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Procès des Templiers, Jules Michelet, Lavocat, Trudon-des-Ormes, Templiers par région

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    Le pape Clément V

    Sceau de Clément V Lorsque Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, est élu pape en 1305, il se fait couronner à Lyon, sur le chemin de l’Italie, avec l’espoir de réconcilier dans cette ville d’Empire les rois de France et d’Angleterre, en guerre au sujet de l’Aquitaine. La poursuite de cet objectif, condition d’une croisade efficace en Orient, et surtout ses démêlés avec Philippe le Bel ne permettront pas à Clément V de rejoindre Rome. Il doit d’abord dissuader le roi de France de poursuivre le procès en hérésie qu’il a intenté à la mémoire de Boniface VIII, puis il tente de faire face, par le concile de Vienne (1311-1312), à l’affaire des Templiers dont le roi a décidé la perte.

    Chronologie entre la concile de Vienne et la mort de Clément V
    Il y eu aussi la fin de l’Ordre du Temple: A compter du 24 septembre et jusqu’au 24 novembre, Clément réside au monastère de Malaucène où il y trouve la sérénité loin de Philippe le Bel et de ses légistes. Il lui faut du calme pour préparer la défense de Boniface VIII accusé d’hérésie et préparer le concile de Vienne qu’il a fixé à Vienne, en Dauphiné, en octobre 1310. Clément doit préparer une riposte à la mesure de l’enjeu. Ce fameux décret de Gratien, qui est entre les mains de Philippe une redoutable arme contre la papauté.
    Le roi Philippe, s’appuie sur le décret de Gratien: « moine mort ver 1160 qui rédigea en 1140 un « décret », une compilation raisonnée des droits canonique et qui restera en vigueur jusqu’en 1918 »
    Ce décret dit: « personne ne saurait avoir la présomption de reprendre les fautes du pape, juge universel qui échappe au jugement des hommes, excepté s’il tombe dans l’hérésie. » Voilà, le mot est écrit en toutes lettres. « HERESIE »
    D’autant que ce qu’on disait de Boniface, on le disait de lui, qu’il était: Népotisme: « Abus qu’une personne en place fait de son crédit, de son influence pour procurer des avantages, des emplois à sa famille, à ses amis. - Sic le petit robert »
    Exactions: « Exiger ce qui n’est pas dû ou plus qu’il n’est dû en parlant d’un agent. - Sic le petit robert » C’étaient des accusations suffisantes pour qu’il soit déposé par un concile. Le procès de Boniface, procès qui aurait couvert d’opprobre le Saint-Siège, ne devait être évité à tout prix.
    « Clément céderait tout sur l’affaire des Templiers car il ne voulait rien céder sur l’affaire de la mémoire de Boniface (Ernest Renan) »
    Par une lettre, datée du 18 octobre 1309 du prieuré de Malaucène, près de Vaison, il fait connaître à Philippe le Bel sa ferme conviction que les attaques portées contre son prédécesseur sont sans fondement. Néanmoins, comme il s’agit d’hérésie, il veut, conformément au désir du roi, entendre les accusateurs.
    Voici ce qu’en 1733, l’abbé Joseph Guinier écrivait: Durant 4 mois, il fit traîner les discutions avec le roi et ses légistes. Il demanda moyennant finance le frère du roi Charles de Valois, afin d’obtenir le désistement de philippe. Il tombe malade, et nomme pour le représenter les cardinaux Pierre de la Chapelle, Bérenger de Fridol et Nicolas de Fréauville pour entendre les témoins à charge, ils rédigèrent les procès-verbaux, en août et en septembre au prieuré du Groseau.
    Pendant ce temps, Clément nomma son neveu, Raymond de Budos, recteur du Comtat. Le recteur, héritier du sénéchal, était responsable de la défense du Comtat, par « tous les moyens », avec sous ses ordres, une véritable petite armée.
    En 1311, le pape chargea une commission siégeant à Malaucène de faire la synthèse des actes du procès des Templiers pour le concile. En février, le roi, dans une lettre datée de Fontainebleau, se conforma aux prières de Clément en abandonnant la condamnation de Boniface, mais obtenant, en contre partie l’annulation des constitutions d’excommunication faite à son encontre par de Boniface.
    La bulle du 27 avril 1311 ne mettait pas fin définitivement à cette affaire, car malgré le désistement royal, le pape s’était engagé à faire entendre tous ceux qui voudraient déposer. En ce début de l’année 1311, lors de l’inventaire du trésor papal fait par Bertrand de Bordes, trésorier du Saint-Siège, et Raymond Fabri de Bayssac.
    A la mi-septembre, il quitta le Groseau avec ses cardinaux, et prit la route de Vienne, par Donzère, Valence, Saint-Vallier, Roussillon. Le concile allait s’ouvrir le 16 octobre 1311 pour se terminer 6 mai 1312. Officiellement trois points principaux étaient l’objet de ce concile, la question des Templiers, la croisade, la réforme de l’Eglise. Clément s’opposa à toutes les réformes. Seule la conquête de la Terre sainte 1211 recueillit l’engagement de tous les participants et la levée d’une décime pendant six ans fut immédiatement adoptée. Restaient à arrêter définitivement les deux affaires qui étaient déjà réglées et pour lesquelles cet homme habile et rusé allait produire toute son efficacité diplomatique. Le sort des Templiers était scellé depuis juillet 1308, depuis que Clément, sous la pression de la campagne d’opinions dirigée contre lui par Guillaume de Nogaret, campagne similaire à celle dirigée contre Boniface et qui disait:
    « Que prenne garde le pape, il est simoniaque, il donne par affection de sang les bénéfices de la Sainte Eglise de Dieu à ses proches parents. Il est pire que Boniface qui n’a commis autant de passe-droits. Cela doit suffire. Qu’il ne vende pas la justice. On pourrait croire que c’est à prix d’or qu’il protège les Templiers, coupables et confessés, contre le zèle catholique du roi de France. »
    Pierre Dubois avait restitué les pleins pouvoirs aux évêques et aux inquisiteurs de France, en laissant les Templiers aux mains de Philippe, et leurs biens à des commissaires choisis par le roi et par les évêques.

    Abolission de l’Ordre
    Restait l’assassinat juridique. « Nous abolissons, non sans amertume et douleur intime, non pas en vertu d’une sentence judiciaire mais par manière de décision d’ordonnance apostolique, le susdit ordre des Templiers avec toutes ses institutions, et cela à tout jamais, avec l’assentiment du saint concile, défendant expressément à qui que ce soit de s’y affilier, d’en porter l’habit ou de se donner pour Templier »
    Et il ajoutait: « Cette suppression est irrévocable »
    Bulle Vox in excelso datée de Vienne, le 22 mars 1312, communiquée au concile à la séance du 3 avril, à laquelle assistaient le roi de France, ses trois fils et son frère Charles de Valois. Bulle suivie, le 2 mai 1312, de la bulle Ad providam, transférant au susdit ordre des Hospitaliers, et à l’Hôpital lui-même, la maison-mère des Templiers, ainsi que toutes leurs autres maisons, églises, chapelles, villes, bourgs, villas, terres, avec tous leurs droits, juridictions... biens, meubles et immeubles, au-delà comme en deçà de la mer, tout ce que l’ordre, le maître et les frères du Temple possédaient au mois d’octobre 1307, époque de leur incarcération en France. Dans la troisième bulle Ad certitudinem, datée du 6 mai, le pape désignait nommément les membres de l’ordre dont il se réservait le jugement.
    C’était un triomphe total pour Philippe, Philippe et ses successeurs ne pourraient être ni recherchés, ni blâmés pour ce qui avait été fait contre Boniface. Quant à Boniface, il fut déclaré que rien ne l’avait rendu coupable d’hérésie. Sa mémoire était pure et sans tache. Clément ordonna que toutes les traces de cette affaire soient effacées des registres de la chancellerie pontificale.
    Clément avait sauvé la papauté, il pouvait prendre quelque repos, repos qui lui était de plus en plus nécessaire.
    Le 16 mai, il écrivit à Philippe pour lui demander d’aider les Hospitaliers à entrer en possession des biens du Temple. Les Templiers avaient plusieurs maisons à Saint-Paul (Trois-Châteaux), quartier Saint-Jean, à Saint-Vincent, à Richerenches et dans ses nombreuses dépendances. Ces biens avaient été saisis par les officiers du pape. Clément s’employa à les unir au domaine de la Chambre apostolique du comtat Venaissin.
    « Ce qui est devenu l’enclave des papes » Voir les commanderies
    Le 24 août, Philippe lui écrivait, lui donnant son accord pour l’attribution des biens du Temple aux Hospitaliers, sous réserve que tous les droits sur lesdits biens nous appartenant antérieurement, à nous, aux prélats, aux barons, aux nobles et aux autres personnes quelconques de notre royaume, soient sauf à toujours.
    Le 22 décembre 1312, il se souvint qu’il s’était réservé le jugement des dignitaires de l’ordre du Temple. II délégua ses pouvoirs aux cardinaux Arnaud d’Aux, cardinal-évêque d’Albano, Nicolas de Fréauville et Arnaud Novelli, leur donnant mission de les juger définitivement et utilisant les enquêtes effectuées, les condamner à un emprisonnement à vie.
    Début octobre, il adressait un bref apostolique aux archevêques allemands et anglais et au gardiateur de Lyon, défendant aux nobles de se livrer aux joutes sous peine d’excommunication, parce que ces exercices empêchaient la noblesse de se croiser pour les voyages d’Outremer.
    Le lundi 18 mars 1314 au soir, Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay étaient brûlés dans « l’île aux juifs » à Paris, après avoir affirmé une dernière fois leur innocence. Pour ce qui est de l’île aux juifs, elle se situait avec une grande certitude à l’emplacement de l’actuelle place Dauphine à Paris.
    Le 4 avril 1314, Clément quittait Carpentras pour sa Gascogne natale pensant que l’air du pays lui rendrait la santé. Le 8 avril 1314, à l’aube, il s’éteignait à Roquemaure, dans le château de Guillaume Ricard. « La date la plus probable est le 20 Avril. »
    Se repentit-il, comme on le dit, de sa conduite envers les Templiers ? Son corps fut ramené dans la cathédrale de Carpentras, puis dans la collégiale d’Uzeste où il repose aujourd’hui à cinq kilomètres de Villandraut sa ville natale. Son trésor fut-il pillé par ses neveux, Bertrand de Got et Raymond de Budos, comme certains historiens le prétendent. Gardiateur: « officiers chargés à Lyon de défendre au nom du roi, les intérêts des citoyens. »

    La biographie de Clément V
    Il naît au bourg de Villandraut, qui à cette époque est un lieu-dit « la Vigne d’Andron ».
    Son père le seigneur de Gout (ou de Goult) est apparenté à la famille d’Albret. Sa femme, Ida de Blanquefort lui donne onze enfants: six garçons et cinq filles.
    L’aîné Arnaud Garcias était marié en agenais. Le second, Béraud, était prêtre et devait devenir évêque et cardinal. Le quatrième, Bertrand était celui qui offrait le plus d’espérance à sa famille. Sa mère avait obtenu l’autorisation de l’envoyer tous les jours à l’école de Bazas.
    Un jour, en courant avec ses camarades, il tomba sur un angle de pierre qui lui fit une entaille au front. Il en garda toute sa vie le stigmate. C’est à ce signe, que les Huguenots venus piller et profaner son tombeau, le reconnurent deux siècles et demi après sa mort.
    Le castel de Goult, comme ceux de son époque, était fruste et le mobilier pauvre. Quelques tables, bancs, arches, trépieds, blutoir, tamis, chaudières, chaudrons, assiettes, bassines, couettes, coussins, couvertures, draps et nappes, c’était là tout l’équipement d’une maison.
    Le jeune Bertrand passant chaque jour devant la petite église N.D d’Uzeste aimait s’y arrêter pour s’y reposer ou dire quelque prière à la vierge Marie. Il s’en souviendra quand il deviendra Pape et la fera reconstruire en une belle église gothique, telle qu’elle est encore aujourd’hui.
    A Bazas, le roi d’Angleterre Edouard 1er vint recevoir l’hommage de l’évêque Guillaume de Piis et des seigneurs locaux. Ce fût une belle fête de même que l’élection du nouvel évêque Hugues de Rochefort.
    Sa mère emmène Bertrand à Bordeaux où il est présenté au nouvel archevêque. Il fit connaissance avec le fleuve et ses quais marchands où arrivaient de grands navires chargés d’épices.
    Le roi de France de l’époque était Philippe le Hardi. Bertrand demande à son frère aîné Gaillard de l’aider à gagner Agen, où son oncle l’évêque l’attendait. Gaillard lui donna un cheval avec lequel il mit trois jours pour s’y rendre. Son oncle trouvait naturel de s’occuper de sa famille et avait déjà pris Béraud comme vicaire général. Bertrand fera donc ses études secondaires à Agen. Il y rencontre ceux qui le suivront pendant sa carrière Pontificale: Arnaud Frigier, Guillaume Ruffat et Arnaud de Pellegrue.
    Le traité d’Amiens venait de transférer la souveraineté d’Agen aux anglais et la transmission des pouvoirs se fit le 9 août 1279 en présence de Bertrand et de Béraud. Le sénéchal de Gascogne Jean de Grailly reçut les nouveaux serments pour le roi d’Angleterre.
    Le maître de Bertrand à Agen fut Pierre Cahuzac qui enseignait au monastère de Saint-Férréol.
    Bertrand trouve l’occasion de se rendre à Toulouse et de rencontrer l’évêque Richard de l’Isle-Jourdain qui lui fait visiter ses trois bibliothèques remplis de livres inestimables.
    Si l’on en croit certains auteurs, il quitte Agen pour Paris, où il rencontra le Dauphin d’alors, qui deviendra en 1285 à la mort de Philippe le Hardi, Philippe IV le Bel. Son grand-père Louis IX sera canonisé en 1297 par le Pape Boniface VIII et deviendra St Louis roi de France.
    L’université donnait ses cours Rue du Fouarre et la Sorbonne était établie Rue Coupe-gueule. On y apprenait les 7 lumières: Grammaire, Rhétorique, dialectique, Arithmétique, Géométrie, Musique et Astronomie. La partie la plus prisée était la Rhétorique. Les étudiants disposaient à Paris de tous les ouvrages connus. Le Petit Pont, le Grand Pont et la montagne Ste Geneviève étaient le paradis deslivres. « Ecrivez, écrivez, disait un abbé, chaque lettre tracée par vous en ce monde vous enlèvera un péché dans l’autre ».
    Pour les étudier, on prenait les livres en location et la bibliothèque de la Sorbonne contenait plus de 1000 livres.
    Le Dauphin de France avait perdu très tôt sa mère Isabelle et il était replié sur lui-même et peu communicatif. L’évêque de Pamiers disait du futur Philippe IV: « C’est le plus bel homme du monde mais il ne sait que regarder les gens en face, sans parler, c’est une statue ». Ils rencontrèrent l’Augustin Gilles de Rome qui était le précepteur du futur roi. Il voulait persuader, sans y parvenir, son élève que le pouvoir religieux était supérieur au pouvoir royal.
    La langue officielle était le latin, mais le peuple ne l’entendait plus et les nobles ne voulaient plus l’étudier. Les prêtres étaient obligés de prêcher en langue vulgaire et les poètes s’exprimaient en langue populaire.
    Parmi les ouvrages à la mode, on trouve de Jean Clopinel, poète à la cour, la traduction dulatin des lettres d’Abélard et Héloïse.
    Bertrand de Gout et son ami Arnaud de Pellegrue décident d’étudier le droit à l’Ecole des lois d’Orléans. Leurs maîtres y furent Roger Lefort et Pierre Chappelle. Sous le prétexte d’obtenir son brevet de doctorat, il part pour Bologne et de là à Rome, où il est bien reçu par le Pape Martin III et par Benoît Cajétan, Archevêque de Milan, qui va devenir Pape sous le nom de Boniface VIII.
    A cause du décès de son père, il rentre dans sa famille puis à Bordeaux dont l’évêque Simon de Rochechouart, décédé depuis 4 ans, n’a pas été remplacé.
    Philippe III, roi de France, fils de St Louis meurt à Perpignan le 15 septembre 1285 à 41 ans après 15 années de règne.
    Bertrand est ordonné prêtre à l’âge de 26 ans (1290) par l’Archevêque Guillaume III. Très rapidement, son frère Archidiacre du diocèse d’Agen va être nommé par Martin IV, Archevêque de Lyon, en remplacement de Rodolphe de Torrete. Il va demander à son frère de venir le seconder en qualité de Vicaire Général. Il y recevra lesjuifs chassés d’Angleterre par Edouard 1er pour faux monnayage. Il recevra également Benoît Cajétan, légat du Saint-Père.
    Beraud de Gout est choisi pour annoncer à Pierre Mouron, en juillet 1294, qu’il était nommé Pape. Le 15 décembre 1294, celui-ci abdiquera et Benoît Cajétan lui succède sous le nom de Boniface VIII.
    En 1295, le nouveau Pape nomme Bertrand de Gout évêque de St Bertrand de Comminges. Bertrand emmène avec lui son ami Arnaud de Pellegrue qui deviendra son vicaire Général. Il est le candidat personnel du Pape contre l’avis des chanoines. Il lui fallut user de toute sa diplomatie pour se faire admettre des chanoines d’abord et du Comte de Comminges (Bernard XIII) ensuite, père de neuf enfants.
    Dans un conflit qui oppose Philippe le Bel et le roi Edouard d’Angleterre, le Pape Boniface VIII nomme médiateur, le cardinal Beraud de Gout (frère aîné de Bertrand). Cette médiation échoue et Bertrand voit sa famille se diviser entre pro-anglais et pro-français. Boniface VIII obtiendra une trêve de deux ans et pour faire acte de bonne volonté, canonisa le roi Louis IX (1297) dont la cause avait été introduite par Nicolas IV. L’Aquitaine revint alors sous la souveraineté anglaise.
    C’est pendant son passage à St Bertrand de Comminges qu’il va rencontrer Brunissende de Foix, la fille du Comte de Foix que les Italiens, tel Mattéo Vilani veulent à tout prix mettre dans son lit. En fait, Bertrand est l’élève de Boniface VIII, l’un des premiers papes à vouloir mettre de l’ordre dans les murs de l’Eglise et en particulier à s’attacher au dogme du célibat des prêtres. L’amitié de Brunissende et de Bertrand restera purement platonique. D’ailleurs Brunissende sera mariée au Comte Hélie de Talleyrand Périgord à qui elle donnera 8 enfants.
    Appelé à Rome à la fin de 1299, le Pape Boniface VIII le nomme Archevêque de Bordeaux par permutation avecBoson de Salignac qui faisait fonction d’Archevêque, le poste n’ayant pas été pourvu depuis 4 ans. Il prit comme vicaires généraux Arnaud de Pellegrue et Arnaud d’Aux.
    Le sanctuaire de la souveraineté à Bordeaux était toujours le château de l’Ombrière, fort délabré où le Sénéchal, le Connétable et le Prévôt Royal résidaient. Gaillard de Gout (frère de Bertrand) sedémet de sa propriété de Pessac en faveur de son frère et cette propriété devenue le Château du Pape Clément restera la propriété des Archevêques de Bordeaux jusqu’à la révolution.
    Bertrand obtient aussi l’aide de l’abbé de Ste-Croix Guillaume de la Loubère qui lui accorda les revenus de 1ère année de chaque prieuré qui viendrait à vaquer.
    Pendant l’année 1301, Bertrand organise son diocèse. Mais, à cette époque naît le conflit entre Philippe le Bel et le Pape Boniface VIII à propos d’impôts levés par le roi sur le clergé. Le 1er novembre 1302, le Pape convoqua à Rome tous les prélats et évêques du royaume pour délibérer sur les libertés de l’Eglise.
    Philippe le Bel réplique en convoquant pour le 10 avril 1302 les premiers Etats Généraux de la nation (clergé, noblesse et bourgeoisie). Bertrand se rend donc à la convocation du roi, mais prend la précaution de faire une déclaration, dans laquelle il proteste pour lui et son église, qu’il n’est tenu à aucun hommage ou serment de fidélité envers le roi de France.
    Certes la déclaration de Boniface très violente dans la forme cabrait tout le monde. Les Etats Généraux décidèrent d’écrire au Pape et aux cardinaux. Le roi interdit aux évêques français de se rendre à la convocation de Boniface VIII. Bertrand décida de s’y rendre. Le Concile s’ouvrit le 1er novembre 1302 (s’y trouvait 39 évêques et 4 abbés français). Le 18 novembre 1302 la bulle « Unam Sanctam » répondit à la lettre collective des évêques de France et promulguait la thèse selon laquelle: « Les deux glaives, le spirituel et le temporel sont entre les mains de l’Eglise. Le premier pouvoir est tenu par l’Eglise elle-même et l’autre par les rois. Tout homme est soumis au Pape et cette croyance est nécessaire au salut ».
    Bertrand rentre à Bordeaux au début de l’année 1303. Philippe le Bel répond à la bulle Unam Sanctam en envoyant son émissaire Nogaret avec une troupe d’hommes armés à Agnani, village natal du Pape. Ils brûlent les portes du palais. Sciarra Colonna gifla le Pape et Nogaret lui lut une sommation d’avoir à paraître devant un prochain concile réuni par Philippe le Bel.
    Délivré par les gens d’Agnani, le Pape rentre à Rome où il meurt des suites des humiliations subies le 11 octobre 1303. Le Conclave aussitôt réuni va élire Boccasini qui prendra le nom de Benoît XI. C’était un homme de grande aménité qui releva le roi et la France de toutes les sentences fulminées par Boniface VIII avant sa mort sauf celles contre Nogaret et Colonna.
    Bertrand tenu de participer à la guerre engagée par Philippe le Bel contre les Flandres partit le 22 juin 1305 faire une tournée dans son archidiocèse (six diocèses: Bordeaux, Agen, Périgueux, Angoulême, Saintes et Poitiers). Il visita plus de 300 abbayes ou prieurés. Il rendit visite au Comte et à la comtesse de Périgord (Brunissende).
    Pendant ce temps, se tenait à Pérouse, le conclave pour l’élection d’un nouveau pape, Benoît XI étant mort empoisonné au bout d’un an de Pontificat. Le 20 Juin 1305, Bertrand se trouvait à Lusigan en Poitou quand on vient lui apprendre qu’il a été nommé Pape.
    L’élection avait eu lieu le 5 juin 1305 grâce à la réunion de 5 cardinaux du parti de Boniface VIII et les 5 cardinaux Orsini, soit 10 cardinaux sur le conclave qui en comptait 15.
    Par Saintes, il regagne Bordeaux où il est reçu triomphalement par le Sénéchal de Guyenne, John de Havering, le 23 juillet 1305.
    Bertrand prit le nom de Clément V en souvenir de Clément IV (Guy Fouquet) secrétaire de St Louis puis Archevêque de Narbonne et adopte les armoiries de sa famille: d’or à trois fasces de gueules, c’est-à-dire 3 bandes horizontales en référence au ceinturon militaire. Il choisit la ville de Lyon comme lieu de son couronnement (sur les instances de Philippe le Bel).
    Parmi la quantité de provisions offerte au nouveau Pape à l’occasion de son retour triomphale à Bordeaux, figurent 15 hérons et deux esturgeons, met royal qui était la propriété du roi d’Angleterre.
    La bulle du Pape ou lettre était scellée d’une boule de plomb qui représentait les effigies des apôtres Pierre et Paul et portait la mention: « Benédicat nos Déus ».
    Clément V se met en route le 26 août pour Lyon, s’arrête le 3 septembre à Villandraut et à Uzeste puis Agen où il est reçu par son oncle. Il passe 8 jours à Toulouse et retrouve son ancien professeur Pierre Chapelle. Il arrive à Lyon le 4 novembre.
    La cérémonie du couronnement eut lieu le 14 novembre 1305 dans l’église Saint-Just de Lyon. Elle fut entachée d’un grave accident: un mur surchargé de badauds s’écroula sur le cortège. Le Pape fut renversé de sa mule, il y eut de nombreux morts et blessés dont le Duc de Bretagne qui tenait la bride de la monture papale. Cet événement fut regardé comme un mauvais présage pour la suite du Pontificat. Le cardinal Mathieu des Ursins et un frère du Pape, Gaillard de Gout, furent tués.
    Le Pape restera trois mois pour pouvoir discuter avec Philippe le Bel des problèmes du moment. Parmi ceux-ci figuraient au premier plan les problèmes financiers du roi, toujours à court d’argent, pour financer en particulier la guerre des Flandres où il avait subi une défaite cinglante à Courtrai en 1302.
    Le Roi s’en était prit d’abord aux juifs qu’il obligeât à porter la Rouelle (morceau de drap jaune qu’ils devaient porter sur la poitrine). Il déclara que le prêt avec intérêt étant défendu, les fortunes juives étaient mal acquises et devaient être confisquées. Puis il falsifia sa propre monnaie.
    Pour aider Philippe le Bel, Clément V (1306) lui accorda 1 décime: c’est-à-dire le dixième des revenus de l’Eglise de France, pendant cinq ans, à condition qu’il rétablisse une bonne monnaie dans le royaume.
    Le roi remercie le Pape en nommant Garcias de Gout vicomte de Lomagne et d’Auvillars. Il sera le légataire de Clément V à sa mort.
    Un des premiers actes de Clément fut d’affranchir l’Archevêché de Bordeaux de toute dépendance du siège de Bourges et de nommer cardinal Frigier de Canteloup ainsi que dix autres dont un anglais Thomas de Jorz, le 13 décembre 1305.
    Au lieu de prendre le chemin de Rome, divisée par les factions et l’anarchie, il se dirigea vers Macon puis Cluny où il reste 3 jours, ensuite Nevers, Bourges où l’évêque Colonna épuisa ses ressources dans cette réception, puis par Limoges et se rend à Périgueux où il est reçu par la Comtesse de Périgord qui vient de donner naissance à celui qui deviendra le futur Cardinal de Périgord.
    Brunissende de Foix fut une mère exemplaire, elle donna trois enfants avec Hélie VII, comte de Périgord épousé en 1298, le premier fut un garçon Roger Bernard né en 1301, qui deviendra cardinal, et 2 filles: Marguerite en 1305 et Rogemburge en 1310. Il y avait cinq autres enfants qu’Hélie VII eut d’un premier mariage avec Philippa de Lomagne épousée en 1274. Les calomnies de Dante et Villani concernant les relations entre Brunissende et Clément V ne sont fondées sur aucune correspondance ou fait ou début de preuve.
    Il arrive enfin le 11 mai 1306 à Bordeaux. C’est à cette époque qu’il entreprend la construction du château de Villandraut, la reconstruction de l’église d’Uzeste et de la collégiale de Villandraut (disparue en 1863).
    En août il tombe malade et fut soigné par le grand médecin Arnaud de Villeneuve dont Raymond Lulle, l’inventeur de l’alcool médical a été l’élève. Le 31 octobre grâce à une médication prescrite par Pierre d’Aschspalt, évêque de Bâle (pour le remercier il le nomme Archevêque de Mayence), il entre en convalescence.
    Pendant ce temps, Philippe le Bel demandait au Pape une entrevue. Il fut décider que cette entrevue aurait lieu à Poitiers. Le Pape se met en route le 14 mars et arrive le 17 août. Le roi arrive à Poitiers le 27 mai. Clément V va s’occuper des affaires de l’Eglise ainsi que celles pendantes entre la France et l’Angleterre.
    Il supprime les deux bulles de Boniface VIII (Unam sanctam et Cléricos Laïcos), et proclame la suprématie du Saint-Siège sur les rois en tant que chrétiens seulement. Il reçoit Thomas de Tolentino, porteur des lettres de Montcorvin envoyé enChine par Boniface VIII. Clément V le nomme Archevêque de Pékin et lui envoie 7 coadjuteurs qu’il sacre évêques avant leur départ.
    Le Pape convoque Jacques de Molay pour étudier les voies d’une fusion des 4 ordres: Templiers, Hospitaliers, Teutoniques et Calatrava. Jacques de Molay refusa de participer à ce projet, ce qui contribua largement à décider Philippe le Bel à détruire l’ordre du Temple.
    Une autre question soulevée à Poitiers, fut à nouveau, celle de l’orthodoxie de feu le Pape Boniface VIII dont le roi voulait faire condamner la mémoire. Clément V s’y refusa et cita les diffamateurs du Pape devant son tribunal, le 1er février 1309.
    En même temps, le roi d’Angleterre, Edouard 1er mourait le 7 juillet 1307 et fut remplacé par Edouard II, qui épousera Isabelle de France, fille de Philippe le Bel. Mariage qui légitimera les prétentions de ses successeurs à la couronne de France: les fils de Philippe le Bel n’ayant donné aucune postérité mâle.
    Ainsi, il demeure à Poitiers jusqu’au 12 août 1308. C’est à cette époque qu’il choisit Avignon pour nouvelle résidence de la Papauté. Cette situation était proche du Comtat-Venaissin qui appartenait à la Papauté depuis 1274. Toutefois, avant de quitter Poitiers, il lui reste à traiter avec le roi, la grave affaire des Templiers.
    Ceux-ci apparaissent après la prise de Jérusalem en 1099. Au début, ils sont peu nombreux, une dizaine et se constituent en ordre monacal sous l’impulsion de leur premier maître Hugues de Pays (ou de Payens). On commence à parler d’eux à partir de 1118 environ.
    Hugues de Payns entreprend une tournée dans les pays chrétiens afin de présenter son ordre au pape Honorius II qui le confirme au Concile de Troyes en 1128. L’ordre sera à nouveau confirmé au Concile de Latran en 1138 par Innocent II.
    Cet ordre dont la règle est plus ou moins inspirée par Bernard de Clairvaux. Elle comprend 72 articles qui règlent les rapports de l’ordre avec la religion, des moines soldats entre eux et de leurs relations avec le monde extérieur. Ils font les quatre voeux de chasteté, pauvreté, obéissance et hospitalité. Ils ont les mêmes obligations religieuses que les moines, c’est-à-dire les sept prières quotidiennes. Ils doivent avoir entre eux et leurs serviteurs, des rapports d’une extrême courtoisie. Dans leur dortoir, leurs lits étaient individuels et ils devaient porter pour la nuit, une chemise et un caleçon. Dans leur vie, ils devaient se tenir éloignés des femmes.
    Ayant été favorisés par les papes en raison de leur spécificité, c’est-à-dire la défense du Royaume de Jérusalem, ils prospérèrent pendant deux siècles, au point de devenir immensément riches et de posséder dans l’occident chrétien 10 000 maisons templières. Ces maisons étaient de grosses fermes vivant en autarcie complète dont les revenus étaient collectés pour alimenter en moyens financiers la maison du Temple de Jérusalem.
    Comme ils n’obéissaient qu’au grand maître, lequel ne dépendait que du Pape, les conflits avec les autres ordres et avec les rois de Jérusalem furent nombreux. Le plus connu est celui où Joinville demande aux Templiers le complément de la rançon de St Louis, lors de la 7ème croisade. Les Templiers refusent arguant que cet argent ne leur appartient pas. Ils finissent par céder lorsque Joinville menace de défoncer les coffres du Temple à la hache.
    En fait, ils prêteront beaucoup d’argent à Philippe le Bel, en particulier la dot d’Isabelle, femme d’Edouard II d’Angleterre. Revenus en France en 1307, ils nourrissaient la moitié des pauvres de Paris.
    Malgré cela, leur orgueil les faisait détester par le peuple et le fait que les évêques n’aient aucune autorité sur eux ne facilitait pas leurs rapports dans les innombrables conflits qui les opposaient.
    Des Templiers transfuges de l’ordre enfermés à Toulouse pour hérésie firent une première déposition contre l’ordre qu’ils firent transmettre à Philippe le Bel. Suite à de nouvelles dénonciations, le roi décide de brusquer les choses et le 13 octobre 1307, il fait arrêter par surprise, tous les Templiers français. Il demande également à tous ses frères les rois des royaumes chrétiens de faire de même.
    Le Pape qui n’a pas été informé de cette arrestation massive, proteste vigoureusement. Le 27 octobre, il envoie à Philippe, les cardinaux Bérenger et Etienne avec une lettre dans laquelle il manifeste son émotion. Le roi ayant chargé les Dominicains de l’instruction du procès, le Pape suspend les pouvoirs des évêques et des Inquisiteurs chargés de ce procès. Mais le roi à déjà fait procéder à de nombreux interrogatoires par Guillaume de Paris et Humbert Inquisiteur de France. De plus, il convoque les Etats Généraux pour mai 1308 afin de présenter l’affaire aux notables, prud’hommes et bon peuple de France. 225 villes furent représentées. Ni la Bretagne, ni la Guyenne n’étaient présentes.
    Tous ces notables furent d’accord pour condamner les Templiers. C’est avec ce consensus en mains, que Philippe se rendit auprès du Pape à Poitiers. Il amenait avec lui 72 prisonniers qui renouvelèrent leurs aveux devant le Pape. Ces aveux étonnants portaient sur les cérémonies de réception au cours desquelles ils reniaient le Christ et se livraient à une prostitution mutuelle.
    Le Pape se décida à réagir avec vigueur et il demanda aux rois et princes des pays où il y avait des commanderies, d’emprisonner les Templiers et de leur appliquer la question ordinaire pour les faire avouer. Puis il convoqua un concile général qui devait se réunir à Vienne en Dauphiné pour le 1er octobre 1311.
    Les frères d’Irlande et d’Ecosse ne confessèrent rien. A Londres beaucoup se déclarent coupables et furent livrés au bras séculier. A Salamanque, ils furent déclarés innocents. Ceux de Mayence furent acquittés et ceux de Provence furent arrêtés et plusieurs brûlés. A la suite de Concile de Sens, 54 furent immédiatement brûlés. A Paris, 59 montèrent sur le bûcher. 573 templiers rétractèrent leurs aveux et pour la plupart seront remis en liberté.
    La question de savoir si l’ordre du Temple était hérétique, serait soumise au Concile de Vienne.
    Le 18 août 1308, Clément V quitte enfin Poitiers et se met en route par Ligugé, Lusignan, Saintes où il reste une semaine, puis St Emilion. Ensuite Duras où il rend visite à son neveu Bertrand, Caudrot, St-Macaire et le monastère de la Sauve. Il arrive le 6 octobre à Lormont où il passe un mois chez Arnaud de Canteloup.
    Le mois suivant, il se rend à Villandraut, Uzeste et Bazas. Il fait ses adieux au château qu’il vient de faire construire, à la Vierge d’Uzeste et par petites étapes, il s’achemine vers Avignon. Il met 5 mois et demi pour arriver à destination en s’arrêtant à Lectoure, Auvillars, Toulouse, Comminges, Montpellier, Lunel et Orange.
    A Auvillars, il apprend l’élection de l’empereur d’Allemagne Henri de Luxembourg, dont il avait soutenu la candidature contre celle de Charles de Valois soutenu par Philippe le Bel.
    A Toulouse, il recevra la Comtesse Brunissende de Périgord venue intercéder pour la seconde fois en faveur de son frère Gaston de Foix frappé par un arrêt du Parlement et par une excommunication du Pape. Ce dernier réussit à le réconcilier avec le Comte d’Armagnac avec qui il avait eu de nombreux démêlés.
    A St Bertrand de Comminges, il déposa les reliques de St Bertrand dans une châsse d’argent ornée de pierres précieuses dont il fait don à l’église.
    Le 9 mars 1309, Clément fait son entrée à Avignon par le pont coudé du Rhône. François Magnier, primicier de l’Université fit une belle harangue. Un cardinal italien dit à son voisin: « Espérons que nous ne resterons pas ici pendant les 70 ans que dura la captivité de Babylone. »
    Clément V, pour bien souligner qu’il était de passage, ne construisit rien en Avignon. Le Palais des Papes fut construit par ses successeurs et dès 1378, la Papauté revint à Rome avec le Pape Grégoire XI.
    Clément résida au couvent des Dominicains qui était fort beau, mais surtout à Carpentras, puis au prieuré du Groseau près de Malaucène où il se fit construire une résidence agréable.
    Il est lui-même constamment malade, il eut fréquemment des coliques, saignements de nez et fièvres. D’où son goût pour les médecins et son souci de développer les connaissances médicales. Il érigea en université Orléans, fonda l’université de Coimbre au Portugal et celle de Pérouse. En outre, il organisa la faculté de Montpellier, conseillé par ses médecins Jean d’Alais et Alain de Villeneuve auteur du livre « Pratique pour le régime du Pape Clément ».
    Le Pape envoie en Italie son légat, le cardinal de Pellegrue, s’alliant à Florence et Bologne, il gagne la bataille de Francolino qui renforce l’autorité du Pape sur la péninsule.
    Il nomme 4 cardinaux qui sont Guillaume de Farges, Arnaud de Falguière, Bertrand de Jarre et Bertrand de Bordes, évêque d’Albi, qui se fit inhumer à sa mort en 1313 dans l’église d’Uzeste.
    Le 16 mars 1310, dans la salle du couvent des frères prêcheurs d’Avignon, comparurent les accusateurs du Pape Boniface VIII. Pour le roi de France: Guillaume de Plasian, Guillaume de Nogaret, Guillaume de Gaillard et Pierre de Broc, assistés d’un clerc Alain de Lamballe. Le plus redoutable était Nogaret, auteur de l’attentat d’Agnani devenu garde des sceaux en 1307. C’est lui, qui le 25 juillet 1306 avait fait arrêter tous les juifs du royaume et le 13 octobre 1307, fait arrêter tous les Templiers de France.
    Le cardinal Cajétan figurait parmi les défenseurs de son oncle. La controverse fut violente d’autan que Boniface VIII avait mécontenté les ordres religieux qui lui étaient restés hostiles. Clément sut éviter un double danger, soit de commettre une injustice soit de flétrir un pape. Il sortit de cette épineuse affaire, grandi.
    Vint le temps du Concile de Vienne, où se réunirent dans la cathédrale St Maurice: 12 cardinaux, les Patriarches d’Alexandrie et d’Antioche, 300 évêques, 114 prélats mitrés sans compter les abbés des couvents prieurs, doyens et prévôts des églises. Cinq rois y parurent à différentes reprises. Trois affaires étaient officiellement débattuespar le Concile: l’affaire des Templiers, le secours à la Terre Sainte et la discipline du clergé.
    Il y eut 3 sessions, le 16 octobre 1311, le 3 avril 1312 et le 2 mai 1312. Dès le début, revinrent à nouveau les attaques contre Boniface VIII. Les débats durèrent 3 jours au bout desquels, Clément V rendit un décret par lequel il proclamait Boniface VIII pape légitime et irréprochable au point de vue de la Foi.
    Enfin, vint l’affaire la plus difficile: celle des Templiers. Le chevalier de Boulogne, mandaté pour défendre les Templiers, soutint que tous les aveux avaient été surpris ou forcés et que toutes les procédures étaient nulles parce que les chevaliers du Temple avaient le privilège de n’être jugés que par le Pape. Mais le Concile ne pouvait se constituer juge d’appel pour réformer les décisions ou les condamnations des conciles provinciaux. Il ne pouvait ni emprisonner les Templiers acquittés ni déclarés innocents ceux qui avaient été exécutés.
    Dans cette situation, le Pape décida d’éviter un jugement en forme de sentence judiciaire et choisit la seule forme raisonnable, c’est-à-dire de supprimer l’Ordre du Temple par mesure disciplinaire sous sa propre responsabilité. Sentence rendue le 12 mars 1312. Beaucoup d’ordres religieux avaient été ainsi supprimés. Par exemple, l’ordre des Frères de la Pénitence, l’ordre des Martyrs, l’ordre des Apôtres celui des Crucifiés, des Humiliés, des Jésuates.
    Les chevaliers du Temple qui n’avaient pas été reconnus coupables furent remis en liberté. Beaucoup se firent Hospitaliers, certains Chartreux et les Portugais fondirent l’ordre du Christ pour les recevoir. En ce qui concerne les biens du Temple, malgré la pression de Philippe le Bel venu au Concile avec ses fils et toute une armée, le Pape décida d’attribuer les biens du Temple aux Hospitaliers de St Jean de Jérusalem.
    Ces derniers venaient en 1311 de s’emparer de l’île de Rhodes et devenus les Chevaliers de Rhodes portaient les espoirs de la chrétienté pour une éventuelle nouvelle croisade. Les biens templiers de Castille, Aragon, Portugal furent laissés à la disposition des rois. Ceux d’Allemagne, partagés avec les chevaliers teutoniques. Une bulle du Pape obligea les Templiers restants à se présenter devant un évêque pour justifier qu’ils s’étaient soumis au décret de dissolution. L’Ordre du Temple avait vécu 184 ans.
    Au Concile, furent critiqués les Dominicains dans la façon dont ils menaient les inquisitions et il fut décidé qu’ils ne pourraient désormais procéder sans les évêques. On décida aussi que nul ne pourrait devenir évêque s’il n’était docteur en théologie ou en droit, que les femmes devront être aussi instruites que les hommes et devront étudier le latin, la grammaire, les sciences naturelles, la chirurgie, la médecine et être invitées à bien connaître la doctrine chrétienne.
    Clément ayant déjà fondé des chaires d’hébreu, de chaldéen, d’arabe, de syriaque et de grec à Rome, Oxford, Bologne et Salamanque on entreprit de généraliser ces mesures. Ces délibérations donnèrent une impulsion à toutes les études.
    Il y avait en Europe 19 000 maladreries ou léproseries, mal gérées en général par des ecclésiastiques. Elles seront désormais gérées par des laïcs probes, sages et prudents.
    Le Concile autorisa la levée d’un décime paran pendant 6 ans pour une nouvelle croisade, qui n’aura jamais lieu. Son oeuvre fut cependant si complète, qu’il n’y eut pas d’autre Concile de l’église pendant 100 ans.
    Après le Concile, le Pape nomma 9 nouveaux cardinaux dont Vital Dufour de Bazas, provincial des Franciscains d’Aquitaine, de même que Jacques Dueze qui devait devenir Jean XXII.
    En 1311, Hélie de Talleyrand-Périgord meurt, laissant Brunissende avec 8 enfants. Elle eut l’occasion d’aller à la cour d’Avignon pour demander conseil à son ami le Pape Clément. Le florentin Vilani profite de cette circonstance pour se moquer d’elle en la nommant « la Pélagorso » (la chevelure rousse).
    Clément toujours malade fit faire son portrait par le peintre Giotto. Portrait transmis à son élève Taddéo Gaddi et malheureusement disparu.
    Le 13 avril 1313, il charge Pierre de Labatut d’ériger en collégiales, les églises d’Uzeste et de Villandraut et choisit pour sépulture l’église d’Uzeste.
    Son testament fait état de nombreux legs destinés à des jeunes filles pour leur dot, de nombreuses aumônes pour les pauvres, les lépreux et les infirmes, à de nombreux couvents et enfin aux membres de sa famille et de son entourage.
    Par sa bulle du 22 décembre 1312, Clément V délègue à Paris 2 cardinaux, Bérenger et Etienne Landulphe pour absoudre ou condamner le grand maître Jacques de Molay, le visiteur de France Hugues de Péyraut, Geoffroy de Gonneville visiteur d’Aquitaine et Geoffroy de Charnay précepteur de Normandie.
    Les cardinaux estimèrent que la punition devait être le mur perpétuel c’est-à-dire la prison à vie. Ils firent dresser un grand échafaud sur le parvis de Notre-Dame autour duquel la foule du peuple s’assembla. On demanda aux quatre inculpés de renouveler en public le procès-verbal de leurs aveux en date du 25 mai 1308. C’est ce que firent Geoffroy de Gonneville et Hugues de Peyraut. Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay crièrent qu’ils rétractaient tout ce qu’ils avaient dit devant les juges et qu’ils avaient déposé faussement contre l’Ordre. Les deux inculpés furent reconduits en prison.
    Le conseil du roi se réunit d’urgence, déclara que les inculpés étaientrelaps et les condamna à être brûlés vifs. Un bûcher fut dressé dans l’îlot aux juifs, à l’emplacement actuel du Pont-Neuf et les deux Templiers furent brûlés le 11 mars 1313. La tradition veut que Jacques de Molay et Guillaume de Charnay donnèrent assignation au pape et au roi de comparaître devant la justice de Dieu dans l’année qui allait suivre. Le pape mourut le 20 avril 1314 et le roi le 29 novembre 1314.
    Le 5 mai 1313, le pape Clément V prononce solennellement la canonisation du pape Célestin V. Le 12 décembre, il s’installe au château de Monteux et y passe 4 mois d’hiver.
    Bien que la santé du pape décline, il s’occupe activement à réunir et classer les décrets du Concile avec ses propres décisions. Le septième livre des décrétales comporte 52 chapitres qui organisent l’instruction, la charité, les hôpitaux, imposent de salutaires disciplines au clergé régulier et séculier, répriment les malversations des prélats et le délit d’usure. Il est resté en vigueur jusqu’au début du 20ème siècle. Connu sous le nom de « clémentines », elles furent solennellement promulguées au château de Monteux, le 25 mars 1314.
    Se sentant mourir, Clément décide de revenir à Villandraut. Le 9 avril, il s’arrête à Roquemaure dans la maison du chevalier Ricaldi. Il dicte un long codicille à son testament et meurt le 20 avril 1314.
    Son corps est rapporté à Carpentras où une chapelle ardente met le feu à des tapisseries et le pape a les pieds brûlés. Les gascons viennent réclamer le corps de Clément. On se battit en ville et les cardinaux réunis en conclave se sauvèrent. En août 1314, son corps revint enfin à Uzeste où il fut provisoirement inhumé dans la crypte en attendant la réalisation de son tombeau en 1359.
    En 1577, les Huguenots de Marmande vinrent piller, profaner et détruire le tombeau. Ils brûlèrent les restes du pape dans ses ornements pontificaux et s’acharnèrent sur le gisant dont ils mutilèrent le visage.
    Ce qui restait de son tombeau fut relevé et son épitaphe peut encore se lire: ici repose d’heureuse mémoire le seigneur Pape Clément V, fondateur des églises d’Uzeste et de Villandraut qui mourut à Roquemaure du diocèse de Nîmes, la neuvième année de son pontificat et qui fut porté en cette église de Notre-Dame le 27 août suivant, l’an du seigneur 1314 et enseveli le ? 1359.
    Sa statue se retrouve au porche septentrional de la cathédrale de Bordeaux, au tympan de la double porte, entouré de 6 évêques. Malheureusement, à la révolution les émeutiers lui firent sauter la tête. Elle a été remplacée par une figure d’emprunt qui ne fut jamais celle de Clément V.
    Durant ces neuf années de Pontificat, qui fut une période particulièrement difficile pour la Papauté, il sut éviter tous les écueils et l’a laissée après lui, plus responsable et plus forte.
    Sources: Par M. de RICHECOURT

    Clément-V
    Clément V (Bertrand de Goth, de Gauth, ou de Got)
    Naquit près de Bazas, à Uzeste, d’après Isambert ; à Villandraut, d’après Jouannet, vers l’an 1264. Son père, Béraud ou Bérard Garcias de Goth, était chevalier, seigneur d’Uzeste et de Villandraut et neveu de Benquet, évêque de Bazas en 1166. Bertrand fut ordonné prêtre à Bordeaux en 1289, institué évêque de Comminges par le pape Clément VIII en 1295 et nommé archevêque de Bordeaux par le même pape en 1299. Grâce aux intrigues de Philippe le Bel, il fut élu pape le 15 juin 1305 et sacré à Lyon à la fin de la même année. En 1306, il abolit les deux bulles par lesquelles son prédécesseur avait empiété sur les droits de la souveraineté temporelle.
    En 1307, se rendit à Poitiers pour conférer avec les rois de France, de Navarre et d’autres puissants seigneurs ; dans cette conférence fut concertée la destruction de l’ordre des Templiers, qui devenait de plus en plus puissant et plus indépendant vis-à-vis du pape et des souverains. Il convoqua un concile œcuménique à Vienne en 1311. C’est durant le long et lugubre procès des Templiers que Clément transféra, dès 1308, le saint siège à Carpentras et à Avignon, villes qui n’étaient pas alors sous la domination du roi de France.
    Après avoir, sous l’instigation de Philippe le Bel, ouvert en 1309 un procès contre la mémoire de Boniface VIII qui avait excommunié Philippe, il termina le procès par l’acquittement de son prédécesseur (1311).
    Le 6 mai 1311, il lança une bulle abolissant l’ordre des Templiers et la notifia au concile de Vienne dans sa seconde session (1312).
    Le 5 mai 1313 Clément canonisa Célestin V.

    En 1314 il publia les constitutions qu’il avait puisées dans les délibérations du Concile de Vienne et qui portent le nom de Clémentines, — Il mourut à l’âge de cinquante ans, en 1315, au château de Mouranez, appartenant à Philippe le Bel son trésor fut pillé, son corps transporté à Carpentras où résidaient les cardinaux, puis en Gascogne où il fut enseveli en 1315 dans l’église Sainte-Marie d’Uzeste qu’il avait fait construire, On lui doit la construction du château de Villandraut et celle de plusieurs autres châteaux, qu’à son exemple les cardinaux de sa cour bâtirent dans la province, mais l’histoire lui reproche une cupidité sans bornes, des goûts et des intrigues peu chrétiennes.
    Pourquoi faut-il aussi qu’elle ait à lui reprocher d’avoir contribué à la cruelle proscription des Templiers et à l’assassinat juridique de leur chef ?
    Sa statue décore le pilier central de la porte nord de l’église de St-André, à Bordeaux Son tombeau, qui se trouve à Uzeste, a été décrit par M, de Lamothe dans : Choix des types les plus remarquables de l’architecture au moyen âge dans le département de la Gironde. Un procès-verbal d’enquête, dressé le 2 juillet 1845 par M. le maire d’Uzeste, constate qu’en 1805 le tombeau du pape Clément V fut ouvert et qu’il fut reconnu renfermer intacts les restes de ce pape.
    Une tradition répétée partout aux environs de Langon et d’Uzeste rapporte que Clément V, tout enfant, écrivait sur le sable : Ziste, zeste, sérey un jourt pape d’Uzeste.
    Sources : Féret, édouard. Statistique générale, topographique, scientifique, administrative, industrielle, commerciale, agricole, historique, archéologique et biographique du département de la Gironde. Tome 3, Page 145 et 146. Partie 1. BNF

    Fusion des Ordres

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