Bourbouton (n° 171).
    En 1164, Grégoire de Baumes, donne une terre qu’il possède le long du chemin de Valréas à Baumes, au plan de Bourbouton (n° 140) pour 10 sous de Valence ; et en 1166, pour 6 sous viennois, une autre terre qu’il a à l’étang de Bourbouton (n° 196).
    En 1164, Isnarde de Montségur, fille de Barthélémy, vend pour 20 sous, tout ce qu elle tient de son père à Bourbouton.
    En 1176, Etienne Borno et sa femme Hema, vendent pour un trentain, (30 livres) de laine, de 18 sous, et 5 setiers de blé de 12 sous, deux pièces de terre à Bourbouton, confrontant les fossés (du moulin ?), et d’autres terres à Beaumes (n° 218).
    En 1181, Guillaume Chalveira et son frère Pierre, vendent pour 25 sous viennois, une faïsso, confrontant au levant, un fossé ; au midi, le chemin qui va de Valréas à Baumes par la Sylva ; au nord la terre des enfants de Bertrand de Solérieu ; au couchant, la terre de Bernard Richier ; parmi les témoins figure Rambaud, curé de Baumes (n° 233).
    En 1181, Stéphanie et son fils Pierre Rainoards, de l’avis de son oncle, Laugier de Baumes, vend pour 15 sous viennois sa part de l’étang de Bourbouton et des terres qui l’entourent (n° 235).
    En 1177, Belissent, et ses enfants, Giraud Arnaud, Ozils, et Marthe, vendent pour 3 sous, tout ce qui leur appartient dans la terre du Poïet : cette terre située devant le château de Bourbouton, a pour limites au levant le chemin de Baumes à Bourbouton et au sud le bois de Sebionde (n° 223).
    En 1181, Guillaume Mauroux, sa femme Stanconia, Pons et Raimond, ses fils, et sa fille Luneus, du consentement de leur oncle Laugier de Baumes, vendent pour cent sous viennois une terre, bornée au sud par le chemin de Saint Alban à Bourbouton, au nord par l’Elson (la Coronne aujourd’hui) et au levant et au couchant par des terres du Temple (n° 238).

    Nous pouvons tirer des pièces que nous venons de citer quelques détails intéressants. Il y a à Bourbouton, deux moulins, le vieux et le neuf, et des ateliers de tissage de toile, paratoria, paradou
    La pièce n° 26 nous apprend qu’ils sont dirigés par Ripert de Charols, un étranger au pays, qui, avant 1149, avec sa femme Lucie, et ses fils Jean, Guillaume, Raimond, Pierre, Eustache Ripert et Pons, donnent au Temple la dîme de leur bénéfice d’exploitation (n° 26). Ce Ripert est un serf. Hugues d’Alban et sa femme Pétronille, et leurs fils, Pierre Ripert, Guillaume et Raimond l’ont donné en franc alleu, lui ses enfants et leurs biens, au Temple, en 1138. Cette famille leur devait une cense annuelle de 4 sous, 4 chapons, et deux setiers d’orge ou d’avoine, (page 24).

    En 1163, le moulin s’appelle moulin de Mauroux. Ripert Foiras en a une part ; et dans la donation qu’il fait de ses biens, il nous fait connaître l’olca ou ouiche, jardin, qui est devant le château, et l’osca, c’est d’ailleurs le même mot, oucha dans la pièce n° 90 qui est en langue romane, de Sorbier, de Sorberio (n° 189).

    Autant qu’on en peut juger par le tableau qu’en trace le Cartulaire, il ne semble pas que Bourbouton fut, même au XIIe siècle, bien peuplé, la plupart des propriétaires qu’il nomme sont des villages voisins ; il devait, comme Derboux, n’être que le castrum de la famille qui en avait pris le nom. Cette famille semble s’être éteinte à cette époque dans ses différentes branches, et les documents un peu postérieurs ne mentionnent plus les noms que nous avons cités ; au commencement du XIIIe siècle, elles ne sont plus qu’un souvenir ; quant aux Bourboutons proprement dits, Hugues, devenu Templier, meurt commandeur de Richerenches dont il est sinon le fondateur du moins le grand bienfaiteur, vers 1151 : Marquise sa femme, avait pris l’habit de Cîteaux, à Bouchet sans doute, qui se fondait vers cette époque. Nicolas et Bertrand ses neveux, devenus l’un Templier, l’autre donat, meurent sans postérité. La famille fondée vers l’an 1000 finit avec eux.

    Quant à la Commanderie au commencement du XIIIe siècle, elle semble propriétaire de tout le territoire de Bourbouton. Le Château des Bourbouton fut sans doute abandonné sur sa hauteur, et mal entretenu. Les terres furent défrichées, et s’il reste encore de la Sylva, une partie du bois et le nom, l’étang fut desséché. Ce ne fut que plus tard, après la dissolution de l’ordre, que sur le territoire divisé s’établirent les fermes que l’on y voit aujourd’hui.

    En 1312, après la dissolution de l’ordre, ses biens furent attribués aux hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem : en 1317, ceux-ci remirent au Pape, pour arrondir le Comtat, ceux de ces biens qui étaient situés dans le Haut-Comtat : Roaix, Richerenches, et entre antres, territorium seu domum, ils ne savent du reste comment l’appeler, de Bourbouton. Il contribua avec celui des Richerenches : les Richerenches vieilles qu’un document de 1464 dit avoir appartenu, depuis un temps long et même très long, au temporel comme au spirituel, à l’évêché de Saint Paul : les Richerenches neuves, ou est aujourd’hui le village, les vieilles étant au nord, à former le territoire actuel de la commune.
    Il est quelquefois nommé avec Richerenches, et qualifié de fief, sans que l’on sache bien exactement sans doute quel est son état

    En 1376, de Baufort Canilhae, frère de Grégoire XI, reçoit les revenus de Grillon, Visan, Richerenches, Bourbouton.
    En 1410, ils sont attribués à Jean Gay et Albert Abelloni. (Est-ce Abelloni, famille noble de Visan ?)
    En 1411, le Recteur du Comtat donne l’ordre, (fut-il exécuté du moins à Richerenches, de démolir les fortifications moins importantes de Richerenches,) Saint-Pantaléon et Bourbouton pour fortifier mieux les points plus importants du pays.
    En 1389, le vicomte de Turenne était entré dans le Haut-Comtat ; nous ignorons s’il détruisit Bourbouton, comme il fit pour Montaigu.
    En 1450 Nicolas V inféoda Bourbouton, le prieuré de Saint Vincent et Richerenches à Guillaume de Bernés, Bernecio, gentilhomme de Turin, seigneur de Beaumes, qui, en 1476, les céda au collège de Roure.

    Y eut-il jamais un prieuré, une paroisse, à Bourbouton, outre l’église de Saint Alban ? On le croirait à en juger par certains documents.
    En 1317 les Hospitaliers remettent au Pape, Bourbouton, cum ecclesia sua curata
    En 1339, quand l’évêque d’Orange, Recteur du Comtat, fixa les revenus que les prêtres séculiers chargés de desservir les anciens prieurés du Temple, en tireraient, il assigna au curé des églises réunies de Richerenches et de Bourbouton, 8 salmées d’aumone et 42 salmées de blé : il ordonne en outre à Richard de Saltu, de Sault ? Qui en est le curé, de payer un prêtre qui séjournât à Bourbouton.
    Encore en 1569, une liste des églises du diocèse de Trois-Châteaux parle d’un Recteur de Bourbouton : elle est certainement sujette à caution, car elle met un curé aux vieilles Richerenches, simple lieu-dit et aux autres Richerenches, le village actuel.
    Les Hospitaliers et le Recteur du Comtat lui-même savaient-ils bien en quel état était alors Bourbouton ? Et leur mention peut-elle prévaloir contre le silence du Cartulaire, surtout quand, après la donation des Bourbouton, il fut à peu près inhabité ? Les curés de Baumes et du voisinage sont cités comme témoins au Cartulaire et jamais un prêtre de Bourbouton. Nous croyons donc qu’il n’y eut jamais d’église.
    Aujourd’hui l’on chercherait en vain la moindre trace apparente de construction sur le monticule de Bourbouton. Au levant seulement s’élève la ferme de Bourbouton, dont les constructions les plus anciennes peuvent remonter au XVIe, et ont sans doute utilisé quelques matériaux plus anciens qui peuvent provenir du château.
    Sources : B. MALBOIS (Abbé). Histoire de Richerenches et de Grillon. Mémoires de l’Académie de Vaucluse, page 120 à 142. BNF

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